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15/10/2014 | FRANCE | N°12/08701

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 15 octobre 2014, 12/08701


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 12/08701





SAS ORAPI EUROPE



C/

[R]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BELLEY

du 16 Novembre 2012

RG : 2011/135











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2014







APPELANTE :



SAS ORAPI EUROPE

[Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]




représentée par Me Jacques ROSSI, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[V] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Claude LARZUL, avocat au barreau de RENNES











PARTIES CONVOQUÉES LE : 09 Avril 2013



DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Novemb...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 12/08701

SAS ORAPI EUROPE

C/

[R]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BELLEY

du 16 Novembre 2012

RG : 2011/135

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2014

APPELANTE :

SAS ORAPI EUROPE

[Adresse 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jacques ROSSI, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[V] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Claude LARZUL, avocat au barreau de RENNES

PARTIES CONVOQUÉES LE : 09 Avril 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Novembre 2013

Présidée par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre et Christian RISS, Conseiller, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, président

- Christian RISS, conseiller

- Hervé GUILBERT, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Octobre 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 16 novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de BELLEY, dont appel ;

Vu les conclusions déposées le 27 novembre 2013 par la S.A.S. ORAPI EUROPE, appelante, incidemment intimée ;

Vu les conclusions déposées le 4 novembre 2013 par [V] [R], intimé, incidemment appelant ;

Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 27 novembre 2013 ;

La Cour,

Attendu que suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er juin 2004, [V] [R] a été embauché en qualité de chef de marché par une société TIMAB DISTRIBUTION, filiale d'un groupe dénommé ROULLIER ;

que le 1er février 2008 son contrat de travail a été transféré à une société HYPRED DISTRIBUTION, autre filiale dudit groupe, au sein de laquelle il a été nommé aux fonctions de directeur du développement du département dénommé TRANSNET ;

qu'à compter du 1er juin 2011, la société HYPRED DISTRIBUTION ayant cédé la branche d'activité dénommée TRANSNET à la S.A.S. ORAPI EUROPE, le contrat de travail a été transféré à celle-ci ;

que par lettre du 09 juin 2011 la S.A.S. ORAPI EUROPE [V] [R] a été chargé de la responsabilité générale de la division TRANSNET rattachée à un pôle de gestion commerciale et logistique situé à [Localité 3] (Ain) ;

qu'il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 22 novembre 2011 ;

Attendu que saisi à la requête du salarié le 12 décembre 2011, le Conseil de Prud'hommes de BELLEY a notamment, par jugement du 16 novembre 2012 :

- déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la S.A.S. ORAPI EUROPE à payer à [V] [R] la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts avec exécution provisoire,

- débouté [V] [R] de toutes autres prétentions ;

Attendu que la S.A.S. ORAPI EUROPE a régulièrement relevé appel de cette décision le 04 décembre 2012 ;

Attendu que la lettre de licenciement du 22 novembre 2011 fixe les limites du litige ;

que dans cette missive de trois pages l'employeur reproche au salarié de mauvaises relations avec un sieur [Q] [B], son subordonné direct, de graves lacunes dans la connaissance des personnels placés sous son autorité comme des enjeux stratégiques auxquels l'entreprise devait faire face, des négligences et des retards dans le traitement des dossiers et de ses comptes-rendus, ainsi que l'impréparation totale d'une importante réunion de revue budgétaire tenue le 19 octobre 2011 ;

Attendu que contrairement à ce qu'a retenu le Conseil de Prud'hommes, la lettre de licenciement vise expressément l'insuffisance professionnelle ;

que c'est donc par des motifs inopérants que les premiers juges ont statué comme ils l'ont fait ;

