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22/10/2014 | FRANCE | N°13/02907

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 22 octobre 2014, 13/02907


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : 13/02907





[D]



C/

SARL ROCHE ( ENSEIGNE NYKITA )







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 18 Mars 2013

RG : F 10/01616











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2014







APPELANTE :



[K] [D]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 3

]

[Adresse 1]

[Localité 1]



comparante en personne,

assistée de Me Mehdi BOUZAIDA, avocat au barreau de LYON



substitué par Me Eladia DELGADO, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



SARL ROCHE ( ENSEIGNE NYKITA )

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 13/02907

[D]

C/

SARL ROCHE ( ENSEIGNE NYKITA )

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 18 Mars 2013

RG : F 10/01616

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2014

APPELANTE :

[K] [D]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Mehdi BOUZAIDA, avocat au barreau de LYON

substitué par Me Eladia DELGADO, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SARL ROCHE ( ENSEIGNE NYKITA )

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Pascal PETREL

avocat au barreau de PARIS

PARTIES CONVOQUÉES LE : 08 Août 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Mars 2014

Présidée par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre et Christian RISS, conseiller, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, président

- Christian RISS, conseiller

- Catherine PAOLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 Octobre 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 18 mars 2013 par le Conseil de Prud'hommes de LYON, dont appel ;

Vu les conclusions déposées le 20 mars 2014 par [K] [D], appelante ;

Vu les conclusions déposées le 20 mars 2014 par la S.A.R.L. ROCHE, intimée ;

Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 20 mars 2014 ;

La Cour,

Attendu que suivant contrat de travail à durée indéterminée du 04 décembre 2006, [K] [D] a été embauchée en qualité de responsable de boutique, avec le statut d'employée catégorie VIII, par la S.A.R.L. ROCHE exploitant plusieurs magasins de prêt-à-porter dans la galerie commerciale de [Localité 2] (Rhône) ;

que le contrat de travail soumis à la convention collective nationale de l'habillement et des articles textiles (commerce de détail) prévoyait qu'elle serait affectée à la boutique '[1]' située audit lieu sans préjudice du droit, pour l'employeur de l'affecter dans tout autre établissement existant ou à créer ;

que par avenant du 27 juin 2008 elle a également été chargée de la responsabilité de la boutique '[2]' située à quelques mètres de la précédente ;

que le 28 septembre 2009 elle a fait l'objet d'un avertissement motivé par son attitude rigide à l'égard de ses collègues de travail et qu'elle a contesté ;

qu'elle a été placée en arrêt de maladie du 09 au 31 octobre 2009, puis du 23 novembre 2009 au 16 janvier 2010 ;

Attendu que le 12 janvier 2010, [K] [D] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement ;

que toutefois, la salariée ayant été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise en une seule visite par le médecin du Travail le 18 janvier 2010, cette procédure a été abandonnée par l'employeur qui l'a derechef convoquée à un entretien préalable fixé au 15 février 2010 ;

qu'elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre du 18 février 2010 non signée ;

Attendu que le 23 avril 2010 [K] [D] a saisi la juridiction du Travail en lui demandant de lui attribuer la qualification d'agent de maîtrise de catégorie B à compter de son embauche, de condamner en conséquence la S.A.R.L. ROCHE à lui payer des rappels de salaires et de congés payés, de dire qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de l'employeur, de prononcer l'annulation de l'avertissement du 28 septembre 2009, de dire son licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la S.A.R.L. ROCHE à lui payer diverses indemnités ainsi que des dommages et intérêts ;

Attendu que par jugement du 18 mars 2013 le Conseil de Prud'hommes de LYON a notamment :

- débouté [K] [D] de ses demandes de requalification professionnelle et de rappels de salaires et congés payés,

- débouté la même de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- débouté la même de sa demande d'annulation de l'avertissement du 28 septembre 2009,

- débouté la même de sa demande en nullité du licenciement,

- donné acte à la S.A.R.L. ROCHE de son engagement de régler à son ancienne salariée la somme de 2 982,87 € lui restant due au titre de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail ;

Attendu que [K] [D] a régulièrement relevé appel de cette décision le 05 avril 2013 ;

Attendu, sur la demande de requalification professionnelle, que l'appelante soutient essentiellement qu'en sa qualité de responsable de deux des magasins appartenant à la société ROCHE, elle occupait des fonctions correspondant au statut d'agent de maîtrise puisqu'elle était chargée d'assurer l'accueil et le conseil des clients, la vente, l'encaissement, la gestion des plannings et l'encadrement d'une équipe de deux vendeurs, et qu' elle devait également veiller au suivi des stocks, à la gestion commerciale , à la gestion financière et diriger l'équipe commerciale ainsi que tenir un rôle de formateur ;

