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17/11/2014 | FRANCE | N°13/09779

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 17 novembre 2014, 13/09779


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/09779





[G]



C/

SAS SISTEL







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 28 Novembre 2013

RG : F 11/04415











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2014













APPELANT :



[A] [G]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 3]>
[Adresse 2]

[Localité 1]



comparant en personne, assisté de Me Myriam PLET de la SCP MYRIAM PLET, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS SISTEL

Mr [X], PDG

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



comparante en personne, assistée de Me Arnaud DE SAINT LEGER ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/09779

[G]

C/

SAS SISTEL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 28 Novembre 2013

RG : F 11/04415

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2014

APPELANT :

[A] [G]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Myriam PLET de la SCP MYRIAM PLET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS SISTEL

Mr [X], PDG

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Arnaud DE SAINT LEGER de la SELARL SAINT LEGER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Gilles GELEBART de la SELARL SAINT LEGER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Octobre 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Agnès THAUNAT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Novembre 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

La SAS SISTEL exerce une activité de vente de matériel de vidéo-surveillance et de télésurveillance.

Elle a engagé :

- le 3 octobre 2005 [M] [I] en qualité de directeur commercial (statut cadre, niveau VIII, échelon 3)

- le 1er février 2008 [R] [J] en qualité de directeur commercial France (niveau IX, échelon 2).

[M] [I] a été licencié pour faute grave le 27 novembre 2008. Par arrêt du 10 janvier 2012, la Cour a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de ce salarié aux torts de l'employeur et dit que le licenciement était sans effet. Elle a jugé que [M] [I] n'avait pas été victime de harcèlement moral, mais que la société SISTEL avait manqué à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi.

[A] [G] a été engagé par la société SISTEL en qualité de cadre commercial (statut cadre, niveau VIII, échelon 2) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 16 juin 2009, soumis à la convention collective nationale de commerces de gros. Sa rémunération comprenait un salaire fixe mensuel brut de 2 500 € et des commissions sur toute affaire menée à bonne fin avec les clients, avec un objectif mensuel de chiffre d'affaires de 80 000 € hors taxes. Lorsque le montant mensuel de la rémunération (fixe + commissions) était inférieur à 5 000 € bruts, [A] [G] bénéficiait d'une garantie de rémunération égale à ce montant. Son secteur, que la société se réservait de modifier moyennant un délai de prévenance, comprenait sept départements : 26, 84, 13, 30, 34, 83 et 06.

[R] [J] a été licencié pour faute grave le 24 septembre 2009 et la Cour, par arrêt du 18 février 2013, a jugé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave.

Dans un courriel du 4 juin 2010, un cabinet de conseils a appelé l'attention de [Y] [X], président directeur général, sur le fait que la garantie contractuelle de rémunération était une clause unilatérale qui bénéficiait sans contrôle et sans limite au salarié.

[A] [G] a été placé en congé de maladie du 5 au 20 juin 2010.

Le dimanche 11 juillet 2010, [Y] [X] a fait le point sur l'activité de [A] [G], sans doute inconsciemment trop sécurisé par son contrat, selon l'employeur : tournées et trajets mal gérés et non optimisés, autonomie excessive, manque de motivation et de dynamisme les derniers temps et très peu de nouvelles affaires. Néanmoins, pour ne pas démotiver le salarié et afin de ne pas le couper dans son élan, l'employeur lui a proposé un avenant contractuel à durée déterminée, destiné à limiter quelque peu ses trajets et comportant une augmentation de rémunération.

Ce courriel a été retiré par l'employeur le 12 juillet 2010.

Dans le prolongement d'un entretien du 27 juillet 2010, la société SISTEL a proposé à [A] [G] un avenant contractuel daté du 3 août 2010, aux termes duquel ce dernier devenait directeur commercial ou animateur des ventes au cours d'une période probatoire couvrant les mois de septembre 2010 à janvier 2011 inclus. Son secteur géographique devenait la région Rhône-Alpes. Cet avenant n'a pas été accepté par le salarié.

Aux termes de l'avenant au contrat de travail signé par les parties le 1er septembre 2010, [A] [G] a été promu directeur commercial (niveau IX, échelon 1), chargé de l'animation de l'équipe commerciale (à l'exception du frère du dirigeant) au cours d'une période probatoire couvrant les mois de septembre 2010 à janvier 2011 inclus. Selon l'article 2, "en sus de sa rémunération variable inchangée, le salarié percevra une rémunération de 5 130 € bruts mensuels". L'objectif personnel de chiffre d'affaires de [A] [G] était fixé à 55 000 € par mois hors taxes et son secteur limité à la région Rhône-Alpes.

