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19/09/2014 | FRANCE | N°12/06993

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 19 septembre 2014, 12/06993


R.G : 12/06993









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 19 septembre 2012



RG : 10/15960







Syndicat SYNDICAT CGT DES EMPLOYES DES TCL



C/



SA KEOLIS LYON





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRET DU 19 Septembre 2014







APPELANTE :



SYNDICAT CGT DES EMPLOYES ET OUVRIERS

DES TCL pris en la personne de son secrétaire général en exercice dument mandaté et dont le siège est :

Bourse du Travail

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Représentée par la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant : Me Stéphanie BARADEL...

R.G : 12/06993

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 19 septembre 2012

RG : 10/15960

Syndicat SYNDICAT CGT DES EMPLOYES DES TCL

C/

SA KEOLIS LYON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 19 Septembre 2014

APPELANTE :

SYNDICAT CGT DES EMPLOYES ET OUVRIERS DES TCL pris en la personne de son secrétaire général en exercice dument mandaté et dont le siège est :

Bourse du Travail

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant : Me Stéphanie BARADEL)

INTIMEE :

SA KEOLIS LYON

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES-LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

Assistée de Me Joseph AGUERA de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 04 Juillet 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Juillet 2014

Date de mise à disposition : 19 Septembre 2014

Audience tenue par Nicole BURKEL, président et Marie-Claude REVOL, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Christine SENTIS, greffier

A l'audience, Nicole BURKEL a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Nicole BURKEL, président

- Marie-Claude REVOL, conseiller

- Catherine PAOLI, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Marie-Claude REVOL, Conseiller, en remplacement de Madame la Présidente légitimement empêchée , et par Christine SENTIS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCÉDURE

Attendu que la société Keolis, depuis le 9 décembre 2007, s'est vu confier par le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL) l'exploitation du réseau des transports en commun lyonnais (TCL) ;

Attendu que la société Keolis a dénoncé durant l'été 2008 l'ensemble du statut collectif des salariés et des négociations ont débuté ;

Qu'en novembre 2009, une information et consultation des représentants du personnel concernant la mise en place de mesures unilatérales ont été organisées ;

Que le processus de consultation s'est achevé le 31 décembre 2009 ;

Attendu que le syndicat CGT des employés TCL a saisi le tribunal de grande instance par acte d'huissier du 27 septembre 2010 aux fins de voir condamner la société Keolis à lui verser 8000 euros à titre de dommages et intérêts et 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et dire que :

- l'organisation du temps de travail mise en place unilatéralement par la société Keolis ne respecte pas les dispositions légales et règlementaires applicables

- à défaut d'accord collectif, la société Keolis ne peut organiser le temps de travail sur une durée supérieure à la semaine que sur des cycles de 12 semaines où les salariés travaillent 35 heures en moyenne par semaine, sans pouvoir programmer par avance un temps de travail qui serait supérieur

- la programmation de journées décalées ainsi que la régulation du temps de travail par l'attribution de journées de repos supplémentaires est illicite

- le personnel roulant doit bénéficier chaque jour de travail d'une coupure unique de 20 minutes minimum

- le décompte des jours de congés en jours ouvrés est plus défavorable à certaines catégories de personnel que l'application de la loi et la convention collective;

Attendu que le tribunal de grande instance de Lyon, statuant sur saisine du Syndicat CGT employés et ouvriers des TCL, par jugement contradictoire du 19 septembre 2012, a :

- débouté les parties de toutes leurs demandes

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par le Syndicat CGT des employés des TCL ;

Que par arrêt du 21 mars 2014, la cour a :

- ordonné une médiation

- désigné en qualité de médiateur monsieur [H] [I] avec pour mission de réunir les parties pour leur permettre de trouver une solution au litige qui les oppose 

- fixé la durée de la médiation à 3 mois à compter du versement de la consignation

- dit que les parties consigneront entre les mains du médiateur lors de la première rencontre la somme de 10000 euros répartie tel qu'il suit :

9000 euros à la charge du Syndicat CGT des employés des TCL

1000 euros à la charge de la société Keolis

- dit que les chèques doivent être libellés à l'ordre du médiateur

- rappelé que le défaut de consignation entraîne la caducité de la décision ordonnant la médiation

