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17/11/2014 | FRANCE | N°13/05892

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 17 novembre 2014, 13/05892


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/05892





SAS RHODIA OPERATIONS



C/

[I]

SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DU SITE DU CRTL







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 10 Juin 2013

RG : F 12/00184











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2014













APPELANTE :




SAS RHODIA OPERATIONS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON



INTIMÉES :



[D] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]



comparante en personne, assistée de Me Pas...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/05892

SAS RHODIA OPERATIONS

C/

[I]

SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DU SITE DU CRTL

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 10 Juin 2013

RG : F 12/00184

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2014

APPELANTE :

SAS RHODIA OPERATIONS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

[D] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Pascale REVEL de la SCP REVEL-MAHUSSIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

SYNDICAT CGT DES PERSONNELS DU SITE DU CRTL

Mr [M], délégué syndical

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Pascale REVEL de la SCP REVEL-MAHUSSIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Octobre 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Agnès THAUNAT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Novembre 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

[D] [I] a été engagée par la S.A. Rhône-Poulenc Recherches en qualité d'ingénieur de recherche (statut cadre, coefficient 350) à compter du 1er septembre 1990.

Son contrat de travail était soumis à la convention collective nationale des industries chimiques.

Conformément à un avenant contractuel du 7 décembre 1999, [D] [I] a été employée à temps partiel (4/5ème) à dater du 10 janvier 2000.

Un avenant de forfaitisation a été conclu le 7 novembre 2001, aux termes duquel, à compter du 1er janvier 2002, l'ensemble des éléments de la rémunération annuelle de [D] [I] (douze mensualités, une gratification de fin d'année, une prime de vacances) seraient intégrés dans une structure de rémunération appelée forfait comportant treize versements mensuels égaux de 3 238,77 €). D'autre part, la salariée bénéficierait de la mise en place d'un élément de rémunération variable, dont le pourcentage par rapport au forfait résulterait :

- de l'atteinte d'objectifs collectifs, d'une part, comptant pour 60%, et d'objectifs personnels fixés par sa hiérarchie, d'autre part, comptant pour 40%,

- d'un taux 'cible' fixé en considération du niveau de son poste, et correspondant à l'atteinte à 100% de tous les objectifs.

Le 1er avril 2004, le contrat de travail de [D] [I] a été transféré à la société Rhodia Recherches.

Un contrat à durée indéterminée a été signé par les parties le 20 septembre 2004, aux termes duquel [D] [I] occupait un poste d'ingénieur en recherches et développement (ingénieur et cadre, coefficient 510), moyennant une rémunération annuelle forfaitaire de 54 500 € pour 211 jours de travail effectif. Pour une année civile complète de présence, cette rémunération était versée en treize mensualités égales, soit douze mensualités de 4 192 € et une treizième, prorata temporis, sous forme d'une gratification de fin d'année payable en décembre.

Le niveau du poste (H) de [D] [I] lui permettait d'accéder à une rémunération variable annuelle, calculée sur la base de 8% du forfait annuel brut si les objectifs étaient atteints à 100%, avec un maximum de 16%, le montant réel de ce variable étant déterminé en fonction du niveau de réalisation des objectifs (collectifs et personnels) de la salariée.

Pour [D] [I], le facteur P (personnel) de la rémunération variable a été fixé à :

1,12 au premier semestre 2005,

0,95 au second semestre 2005, soit 40%,

1,12 en 2006.

En application de l'article L 1224-1 du code du travail, le contrat de travail de [D] [I], dont l'exécution était alors poursuivie par la société Rhodia Opérations, a été transféré le 1er octobre 2007 à la société Bluestar Silicones qui n'appartient pas au groupe Rhodia.

Au cours d'une réunion plénière du 24 février 2011, les délégués du personnel ont soutenu que le 13ème mois et la rémunération variable, qui dépendait de la réalisation d'objectifs individuels, devaient être pris en compte dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.

La direction de l'entreprise leur a répondu que les primes et gratifications ayant un caractère annuel et dont le montant n'était pas affecté par la prise de congés payés, comme la prime de 13ème mois et la prime d'objectifs étaient exclues de l'assiette de l'indemnité de congés payés.

