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07/11/2014 | FRANCE | N°14/00879

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 07 novembre 2014, 14/00879


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/00879





SAS SOGEMA



C/

[S]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 16 Janvier 2014

RG : F 12/00180











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2014













APPELANTE :



SAS SOGEMA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Locali

té 3]



représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[C] [S]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]



comparant en personne, assisté de Me Sophie CHATAGNON-GRENOT, avocat au barreau de LYON










...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/00879

SAS SOGEMA

C/

[S]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 16 Janvier 2014

RG : F 12/00180

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2014

APPELANTE :

SAS SOGEMA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[C] [S]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Sophie CHATAGNON-GRENOT, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 10 avril 2014

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Octobre 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Christine DEVALETTE, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Novembre 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Christine DEVALETTE, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [S] a été embauché le 1er janvier 2010 en qualité de responsable logistique , statut cadre , au sein de la société SOGEMA, sans contrat de travail écrit .

Depuis son embauche, le salarié occupe un logement qu'il loue à [Localité 3], lieu d'exécution du contrat de travail, et effectue les trajets le week end pour rejoindre son domicile à [Localité 2](Drôme).

Le 26 juin 2012, la société SOGEMA a signifié à Monsieur [S] qu'elle mettrait un terme à compter d'août 2012 à l'usage 'consistant en la prise en charge de ses frais de trajets aller retour, en fins de semaine'.

Sur protestation du salarié qui faisait également valoir qu'il avait effectué plus de 500 heures supplémentaires , la société SOGEMA a maintenu sa position et a cessé de lui payer les 200€ à partir de fin juillet 2012.

Le 5 décembre 2012, Monsieur [S] s'est vu notifier un avertissement pour manquements dans l'exécution de ses fonctions, sur quoi celui -ci a adressé à son employeur une lettre contestant point par point ces manquements.

Par ordonnance de référé en date du 13 février 2013 , sur saisine de Monsieur [S] le 30 novembre 2012, la société SOGEMA a été condamnée à payer à Monsieur [S] une provision de 2108 € sur ses frais de déplacement

Par arrêt en date du 16 janvier 2014 , la Cour a infirmé cette ordonnance pour contestations sérieuses .

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 24 mai 2013, la société SOGEMA a mis un terme au contrat de travail pour insuffisance professionnelles .: non suivi des fournitures, non coordination des équipes , insuffisance de contrôle de la facturation transporteur et des livraisons, non suivi du respect des délais de préparation des commandes , incapacité à manager et diriger les équipes.

Sur saisine au fond de Monsieur [S] en date du 30 novembre 2012 , le conseil de prud'hommes d'OYONNAX , par jugement du 16 janvier 2014,

- a dit que le licenciement de celui-ci est sans cause réelle et sérieuse, et a annulé l'avertissement du 5 décembre 2012 ;

- condamné la société SOGEMA à lui payer les sommes suivantes :

. 22 200 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 7030,50€ de remboursement complémentaire de frais de déplacements ;

. 31 340,04€ d'heures supplémentaires,

. 3134€ de congés payés afférents ,

. 3000€ d'exécution déloyale du contrat de travail,

. 1500€ d'indemnité de procédure ,

Le jugement a débouté Monsieur [S] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et pour harcèlement moral.

Par déclaration en date du 3 février 2014 , la société SOGEMA a interjeté appel du jugement.

Au terme de ses dernières écritures intégralement reprises à l'audience , la société SOGEMA

demande la confirmation du jugement sur le rejet de la demande au titre du travail dissimulé et du harcèlement moral et son infirmation pour le surplus . Elle soutient qu'aucune somme n'est due au titre des frais de déplacement et demande en conséquence le remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire à ce titre , comme au tire des heures supplémentaires ou de l'exécution déloyale du contrat de travail .

Elle conclut enfin au rejet des prétentions de Monsieur [S] au titre de la rupture du contrat et sa condamnation à lui verser une indemnité de procédure de 1500€.

