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08/10/2014 | FRANCE | N°13/04167

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 08 octobre 2014, 13/04167


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : 13/04167





SAS BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS



C/

[J]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 06 Mai 2013

RG : F 12/00134











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2014







APPELANTE :



SAS BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS

VINS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Fabienne LEVEQUE, avocat au barreau de DIJON







INTIMÉ :



[S] [J]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]



comparant en personne

a...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 13/04167

SAS BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS

C/

[J]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 06 Mai 2013

RG : F 12/00134

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2014

APPELANTE :

SAS BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Fabienne LEVEQUE, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉ :

[S] [J]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne

assisté de Me David LAURAND

de la SELARL DAVID LAURAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 28 Novembre 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Juin 2014

Présidée par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre et Christian RISS, Conseiller (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, président

- Christian RISS, conseiller

- Catherine PAOLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Octobre 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [S] [J] a été embauché le 19 avril 1977 en qualité de V.R.P. par la société L'HERITIER-GUYOT, puis son contrat de travail a été repris en 1998 conformément aux dispositions de l'ancien article L. 122-12, devenu L. 1224-1 du code du travail, par la société BOISSET aujourd'hui dénommée BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS ayant pour activité le négoce des vins et spiritueux.

Depuis le 1er janvier 2001, il occupait la fonction de Directeur Régional des ventes et bénéficiait du statut Cadre, niveau 9 échelon B selon la classification de la convention collective nationale des vins, cidres, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France, avec une rémunération mensuelle moyenne brute de 4.764,60 €.

Rattaché à l'établissement secondaire de QUINCIE EN BEAUJOLAIS (Rhône), il disposait d'un véhicule de fonction.

Son taux d'alcoolémie a été contrôlé positif le vendredi 04 mai 2012 alors qu'il conduisait le véhicule automobile de la société après un déjeuner professionnel avec un grossiste, précédé, selon ses dires, d'une dégustation.

Son permis de conduire lui a été immédiatement retiré et suspendu administrativement pendant une durée de 5 mois.

Prétendant n'avoir eu connaissance que tardivement et de manière informelle de la mesure de suspension du permis de conduire, la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS a convoqué le 31 mai 2012 Monsieur [J] à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 08 juin 2012, ensuite reporté au 13 juin 2012 en raison de l'indisponibilité du Directeur Général de la société, puis a procédé à son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 juin 2012 dont il a accusé réception le lendemain.

Par lettre recommandée du 26 juin 2012, Monsieur [J] a contesté les motifs de son licenciement, puis a saisi le 02 juillet 2012 la juridiction prud'homale de demandes tendant, en leur dernier état, à faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS à lui payer des sommes de :

- 14.293,82 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.429,38 € brut au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

- 76.233,60 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 204.760,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

subsidiairement, 4.764,00 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS s'est opposée à ses demandes et a sollicité l'octroi de la somme de 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Par jugement rendu le 06 mai 2013 le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône, section encadrement, a :

Requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [J] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamné la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS à payer à Monsieur [J] les sommes suivantes :

- 14.293,82 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1.429,38 € au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis;

- 76.233,60 € à titre d'indemnité de licenciement ;

- 85.762,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

Rappelé l'exécution provisoire de droit sur les sommes dues à titre de rémunération dans la limite de neuf mois de salaire, et fixé à cette fin la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à la somme de 4.764,00 € ;

Ordonné le remboursement par la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement servies à Monsieur [J] du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite d'un mois d'indemnité ;

Débouté les parties de leur demande plus amples ou contraires ;

Mis les dépens à la charge de la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS.

Par lettre recommandée en date du 23 mai 2013 enregistrée le lendemain au greffe, la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS a interjeté appel de ce jugement dont elle demande l'infirmation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 11 juin 2014 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions d'appelante n° 2 qu'elle a fait déposer le 10 juin 2014 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses prétentions et moyens en application de l'article 544 du code de procédure civile, et tendant à :

- Dire et juger que la procédure de licenciement engagée à l'encontre de Monsieur [J] est régulière ;

- Dire et juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [J] en date du 21 juin 2012 est fondé ;

- Débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes comme injustifiées et infondées;

-Condamner Monsieur [J] à payer à la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS la somme de 42.876,00 € au titre de la restitution de la somme versée en exécution de droit du jugement rendu le 06 mai 2013 par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône ;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [J] repose sur une cause réelle et sérieuse;

- Débouter Monsieur [J] de sa demande d'indemnité au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre infiniment subsidiaire,

dans l'hypothèse d'une confirmation du jugement rendu le 06 mai 2013 par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône ayant considéré l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur [J] :

- Réduire le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicitée par Monsieur [J] à la somme de 28.587,00 € brute de CSG - CRDS ;

En tout état de cause,

- Condamner Monsieur [J] au paiement de la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens.