Interrogée à nouveau lors d'une réunion d'échanges avec les organisations syndicales du 6 juillet 2011, la S.A.S. Rhodia Opérations a fait la même réponse, dont elle a transmis copie à Maître [Z], avocat, qui lui avait demandé le 10 juin 2011 de procéder à une régularisation des indemnités de congés payés de l'ensemble des salariés concernés.

Le 21 octobre 2011, [D] [I] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon des demandes suivantes :

- rappel de congés payés 1 162,33 €

- dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 6 000,00 €

- dommages-intérêts pour résistance abusive1 500,00 €

- article 700 du code de procédure civile 1 500,00 €

Le Syndicat multi-professionnel C.G.T. du site est intervenu à l'instance.

* * *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 10 juillet 2013 par la S.A.S. Rhodia Opérations du jugement rendu le 10 juin 2013 par le Conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône (section encadrement) qui a :

1°) dit et jugé que l'indemnité de congés payés de [D] [I] doit être assise sur la rémunération totale brute perçue par la salariée comprenant sa rémunération variable et le 13ème versement de son salaire,

2°) condamné la S.A.S. Rhodia Opérations à payer à [D] [I] les sommes suivantes :

- rappel d'indemnité de congés payés 1 162,33 €

- dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 1 000,00 €

- article 700 du code de procédure civile 1 000,00 €

3°) débouté [D] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

4°) condamné la S.A.S. Rhodia Opérations à payer au Syndicat C.G.T. des personnels du site du CRTL de Lyon les sommes suivantes :

- dommages-intérêts 1 000,00 €

- article 700 du code de procédure civile 200,00 €

5°) dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement,

6°) débouté la société Rhodia Opérations de toutes ses demandes ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 6 octobre 2013 par la S.A.S. Rhodia Opérations qui demande à la Cour de :

1°) réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé que l'indemnité de congés payés de [D] [I] doit être assise sur la rémunération totale brute perçue par la salariée comprenant sa rémunération variable et le 13ème versement de son salaire,

- condamné la S.A.S. Rhodia Opérations à payer à [D] [I] les sommes suivantes :

rappel d'indemnité de congés payés 1 162,33 €

dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 1 000,00 €

article 700 du code de procédure civile 1 000,00 €

- débouté [D] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamné la S.A.S. Rhodia Opérations à payer au Syndicat C.G.T. des personnels du site du CRTL de Lyon les sommes suivantes :

dommages-intérêts 1 000,00 €

article 700 du code de procédure civile 200,00 €

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement,

- débouté la société Rhodia Opérations de toutes ses demandes ;

2°) confirmer le jugement entrepris pour le surplus et débouter [D] [I] et corrélativement le Syndicat C.G.T. des personnels du site du CRTL de Lyon de l'intégralité de leurs demandes ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de leurs observations orales du 6 octobre 2014 par [D] [I] et par le Syndicat C.G.T. des personnels du site du CRTL de Lyon qui demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et de la résistance abusive,

- dire et juger que l'indemnité de congés payés doit être assise sur la rémunération totale brute perçue par la salariée comprenant sa rémunération variable et le 13ème versement de son salaire,

- dire et juger que la société Rhodia a manqué à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi,

- condamner en conséquence la S.A.S. Rhodia Opérations à payer à [D] [I] les sommes suivantes :

1 162,33 € à titre de rappel d'indemnité de congés payés,

6 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

1 500,00 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la S.A.S. Rhodia Opérations à payer au Syndicat C.G.T. des personnels du site du CRTL les sommes suivantes :

3 000,00 € au titre de dommages-intérêts,

1 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement dans son intégralité ;

Sur la demande d'inclusion de la prime de treizième mois dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés :

Attendu que pendant la période couverte par la demande, [D] [I], qui était soumise à un forfait annuel en jours de travail depuis le 1er avril 2004, percevait une rémunération annuelle versée en treize mensualités conformément à l'article 6 du contrat de travail du 20 septembre 2004 ; que quel que soit son intitulé sur les bulletins de paie de décembre (gratification de fin d'année), la treizième mensualité était une fraction de la rémunération annuelle, et non une prime calculée pour l'année entière, périodes de travail et de congé confondues ; que la société Rhodia Opérations n'est donc pas fondée à prétendre que son montant n'était pas affecté par le départ de la salariée en congé ; qu'en conséquence, la treizième mensualité entre dans l'assiette de l'indemnité de congés payés ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur la demande d'inclusion de la prime d'objectifs dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés :

Attendu qu'il ressort de l'avenant contractuel du 7 novembre 2001 et du contrat de travail du 20 septembre 2004 que l'octroi de cette prime était subordonné à l'atteinte d'objectifs collectifs et individuels ; que les objectifs individuels proposés à la salariée ne sont communiqués par aucune des parties ; qu'il y a donc lieu de se référer à la note d'application du 25 mars 2007 dont la communication par la société Rhodia Opérations implique qu'elle concernait [D] [I] ; que la société appelante observe que selon cette note, le montant de la prime était calculé prorata temporis dans des cas d'absence limitativement énumérés, au nombre desquels ne figuraient pas les congés payés ; qu'elle en déduit que ces derniers n'avaient pas d'impact sur le montant de la prime ; que la société Rhodia Opérations confond ainsi l'incidence de l'absence sur l'ouverture du droit (qui était réduit au prorata temporis en cas de maladie non indemnisée, congé individuel de formation et congés non rémunérés) et l'incidence de l'absence sur le niveau d'atteinte des objectifs, et par conséquent sur les bases de calcul de la prime dont le montant théorique n'était pas réduit a priori au prorata du temps d'absence ; qu'à titre d'exemples d'objectifs individuels, la note cite l'acquisition de nouvelles compétences, la rédaction de notes particulières, le respect d'un timing précis, la réduction de délais, la prise en charge de nouveaux tests, la maîtrise de nouvelles techniques ; que l'atteinte de tels objectifs est affectée par la prise de congés payés qui laissent moins de temps pour les réaliser ; qu'il ne peut donc être soutenu que l'inclusion de la prime d'objectifs dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés conduirait l'employeur à payer deux fois ladite prime ; qu'il est indifférent qu'en pratique, l'objectif individuel soit systématiquement atteint nonobstant la prise de congés payés, l'inclusion de la rémunération variable dans l'indemnité de congés payés ne pouvant être fonction du niveau de difficulté des objectifs assignés ; qu'au demeurant, la transformation insidieuse de la prime d'objectifs en un élément de salaire fixe, dénoncée le 24 février 2011 par les délégués du personnel C.F.D.T., imposerait a fortiori l'inclusion dans l'assiette de calcul d'un élément de rémunération sur lequel le salarié serait en droit de compter, compte tenu de l'usage instauré par la société ; qu'il y a donc lieu confirmer le jugement entrepris sur le principe ;

Attendu que la société Rhodia Opérations ne remet pas autrement en cause les bases du calcul de l'indemnité de congés payés sollicitée ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a alloué à [D] [I] un rappel d'indemnité de 1 162,33 € ;

Sur les demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive et exécution déloyale du contrat de travail :

Attendu que le refus de la S.A.S. Rhodia Opérations d'accéder aux demandes des élus du personnel et du conseil du salarié serait fautif si l'employeur l'avait opposé aux demandes et maintenu, en pleine connaissance du caractère intenable en droit de la position adoptée par lui ; que  ni [D] [I] (qui a attendu quatre ans pour présenter sa demande) ni le Syndicat C.G.T. des personnels du site du CRTL de Lyon ne caractérisent le caractère abusif de la résistance de la société appelante ;

Qu'en conséquence, [D] [I] sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant infirmé ;

Sur la demande du Syndicat C.G.T. des personnels du site du CRTL de Lyon :

Attendu que la question de principe, soulevée par un salarié et concernant l'intégration, dans la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de congés payés, de primes instituées par l'employeur au profit de l'ensemble de son personnel sous la seule réserve de la réunion de certaines conditions présente un intérêt pour l'ensemble des salariés de l'entreprise et justifie l'intervention d'un syndicat devant la juridiction prud'homale dans l'intérêt collectif de la profession  ; que le jugement qui a alloué au Syndicat C.G.T. des personnels du site du CRTL la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts sera donc confirmé ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la S.A.S. Rhodia Opérations à payer à [D] [I] la somme de mille euros (1 000,00 €) à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau :

Déboute [D] [I] de sa demande de dommages-intérêts,

Confirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne [D] [I] aux dépens d'appel.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 13/05892
Date de la décision : 17/11/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°13/05892 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-17;13.05892 ?
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