Elle soutient qu'au terme d'un contrat à durée déterminée qu'il n'a pas signé , Monsieur [S] s'était engagé à s'installer à [Localité 3] avec sa famille , de sorte que le versement de 200€ par mois de frais de déplacement était un engagement unilatéral , par nature non contractuel, provisoire , qu'elle a régulièrement pu retirer en raison de difficultés économiques et cela avec un délai de prévenance suffisant d'un mois .

Sur les heures supplémentaires réclamées à hauteur 500 heures par an , elle note que Monsieur [S] se contente de produire une attestation de l'ancien directeur licencié pour faute grave ou un tableau récapitulatif réalisé sur la base de copies écran de son ordinateur portable alors qu'il disposait d'une autonomie et d'un portable de sorte que son travail supplémentaire pour le compte de son employeur et à la demande de celui-ci n'est pas établi .

Elle conclut au rejet de la demande d'indemnisation pour travail dissimulé , faute de preuve d'une intention coupable de sa part ou de la demande de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat .

Sur la demande de nullité du licenciement , elle conteste tout harcèlement moral ou lien du licenciement avec l'action en référé, relevant que le certificat du médecin du travail ne fait que rapporter les propos de Monsieur [S].

Concernant le bien fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle , elle rappelle qu'elle a adressé au salarié un avertissement le 5 décembre 2012 pour des manquements et des négligences qui ont perduré et qui l'ont contrainte à lui notifier son licenciement le 24 mai 2013 , et produit plusieurs attestations . Elle s'oppose au passage à la nullité de l'avertissement , en l'absence de fondement juridique à une telle demande.

Au terme de ses dernières écritures intégralement reprises à l'audience , Monsieur [S] sollicite l'infirmation du jugement , forme appel incident , demande à la Cour :

- de prononcer la nullité du licenciement,

- de prononcer la nullité de l'avertissement du 5 décembre 2012,

- de condamner la société SOGEMA à lui verser 35 000€ de dommages et intérêts ,

Subsidiairement, de dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et lui allouer 35 000€ de dommages et intérêts ;

En tout état de cause , de condamner la société SOGEMA à lui verser :

- 9139€ de frais de déplacement, (rappel du 1er août 2012 au 7 juin 2013)

- 31 340€ d'heures supplémentaires outre 3140€ de congés payés affents ;

- 22 200€ pour travail dissimulé,

- 5000€ de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

- 5000€ pour harcèlement moral,

- 3000€ d'indemnité de procédure .

Sur la demande de remboursement de frais , l'intimé invoque non pas un usage, faute de critère de généralité, mais un avantage unilatéral qui a conditionné son accord, en contrepartie de la prise d'un logement sur [Localité 3], et qui a été exécuté pendant 32 mois.

Sur les heures supplémentaires , il rappelle qu'en l'absence de contrat instaurant un forfait jour ,il était soumis à la durée légale du travail et indique qu'il fournit un tableau détaillé des heures effectuées , des attestations sur ses heures tardives et observe que la société SOGEMA n'apporte aucun élément .

Sur le travail dissimulé , il considère que la mauvaise foi de l'employeur est établie .

Il fonde sa demande de nullité du licenciement , au visa des articles 1152-1 et 1144-3 du code du travail , sur le harcèlement moral qu'il a subi depuis sa contestation sur les frais de déplacement et son action en justice : refus de prise de congés , avertissement pour le déstabiliser , dont il demande l'annulation comme ne reposant sur aucun fait objectif, retrait de son ordinateur portable, mise à l'écart des réunions et séminaires ce dont il est résulté une dégradation de son état de santé , constatée par le médecin du travail et qui a donné lieu à une alerte des délégués du personnel. Il sollicite à ce titre une indemnisation de 5000€

Il considère donc que le licenciement est une mesure de rétorsion, et réfute tous les griefs d'insuffisance professionnelle visés dans la lettre .

Il demande enfin des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat par suppression brutale de ses frais de trajet et refus persistant de les payer .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les frais de déplacement domicile /travail

En l'absence de contrat écrit , les parties s'accordent pour dire que la somme de 200€ (outre frais de péage ) versée entre janvier 2010 et août 2012 par la société SOGEMA à Monsieur [S] sur notes de frais , hors bulletins de salaire , correspondait à l'indemnisation forfaitaire des frais aller-retour qu'il engageait chaque fin de semaine entre son lieu de travail et sa résidence familiale.