- dit que l'affaire est appelée à l'audience du vendredi 4 juillet 2014 pour homologation d'un protocole d'accord ou à défaut pour plaidoiries, le prononcé de l'ordonnance de clôture intervenant le jour des débats

- dit qu'en cas d'accord des parties, le protocole doit être transmis au greffe par le médiateur 15 jours minimum avant la date où l'affaire est appelée à l'audience

- dit qu'en cas d'échec de la médiation, le médiateur le fera connaître au greffe de la cour dans les mêmes conditions de délai

- réservé les prétentions et les dépens ;

Attendu que le médiateur a transmis le 6 juin 2014 un rapport à la cour, aux termes duquel il a constaté que les parties ne parviennent pas à un accord et il a été mis fin à la médiation ;

Attendu que le Syndicat CGT des employés des TCL demande à la cour par conclusions notifiées à son contradicteur par le RPVA le 03 juillet 2013, au visa des articles L3122-2, L3141-3 du code du travail, du décret du 14 février 2000, de la directive CE du 4 novembre 2003 et de la convention collective des transports urbains de voyageurs, de :

- dire et juger recevable, bien fondé son appel

- réformer le jugement entrepris

Statuant à nouveau

- constater que l'organisation du temps de travail mise en place unilatéralement par la société Keolis ne respecte pas les dispositions légales et règlementaires applicables

- dire et juger qu'à défaut d'accord collectif, la société Keolis ne peut organiser le temps de travail sur une durée supérieure à la semaine que sur des cycles de 12 semaines où les salariés travaillent 35 heures en moyenne par semaine, sans pouvoir programmer par avance un temps de travail qui serait supérieur

- dire et juger illicite la programmation de journées décalées ainsi que la régulation du temps de travail par l'attribution de journées de repos supplémentaires

- dire et juger que le personnel roulant doit bénéficier chaque jour de travail d'une coupure unique de 20 minutes minimum

- constater que le décompte des jours de congés en jours ouvrés est plus défavorable à certaines catégories de personnel que l'application de la loi et la convention collective

- condamner la société Keolis à lui payer 8000 euros en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession

- condamner la société Keolis à lui payer 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance ;

Attendu que la société Keolis demande à la cour, par conclusions notifiées à son contradicteur par RPVA le 19 mars 2013, au visa de la loi du 3 octobre 1940, de l'accord du 22 juin 1998 et du décret 2006-925 du 19 juillet 2006, de :

- débouter le syndicat CGT de l'ensemble de ses demandes

- le condamner au paiement de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Laffly & Associés avocats sur son affirmation de droit ;

Attendu que le prononcé de l'ordonnance de clôture est intervenu le 4 juillet 2014 ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'aménagement du temps de travail

Attendu que le syndicat CGT soutient que dans le cadre de ces cycles de travail, les salariés ne sont pas pleinement informés avant le début du cycle de la répartition de leur horaire de travail, le délai de prévenance en cas de modification des horaires programmés n'est pas toujours respecté et la durée de travail est par avance fixée au-delà de 35 heures en moyenne, des heures supplémentaires étant programmées dès le début du cycle ;

Attendu que la société Keolis soutient, dans le respect des dispositions règlementaires, conventionnelles et légales, aménager la durée du travail sur des cycles de 12 semaines, non répétitifs, en anticipant tant pour son bénéfice que celui du salarié, les incidents ou demandes prévisibles qui surviendront ;

Attendu que préliminairement, le statut collectif s'appliquant au personnel est régi par le code du travail, avec certaines dérogations tenant aux exigences propres au service public définies par le décret n°2000-118 du 14 février 2000 (dit décret Perben) modifié par le décret n°2006-925 du 19 juillet 2006 et par la convention collective de la branche des transports urbains de voyageurs ;

Que selon le décret du 14 février 2000, relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs, il est fixé une durée hebdomadaire de travail de 35 heures calculée en moyenne sur un cycle d'organisation de travail ne pouvant excéder 12 semaines avec une répartition de la durée du travail à l'intérieur d'un cycle ne se répétant pas à l'identique d'un cycle à l'autre et une obligation pour l'employeur de faire connaître à l'avance le dispositif mis en place en respectant notamment un délai de prévenance de 7 jours sauf cas d'urgence, sauf accord d'entreprise ou d'établissement prévoyant des dispositions plus favorables aux salariés ;