Attendu que l'intimé fait justement observer que des responsabilités de plus en plus importantes lui ont été confiées depuis son entrée dans le groupe auquel appartient la S.A.S. ORAPI EUROPE ;

que d'ailleurs, lors du transfert du contrat de travail à celle-ci le 1er juin 2011, les responsabilités qui étaient déjà les siennes au sein du département TRANSNET ont été encore étendues, et que son salaire mensuel a été porté de 7 500 € à 10 000 € outre une rétribution complémentaire variable, ce qui ne se peut concevoir sans que le nouvel employeur ait pris la juste mesure des capacités d'un salarié ayant déjà sept ans d'ancienneté au sein du groupe et jugé indispensable de s'attacher ses services pour poursuivre et développer l'activité TRANSNET, étant observé que la lettre de licenciement fait état, de façon appuyée, de cette promotion et de l'augmentation de rémunération qui l'a accompagnée ;

qu'il apparaît pour le moins surprenant qu'en à peine cinq mois, et après l'écoulement de la période estivale où l'activité se réduit, la S.A.S. ORAPI EUROPE ait pu faire le constat de l'inadéquation du salarié aux fonctions qui lui étaient confiées à la tête de la division TRANSNET à la direction de laquelle [V] [R] concourait depuis trois ans au moins à la satisfaction complète de son employeur précédent ;

Attendu, sur le grief tiré de relations professionnelles difficiles avec un subordonné, le sieur [B], que dans une lettre en date du 23 août 2011 adressée au président de la société ORAPI EUROPE le susnommé se plaint d'être victime de la part de [V] [R], depuis février 2009, soit plus de deux ans avant le transfert du contrat de travail, de faits répétés de menaces, d'isolement et de pression continuelle, sans autre précision ;

qu'à la suite de ce courrier, une réunion a été organisée le 30 août 2011 entre le sieur [W], président, et les deux protagonistes ;

que par lettres du 1er septembre 2011, ledit sieur [W] a d'une part rappelé au sieur [X] qu'il devait collaborer loyalement avec son supérieur hiérarchique, et d'autre part assuré l'intimé de son entier soutien ;

que par message électronique du 13 octobre 2011 [V] [R] a rappelé à son subordonné les règles applicables aux déplacements professionnels et à la prise en charge des frais y afférents par l'entreprise ;

que ce rappel au règlement exprimé en termes mesurés ne constitue que l'accomplissement de ses devoirs par [V] [R] qui n'a aucunement excédé les limites de l'autorité hiérarchique dont il était investi ;

que cependant, le sieur [B] s'est outré d'avoir été l'objet de cette remarque et a adressé à son supérieur hiérarchique le 14 octobre 2011 une réponse dans laquelle il le prend à partie de façon tout à la fois excessive et agressive ;

que sur la demande d'explication du président, [V] [R] a répondu le 21 octobre 2011, toujours de façon mesurée mais avec fermeté, qu'il ne pouvait accepter les procédés désobligeants et incorrects de son subordonné ;

Attendu qu'il ressort de ces éléments, que la dégradation des relations professionnelles entre l'intimé et le sieur [B] n'est nullement imputable à [V] [R] dont le comportement ne peut être regardé comme fautif ou même simplement inapproprié ;

que le grief tiré d'un management inadéquat ne peut donc qu'être écarté alors qu'au surplus il est pour le moins surprenant qu'il soit articulé par le sieur [W], signataire de la lettre de licenciement du 22 novembre 2011, alors que dans un précédent courrier du 1er septembre 2011, ledit sieur [W] avait assuré [V] [R] de son entier soutien face à l'attitude hostile du sieur [B] ;

qu'enfin, la société appelante ne saurait se prévaloir du fait que l'intimé aurait également entretenu de mauvaises relations avec un sieur [D] dès lors qu'il n'est fait aucune mention de cet aspect de la vie professionnelle de [V] [R] dans la lettre de licenciement ;

Attendu, sur l'insuffisance professionnelle qui serait caractérisée par un défaut de maîtrise de la direction générale opérationnelle de l'activité révélé par l'impréparation totale de la réunion de revue budgétaire du 19 octobre 2011, que les manquements allégués sont énoncés en termes vagues et généraux auxquels aucune substance n'est apportée par les éléments produits ;

qu'en effet, la direction de la société appelante n'a jamais mis en garde le salarié contre des insuffisances dans la réalisation de ses missions ni n'a même simplement attiré son attention sur les aspects les plus importants de celles-ci auxquels il convenait de réserver un soin particulière ;