Mais attendu qu'ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, [K] [D] n'avait aucune autonomie de décision en ce qui concerne la gestion des stocks, le réassort, la gestion administrative et financière ou dans celle des ressources humaines

que ses tâches effectivement variées se limitaient en fait à assister la direction dans les différents aspects sus-évoqués sans qu'il soit aucunement démontré qu'elle avait un pouvoir de décision si limité fût-il ;

que le simple fait d'avoir accompagné la directrice chez différents fournisseurs parce que celle-ci appréciait ses conseils ne lui a conféré aucune responsabilité particulière puisqu'en tout état de cause ce n'est pas à elle qu'appartenait la décision d'acheter ou de ne pas acheter une collection de vêtements ;

qu'il en est de même du dépôt en banque des encaissements en chèques ou en espèces qui n'implique aucune responsabilité de gestion financière mais seulement une relation de confiance ;

qu'il est établi par les pièces versées aux débats par la société intimée que l'appelante n'était aucunement chargée de la gestion des stocks, fonction occupée par un autre salarié, quand bien même il entrait dans le cadre de ses attributions de faire rapport à ce dernier de tout élément se rapportant à cet aspect de la gestion du fonds de commerce afin de lui permettre d'éclairer la direction sur la situation de l'entreprise et de prendre alors les décisions qui s'imposaient, responsabilité qui n'a jamais incombé à [K] [D] ;

que si l'appelante devait animer une équipe de vendeurs et répartir entre ceux-ci et elle-même les horaires de travail, elle n'était investie d'aucune responsabilité de gestion du personnel puisque notamment il ne lui appartenait pas de délivrer une autorisation d'absence ou de fixer les dates de congés payés des uns ou des autres, ni de recruter du personnel contrairement à ce qu'elle allègue ;

Attendu que les tâches dévolues à l'appelante étaient en parfaite adéquation avec son statut d'employée responsable de magasin tel que défini par la convention collective

que c'est par conséquent à bon droit que la juridiction du premier degré a rejeté la demande de requalification professionnelle présentée par [K] [D] ;

Attendu, sur l'avertissement du 28 septembre 2009, que par lettre dudit jour l'employeur reprochait à la salariée des attitudes sèches et choquantes vis-à-vis de ses collaboratrices, l'une d'elles, récemment embauchée pour la seconder, n'ayant pas souhaité conférer un caractère durable à cet engagement en raison du comportement sec et directif de [K] [D] ;

Attendu que cette lettre d'avertissement est rédigée en termes vagues et généraux

que la société intimée ne démontre aucunement qu'une salariée nouvellement embauchée pour seconder [K] [D] aurait refusé de concrétiser son engagement en raison de l'attitude agressive de l'appelante ;

que la lettre d'un sieur [B] en date du 20 novembre 2009 ne peut valoir preuve du bien fondé de l'avertissement litigieux puisqu'elle ne relate que des faits postérieurs à celui-ci ;

qu'il échet en conséquence de réformer la décision critiquée et de prononcer l'annulation de l'avertissement du 28 septembre 2009 ;

Attendu, sur le harcèlement moral, que celui-ci doit être caractérisé par l'existence de faits répétitifs de nature à porter atteinte à la dignité du salarié ou à altérer sa santé physique ou mentale ;

Attendu que pour les motifs énoncés supra, l'appelante ne saurait exciper du refus de l'employeur de lui reconnaître le statut d'agent de maîtrise ;

qu'un avertissement, même injustifié, ne peut à lui seul caractériser le harcèlement moral ;

Attendu que l'appelante ne saurait davantage ni sérieusement se prévaloir de son affectation successive dans les boutiques exploitées par la société ROCHE dans l'enceinte du centre commercial de [Localité 2] alors que d'une part elle a expressément accepté ces changements par avenant et que d'autre part lesdites boutiques n'étaient éloignées que de quelques mètres les unes des autres, de sorte qu'il n'en est résulté pour elle aucune contrainte liée à l'organisation matérielle de sa vie professionnelle et que les fonctions par elle exercées dans ces boutiques étaient identiques ;

qu'au contraire, la société ROCHE démontre que ces changements de lieu de travail, conformes au contrat de travail et à ses avenants dûment acceptés par la salariée, correspondaient à la saine gestion d'un ensemble de magasins situés en un même lieu et dont les personnels formaient une équipe de vente ;