Un désaccord étant apparu entre les parties au sujet de l'interprétation de la clause de l'avenant relative à la rémunération, l'employeur a vainement proposé à [A] [G] un avenant interprétatif fixant à 2 630 € son salaire fixe mensuel et à 5 130 € sa garantie mensuelle de rémunération.

Par lettre recommandée du 5 janvier 2011, la société SISTEL a notifié au salarié la fin de sa période probatoire et son retour aux attributions et au salaire prévu par son contrat de travail initial.

Par lettre recommandée expédiée le 14 janvier 2011, l'employeur a soumis à [A] [G] un nouvel avenant contractuel applicable le 1er février 2011 pour une durée indéterminée. Un poste de directeur commercial n'étant pas adapté à une structure relativement modeste, telle la société SISTEL (sic), [A] [G] devenait chef des ventes (niveau VIII, échelon 3), moyennant :

un salaire fixe de 5 130 € bruts mensuels,

une prime annuelle sur objectifs de 20 000 € bruts mensuels pour un objectif atteint à 100%,

une prime spécifique pour l'ouverture de grands comptes nationaux.

L'objectif de chiffre d'affaires hors taxes annuel de l'équipe, sur la base duquel les primes sur objectifs étaient calculées, était fixé à 1 810 000 € et l'objectif personnel de [A] [G] à 55 000 € hors taxes par mois. Ce dernier avait la région Rhône-Alpes pour secteur.

La société SISTEL souhaitait une réponse sous huitaine.

Par lettre recommandée datée du 21 janvier 2011, [A] [G] a fait savoir qu'il allait réfléchir, sans pouvoir oublier la situation professionnelle dans laquelle il se trouvait (vexations multiples, mail injurieux et diffamatoire, tentative de lui faire signer des avenants contraires à ses intérêts, stress excessif).

[A] [G] a remis à son employeur une copie de l'avenant sur laquelle il avait effectué diverses modifications.

[Y] [X] a adressé à [A] [G] deux lettres recommandées datées du 25 janvier 2011, l'une pour retirer sa proposition d'avenant, l'autre pour relever le changement récent de comportement du salarié et lui demander de travailler dans le bureau entièrement équipé qui était mis à sa disposition plutôt que de s'enfermer seul dans la salle de réunion avec son ordinateur portable personnel.

Puis, par lettre recommandée du 27 janvier 2011, il a répondu à la lettre du salarié en date du 21 janvier en lui demandant ce qu'il entendait par vexations multiples, mail injurieux et diffamatoire, etc.

Le 26 janvier 2011, le médecin du travail avait déclaré [A] [G] apte dans de meilleures conditions organisationnelles (à revoir dans un mois).

Par lettre recommandée du 27 janvier 2011, [A] [G] a dénoncé le retard de paiement de ses commissions depuis octobre 2010, alors que les autres commerciaux avaient été payés intégralement et dans les temps.

Par lettre recommandée du 28 janvier 2011, il a contesté avoir fait connaître sa position sur le projet d'avenant au contrat de travail et souligné que le délai de réflexion n'avait pas été respecté, le courrier d'annulation de la proposition lui ayant été lu le 24 janvier.

[A] [G] a répondu le 31 janvier 2011 au courrier de son employeur daté du 25 janvier 2011par une lettre de huit pages , commençant par :

Vous commencez à perdre la raison et n'avez plus conscience de la réalité des faits [...] ce qui vous énerve et vous excite le plus, c'est le fait de me voir garder mon calme et ma sérénité dans une situation que vous avez provoquée,

et concluant en ces termes :

Il semble bien que vous ayez construit Sistel sur le dos de vos salariés : regardez le nombre de prud'hommes contre l'entreprise et tous perdus. Je ne cherche qu'à faire respecter mes droits fondamentaux du travail et c'est moi qui vous ai retiré ma confiance ; pas l'inverse.

