AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 13/06628
URTADO
C/
Me MJ SYNERGIE - Mandataire judiciaire de la SOCIETE CRISTALINE FRANCE
AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE
SOCIETE CRISTALINE FRANCE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE
du 10 Juillet 2013
RG : F.13/00059
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2014
APPELANT :
[C] [D]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Eric FUMAT de la SCP BONIFACE-HORDOT-FUMAT-MALLON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉS :
Me [E] [W], pris en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SOCIETE CRISTALINE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 2]
non comparant
AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
représenté par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON substituée par Me Nancy LAMBERT-MICOUD, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Novembre 2014
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Christine DEVALETTE, Président de chambre
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller
Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 19 Décembre 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Christine DEVALETTE, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
M. [C] [D] a été embauché par la SARL CRISTALINE à compter du 25 novembre 2004 en qualité de Directeur commercial avec une rémunération de 6250 € brut mensuel.
Par jugement du 3 octobre 2007, le Tribunal de commerce de Montbrison a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL CRISTALINE et M. [C] [D] a présenté une offre de reprise avec M. [C] [F], gérant de la SARL GCR.
Cette offre ayant été acceptée par le Tribunal de commerce de Saint Etienne selon jugement du 14 janvier 2008, une nouvelle société a été constituée, dénommée SARL CRISTALINE FRANCE dont le capital était détenu à 51 % par la SARL GCR et à 49% par la société holding O2M INVESTISSEMENT, dont M. [C] [D] était le gérant.
Le contrat de travail de M. [C] [D] a été repris par cette société gérée dans un premier temps par M. [F].
Le 1er août 2010, M. [C] [D] a été désigné en qualité de gérant de la SARL CRISTALINE FRANCE qui a été placée en liquidation judiciaire le 7 septembre 2011.
Me [E], liquidateur judiciaire a licencié l'ensemble des salariés, dont M. [C] [D], le 30 septembre 2011, mais le CGEA de Chalon sur Saône a refusé de reconnaître la qualité de salarié de M. [C] [D], considérant qu'il ne rapportait pas la preuve de son état de subordination.
Agissant selon requête du 09 janvier 2013, M. [C] [D] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne afin de se voir reconnaître cette qualité et percevoir les rappels de salaire et les indemnités auxquels il estime avoir droit.
Par jugement du 10 juillet 2013, le Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne a débouté M. [C] [D] de toutes ses demandes.
M. [C] [D] a interjeté appel de ce jugement le 02 août 2013.
Selon conclusions déposées le 12 mars 2014, il demande à la Cour de dire, à titre principal, qu'il a valablement cumulé un contrat de travail et un mandat social, ou, subsidiairement, que le contrat de travail dont il bénéficiait depuis le 25 novembre 2004 a été suspendu par l'exercice de ses fonctions de dirigeant social et, en tout état de cause :
- de fixer comme suit sa créance au passif social de la SARL CRISTALINE FRANCE :
* 9566,67 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 14000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 1400 € au titre des congés payés afférents,
* 13300 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 57 jours restant dus et portés sur le bulletin de salaire de septembre 2011,
* 7000 € à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier du fait de l'absence de consultation des institutions représentatives du personnel,
*14000 € à titre de rappel de salaire pour les mois d'août et septembre 2011,
*1400 € au titre des congés payés afférents,
*5000 € à titre de dommages et intérêts pour refus abusif,
*2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de dire que les sommes précitées seront garanties par le CGEA de Chalon sur Saône.
Il a renoncé lors de l'audience de plaidoirie à sa demande de rappel de salaire pour les mois d'août et septembre 2011 et a réduit en conséquence ses prétentions relatives à l'indemnité légale de licenciement à la somme de 8050 € ; il a pour le surplus réitéré ses prétentions en faisant valoir:
1/ Sur l'existence d'un lien de subordination :
- que le principe du cumul entre un mandat social et un contrat de travail est admis par la jurisprudence lorsqu'il est avéré qu'il ne correspond pas à un emploi fictif,
-qu'il n'a exercé aucun mandat social avant le 1er août 2010 de sorte que la question du cumul de son contrat de travail avec ses fonctions de mandataire social ne se pose qu'à compter de cette date, qu'il n'a jamais été associé majoritaire, et que même en sa qualité de gérant il est toujours resté sous l'autorité de M. [T], dirigeant historique de l'entreprise, propriétaire des murs et salarié de la SARL CRISTALINE FRANCE en qualité de Directeur, dont il recevait ses instructions, et qui percevait d'ailleurs un salaire supérieur au sien,
- qu'il faisait partie de la liste des salariés établie par Me [E] et que si la Cour n'admet pas le cumul de ses deux fonctions elle doit à tout le moins admettre que son contrat de travail a été suspendu pendant l'exercice de ses fonctions de gérant,
2/ Sur les conséquence indemnitaires de la rupture de son contrat de travail :
- qu'il doit, en sa qualité de salarié, bénéficier de l'indemnité de licenciement prévue par l'article L 1234-9 du code du travail et de l'indemnité de préavis prévue par l'article L1234-1 du même code,
- que selon l'article L 1233-58 du code du travail le liquidateur judiciaire qui envisage de procéder au licenciement de plus de 10 salariés dans une entreprise de moins de 50 salariés doit consulter les délégués du personnel et que cette consultation n'a pas eu lieu Me [E] ayant lui-même dressé un procès verbal de carence afin de constater l'absence totale de délégués du personnel dans l'entreprise,
-que le refus de lui reconnaître la qualité de salarié lui a causé un important préjudice financier et familial,
L'affaire, qui devait être évoquée le 25 avril 2014, a été renvoyée à l'audience du 14 novembre 2014, à la demande du conseil du CGEA de Chalon sur Saône.
