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17/12/2014 | FRANCE | N°13/00574

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 17 décembre 2014, 13/00574


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : 13/00574





[Y]



C/

SA CHEOPS TECHNOLOGY FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 20 Décembre 2012

RG : 11/00708











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2014







APPELANTE :



[B] [Y]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité

3]

[Adresse 1]

[Localité 2]



comparante en personne

assistée de Me Sophie BONNET-SAINT-GEORGES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SA CHEOPS TECHNOLOGY FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Carole MORET, avocat au barreau de BORD...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 13/00574

[Y]

C/

SA CHEOPS TECHNOLOGY FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 20 Décembre 2012

RG : 11/00708

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2014

APPELANTE :

[B] [Y]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne

assistée de Me Sophie BONNET-SAINT-GEORGES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SA CHEOPS TECHNOLOGY FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Carole MORET, avocat au barreau de BORDEAUX

substitué par Me Olivier BARRAUT, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 24 Mai 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 22 Janvier 2014

Présidée par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre et Christian RISS, Conseiller, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, président

- Christian RISS, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Décembre 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 20 décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de LYON, dont appel ;

Vu les conclusions déposées le 22 janvier 2014 par [B] [Y], appelante ;

Vu les conclusions déposées le 22 janvier 2014 par la S.A. CHEOPS TECHNOLOGY FRANCE, intimée ;

Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 22 janvier 2014 ;

La Cour,

Attendu que par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 juin 2010, la S.A. CHEOPS TECHNOLOGY FRANCE (ci-après la société) a embauché [B] [Y] en qualité de directrice de son agence de [Localité 4], ce avec effet rétroactif au 18 mai 2010 ;

que l'article 3 dudit contrat de travail stipule que celui-ci 'ne deviendra définitif qu'à l'issue d'une période d'essai de 4 mois. Cette période d'essai pourra faire l'objet d'un renouvellement d'une durée de trois mois notifié par lettre recommandée avec accusé de réception ou lettre remise en main propre contre décharge.

Durant cette période, chacune des parties pourra rompre le contrat sans indemnité et en respectant un délai de prévenance tel que prévu par l'article L 1221-25 du Code du Travail.';

Attendu que par courrier du 31 août 2010 remis en main propre, l'employeur a notifié à la salariée le renouvellement de la période d'essai pour une durée de trois mois ;

que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 novembre 2010 la société notifiait à la salariée la rupture du contrat de travail avec un délai de prévenance de six semaines ;

que par lettre du 8 décembre 2010 remise en main propre, la salariée était dispensée d'effectuer son préavis et sommée de restituer le matériel professionnel mis à sa disposition, notamment un véhicule de fonction ;

que l'employeur déduisait alors des salaires dûs, les avances sur la part variable de la rémunération qui avaient été payées à la salariée conformément aux stipulations du contrat de travail ;

Attendu que saisi à la requête de la salariée le 18 février 2011, le Conseil de Prud'hommes de LYON a notamment, par jugement du 20 décembre 2012 :

- donné acte de l'engagement de la société à payer à la salariée la somme de 2 400 € à titre de prime égale à la moitié d'un treizième mois, ainsi que celle de 240 € pour les congés payés y afférents, la somme principale susdite incluant celle de 410 € due au titre de la prime de vacances,

- dit régulière et légitime la rupture du contrat de travail en période d'essai,

- débouté [B] [Y] de toutes autres prétentions ;

Attendu que la susnommée a régulièrement relevé appel de cette décision le 18 janvier 2013 ;

Attendu que l'article L 1221-23 du Code du Travail dispose que la période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas, et qu'elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail ;

Attendu qu'il est constant et non contesté que l'appelante a pris ses fonctions au service de la société dès le 18 mai 2010 ;

que le contrat de travail n'a cependant été formalisé par écrit que le 15 juin suivant ;

Attendu que la société intimée soutient que la date mentionnée sur ledit contrat résulterait d'une erreur de plume et qu'il convient en réalité de lire '15 mai 2010" au lieu de ' 15 juin 2010" ;

qu'elle prétend rapporter la preuve de cette assertion et de ce qu'une période d'essai avait été convenue entre les parties en produisant des courriers électroniques échangés entre elles dès avant le 15 mai 2010 ;

Mais attendu que l'appelante établit par les pièces qu'elle produit aux débats, et notamment un courrier électronique du 26 mai 2010 émanant de l'intimée, qu'elle n'avait toujours pas été en mesure, à cette date de signer son contrat de travail alors pourtant qu'elle était entrée en fonction le 18 mai précédent ;

que dès lors, la société intimée ne peut sérieusement soutenir que le contrat de travail aurait été conclu le 15 mai 2010, cette allégation étant entièrement contredite par les pièces versées aux débats ;