Monsieur [S] établit, par une attestation de Monsieur [U] ancien directeur général de la SOGEMA de septembre 2006 à février 2011 que cette indemnisation était une condition essentielle de son engagement avec la société SOGEMA , qui devait remplacer le responsable logistique dont elle venait de se séparer , le salarié s'engageant en contrepartie à résider sur place en semaine , ce dont il justifie .

Monsieur [S] étant le seul à bénéficier de cet avantage , il ne s'agit ni d'un usage, faute de caractère de généralité ,ni d' engagement unilatéral de l'employeur sur lequel il était loisible à ce dernier de revenir , sauf à respecter un délai de prévenance, mais d'un engagement contractuel dont le caractère temporaire , allégué par la société SOGEMA dans sa lettre du 26 juin 2012, est démenti par l'absence de signature du contrat à durée déterminée qui en aurait fixé le terme et par la persistance du versement de cette indemnité pendant 2 ans et demi .

Le jugement qui a fait droit à cette demande doit être simplement réformé en ce qu'il a alloué une somme prenant en compte la provision allouée par le juge des référés , ultérieurement infirmée . La société SOGEMA est condamnée à payer à Monsieur [S] la somme de 9139€ de frais de déplacement 1er août 2012 au 7 juin 2013 , date de fin d'exécution du contrat , par suite de la dispense d'exécution du préavis .

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L3171-4 du code du travail'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accompli , l'employeur fournit les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande , le juge forme sa conviction après avoir ordonné , en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'

En l'espèce , en l'absence de contrat de travail écrit , la mention sur les seuls bulletins de salaire d'un forfait annuel des 218 jours , et partant, sans indication des heures accomplies dans le mois au delà de la durée légale , est inopposable à Monsieur [S] qui était donc soumis à la durée légale du travail .

Pour justifier de l'accomplissement d'heures supplémentaires au delà de cette durée légale, Monsieur [S] produit des tableaux récapitulatifs établissant, semaine par semaine, le nombre d'heures de travail accomplies et produit également des courriels envoyés de l'ordinateur portable qui lui a été confié par la SOGEMA , démontrant un travail pour le compte de son employeur à des heures tardives , peu important que sur le 1500 courriels produits , figure un certain nombre de messages personnels , du fait de son éloignement familial, ce qui renforce la sincérité des éléments produits .

Dés lors que ces messages tardifs sont dans leur très grande majorité professionnels , il importe peu que Monsieur [S] ait disposé d'une grande autonomie dans l'organisation de son travail, l'employeur ne prétendant pas qu'il n'ait pas accompli son travail pendant les heures d'ouverture de l'entreprise .

Monsieur [S] établit par ailleurs de sa présence tardive sur son lieu de travail par une attestation de Madame [Z] , cadre de la société SOGEMA pendant la période considérée et surtout de la pleine connaissance qu'en avait l'employeur , par l'attestation de l'ex-dirigeant de la société SOGEMA , Monsieur [U] qui indique, ce qui est confirmé par un mail en ce sens , que du fait du départ tardif , au delà de 19 heures , de Monsieur [S] , il avait demandé au responsable de la fermeture de ne plus revenir le soir, le dernier cadre partant devant y procéder lui même .

De son côté , la société SOGEMA se contente de critiquer , de manière non pertinente , les éléments produits par son salarié, qui sont nécessairement non contradictoirement établis , ou de dénier son accord pour la réalisation d'heures supplémentaires , mais ne fournit aucun élément sur la durée du travail effectivement accomplie par son salarié .

Au vu de ces éléments , le conseil de prud'hommes a donc exactement acquis la conviction de l'exécution d'heures supplémentaires par Monsieurs [S] sur les années 2010 -2011 et la condamnation de la société SOGEMA à lui verser à ce titre la somme de 31 340,04€ outre congés payés afférents , doit être confirmée .