Le 3 février 2011, [A] [G] a adressé à [Y] [X] un nouveau courrier recommandé de huit pages en réponse à sa lettre du 27 janvier. Après un cours sur le harcèlement moral, on peut lire :

Il faut apprendre à lire sur Internet (car vous dites, vous-même, que vous ne lisez pas de livres) et ne pas recopier (excusez-moi, faire un copier coller) tel quel des phrases que vous ne comprenez pas,

et plus loin :

Il semble bien que les quelques faits évoqués ici sur la période Juin 2010 à Janvier 2011 correspondent parfaitement avec le terme ("harcèlement moral") que vous avez utilisé dans cette lettre recommandée avec AR (1A 054 024 7059 8) du 27 janvier 2011. Je n'avait, moi, parlé que de stress excessif. Je vous remercie, donc, de m'avoir aidé à prendre conscience de la situation.

Un avis d'arrêt de travail a été délivré à [A] [G] pour la période du 3 au 14 février 2011 ("fatigué, dépressif"). Il a été prolongé jusqu'au 6 mars 2011.

Le 7 février 2011, [Y] [X] a appelé l'attention de la Caisse primaire d'assurance maladie de Lyon sur le fait que le salarié avait travaillé le jeudi 3 février et s'était aussi rendu à l'entreprise le 4 février.

Par lettre recommandée du 4 février 2011, présentée le 7 février, la société SISTEL a convoqué [A] [G] le 15 février en vue d'un entretien préalable à son licenciement et l'a mis à pied à titre conservatoire.

Réagissant dans un courrier recommandé du 11 février au signalement fait à la Caisse primaire d'assurance maladie, le salarié a constaté que la société SISTEL poursuivait son "entreprise de démolition" à son égard. Il a précisé qu'il s'était rendu chez son médecin traitant le 3 février en début d'après-midi et qu'il était venu le lendemain matin remettre son arrêt de travail à son employeur. A cette occasion, l'épouse du président directeur général lui avait proposé une indemnité transactionnelle ("la carotte") pour quitter l'entreprise. [A] [G] n'ayant pas accepté immédiatement cette proposition, [Y] [X] l'avait mis à pied à titre conservatoire ("le bâton") et l'avait reconduit vers la porte.

Par une lettre recommandée de neuf pages, que sa longueur ne permet pas de reproduire ici, la société SISTEL a notifié à [A] [G] le 18 février 2011 son licenciement pour faute grave en raison de faits que l'employeur a regroupé sous les titres suivants ;

propos déplacés, irrespectueux, outranciers, mensongers, diffamatoires, menaçants et déloyaux (courriers des 31 janvier et 3 février 2011),

manquement à votre obligation naturelle de discrétion, et à votre obligation contractuelle de secret, menaces (avoir emporté les fichiers clients à son domicile sans autorisation et les avoir ramenés seulement une semaine plus tard, puis avoir menacé l'entreprise de concurrence déloyale, via l'exploitation du fichier copié à l'insu de l'employeur).

[A] [G] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 13 octobre 2011.

* * *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 17 décembre 2013 par [A] [G] du jugement rendu le 28 novembre 2013 par le Conseil de prud'hommes de LYON (section encadrement) qui a :

- jugé et dit que [A] [G] n'a pas fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de la société SISTEL,

- débouté [A] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- débouté [A] [G] de sa demande de nullité de son licenciement pour faute grave,

- débouté [A] [G] de sa demande de paiement d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement illicite,

- débouté [A] [G] de sa demande de paiement de rappel de commissions ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales à l'audience du 6 octobre 2014 par [A] [G] qui demande à la Cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [A] [G] de sa demande,

- reconnaître le harcèlement moral subi par [A] [G],

- en conséquence, condamner la société SISTEL à verser à [A] [G] les sommes suivantes :

dommages-intérêts pour harcèlement moral39 046,86 €

rappel de salaire (commissions)3 607,07 €

congés payés afférents360,71 €

- dire et juger que le licenciement de [A] [G] est nul,

- en conséquence, condamner la société SISTEL à verser à [A] [G] les sommes suivantes :

indemnité de licenciement2 169,27 €

indemnité compensatrice de préavis19 523,43 €

congés payés afférents1 952,34 €

indemnité réparant le préjudice résultant du licenciement illicite78 093,72 €

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le licenciement de [A] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et a fortiori de faute grave,

- en conséquence, condamner la société SISTEL à verser à [A] [G] les sommes suivantes :

indemnité de licenciement2 169,27 €

indemnité compensatrice de préavis19 523,43 €

congés payés afférents1 952,34 €

indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 78 093,72 €

Dans tous les cas :