Monsieur [J] a pour sa part fait reprendre à cette audience par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'il a fait déposer le 11 juin 2014 et auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses prétentions et moyens, aux fins de voir :

- Confirmer le jugement rendu le 06 mai 2013 par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône en ce qu'il a dit que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- Condamner la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS à lui payer les sommes de :

14.293,82 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ,

1.429,38 € brut au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis ,

76.233,60 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ,

204.760,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

subsidiairement, 4.764,00 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ,

3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

SUR CE,

La Cour,

Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-6 et L. 1232-1du code du travail que, devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci et d'autre part de démontrer qu'ils constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;

Attendu que Monsieur [J] a été licencié pour faute grave par la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS selon lettre recommandée avec avis de réception du 21 juin 2012 pour le motif ainsi énoncé :

« Le 4 mai 2012 à 17 h 10, vous avez été contrôlé par les forces de police au volant de votre véhicule de fonction avec un taux d'alcool de 0,65 mg/L d'air expiré soit un taux de 1,30 g/L dans le sang. Vous étiez donc en état d'ébriété avérée d'une part pendant votre temps de travail, et d'autre part au volant de votre voiture de fonction qui est votre outil de travail principal et qui est considéré comme votre lieu de travail. Par ailleurs, votre état faisait courir tant à vous-même qu'à des tierces personnes un danger pouvant être mortel.

Ne pouvons tolérer que les salariés qui sont sous notre responsabilité puissent avoir cette attitude non responsable au cours de l'exercice de leur activité sans que nous soyons amenés à prendre des mesures les plus adaptées dans ce genre de situation.

Enfin, vous êtes sous le coup d'une suspension de permis de conduire d'un minimum de cinq mois, ce qui vous permet difficilement d'exercer votre activité pour laquelle vous avez été recruté, sans que cette dernière motivation ne soit déterminante dans notre décision.

Nous vous rappelons par ailleurs que l'article 9 de notre règlement intérieur dispose que : « toute personne surprise à consommer une boisson alcoolisée pendant le temps de travail sur le lieu de travail sera passible de l'une des sanctions visées à l'article 12 ».

Vous avez donc manqué à vos obligations contractuelles, ce que vous avez reconnu lors de notre entretien préalable.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave . . . » ;

1°) Sur la procédure :

Attendu que Monsieur [J] prétend tout d'abord que Monsieur [G] [B], Directeur Général de la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS, l'a informé au cours de l'entretien préalable qui s'est tenu le 13 juin 2012 qu'il serait licencié pour faute grave ;

qu'il verse aux débats les attestations de Messieurs [E] [W], [Q] [C] [R] et [X] [D] selon lesquelles il leur avait indiqué à l'issue de son entretien qu'il venait d'être licencié sans préavis ;

qu'il a ensuite contesté cette décision par courrier électronique du 18 juin 2012 ;

que la décision de licenciement prise dans ces conditions au cours de l'entretien préalable en l'absence de tout délai de réflexion pour l'employeur constitue une irrégularité de procédure ;

Mais attendu que les attestations produites ne rapportent que les propos tenus par Monsieur [J] lui-même à l'issue de l'entretien préalable ;

qu'elles ne peuvent constituer la preuve de son licenciement d'ores et déjà décidé alors que leurs auteurs n'ont pas assisté à l'entretien et ne peuvent dès lors attester des paroles effectivement prononcées par l'employeur et qu'il existe en outre des divergences entre les différents témoignages, Monsieur [R] ayant indiqué que Monsieur [J] lui avait dit qu'il venait d'être licencié sans préavis, alors que Monsieur [D] rapporte qu'il lui avait seulement indiqué qu'il allait être licencié ;

Attendu ensuite que, par une correspondance électronique en date du 20 juin 2012, Monsieur [B] a répondu à Monsieur [J] pour reconnaître que s'il n'avait pas dissimulé l'enjeu de l'entretien, à savoir une éventuelle rupture de son contrat de travail, il lui avait en revanche fait connaître qu'aucune décision définitive n'était prise de ce jour, de sorte que le salarié avait pu s'expliquer par la lecture d'une lettre qu'il avait préparée pour sa défense et poser différentes questions sur les suites éventuelles qui pourraient être données par l'employeur et auxquelles il lui a été répondu ;

que Monsieur [J] a finalement été licencié par lettre recommandée envoyée le 21 juin 2011, soit 8jours après l'entretien préalable ;

Attendu en conséquence qu'aucune irrégularité de procédure n'étant en conséquence intervenue de ce fait, Monsieur [J] doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 4.764 € qu'il sollicite subsidiairement à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

qu'il convient dès lors de confirmer sur ce point le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône ;