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Faute de caractérisation d'un élément intentionnel, que ne suffit pas à établir l'absence d'indication sur les bulletins de salaire des heures de travail réellement accomplies , le jugement qui a débouté Monsieur [S] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé , doit être confirmée , la condition de mise en oeuvre des dispositions de l'article L8221-5 du code du travail et de la sanction prévue par l'article L8223-1 du même code , n'étant pas réalisée .

Sur la demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral et mesure de rétorsion .

Aux termes de dispositions de l'article L1152-1 du code du travail , aucune salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'

L'article L1144-3 du code du travail qui prévoit la nullité du licenciement d'un salarié faisant suite à une action engagée par lui ou en sa faveur, n'est applicable à l'espèce dés lors que cette action n'a pas été engagée par Monsieur [S] sur le fondement des dispositions relatives à l'égalité professionnelles entre les hommes et les femmes .

Mais le licenciement prononcé par mesure de rétorsion d'une action en justice est nul comme prononcé en violation de la liberté fondamentale d'agir en justice .

Dans les deux cas , c'est au salarié d'établir des faits précis et concordants afin de permettre au juge d'apprécier l'existence d'un harcèlement ou d'une mesure de rétorsion faisant suite à une action en justice , à charge , dans l'affirmative, à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est motivée par des faits objectifs .

En l'espèce , Monsieur [S] , après avoir protesté par l'intermédiaire de son conseil le 1er août 2012 sur la suppression de la prise en charge de ses frais de transport et sur les heures supplémentaires , a saisi le conseil de prud'hommes en référé le 30 novembre 2012 d'une demande provisionnelle .Alors que l'instance était en cours , il s'est vu refuser sa demande de congés payés le 29 novembre 2012 , pour la période du 22 décembre 2012 au 7 janvier 2013 , au motif que sa présence était requise à compter du 3 janvier 2013.

Le 5 décembre 2012 , il s'est vu notifier un avertissement pour toute une série de manquements professionnels , alors que depuis son engagement en janvier 2010, il n'est pas établi qu'il ait fait l'objet d'observations ou de mises en garde , l'ex dirigeant de la société SOGEMA attestant au contraire de ses qualités professionnelles , déjà constatées lors d'un précédent contrat avec lui et confirmées au cours de la collaboration .

Le 10 décembre 2012, Monsieur [S] s'est vu prescrire, pour insomnies et anxiété généralisée, un arrêt de travail par le médecin du travail qui n'a certes fait que rapporter ses propos sur un harcèlement moral, mais qui l'a déclaré inapte temporaire , les arrêts de travail s'étant poursuivis jusqu'au 31 décembre 2012.

En cours de procédure la société SOGEMA a nié avoir fait une proposition d'indemnisation à Monsieur [S] et indiqué aux membres du comité d'entreprise le 18 décembre 2012 que cet arrêt était sans rapport avec la suppression des frais de transport de Monsieur [S] , sur quoi , ce dernier a protesté auprès de la déléguée du personnel le 27 janvier 2013 .

La société SOGEMA a interjeté appel de l'ordonnance de référé prononcée le 13 février 2013, ce qui était son droit le plus strict , d'autant que sa demande a été accueillie en cause d'appel, mais le 15 mai 2013 , lui a à nouveau refusé un congé pour la période du 24 juin au 28 juin 2013 , l'ayant convoqué entre temps , le 13 mai 2013, pour un entretien préalable en vue de licenciement et licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 24 mai 2013, avec dispense d'exécution du préavis à compter du 6 juin 2013 , pour des motifs identiques à l'avertissement et décrits comme ayant persisté depuis le 5 décembre 2012 .

Il ressort de la chronologie de ces faits , auxquels s'ajoutent le retrait de son ordinateur portable , selon l'employeur pour maintenance ,remplacé cependant par un ordinateur fixe avec transfert de toutes les données sur l'ordinateur central ,et la mise à l'écart d'un séminaire , ce que la société SOGEMA ne conteste pas sans fournir d'explication , que Monsieur [S] a été victime par mesure de rétorsion à l'action engagée en référé prud'homal , à des agissements qui constituent par leur répétition, et même sur un court laps de temps un harcèlement moral , ayant occasionné une dégradation de son état de santé, médicalement constatée.