Attendu que l'appelante ne rapporte nullement la preuve d'une surcharge de travail non plus que du prétendu déclassement professionnel dont elle se plaint et qui ne saurait résulter de la demande que lui a faite l'employeur d'afficher son propre planning de responsable de magasin afin que ses collaborateurs en fussent informés pour être mis à même de lui en référer en cas de difficulté quelconque ;

Attendu que l'annonce publiée par la société ROCHE sur le site internet de PÔLE EMPLOI le 18 novembre 2009 en vue de l'embauche d'un responsable de magasin ne démontre pas que l'employeur préparait l'éviction de [K] [D] puisque la société exploite plusieurs magasins et que cette recherche pouvait concerner un autre magasin que celui auquel l'appelante était affectée ;

Attendu que compte tenu des absences répétées et prolongées de la salariée, l'employeur était fondé à envisager de la licencier en raison de la perturbation ainsi causée à l'organisation du travail au sein de l'ensemble de boutiques exploitées par l'entreprise ;

que le fait, pour la société ROCHE, d'avoir ainsi engagé une procédure de qu'elle a

abandonné suite à l'avis d'inaptitude émis par le médecin du Travail ne peut être constitutif d'un acte de harcèlement ;

Attendu que l'employeur était également fondé à demander à la salariée la restitution des clefs du magasin lors de l'entretien préalable dès lors qu'il la dispensait d'activité ce qui impliquait une absence prolongée de la part de [K] [D] ;

Attendu enfin que rien n'établit que la dégradation de l'état de santé de l'appelante soit lié à ses conditions de travail ;

qu'en particulier, les certificats médicaux qu'elle produit aux débats se bornent à relater les déclarations qu'elle a faites aux médecins qui en sont les auteurs sans que ceux-ci aient été amenés à constater par eux-mêmes la dégradation des conditions de travail de leur patiente, laquelle ne s'est jamais plainte au médecin du Travail ou à l'inspecteur du Travail ;

que le seul fait que l'appelante ait été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise par le médecin du Travail le 18 janvier 2010 n'implique pas nécessairement que cette inaptitude soit liée aux conditions de travail ;

Attendu en conséquence qu'il convient de confirmer le jugement attaqué tant en ce qu'il a débouté [K] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral que de sa demande en nullité du licenciement ;

Attendu, sur la régularité du licenciement, que l'article L 1232-6 alinéa 1er du Code du Travail dispose que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ;

Attendu qu'il est constant que la lettre de licenciement adressée à [K] [D] par la société ROCHE le 18 février 2010 ne comporte aucune signature ;

qu'elle doit donc être tenue pour inexistante ;

que l'employeur ayant manifesté sa volonté de licencier sans notifier le licenciement dans les formes prescrites par la loi, le contrat de travail a été rompu et qu'en l'absence de lettre notifiant le licenciement, celui-ci est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

qu'il y a donc lieu de réformer la décision entreprise et de condamner la société intimée à payer à l'appelante la somme de 4 220 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 422 € pour les congés payés y afférents ;

Attendu que des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ne peuvent se cumuler avec l'indemnisation d'un préjudice causé par un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

que cette demande sera donc rejetée ;

Attendu que [K] [D] comptait plus de trois ans d'ancienneté lors de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

que la société intimée ne précise pas combien elle emploie de salariés ;

que le salaire mensuel de l'appelante s'élevait à la somme de 1 776,69 € ainsi que la société ROCHE l'indique elle-même dans ses écritures ;

que la Cour est en mesure d'évaluer le préjudice qui lui a été causé par un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à la somme de 12 000 € que la société intimée sera condamnée à lui payer ;

Et attendu qu'il n'y a plus de litige entre les parties au sujet de l'indemnité due par l'employeur au titre de la clause de non-concurrence ;

Attendu que pour faire valoir ses droits devant la Cour, l'appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de la société intimée ;

que celle-ci sera condamnée à lui payer une indemnité de 1 200 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Au fond, le dit partiellement justifié ;

Réformant, annule l'avertissement du 28 septembre 2009 ;

Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la S.A.R.L. ROCHE à payer à [K] [D] la somme de 4220 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 422 € pour les congés payés y afférent ;

La condamne à lui payer la somme de 12000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Y ajoutant, déboute [K] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière ;

Condamne la S.A.R.L. ROCHE à lui payer une indemnité de 1 200 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 13/02907
Date de la décision : 22/10/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°13/02907 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-22;13.02907 ?
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