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19/12/2014 | FRANCE | N°13/08094

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 19 décembre 2014, 13/08094


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : 13/08094





[X]



C/

CAISSE D'EPARGNE LOIRE DROME ARDECHE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 02 Octobre 2013

RG : F 12/00605











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2014







APPELANT :



[S] [X]

né le [Date naissance 1] 195

0 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]



comparant en personne, assisté de Me Jean-pierre COCHET de la SELARL SEDOS CONTENTIEUX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE et par Me François SAINT-PIERRE, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



CAISSE D'EP...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 13/08094

[X]

C/

CAISSE D'EPARGNE LOIRE DROME ARDECHE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 02 Octobre 2013

RG : F 12/00605

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2014

APPELANT :

[S] [X]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Jean-pierre COCHET de la SELARL SEDOS CONTENTIEUX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE et par Me François SAINT-PIERRE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

CAISSE D'EPARGNE LOIRE DROME ARDECHE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Christophe NEYRET de la SELARL CHRISTOPHE NEYRET AVOCATS, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 13 Mai 2014

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Novembre 2014

Composée de Christine DEVALETTE, Président de chambre

et Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller, toutes deux magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Christine DEVALETTE, président

- Mireille SEMERIVA, conseiller

- Chantal THEUREY-PARISOT, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Décembre 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Christine DEVALETTE, Président et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. [S] [X] a été embauché le 1er mars 1972 par la Caisse d'Epargne, devenue la CAISSE D'EPARGNE LOIRE DROME ARDECHE (celda) ; il occupait en dernier lieu les fonctions de Responsable du Département Valorisation et Réalisation de Patrimoine.

Il a été licencié le 24 novembre 2000 pour divergences d'appréciation relatives aux objectifs fixés et aux résultats professionnels attendus et il a été dispensé de l'exécution de son préavis.

Une transaction est intervenue entre les parties le 30 novembre 2000.

Une information a été ouverte le 22 novembre 2000 par le Parquet de Saint Etienne, à la suite d'une plainte déposée le 8 novembre 2000 par le Président du directoire de la Caisse d'Epargne.

M. [S] [X] a été mis en examen le 29 janvier 2002 du chef de complicité d'abus de bien sociaux et la Cour d'appel de Lyon l'a relaxé des fins de la poursuite par arrêt du 30 juin 2010 ; le 16 mai 2012, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la CELDA à l'encontre de cette décision.

Agissant selon requête du 12 novembre 2012, M. [S] [X] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne d'une demande visant à obtenir le remboursement par la CELDA de ses frais de procédure ainsi que des dommages et intérêts pour violation de l'accord transactionnel du 30 novembre 2000 et préjudice moral.

Par jugement du 2 octobre 2013, le Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne a débouté M. [S] [X] de toutes ses demandes.

M. [S] [X] a interjeté appel de ce jugement.

Selon conclusions déposées le 24 avril 2014 et soutenues oralement à l'audience, il demande à la Cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de condamner la CELDA à lui verser les sommes de :

-56092,40 € à titre de remboursement de frais engagés,

-50000 € à titre de violation de l'accord transactionnel,

-50000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral subi,

-3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose au soutien de son action :

1/ Sur la prise en charge des frais de sa défense :

- qu'il ressort très clairement des pièces de la procédure pénale que l'ensemble des agissements qui lui étaient reprochés a été accompli dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et que les motifs de sa relaxe par la Cour d'appel de Lyon sont sans équivoque,

-qu'il est faux de soutenir que la CELDA n'aurait fait que suivre le Parquet de Saint Etienne alors que le Procureur de la République avait décidé de ne pas poursuivre après réception d'un rapport de la Commission bancaire en date du 27 avril 2000 et que c'est elle qui a déposé plainte le 8 novembre 2000, mettant ainsi en mouvement l'action publique,

- que la Cour de cassation met de jurisprudence constante à la charge de l'employeur qui succombe les honoraires que le salarié a dû exposer pour sa défense,

2/ Sur la violation de l'accord transactionnel :

-qu'aux termes de la transaction du 30 novembre 2000, la Caisse d'Epargne s'était engagée à ne pas poursuivre M. [S] [X] devant une quelconque juridiction, ce dernier acceptant de son côté de ne pas contester son licenciement, alors qu'il aurait été bien fondé à le faire,

- que la CELDA aurait dû considérer qu'elle s'était interdite de se constituer partie civile, étant observé qu'elle a transigé en toute connaissance de cause puisqu'au moment de la signature de l'accord, les prétendus agissements délictueux de son salarié étaient connus d'elle- même,

-que ce sont ainsi 12 années de sa vie qui ont été transformées en enfer, qu'il lui était interdit de prétendre à une activité de même nature de sorte qu'il a occupé pendant 2 ans les fonctions de conducteur de travaux rémunérés au SMIC et que le large écho donné par la presse à cette affaire lui a causé un préjudice moral considérable.