De son côté ,l'employeur , qui dans la lettre d'avertissement comme dans la lettre de licenciement fait référence à la procédure en cours , tout en se défendant d'un lien entre celle-ci et les griefs invoqués , n'établit pas le sérieux de ces griefs d'insuffisance professionnelle qui auraient persisté après l'avertissement , ces griefs étant essentiellement repris par la même personne dans des mails puis dans une attestation reprenant de manière troublante le plan et les termes de la lettre de licenciement de l'employeur , et ce dernier n'ayant pas répondu clairement, au cours des échanges de courriers , aux objections faites par Monsieur [S] sur le fait qu'il n'avait plus la maîtrise des commandes de fournitures , des plannings des salariés , de la négociation des tarifs avec les transporteurs. Cette insuffisance de preuve de la réalité et du sérieux des griefs fondant l'insuffisance professionnelle alléguée , a d'ailleurs conduit le conseil de prud'hommes a considérer que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse.

Infirmant le jugement qui n'a pas statué sur la demande de nullité du licenciement , il convient de faire droit , en application des textes susvisés, à cette demande de nullité d'un licenciement qui constitue l'aboutissement d'un harcèlement moral en rétorsion d'une action en justice engagée par le salarié.

L'avertissement prononcé dans les mêmes circonstances a , en revanche , été exactement annulé par le conseil de prud'hommes .

Au vu des justificatifs du préjudice subi par Monsieur [S] à la suite de la rupture de son contrat de travail , de l'ancienneté de ce dernier dans l'entreprise , la société SOGEMA doit être condamnée à lui verser à ce titre, faute de demande de réintégration, 22000 € de dommages intérêts pour licenciement nul .

Monsieur [S] doit également être accueilli en sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral pendant l'exécution du contrat de travail à hauteur de 3000 € et le jugement infirmé sur le rejet de cette demande.

Sur la demande de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Monsieur [S] caractérise ce comportement déloyal dans le fait que la société SOGEMA aurait brutalement , et au bout de plus de deux ans , arrêté de lui verser ses frais de transport et ne se serait acquittée de leur règlement que partiellement et tardivement en avril 2014 , ce qui lui a causé un préjudice financier et moral .

Il s'agit là en effet d'un comportement fautif avéré , qui lui a causé un préjudice distinct de celui occasionné par des mesures de rétorsions et de harcèlement consécutives à sa protestation en justice sur ce point , mais aussi complémentaire des intérêts moratoires assortissant la condamnation en paiement de ces frais , en raison de la désorganisation de son budget occasionnée par l'avance qu'il a du faire de sommes importantes pendant plusieurs mois .

La réparation intégrale de ce préjudice conduit à confirmer le jugement sur l'indemnisation allouée à ce titre à hauteur de 3000 €.

Sur l'indemnité de procédure

La société SOGEMA doit être condamnée à verser à Monsieur [S] une indemnité de procédure complémentaire de 2000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et publiquement,

Confirme le jugement entrepris excepté sur le montant alloué au titre du remboursement de frais de transport , sur les dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réel et sérieuse et non pour licenciement nul, sur le rejet de la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Et statuant à nouveau sur ces chefs infirmés ;

Condamne la société SOGEMA à verser à Monsieur [C] [S] la somme de 9139 € au titre des frais de transport .

Prononce la nullité du licenciement de Monsieur [C] [S] du 24 mai 2013 comme consécutif à un harcèlement moral ;

Condamne la société SOGEMA à payer à Monsieur [C] [S] la somme de 22000  € à titre de dommages intérêts pour licenciement nul;

Condamne la société SOGEMA à verser à Monsieur [C] [S] 3000 € de dommages intérêts pour harcèlement moral au cours de l'exécution du contrat;

Y ajoutant ,

Condamne la société [S] une indemnité de procédure de 2000 €;

Condamne la société SOGEMA aux dépens d'appel .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Christine DEVALETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/00879
Date de la décision : 07/11/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/00879 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-07;14.00879 ?
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