- condamner la société SISTEL à payer à [A] [G] la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales à l'audience du 6 octobre 2014 par la S.A.S. SISTEL qui demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [A] [G] de toutes ses demandes,

- condamner le même à payer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur la demande de rappel de commissions :

Attendu que [A] [G] n'articule aucun moyen et ne communique aucune pièce susceptibles de remettre en cause la décision des premiers juges qui l'ont débouté de ce chef de demande ; qu'il ne procède à aucune comparaison entre le salaire mensuel brut garanti de 5 130 €, qui inclut des commissions pour 2 500 €, et les commissions auxquelles les affaires réalisées lui permettaient de prétendre après paiement des factures ; qu'ainsi, il ne met pas la Cour en mesure de vérifier le bien fondé de sa demande ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Attendu qu'aux termes des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; 

Attendu qu'aux termes de l'article L 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Qu'en l'espèce, la genèse du litige est à rechercher dans la prise de conscience par la S.A.S. SISTEL du caractère trop favorable de la garantie de rémunération prévue dans le contrat de travail du 16 juin 2009 au regard des résultats de [A] [G] ; qu'entre juillet 2010 et janvier 2011, le président directeur général [Y] [X] a proposé successivement au salarié quatre avenants contractuels et un avenant interprétatif, tous établis pour une durée déterminée prenant généralement la forme d'une période probatoire ; que s'il était loisible à [A] [G] de refuser ces propositions, ce dont il ne s'est pas privé, les tentatives rapprochées de l'employeur pour modifier des clauses essentielles du contrat de travail plaçaient l'appelant dans un climat d'insécurité, même si certaines modifications paraissaient a priori favorables à ce dernier ; que cette insécurité a été encore aggravée par l'attitude paradoxale du président directeur général qui n'a pas adopté à l'égard de [A] [G] une ligne constante procédant d'une vision claire de ce que devaient être les fonctions du salarié, les résultats qui pouvaient en être attendus et la rémunération que ceux-ci justifiaient ; que le courriel du 11 juillet 2010 illustre particulièrement une telle attitude ; qu'il commence en effet par une série de reproches qui conduisent [Y] [X] à se dire 'choqué' par la demande d'augmentation de salaire de [A] [G] ; que le président directeur général a pourtant proposé à ce dernier de lui accorder une augmentation pour ne pas le couper dans un 'élan' dont il venait pourtant de relever qu'il n'était pas prometteur ; que dans une nouvelle volte-face, l'employeur a 'annulé' le courriel le 12 juillet à la suite d'un entretien avec le salarié ; que l'avenant contractuel du 1er septembre 2010 s'ouvre par l'exposé de la décision commune des parties de remotiver [A] [G] en lui donnant les moyens de déployer toutes ses capacités ; que celles-ci semblaient donc reconnues alors qu'auparavant, et à nouveau devant la Cour, [A] [G] a été accusé de s'être paré des plumes du paon au moment de son embauche ; que les intentions exprimées dans l'avenant sont restées sans suite ; qu'en effet, [A] [G] n'a pu accéder aisément aux données nécessaires à l'exercice de ses fonctions ; que par lettre remise en main propre le 9 décembre 2010, le président directeur général a reproché à [B] [V], assistante administrative, d'avoir remis à l'appelant la clé de l'ancien bureau de [R] [J], où se trouvait le fichier clients de la société ; que la communication à [A] [G] du chiffre d'affaires 2008/2010 de la S.A.S. SISTEL a été soumise à l'autorisation de [Y] [X] le 27 décembre 2010 ; que l'employeur a mis fin à la période probatoire en janvier 2011 pour des raisons étrangères à l'appréciation des capacités professionnelles du salarié ; que le motif visé dans l'avenant contractuel proposé le 14 janvier 2011 est indigent, l'engagement de [R] [J] ayant déjà permis à la S.A.S. SISTEL d'apprécier si un poste de directeur commercial était adapté à ses besoins ; que les événements du 4 février 2011 parachèvent la démonstration de la versatilité de l'employeur qui, en quelques minutes, est passé d'une proposition de solution transactionnelle à une mise à pied conservatoire que le congé de maladie de [A] [G] rendait parfaitement inutile ; que de juin 2009 à février 2011, l'appelant a été soumis à l'autorité d'un président directeur général se comportant comme une divinité certes fondamentalement bienveillante, mais néanmoins capricieuse et imprévisible ; que l'alternance de reproches et de gratifications, de vexations et de reconnaissance, sans justification rationnelle, est profondément déstabilisante pour un salarié, et l'a été pour [A] [G] dont les conditions de travail dégradées ont eu des répercussions sur sa santé ; que le salarié a établi des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que la S.A.S. SISTEL n'a pas rapporté la preuve contraire que l'article L 1154-1 du code du travail mettait à sa charge ;