Attendu que pour tenter de donner quelque consistance à ses reproches, la société ORAPI EUROPE verse aux débats les attestations de quatre de ses collaborateurs , rédigées en espagnol et en polonais et accompagnées de leur traduction ;

qu'il est à noter que deux d'entre elles ont été rédigées le même jour à [Localité 3], soit le 26 avril 2012, en des termes très similaires, ce qui amène la Cour à concevoir de sérieux doutes sur la liberté d'expression dont jouissaient leurs auteurs lorsqu'ils ont été priés de prendre la plume ;

qu'au surplus, ces attestations énoncent des contre-vérités manifestes en ce qu'elles indiquent que [V] [R] n'avait aucune connaissance de l'activité TRANSNET ni des hommes qui y concouraient ni des pays où elle s'exerçait, alors qu'il est au contraire établi que pendant plusieurs années l'intimé a participé au développement de cette activité et que sa réussite a été telle qu'elle lui a valu des promotions successives ;

que c'est d'ailleurs sa connaissance parfaite de ce secteur d'activité qui a incité la société ORAPI EUROPE à s'attacher les services de [V] [R] au prix fort ;

qu'enfin, l'intimé rapporte la preuve de ce que les auteurs de ces attestations ont été manifestement soumis à de très fortes pressions de la direction pour établir des attestations très défavorables et invraisemblables à son encontre, puisqu'ils ont continué à entretenir avec lui, après son licenciement, des relations amicales qui peuvent être qualifiées de très chaleureuses, voire même d'affectueuses, en complète contradiction avec les termes employés dans lesdites attestations ;

que les attestations produites par la société appelante ne peuvent donc emporter la conviction de la Cour ;

Attendu qu'il est également reproché à l'intimé un retard dans le traitement d'un dossier STEF TFE pour avoir tardé à apposer sa signature sur le contrat conclu avec cette entreprise ;

Mais attendu que l'intimé fait observer sans être utilement contredit que le dossier ne lui a été remis que trois semaines après la conclusion de l'accord qui est devenu immédiatement effectif et qu'il devait le signer en vertu d'une délégation de pouvoirs dont il n'avait pas encore été investi ;

Attendu que les motifs développés dans la lettre de licenciement au soutien du grief d'insuffisance professionnelle ne reposent sur aucun élément concret et ne sont en fait que des prétextes destinés à donner une apparence présentable à l'éviction d'un salarié dont la société ORAPI EUROPE s'est finalement aperçue qu'il lui coûtait trop cher ;

Attendu que c'est donc à bon droit que les juges de première instance ont déclaré le licenciement de [V] [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu, sur le préjudice, que la rémunération de l'intimé s'élevait à 120 000 € par an, outre la rémunération variable de 24 000 € par an ;

qu'à la date de l'audience, il était toujours inscrit au chômage ;

qu'il ne peut être réintégré dans le groupe ROULLIER en vertu des accords conclus entre ce dernier et la société appelante ;

que l'intimé peut se prévaloir d'une ancienneté de plus de sept années ;

Attendu que le préjudice matériel et moral qui lui a été causé par un congédiement aussi brutal qu'injustifié a été insuffisamment apprécié par le Conseil de Prud'hommes ;

qu'il échet de réformer sur ce point et de condamner la société ORAPI EUROPE à payer à [V] [R] la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts :

Attendu que pour faire valoir ses droits devant la Cour, l'intimé a été contraint d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de la société appelante ;

que celle-ci sera condamnée à lui payer une indemnité de 4 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;

Au fond, dit le second seul justifié ;

Réformant, condamne la S.A.S. ORAPI EUROPE à payer à [V] [R] la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Condamne la S.A.S. ORAPI EUROPE à payer à [V] [R] une indemnité de 4 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/08701
Date de la décision : 15/10/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/08701 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-15;12.08701 ?
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