Que les mêmes dispositions se retrouvent sur l'accord de branche sur l'emploi par l'organisation, l'aménagement, la réduction du temps de travail du 22 décembre 1998;

Que l'article L3122-2 du code du travail, tel que résultant de la loi 2008-789 du 20 août 2008, énonce:

« Un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année. Il prévoit : 
1° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaire de travail ; 
2° Les limites pour le décompte des heures supplémentaires ; 
3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période. 
Lorsque l'accord s'applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail. 
Sauf stipulations contraires d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, d'une convention ou d'un accord de branche, le délai de prévenance en cas de changement de durée ou d'horaires est fixé à sept jours. 
A défaut d'accord collectif, un décret définit les modalités et l'organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d'une semaine. » ;

Que l'article L3122-4 du code du travail précise que : « Lorsqu'un accord collectif organise une variation de la durée de travail hebdomadaire sur tout ou partie de l'année ou lorsqu'il est fait application de la possibilité de calculer la durée du travail sur une période de plusieurs semaines prévue par le décret mentionné à l'article L. 3122-2, constituent des heures supplémentaires, selon le cadre retenu par l'accord ou le décret pour leur décompte : 
1° Les heures effectuées au-delà de 1 607 heures annuelles ou de la limite annuelle inférieure fixée par l'accord, déduction faite, le cas échéant, des heures supplémentaires effectuées au-delà de la limite haute hebdomadaire éventuellement fixée par l'accord et déjà comptabilisées ; 
2° Les heures effectuées au-delà de la moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence fixée par l'accord ou par le décret, déduction faite des heures supplémentaires effectuées au-delà de la limite haute hebdomadaire fixée, le cas échéant, par l'accord ou par le décret et déjà comptabilisées. » ;

Attendu que la société Keolis a défini unilatéralement des règles d'organisation du temps de travail, applicables en janvier 2010 pour les conducteurs, mars 2010 pour les non roulant et juin 2010 pour les services commerciaux ;

Attendu que dans le « Memo sur le décompte du temps de travail » diffusé au personnel, il est fait référence au « temps contractuel (TCO) 'de 420 heures par cycle de travail de 12 semaines pour un salarié à temps plein (35 heures par semaine x 12 semaines) », au temps de travail programmé correspondant au temps de travail « théorique organisé et planifié par l'employeur » lequel « évolue en fonction des contraintes du travail ou de vos demandes (permutations) » et « en principe, doit prévoir 420 heures de travail sur un cycle de 12 semaines si vous êtes à temps plein » et au temps de travail effectif (TTE) lequel s'il est constaté à la fin du cycle qu'il est « supérieur à 35 heures en moyenne sur 12 semaines (420 heures), les heures qui dépassent sont payées à taux majoré. Ce sont les heures supplémentaires » ;

Attendu que dans les faits, si la durée de travail du personnel est effectivement organisée sur des cycles de 12 semaines, les programmations sur un horaire supérieur à 420 heures travaillées sont fréquentes, la société Keolis précisant elle-même « préférer que cette durée de 420 heures soit dépassée et génère éventuellement des heures supplémentaires plutôt qu'elle ne soit pas atteinte et génère une rémunération sans contrepartie de travail par le salarié » ;

Que dans le compte rendu de réunion des délégués du personnel du 20 janvier 2011, la direction a fourni les éléments de réponse suivants, concernant les personnels de conduite :

Nombre de personnes

Cycle n°1 2010

Cycle n°2 2010

Cycle n°3 2010

Cycle n°4 2010

TCO(Temps contractuel)

487

482

395

444

TCO = 420 HEURES

49

67

50

50

TCO $gt; 420 HEURES

1887

1860

1963

1947

Total

2423

2409

2408

2441

Et concernant l'ensemble du personnel avec une valeur journalière moyenne de 7h30 :

Nombre de personnes

Cycle n°2 2010

Cycle n°3 2010

Cycle n°4 2010

TCO(Temps contractuel)