2°) Sur le licenciement :

Attendu que Monsieur [J] ne conteste pas avoir été contrôlé par les forces de Police le 04 mai 2012 à 17 h 10 au volant du véhicule de fonction mis à sa disposition par son employeur avec un taux d'alcool de 0,65 mg/litre d'air expiré et avoir fait l'objet sur le champ d'une mesure de suspension administrative de son permis de conduire pour une durée provisoire de cinq mois ;

qu'une ordonnance pénale judiciaire est ensuite intervenue le 12 septembre 2012 prononçant la suspension de son permis de conduire pendant la même durée de cinq mois et lui permettant de le récupérer le 4 octobre 2012;

Attendu que société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS prétend pour sa part avoir été informée tardivement de cette situation qui aurait retardé la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire, dans la mesure où Monsieur [J] ne l'a pas avertie immédiatement et encore moins officiellement de la suspension de son permis de conduire, et qu'elle n'en a eu connaissance que tardivement et de manière informelle par le biais de son supérieur hiérarchique sans connaître les circonstances de cette suspension ;

que par lettre du 22 mai 2012, elle a alors demandé à Monsieur [J] de lui apporter des précisions sur sa situation et sur l'organisation possible de son travail, et que ce n'est que lors d'une rencontre le 29 mai 2012 avec Monsieur [B], directeur général de la société, que Monsieur [J] a justifié précisément de la suspension de son permis de conduire et des circonstances de son retrait ;

qu'il a alors été convoqué rapidement le 31 mai 2012 à un entretien préalable en vue de son licenciement pour faute grave ;

Attendu cependant que Monsieur [J] soutient avoir informé son employeur le jour-même de la suspension de son permis de conduire pour en avoir avisé sur son téléphone portable son supérieur hiérarchique, Monsieur [I] [O], depuis son propre téléphone portable professionnel ;

que la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS, qui reconnaît avoir bien été informée de la situation par le supérieur hiérarchique de Monsieur [J], confirmant ainsi implicitement que ce dernier en avait bien été avisé, soutient cependant que son information aurait été tardive sans toutefois en rapporter la preuve pour s'abstenir de produire le relevé téléphonique du téléphone portable professionnel de Monsieur [J] du 04 mai 2012 aux environs de 17 heures / 18 heures 15 comme l'avait demandé ce dernier, qui aurait permis de confirmer si le numéro de téléphone de Monsieur [O] y figurait ou non ;

qu'en outre, si Monsieur [B] a expressément demandé à Monsieur [J] par lettre recommandée du 22 mai 2012 de lui fournir tous éclaircissements utiles sur la suspension de son permis de conduire dont il était à l'évidence informé, avant d'ajouter :

« . . . Vous voudrez bien nous préciser également par retour quelle pourrait être l'organisation de vos tâches pour la durée du retrait de votre permis de conduire et, en l'occurrence pour vous, des possibilités d'utilisation de votre véhicule. Vous voudrez donc bien me contacter directement, à réception de la présente, afin de convenir d'un rendez-vous avec vous pour vous entretenir de ces différents points » ;

que par courrier électronique en date du 25 mai 2012, Monsieur [B] a encore écrit à Monsieur [J] :

« En prévision de notre réunion du mardi 29 mai à [Localité 4] et en vue de voir les possibilités d'étendre de façon continue la garantie à la ou les personnes qui vous serviraient de chauffeur, j'aurais besoin que vous apportiez mardi les documents suivants :

- Document attestation de votre suspension de permis de conduire et donc de votre impossibilité de conduire le véhicule, c'est-à-dire Arrêté de Suspension du permis qui a dû vous être transmis ;

- Copie de la carte d'identité de la ou des personnes qui seraient amenées à vous convoyer et ce, afin que je soumette cela à notre compagnie d'assurances qui sera amenée à faire un avenant pour entériner cette modification pérenne du contrat » ;

Attendu qu'il ressort de ces éléments que Monsieur [J] a bien informé sa Direction de sa situation peu après la suspension de son permis de conduire ; que l'absence de permis de conduire n'altérait pas l'exécution de son contrat de travail dans la mesure où il pouvait utiliser le train pour se déplacer, ou encore se faire transporter en voiture, si nécessaire, par l'agent commercial attaché à la zone géographique concernée, voire par des membres de sa famille ou des amis ;

que son employeur, qui n'a alors pas considéré que la faute commise devait entraîner la rupture immédiate du contrat de travail du salarié, a au contraire pris acte de ses propositions en lui demandant des précisions complémentaires afin de régulariser auprès de la compagnie d'assurances la conduite de son véhicule de fonction par d'autres personnes ;

qu'après avoir transmis l'ensemble des informations et pièces demandées, Monsieur [J] a assuré dans ces conditions ses rendez-vous et le suivi du travail réalisé par ses agents commerciaux et salariés placés sous sa responsabilité, principalement depuis son domicile ;

que la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS ne rapporte pas la preuve ni même ne prétend que cette nouvelle organisation aurait eu des répercussions sur la qualité du travail de Monsieur [J] ou qu'elle aurait affecté le fonctionnement normal de l'entreprise ;