Attendu qu'il est indifférent de savoir si, pendant les pourparlers ayant précédé l'embauche, la possibilité d'une période d'essai a été évoquée dès lors que les exigences de l'article L 1221-23 du Code du Travail n'ont pas été satisfaites, savoir la formulation par écrit d'une clause de période d'essai dans une lettre d'embauche ou dans le contrat de travail avant l'entrée en vigueur de celui-ci ;

qu'en effet, la signature d'un contrat de travail prévoyant une période d'essai ou l'acceptation par le salarié de cette période d'essai postérieurement à son entrée en fonction ne peut faire obstacle à l'engagement définitif du salarié ;

qu'il est donc indifférent que la salariée ait déclaré, le 31 août 2010, accepter le renouvellement d'une période d'essai qui était illicite ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la rupture du contrat de travail par l'employeur est intervenue en dehors d'une période d'essai ;

qu'elle ne répond à aucune des exigences procédurales prévues pour un licenciement puisque n'a été tenu aucun entretien préalable avec l'assistance d'un conseiller du salarié et qu'elle n'a pas été notifiée par une lettre motivée ;

qu'elle doit donc être requalifiée en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; et que le jugement entrepris sera réformé en conséquence ;

Attendu que la société intimée sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 7 200 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 720 € pour les congés payés y afférents, ces montants ne faisant l'objet d'aucune contestation ;

Attendu que dès lors que le licenciement est reconnu dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'appelante ne peut prétendre à des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure ;

que cette demande sera rejetée ;

Attendu qu'au jour de la rupture abusive du contrat de travail par l'employeur, la salariée était âgée de quarante-sept ans ;

qu'elle ne comptait qu'une ancienneté de cinq mois dans l'entreprise dont le nombre de salariés n'est pas connu, aucune des parties n'ayant cru bon de le préciser ;

qu'il lui sera donc alloué la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts puisqu'elle a été brutalement privée de son emploi et donc de revenus sans aucun motif sérieux répondant aux exigences légales et aux stipulations contractuelles ;

Attendu, sur la demande de rappel de salaire au titre des avantages en nature, que le contrat de travail du 15 juin 2010 qui fait la loi des parties, stipule la mise à disposition de la salariée d'un véhicule de société, y compris pour un usage privé, la salariée s'engageant à restituer ledit véhicule au plus tard le dernier jour de travail quelle que soit la cause de la rupture du contrat ;

que l'avantage en nature ainsi consenti constituant un élément de la rémunération du salarié, celui-ci a droit à son maintien pendant la durée du préavis quand bien même il serait dispensé d'effectuer celui-ci ;

que contrairement à ce que soutient la société, le contrat de travail ne prévoit nullement la possibilité pour l'employeur de reprendre possession du véhicule de fonction pendant la durée du préavis ;

que par ailleurs, il est établi par les pièces produites que la société a exigé de [B] [Y] la restitution du véhicule de fonction le 8 décembre 2010, en violation flagrante des droits de la salariée ;

qu'au regard de la nature et des spécificités dudit véhicule le retrait de sa jouissance pendant six semaines constitue pour la salariée une amputation de son revenu salarial pouvant être évaluée à 300 € en tout ;

que la société intimée sera donc condamnée à payer à l'appelante la somme de 300 € à titre de rappel de salaire sur avantage en nature, outre celle de 30 € pour les congés payés y afférents ;

Attendu en outre que la suppression brutale de cet avantage en nature a fortement perturbé l'organisation de la vie personnelle de la salariée puisque le contrat de travail stipulait que le véhicule de fonction était aussi affecté à son usage privé ;

qu'il sera alloué à ce titre à l'appelante la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu, sur la prime de treizième mois, que celle-ci a été finalement payée par la société intimée ainsi que l'appelante le reconnaît dans ses écritures ;

que le retard dans le payement justifie l'octroi d'une somme de 240 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu, sur la prime de vacances, qu'une prime représentant la moitié d'un treizième mois a été versée à la salariée ;

que la société intimée soutient que cette prime doit être considérée comme étant la prime de vacances qu'elle réclame en application de l'article 31 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques dite 'Syntec';

Attendu que l'alinéa 2 du même texte précise que toutes primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature, peuvent être considérées comme primes de vacances à condition :

- d'être au moins égales à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés,

- d'être versée pour partie entre le 1er mai et le 31 octobre ;