188

142

214

TCO = 420 HEURES

395

370

349

TCO $gt; 420 HEURES

826

894

843

Total

1409

1406

1406

démontrant une pratique généralisée de dépassement majoritaire du TCO de 420 heures, quantifiée par l'employeur dans ses écritures à 85 % entre 420 et 425 heures ;

Attendu que d'une part, le système mis en place par l'employeur de programmation de cycles, dans lesquels sont intégrées des heures supplémentaires programmées d'avance, utilisé comme méthode d'ajustement, constitue un dévoiement du cycle ;

Qu'il ne s'agit ni de remettre en cause la possibilité pour un employeur de recourir à des heures supplémentaires, décision relevant de son pouvoir de direction ni de contester que l'employeur a réglé les heures supplémentaires accomplies par ses salariés au-delà de 420 heures mais de constater que ce système mis en place unilatéralement par l'employeur institutionnalise une durée légale moyenne de travail supérieure à 35 heures hebdomadaires, contrairement aux dispositions de l'article 2 du décret du 14 février 2000 et de l'article 1er de l'accord du 22 décembre 1998 ;

Attendu que d'autre part, sur les plannings remis aux salariés figurent des journées dites « décalées », codifiées XX, à finalité selon l'employeur de « prévenir le salarié que ces journées sont susceptibles de variation » en fonction du nombre d'incidents susceptibles de survenir, journée comptabilisée pour 7 heures qui « sera effectivement et sauf « incident » la durée de travail ce jour là » ;

Que l'employeur précise également dans ses écritures que les journées décalées représentent 10% du nombre total de 1610 services et reconnaît lui même que la durée de travail est comprise entre 6 et 8 heures ;

Qu'il n'est pas contesté que tous les salariés de l'entreprise sont concernés par les journées dites décalées et que pour certains salariés, tous les jours du cycle constituent des journées dites décalées ;

Que dans le rapport réalisé le 10 septembre 2010 par la société Secafi à la demande du CHSCT, il est noté « un fort ressenti vis-à-vis des journées « à placer » les « XX » jugées trop nombreuses et avec un délai de prévenance à 72 heures » pouvant être ramené à 48 heures à l'avance ;

Qu'outre la comptabilisation de ces journées dites décalées sur une base de 7 heures, pouvant, dans les faits, varier de 6 à 8 heures, contribuant à impacter le seuil du cycle sur 12 semaines de 420 heures, déjà régulièrement dépassé, ce système ne permet aux salariés ni de connaître réellement leurs horaires de travail sur lesquels ils sont programmés ni de disposer du délai de prévenance de 7 jours alors même que leurs horaires de travail sont fluctuants ;

Que les salariés identifient sur les plannings remis seulement leurs journées de travail décalées mais ne sont pas informés de la modification de leurs horaires et de la durée du travail dans les délais prévus sauf à généraliser les cas d'urgence et à les détourner de leur finalité;

Que ce système de programmation de journée décalée, partielle ou totale, sur une base d'un temps de travail programmé au-delà de 420 heures, n'est pas plus favorable aux salariés que le système légal applicable permettant des modifications d'horaire avec délai de prévenance ou non en cas d'urgence, n'ayant pas le même objet et s'analyse en une modulation du temps de travail ne pouvant être mise en place de manière unilatérale ;

Attendu qu'enfin, la société Keolis a mis en place des jours de repos de régulation du temps de travail, nommés « RTT » et a ainsi expliqué le système sur le « Mémo sur le temps de travail », « Si vous vous travaillez 7,5 heures par jour (valeur de journée moyenne), vous devez travailler 56 jours dans le cycle (420 heures /7,5 heures = 56 jours). La différence entre 60 et 56 jours revient à vous attribuer 4 RTT dans le cycle si vos travaillez 7,5 heures par jour. Ces 4 RTT sont attribués et programmés en début de cycle. Ils doivent être pris dans le cycle », sans faculté de report ;

Qu'elle reconnait que ces jours dits de régulations peuvent varier exceptionnellement en cours de cycle ;

Que ces jours de repos de régulation du temps de travail sont acquis ou perdus en fonction de la programmation faite par l'employeur dans le cycle de 12 semaines ;

