R.G : 13/01347
Décision du tribunal de commerce de Lyon
Au fond du 13 février 2013
RG : 2011J01385
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 27 Novembre 2014
APPELANTES :
SAS GRAS SAVOYE NSA anciennement dénommée Nationale de Services Automobiles (NSA)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON
assistée de la SCP JAKUBOWICZ MALLET-GUY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
SAS GRAS SAVOYE CONCEPT (GSC)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON
assistée de la SCP JAKUBOWICZ MALLET-GUY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
SA HOLDING DE GESTION INDUSTRIELLE
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON
assistée de la SELARL CAYSE - AVOCATS, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 18 Mars 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Septembre 2014
Date de mise à disposition : 27 Novembre 2014
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- François MARTIN, conseiller
- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 13 février 2013 qui :
- rejette les demandes des sociétés NATIONALE DE SERVICES AUTOMOBILES et GRAS SAVOYE CONCEPT, en abrégé les sociétés NSA et GSC ;
- juge valide les conventions de prestations de service conclues entre ces deux sociétés et la société HOLDING DE GESTION INDUSTRIELLE, en abrégé la société HGI;
- condamne la société NSA à payer à la société HGI la somme de 20 305 euros hors taxes outre intérêts à compter du 13 juillet 2012;
- condamne les sociétés NSA et GSC à payer à la société HGI la somme de 100 000 euros au titre de dommages et intérêts ;
Vu la déclaration d'appel des SAS NSA et GSC en date du 20 février 2013 ;
Vu les dernières conclusions des NSA et GSC en date du 02 janvier 2014 qui concluent à la réformation du jugement de première instance en toutes ses dispositions et à la restitution des sommes versées au titre des conventions réglementées au motif que les paiements reçus en exécution des conventions souscrites contreviennent aux dispositions impératives de l'article L 225-53 du code de commerce relatif à la fixation de la rémunération des dirigeants ;
Vu les mêmes conclusions des SAS NSA et GSC dans lesquelles elles soutiennent, à titre subsidiaire, que les sommes versées au titre des conventions réglementées correspondent à la rémunération d'un dirigeant d'une filiale du groupe GRAS SAVOYE ;
Vu les dernières conclusions de la société HGI en date du 13 février 2014 qui conclut à la confirmation du jugement attaqué sauf en ce qu'il déclare recevable l'action des sociétés NSA et GSC et qui demande à titre reconventionnelle, le paiement par les sociétés NSA et GSC de la somme de 21 305 euros hors taxes due au titre d'une rémunération complémentaire prévue contractuellement et la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts aux motifs que :
1° Les sociétés NSA et GSC n'ont pas d'intérêt à agir ;
2° La demande des sociétés NSA et GSC est prescrite ;
3° Les conventions ont été valablement conclues ;
4° Les missions contenues dans les conventions ne recouvrent pas celles du directeur;
5° Les sociétés NSA et GSC ont commis un abus de droit en exerçant contre la société FEL une procédure abusivement dans l'intention de lui nuire ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 18 mars 2014 ;
A l'audience du 24 septembre 2014, les avocats des parties ont exprimé oralement leurs observations après le rapport de M. le Président Michel GAGET.
DÉCISION :
1. Les société GSC et NSA sont toutes deux des filiales du groupe de courtage d'assurance GRAS SAVOYE.
2. Les deux sociétés étaient toutes deux dirigées par [T] [H] en qualité de Président Directeur Général. [T] [H] était par ailleurs actionnaire et dirigeant de la société HGI.
3. Les sociétés GSC et NSA ont conclu avec la société HGI des conventions pour assurer diverses fonctions de gestion et la tenue de la comptabilité moyennant la facturation d'honoraires.
Sur l'intérêt à agir des sociétés NSA et GSC :
4. Comme l'ont retenu les premiers juges, l'existence d'un intérêt à agir des deux sociétés NSA et GSC ne peut pas être contestée dans la mesure où elles considèrent avoir été victimes d'agissements de ses anciens associés ou dirigeants au seul motif qu'elles n'ont émis aucun contestation pendant près de dix ans.