La SA CAISSE D'EPARGNE LOIRE DROME ARDECHE demande la confirmation du jugement critiqué et le versement d'une somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Elle fait valoir en réplique :

1/ Sur la prise en charge des frais de justice :

- que la jurisprudence évoquée par M. [S] [X], qui semble créer une obligation de protection juridique du salarié par son employeur, est isolée et surtout n'est pas transposable en l'espèce dans la mesure où il s'agissait d'une plainte déposée par un client et non par l'employeur lui-même, qu'un faux avait été établi par le salarié dans l'intérêt de son entreprise et que cette protection ne peut pas jouer pour des agissements survenus lors d'abus de fonction puisque le salarié n'est plus dans le cadre de son contrat de travail,

- qu'il est inexact de lui reprocher d'avoir mis en mouvement l'action publique alors que la plainte déposée le 8 novembre 2000 ne concernait pas M. [S] [X], lequel n'est apparu officiellement dans la procédure que le 20 février 2001,

-qu'il n'est en tout état de cause pas ' équitable', au sens de l'article 1135 du code civil de mettre à la charge de l'employeur des frais, qui certes ont été engagés à l'occasion de l'activité professionnelle, mais qui n'ont pas été engendrés pour elle et ont été exposés sans aucun contrôle par l'employeur,

2/ Sur la violation de l'accord transactionnel :

- que la constitution de partie civile de la CELDA résulte de la procédure diligentée par le Parquet de Saint Etienne, que sa plainte du 8 novembre 2000 ne visait pas M. [S] [X] , et que les faits reprochés à M. [S] [X] étaient sans rapport avec l'exécution de son contrat de travail et donc sans lien avec le litige réglé par la transaction,

-qu'elle en a été en tout état de cause informée bien après la transaction, qu'elle ne pouvait par suite avoir renoncé en toute connaissance de cause à se constituer partie civile et que les renonciations anticipées sont prohibées par les dispositions de l'article 2044 du code civil.

Elle ajoute subsidiairement qu'elle n'est aucunement responsable de la durée de la procédure, que M. [S] [X] lui a fait perdre plusieurs millions d'euros du fait de la gestion calamiteuse de ses biens immobiliers, et qu'il ne manque pas d'audace en osant réclamer une somme totale de 156092,40 € à titre de dommages et intérêts.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la prise en charge par M. [S] [X] de ses frais de défense :

Titulaire du pouvoir de direction et de contrôle des salariés placés sous sa subordination juridique, l'employeur est tenu de garantir ceux-ci à raison des actes ou faits qu'ils passent ou accomplissent en exécution de leur contrat de travail.

Il ressort en l'espèce des énonciations de l'arrêt rendu le 30 juin 2010 par la Cour d'appel de Lyon d'une part que les actes poursuivis sous la qualification de complicité d'abus de bien sociaux ont tous été exécutés par M. [S] [X] à la demande et sous l'autorité de M. [N] [O], à l'époque Président du Directoire, qui lui a donné mission de mener la vente de certains biens immobiliers de la CELDA et, d'autre part, qu'il n'a jamais dissimulé le moindre élément de ces opérations qui ont toutes été validées par le Conseil d'orientation et de surveillance de la Caisse d'épargne.

M. [S] [X] a donc agi dans le cadre de son activité professionnelle pour mener à bien une opération souhaitée par son employeur, et sans avoir abusé de ses fonctions à des fins personnelles ; il a d'ailleurs été relaxé des fins de la poursuites aux termes d'une décision ayant acquis force de chose jugée après rejet le 16 mai 2012 par la Cour de cassation du pourvoi de la CELDA.

M. [S] [X] ayant été mis en examen le 29 janvier 2002, il apparaît que la procédure pénale diligentée à son encontre a été longue ( plus de 10 années) et coûteuse, puisqu'il justifie d'un total d'honoraires réclamé par son avocat à hauteur de 56092,40 € pour 140 heures de travail.

L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme consacre le droit à un procès équitable.