Attendu dans ces conditions qu'il ressort de ces seules constatations que la faute commise par Monsieur [J] n'a pas justifié son éviction immédiate de l'entreprise pour avoir placé son employeur dans l'impossibilité de poursuivre toute collaboration avec lui, dans la mesure où ce dernier a poursuivi l'exécution de son contrat de travail en l'absence de toute mise à pied décidée par son employeur à titre conservatoire jusqu'à son licenciement prononcé pour faute grave le 21 juin 2012 ;

qu'à ce seul titre, celle-ci n'est pas constituée ;

Attendu que la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS soutient, à titre subsidiaire, que le licenciement de Monsieur [J] est à tout le moins fondé sur une cause réelle et sérieuse dans la mesure où il a commis de fautes successives particulièrement inacceptables venant d'un cadre de l'entreprise pour avoir contrevenu au règlement intérieur de l'entreprise en absorbant du vin pendant son temps de travail d'une part et d'autre part en commettant une infraction pénale pour avoir conduit son véhicule de fonction en état d'ébriété et ainsi mis en danger sa personne et des tiers ;

Attendu cependant que Monsieur [J] n'a pas été surpris à consommer une boisson alcoolisée au temps et au lieu du travail en méconnaissance des dispositions de l'article 9 du règlement intérieur de l'entreprise, mais en état d'ivresse au volant de son véhicule de fonction à 17 h 10 après un déjeuner professionnel avec un grossiste ;

qu'il se trouvait en outre en dehors de ses heures de travail pour avoir commencé le vendredi 4 mai 2012 à 7 heures 43 sa journée de travail de 7 heures, selon le planning individuel de son temps de travail journalier dressé par son employeur et la justification de son passage à la gare de péage autoroutière de [Localité 5], avec la précision qu'il est domicilié à 20 minutes de l'entrée sur l'autoroute de sorte qu'il a nécessairement commencé sa journée à une heure plus matinale encore ;

Attendu enfin que Monsieur [J], qui disposait d'une ancienneté de 35 ans dans l'entreprise et avait toujours donné satisfaction, au point de gravir les échelons des différentes entités du groupe BOISSET jusqu'à devenir Directeur des ventes le 1er janvier 2001, n'avait jamais fait précédemment l'objet de la moindre sanction disciplinaire, voire d'une lettre d'observation ou de relance de la part de son employeur ;

qu'aucun fait en relation avec une consommation excessive d'alcool ne lui avait jamais été reproché dans le cadre de son activité professionnelle et que la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS ne fait en outre état d'aucune condamnation pénale qui aurait été prononcée à son encontre pour des faits de conduite de véhicules automobiles en état d'imprégnation alcoolique ;

Attendu dans ces conditions que c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône a considéré que Monsieur [J] n'avait pas commis la faute grave qui lui était reprochée et que son licenciement s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes doit dès lors être confirmé en ce qu'il a condamné la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS à lui verser les sommes non contestées tant en leur principe qu'en leur montant de 14.293,82 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1.429,38 € au titre des congés payés afférents et 76.233,60 € à titre d'indemnité de licenciement ;

Attendu que le jugement déféré mérite encore confirmation en ce qu'il a alloué au salarié abusivement licencié la somme de 85.762,00 € correspondant à 18 mois de salaire à titre d'indemnité lui revenant en application de l'article L. 1235-3 du code du travail après avoir pris en compte son ancienneté dans l'entreprise, son âge à la date du licenciement, les circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et les difficultés rencontrées pour assurer sa réinsertion professionnelle ;

3°) Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu par ailleurs que, pour assurer la défense de ses intérêts devant la cour, l'intimé a été contraint d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de la société appelante ;

qu'il convient dès lors de condamner la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS à payer à Monsieur [J] une indemnité de 2.500,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu enfin que la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS , qui ne voit pas aboutir ses prétentions devant la cour, ne peut obtenir l'indemnité qu'elle sollicite sur le fondement du même article et supporte la charge des entiers dépens;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 06 mai 2013 par le conseil de prud'hommes de Villefranche-sur-Saône ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS à payer à Monsieur [S] [J] la somme de 2.500,00 € (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société BOISSET - LA FAMILLE DES GRANDS VINS de ses demandes incidentes ;

LA CONDAMNE au entiers dépens d'instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 13/04167
Date de la décision : 08/10/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°13/04167 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-08;13.04167 ?
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