5. Les sociétés NSA et GSC ont un intérêt à agir et sont donc recevables devant la cour.
Sur le fond :
6. Les sociétés NSA et GSC sollicitent le remboursement et la restitution des sommes qu'elles ont versées à la société HGI au titre de l'exécution des conventions qui ont été conclues entre elles.
7. Ces deux sociétés ne fondent pas leurs demandes de restitution sur l'annulation des conventions conclues et exécutées, annulation qui a pour conséquence nécessaire la restitution des sommes versées.
8. Mais elles fondent leurs demandes sur l'idée que le paiement a été fait sans pouvoir et qu'il y a donc lieu d'appliquer la théorie subsidiaire de l'enrichissement sans cause qui permet à celui qui a payé et s'est appauvri, de demander la restitution des sommes qu'il a versées à celui qui s'est indûment enrichi.
9. Mais, en l'espèce, l'enrichissement sans cause, action subsidiaire ne peut pas recevoir application dans la mesure même où l'ensemble des paiements qui ont été exécutés et réalisés correspondent à l'exécution de conventions dont l'illicéité n'est pas établie ni même demandée.
10. En effet, les conventions souscrites sont des conventions de prestations de service permettant d'organiser et de gérer le management directorial et commercial des entreprises et les paiements qui ont été fait, sont la rémunération des prestations qui ont été réalisées par la société HGI.
11. Comme le soutient à bon droit la société HGI, la validité et la licéité de la convention n'étant pas remises en cause par les appelantes, il ne peut y avoir restitution d'autant qu'il n'est pas démontré que l'ensemble des missions confiées à la société HGI recouvraient l'ensemble des fonctions de directeur général ou de direction générale des entreprises.
12. Il n'est pas non plus établi par les sociétés appelantes que les sommes versées correspondent en réalité et de manière effective à la rémunération d'un mandat social donné à la personne morale qui assurait les prestations décrites clairement dans la convention de prestation de service. Les conventions qui fondent les paiements ne peuvent pas s'analyser compte tenu des termes et descriptions qu'elles contiennent, comme des conventions de rémunération d'un mandat social relevant de l'application de l'article L 225-53 du code de commerce.
13. La cour remarque au surplus que les conventions de prestation de service ont été validées chaque année en 1996 et 2010 par les commissaires aux comptes et par le conseil d'administration de chaque société concernée ; que ces conventions ont également été approuvées par les assemblées générales et exécutées dans l'intérêt des deux sociétés NSA et GSC qui encore aujourd'hui, n'en demandent pas l'annulation de sorte qu'il ne peut être admis que ces conventions ont été faites sans pouvoir et qu'elle auraient été exécutées et payées sans pouvoir.
14. Il résulte de ce qui précède qu'il ne peut pas être fait droit à la prétention des appelantes compte tenu dans le dispositif de leur conclusion dans les termes suivants : 'dire que les paiements reçus contreviennent aux dispositions impératives de l'article L 255-53 du code de commerce relatif à la fixation de la rémunération du dirigeant', dans la mesure où cette prétention ne se conçoit que dans le cadre d'une annulation de la convention initiale, action qui se trouve prescrite dès lors que le délai de 5 ans de l'article 1304 du code civil a expiré.
15. Comme le soutient à bon droit la société HGI dans ces conclusions, la convention conclue en 1996 comme la convention conclue en 2003 ne peut plus faire l'objet d'une action en annulation recevable dans la mesure où celle ci est prescrite.
16. D'autre part, le moyen tenant à la restitution dans le cadre de l'enrichissement sans cause n'est ni recevable, ni fondé dans la mesure même où les sommes qui ont été payées et dont la restitution est sollicitée ont bien une cause et sont la contrepartie de prestations contractuelles effectives de sorte que la théorie subsidiaire de l'enrichissement sans cause ne peut pas recevoir application dans les circonstances de l'espèce.
17. Enfin, sur la prétention que la société HGI aurait reçu des paiements injustifiés parce que les sociétés intimées ne produiraient pas dans l'instance judiciaire des factures et parce qu'elles ne justifieraient pas la réalité des services, ne peut pas être non plus retenu sauf à inverser la charge de la preuve de celui qui réclame la restitution d'un paiement indu : en l'espèce, les sociétés appelantes doivent apporter la preuve du caractère indu des paiements ; ce qu'elles ne font pas puisqu'elles ne versent au débat aucune pièce de nature à convaincre de ce qu'elles allèguent.