Le déséquilibre économique existant entre la situation de M. [S] [X] , salarié poursuivi pour des faits commis dans l'exercice de ses fonctions et celle de la CELDA, sous l'autorité et le contrôle duquel il a agi, est évident ; il apparaît dans ces conditions parfaitement légitime, afin de maintenir un juste équilibre entre les parties à ce procès pénal de faire supporter par cette dernière la charge des frais que son salarié à été contraint d'exposer pour se défendre et parvenir à sa mise hors de cause, alors même qu'elle s'est constituée partie civile à son encontre, et a été jusqu'à contester sa relaxe prononcée le 30 juin 2010 par la Cour d'appel de Lyon.

La CELDA sera en conséquence justement condamnée à prendre en charge les frais engagés par M. [S] [X] pour assurer sa défense à hauteur de la somme justifiée, soit 56092,40 €.

2/ Sur la violation de l'engagement transactionnel :

La transaction signée le 30 novembre 2000 par les parties précise en sa page 4 que ' Compte tenu de leurs concessions réciproques les deux parties renoncent réciproquement à engager ou poursuivre toutes instances ou actions résultant du contrat de travail et de ses suites, qu'elles pourraient tenir du droit commun ou des règles définies par le dispositif statutaire propre aux Caisses d'Epargne et par le statut des salariés protégés'

Cet accord a été signé pour le compte de la CELDA par M. [R] [L], nommé en qualité de Président du Directoire ensuite du licenciement de M. [N] [O] intervenu au mois de juillet 2010 ; il n'est pas sérieux de soutenir que l'intimée aurait ignoré à cette date l'étendue des faits reprochés à son salarié alors :

- qu'elle connaissait nécessairement l'existence du rapport établi le 27 avril 2000 après contrôle par la Commission Bancaire et sur la base duquel le Procureur de la République de Saint Etienne a saisi le SRPJ de Lyon,

- qu'elle avait précédemment déposé plainte le 8 novembre 2000 contre X, certes sans viser les opérations immobilières litigieuses, mais en précisant que les faits décrits n'étaient pas exhaustifs et qu'elle se réservait le droit de dénoncer d'autres faits délictueux,

- qu'elle s'est constituée partie civile auprès du juge d'instruction dès le 5 décembre 2000, soit quelques jours à peine après la signature de la transaction et moins d'un mois après sa plainte initiale, en chiffrant de manière très précise ses pertes sur les ventes reprochées à M. [S] [X] et en le mettant nommément en cause de manière très argumentée, de sorte que même s'il n'est pas visé par la plainte uniquement dirigée contre Messieurs [M], [F] et [O], elle rendait nécessaire sa mise en cause dans le dossier d'instruction,

Il est pareillement inexact, pour les motifs déjà exposés ci-dessus, de soutenir que les agissements ayant conduit à cette procédure pénale seraient sans rapport avec le litige réglé par la transaction, alors qu'ils ont été réalisés par M. [S] [X] dans le cadre de son contrat de travail et sous l'autorité de son employeur.

C'est en conséquence à bon droit que M. [S] [X] se prévaut d'une violation de cet accord transactionnel.

Il justifie par ailleurs d'un préjudice important puisqu'âgé de 50 ans à la date de rupture de son contrat de travail, il ne pouvait compte tenu de la nature de la procédure dirigée à son encontre et de la publicité dont elle a été l'objet, espérer retrouver un emploi équivalent ; il a occupé pendant deux ans un emploi de Conducteur de travaux pour lequel il percevait le SMIC et a dû cesser de cotiser à la caisse de Retraite des Cadres, ce qui lui a occasionné un important préjudice financier.

M. [S] [X] sera justement indemnisé de cette violation patente de l'accord transactionnel du 30 novembre 2000 et de l'ensemble des préjudices matériel et moral en ayant résulté par le versement d'une somme de 50000 € à titre de dommages et intérêts.

3/ Sur les demandes annexes :

Il serait contraire à l'équité de laisser M. [S] [X] supporter seul l'entière charge de ses frais irrépétibles,

La CELDA, qui succombe dans la procédure, en supportera tous les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Réforme le jugement rendu le 2 octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne,

Statuant à nouveau,

Condamne la SA CAISSE D'EPARGNE LOIRE DROME ARDECHE à verser à M. [S] [X] les sommes de :

- 56 092,40 € au titre des frais engagés pour sa défense,

- 50 000 € à titre de dommages et intérêts,

Condamne la SA CAISSE D'EPARGNE LOIRE DROME ARDECHE à verser à M. [S] [X] la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA CAISSE D'EPARGNE LOIRE DROME ARDECHE aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Christine DEVALETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/08094
Date de la décision : 19/12/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/08094 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-19;13.08094 ?
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