Or attendu que la société intimée ne fournit aucune indication sur l'importance de la masse globale des indemnités de congés payés ;

qu'il suit de là que la prime égale à la moitié d'un treizième mois effectivement réglée à la salariée ne peut être regardée comme constituant la prime de vacances ;

qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande de [B] [Y] et de condamner la société à lui payer la somme de 410,70 € à titre de prime de vacances, ce avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes ;

Attendu, sur la part variable de la rémunération, que le contrat de travail du 15 juin 2010 stipule en son article 9 que la rémunération totale du collaborateur comprend une partie fixe et une partie variable, cette dernière étant fixée chaque année par avenant annexé au contrat de travail, lequel en définit le montant et les modalités de versement en fonction des objectifs à réaliser ;

Attendu que l'annexe 2 de l'avenant au contrat de travail daté du 31 mai 2010 bien que n'ayant été signé que le 30 juin 2010 (ce qui est assez significatif des procédés de la société intimée) prévoit que l'objectif assigné à la salariée est défini par le résultat d'exploitation de l'établissement de la société auquel l'intéressée est rattachée au titre de la période concernée, soit la somme de 100 015 € H.T. pour la période courant du 1er mai 2010 au 30 avril 2011 ;

Attendu que cet objectif n'était ni réalisable ni simplement réaliste dans la mesure où l'appelante démontre par les pièces qu'elle produit aux débats que les résultats de l'agence de [Localité 4] dont la direction lui a été confiée étaient depuis plusieurs années déjà déficitaires et que l'employeur était conscient de ce que ladite agence lyonnaise ne générait que des pertes importantes, l'un des principaux responsables reconnaissant lui-même qu'elle perdait 'sang et eau' le 14 décembre 2009 ;

qu'en tout état de cause, la société intimée ne démontre aucunement que la non-réalisation des objectifs fixés à l'agence de [Localité 4] soit directement et exclusivement imputable à la salariée ;

Attendu que la part variable de la rémunération ayant été fixée à 38 333 € pour la période du 18 mai 2010 au 30 avril 2011, il est dû à l'appelante la somme de 26 666,66 € calculée au prorata temporis pour la période du 18 mai 2010 au 11 janvier 2011, outre celle de 2 666,66 € pour les congés payés y afférents ;

que la décision querellée sera donc infirmée et qu'il sera fait droit à ce chef de prétention ;

Attendu en outre qu'il est établi que la société a procédé à la déduction sur les derniers salaires des avances sur commissions qu'elle estimait indues, et ce sans aucunement respecter les dispositions de l'article L 3251-3 du Code du Travail, exposant ainsi la salariée à de sérieuses difficultés financières ;

qu'il sera alloué à ce titre à [B] [Y] la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu qu'il sera ordonné à la société intimée de remettre à l'appelante des bulletins de salaires et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt ;

Attendu que pour faire valoir ses droits devant la Cour, l'appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'intimée ;

que celle-ci sera condamnée à lui payer une indemnité de 3 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Au fond, le dit justifié ;

Infirme le jugement déféré et le met à néant ;

Dit que la rupture du contrat de travail intervenue hors période d'essai produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la S.A. CHEOPS TECHNOLOGY FRANCE à payer à [B] [Y]:

1° la somme de 7 200 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 720 € pour les congés payés y afférents,

2° la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3° la somme de 300 € à titre de rappel de salaire sur avantage en nature outre celle de 30 € pour les congés payés y afférents,

4° la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissance d'un avantage en nature,

5° la somme de 240 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le refus injustifié de payer la prime de treizième mois,

6° la somme de 410,70 € au titre de la prime de vacances,

7° la somme de 26 666,66 € à titre de rappel de salaire sur la part variable de la rémunération outre celle de 2 666,66 € sur les congés payés y afférents,

8° la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour déductions illicites sur les salaires ;

Dit que les sommes de nature salariale ci-dessus allouées à l'appelante produiront intérêts au taux légal à compter du 18 février 2011, date de la saisine du Conseil de Prud'hommes de LYON, et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil pour les intérêts dûs pour une année entière au moins ;

Ordonne à la S.A. CHEOPS TECHNOLOGY FRANCE de remettre à [B] [Y] des bulletins de salaire et une attestation PÔLE EMPLOI rectifiés en conformité avec les dispositions du présent arrêt, ce dans le mois du prononcé d'icelui, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard pendant trois mois passé lesquels il sera à nouveau fait droit par le Juge de l'exécution s'il y a lieu ;

Déboute les parties de toutes autres demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires ;

Condamne la S.A. CHEOPS TECHNOLOGY FRANCE à payer à [B] [Y] une indemnité de 3 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 13/00574
Date de la décision : 17/12/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°13/00574 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-17;13.00574 ?
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