18. En conséquence, la cour ne peut que prononcer un mal fondé des demandes faites par les sociétés appelantes. Dès lors, le jugement appelé est confirmé. Il est bien évident qu'il ne peut être fait droit aux demandes subsidiaires des sociétés appelantes dans la mesure même où il n'y a pas eu rémunération d'un dirigeant de filiale.
Sur la demande en paiement de la rémunération complémentaire :
19. La société HGI soutient en appel que par accord d'indexation conclu le 26 juin 1997 avec la NSA, elle devait percevoir un complément de rémunération annuelle à compter du
1er janvier 1998 d'un montant égal à 5 % HT du résultat comptable avant impôts de l'exercice considéré.
20. La société HGI qui, par courrier en date du 30 juin 2010, a résilié la convention de prestation de service avec effet au 31 décembre 2010 fait valoir qu'elle n'a jamais perçu le complément de rémunération prévu contractuellement entre les parties malgré une mise en demeure en date du 13 juillet 2012.
21. En effet, et comme le retient le premier juge, la lettre de résiliation date du 30 juin 2012 a rendu exigible le complément de rémunération du au titre de l'exercice 2010.
22. Toutefois, la société HGI qui demande la somme de 21 305 euros HT, est bien fondée dans sa demande dans la mesure où cette somme correspond effectivement à 5 % hors taxes du résultat comptable avant impôts de l'exercice 2010 de la société NSA s'élevant à cette même époque, à 426 100 euros.
23. Il s'ensuit que le jugement de première instance qui a accordé la somme de 20 305 euros HT à la société HGI doit être réformé.
24. La cour condamne la société NSA à payer à la société HGI la somme de 21 305 euros HT outre intérêts à compter de la date du 13 juillet 2012 qui a été retenue à juste titre par les premiers juges.
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts :
25. La société HGI fait valoir que la procédure en répétition de l'indu intentée par les sociétés NSA et GSC est caractéristique d'une part, d'une légèreté blâmable alors qu'elles n'ont pas invoqué la nullité des conventions et d'autre part, d'une réelle intention de nuire.
26. En effet, et comme le retient à bon droit le premier juge, les sommes exorbitantes réclamées par les sociétés NSA et GSC au motif qu'elles auraient correspondu à des rémunérations personnelles indûment versées à leur ancien dirigeant sont disproportionnées et les moyens à l'appui de ces prétentions sont inopérants.
27. Ce comportement réitéré en appel est vexatoire et constitue donc un préjudice moral pour la société HGI qui doit être réparé.
28. La cour confirme, en principe, le jugement de première instance en ce qu'il condamne solidairement les sociétés NSA et GSC à réparer ce dommage que la cour fixe à la somme globale de 80 000 euros.
29. L'équité commande d'allouer la somme de 30 000 euros à la société HGI en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
30. Les entiers dépens sont à la charge des sociétés NSA et GSC qui perdent.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement du 13 février 2013 en ce qu'il déboute les sociétés GRAS SAVOYE NSA et GRAS SAVOYE CONCEPT de leur demande en restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution des conventions liant les parties ;
Réforme par ailleurs le jugement attaqué en ce qu'il prononce des condamnations principales pécuniaires au profit de la société HOLDING DE GESTION INDUSTRIELLE;
Sauf en ce qui concerne la condamnation aux dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance qui sont confirmés ;
Statuant à nouveau ;
Condamne la société GRAS SAVOYE NSA à payer à la société HOLDING DE GESTION INDUSTRIELLE la somme de 21 305 euros hors taxes outre intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2012 ;
Condamne solidairement les sociétés GRAS SAVOYE NSA et GRAS SAVOYE CONCEPT à payer à la société HOLDING DE GESTION INDUSTRIELLE la somme de 80 000 euros de dommages et intérêts et celle de 30 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement les sociétés GRAS SAVOYE NSA et GRAS SAVOYE CONCEPT aux entiers dépens d'appel ;
Autorise les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMICHEL GAGET