Maître [E], liquidateur judiciaire de la SARL CRISTALINE FRANCE, régulièrement convoqué par LRAR reçue le 29 avril 2014 n'a pas comparu.
Selon conclusions déposées le 4 novembre 2014 et soutenues oralement lors de l'audience, le CGEA de Chalon sur Saône sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris; IL demande subsidiairement à la Cour de ramener à de plus justes proportions les sommes réclamées par M. [C] [D] et rappelle, en toute hypothèse, les limites légales et réglementaires de sa garantie.
Il soutient à cet effet :
- que la jurisprudence ne reconnaît le cumul des fonctions de gérant d'une société et d'un contrat de travail que si ce dernier correspond à un emploi effectif impliquant des fonctions techniques distinctes de celles induites par le mandat social, que la rémunération perçue est elle-même distincte, que l'intéressé se trouve dans une relation de subordination et que le contrat de travail n'a pas été conclu dans le but de frauder la loi,
- que précisément, le contrat de travail de M. [C] [D] ne prévoit aucune fonction technique distincte de celle de la direction de la société, et que cette dernière ayant pour activité la vente de piscine en bois, les fonctions commerciales pour lesquelles il a été embauché se confondent avec ses fonctions de dirigeant,
- qu'il ne démontre pas avoir reçu 2 rémunérations distinctes et qu'il n'établit l'existence d'aucun lien quelconque de subordination, ne recevant de directive de personne,
- qu'il ne démontre en effet aucunement être demeuré sous l'autorité de M. [T] en dépit de sa qualité de gérant alors qu'il bénéficiait d'une procuration bancaire totale sur les comptes bancaires de la société et était le seul signataire, qu'il était caution personnelle et solidaire avec son épouse de la société, à hauteur de 126000 € pour un prêt à moyen terme et à hauteur de 100000 € pour un découvert, ce qui ne correspond pas au profil habituel d'un salarié de société, qu'il a accordé des interviews à la presse écrite en qualité de dirigeant de la société CRISTALINE et qu'il se présente sur son CV comme 'Directeur de PME' durant la période 01/2008 à 10/2011.
- que les demandes indemnitaires de M. [C] [D] sont infondées tant dans leur principe que dans leur quantum et que le mandataire judiciaire ne saurait être tenu pour responsable de l'absence de délégué du personnel.
Il demande subsidiairement la réduction en de notables proportions des sommes réclamées par M. [C] [D] et rappelle, en toute hypothèse, les limites légales et réglementaires de sa garantie.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de rappeler en droit que le contrat de travail se trouve, en principe suspendu lorsque le salarié se voit attribuer un mandat social et que si le cumul des fonctions de gérant d'une société et d'un contrat de travail reste admissible, c'est à la condition qu'il corresponde à un emploi effectif impliquant des fonctions techniques distinctes de celles induites par le mandat social, que la rémunération perçue soit elle-même distincte, que l'intéressé se trouve dans une relation de subordination et que le contrat de travail n'ait pas été conclu dans le but de frauder la loi,
M. [C] [D] a été embauché le 25 novembre 2004 par la SARL CRISTALINE pour assurer des fonctions de direction commerciale ; la SARL CRISTALINE FRANCE, au sein de laquelle son contrat de travail a été transféré, était spécialisée dans la fabrication et l'installation de piscine en bois et l'appelant ne fait état dans ses conclusions d'aucune fonction technique particulière et distincte de ses fonctions commerciales qui se confondent à l'évidence avec la direction de cette société.
Il ne démontre pas avoir reçu une rémunération distincte au titre de son contrat de travail, et une lecture attentive des différents mails produits aux débats ne caractérise aucunement l'existence d'un quelconque lien de subordination à l'égard de M. [K] [T], étant d'ailleurs observé qu'à la question ' de qui recevez-vous les directives'' apparaissant dans le formulaire qu'il a renseigné le 22 septembre 2011 à l'intention de l'AGS, il n'a mentionné aucun nom.
Il ressort par ailleurs de ce même document qu'il détenait une procuration totale sur les comptes de la société dont il était le seul signataire, qu'il en était caution personnelle et solidaire avec son épouse à hauteur de 126000 € pour un prêt à moyen terme et à hauteur de 100000 € pour un découvert, ce qui traduit un investissement bien supérieur à celui normalement attendu de la part d'un salarié dans la vie de l'entreprise, et qu'il se présente en outre sur son CV comme 'Directeur de PME' durant la période 01/2008 à 10/2011.
Il ressort de ces différentes considérations que M. [C] [D] ne justifie aucunement avoir cumulé, pour le compte de la SARL CRISTALINE FRANCE, des fonctions particulières issues de son contrat de travail et distinctes de celles de gérant qu'il a exercées à compter du 1er août 2010.
Enfin, la liquidation judiciaire de la SARL CRISTALINE FRANCE, prononcée le 7 septembre 2011 ayant entraîné la cessation totale de l'activité de cette société au 30 septembre 2011, il ne peut être utilement soutenu que le contrat de travail de M. [C] [D] aurait été réactivé par l'effet de cette procédure collective.
Le jugement déféré, qui a débouté M. [C] [D] de toutes ses demandes, doit en conséquence être confirmé.
M. [C] [D] qui succombe dans son action en supportera tous les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré,
Déclare l'appel de M. [C] [D] recevable mais non fondé,
Confirme le jugement rendu le 10 juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne,
Condamne M. [C] [D] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Christine SENTIS Christine DEVALETTE