Qu'en conséquence, la Cour retire des pièces et des débats la conviction de ce que [A] [G] a été victime de harcèlement moral ; que le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef ; que dans l'appréciation du préjudice du salarié, il y a lieu de prendre en compte le fait que les agissements de l'employeur n'ont pas annihilé les capacités de défense d'un cadre qui occupait un niveau élevé dans la classification conventionnelle et dont la santé n'a pas été durablement dégradée ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 15 000 € le montant des dommages-intérêts dus à [A] [G] en réparation de son préjudice ;

Sur le motif du licenciement :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que selon le second, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi ;

Qu'en l'espèce, la mauvaise foi de [A] [G] est exclue, la Cour ayant retenu l'existence d'un harcèlement moral ; que, certes, dans les courriers des 31 janvier et 3 février 2011 visés dans la lettre de licenciement, le salarié est tantôt doctoral tantôt insolent à l'égard de son employeur ; que dans le contexte décrit ci-avant, ses propos excessifs ne remettent pas en cause sa bonne foi dans la dénonciation des faits dont il était victime ;

Que le licenciement fondé sur la dénonciation de faits de harcèlement moral est nul même si le motif illicite n'est pas l'unique cause de la rupture ;

Sur les conséquences de la nullité du licenciement :

Attendu que le salarié, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est au moins égal à celui prévu par l'article L 1235-3 du code du travail, c'est-à-dire aux salaires des six derniers mois ;

Qu'en l'espèce, le minimum légal défini s'élève à 37 141,52 € ; que [A] [G] communique des relevés de situation et des attestations de Pôle Emploi qui établissent qu'il a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi jusqu'en avril 2011 puis l'aide à la création d'entreprise jusqu'en décembre 2012 ; que le 18 avril 2011, il a requis l'immatriculation d'une S.A.R.L. Agence française pour l'amélioration de la sécurité (AFAD) qui lui versait un salaire mensuel brut de 3 837,20 € en juin 2013 ; qu'au vu de ces éléments, la S.A.S. SISTEL sera condamnée à payer à [A] [G] une indemnité de 60 000 € en réparation de son préjudice ;

Que le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement hormis en cas de nullité du licenciement en conséquence de la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi.

Que le salaire de référence à retenir pour le calcul des indemnités de rupture est de 5 672,96 €, montant correspondant à la moyenne des douze derniers mois après réintégration du rappel de commissions versé le 12 mai 2011 ; que pour une ancienneté d'un an et onze mois au terme du préavis, l'indemnité légale de licenciement s'élève à 2 174,63 € ramenés à 2 169,27 € ;

Que l'indemnité compensatrice de préavis s'établit à 17 018,88 € outre 1 701,88 € d'indemnité de congés payés ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [A] [G] de sa demande de rappel de rémunération variable,

Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit que [A] [G] a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral,

En conséquence, condamne la S.A.S. SISTEL à lui payer la somme de quinze mille euros (15 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Dit que le licenciement notifié à [A] [G] est nul,

En conséquence, condamne la S.A.S. SISTEL à payer à [A] [G] la somme de soixante mille (60 000 €) à titre d'indemnité en réparation du préjudice consécutif au licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Dit que les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, relatives au remboursement par l'employeur à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage versées au salarié, ne sont pas applicables,

Condamne la S.A.S. SISTEL à payer à [A] [G] :

la somme de deux mille cent soixante-neuf euros et vingt-sept centimes (2 169,27 €) à titre d'indemnité légale de licenciement,

la somme de  dix-sept mille dix-huit euros et quatre-vingt-huit centimes (17 018,88 €) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

la somme de mille sept cent un euros et quatre-vingt-huit centimes (1 701,88 €) au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2011, date de réception par la S.A.S. SISTEL de la convocation devant le bureau de conciliation ;

Condamne la S.A.S. SISTEL à payer à [A] [G] la somme de trois mille cinq cents euros (3 500 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. SISTEL aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 13/09779
Date de la décision : 17/11/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°13/09779 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-17;13.09779 ?
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