Que ce système de régulation du temps de travail, qui permet un ajustement du temps de travail fluctuant en fonction de l'intensité de l'activité de l'entreprise, et ce même en cours de cycle, s'analyse en une modulation du temps de travail qui ne peut être mise en place que par un accord de branche étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement ;

Attendu que le syndicat CGT est fondé en sa demande tendant à voir reconnaitre illicite l'aménagement unilatéral du temps de travail réalisé par la société Keolis sur la base d'une durée programmée d'avance de travail supérieure à 420 heures sur un cycle de 12 semaines, la programmation de journées décalées et de régulation de temps travail par l'attribution de journées de repos de régulation ;

Sur les pauses

Attendu que le syndicat CGT soutient que le personnel roulant des TCL doit bénéficier d'une coupure de 20 minutes, laquelle doit être unique alors que la société Keolis estime qu'elle peut être sécable;

Qu'il considère que le seul caractère continu de cette coupure permet qu'elle soit un réel temps de repos, qu'aucun système fiable ne permet de contrôler que le salarié bénéficie de 20 minutes de pause ou qu'il aura droit à un repos compensateur avant le lendemain au plus tard et demande de juger illicite le morcellement de la coupure au regard du « libellé comme de l'esprit du décret Perben, à la lumière des prescriptions de la directive européenne et conformément à la jurisprudence du 20 février 2013 » ;

Qu'il conclut que « le décret Perben ne peut pas instituer un dispositif moins favorable, ce que la loi elle-même ne pourrait pas plus au regard des prescriptions impératives du droit européen au fondement de cette jurisprudence » ;

Attendu que la société Keolis soutient au contraire la conformité du système résultant du décret de 2000 et qu'au regard de contraintes propres à l'activité (lignes régulières) et des objectifs de service public, des règles particulières appliquées dans le secteur des transports routiers ont été instituées, assurant l'effectivité des dispositions de la directive européenne ;

Qu'elle souligne ne faire qu'une application que par exception des dispositions dérogatoires ;

Qu'elle précise que la prohibition du régime actuel l'amènerait à recourir de façon systématique aux journées mixtes qui n'ont pas la faveur des salariés, que  le principe de la traçabilité est indépendant du principe de la durée de la pause et de son fractionnement et que le caractère illégal du régime actuel n'est pas dénoncé par la CGT dans le cadre des négociations et revendications de l'entreprise ;

Attendu que la société Keolis a décidé unilatéralement que :

«  Tout salarié dont le temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures continues bénéficie d'une pause d'au moins 20 minutes (assimilée à du TTE)'En fonction des conditions d'exploitation, la pause de 20 minutes peut être scindable en périodes minimales de 5 minutes. Ces périodes minimales de 5 minutes peuvent être notamment constituées des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d'attente dans les terminus et des différents temps d'inactivité ou d'interruption déjà prévues ou intégrées dans les différentes organisations du travail.

La pause pourra par exemple être positionnée sur les temps de battement, étant précisé que les temps de battement constituent du temps de travail effectif.

Programmation des temps de pause dans les journées ou ajout de TTE en fin de service pour atteindre les 20 minutes » ;

Qu'elle affirme, sans être démentie, le caractère exceptionnel d'application des dispositions dérogatoires, indiquant que les salariés travaillant en journées dites mixtes qui comportent une coupure supérieure à 30 minutes ne sont pas concernés et que pour les salariés travaillant en journées continues :

- 19,5% bénéficient de pauses continues en cours de poste

- 11, 9% de pauses en fin de poste en cas d'impossibilité complète en cours de poste

- 15,3 % de pauses sécables par l'addition de pauses comprises entre 5 et 20 minutes ;

Attendu que selon la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, qui rappelle que « l'amélioration de la sécurité, de l'hygiène et de la santé représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère économique » et que « tous les travailleurs doivent disposer de périodes de repos suffisantes'et de périodes de pause adéquate », il est prévu à l'article 4 :

« Temps de pause : Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale. » et à l'article 17 des dérogations :

« '2. Les dérogations prévues aux paragraphes 3, 4 et 5 peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés.

3. Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16:'

c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit:'

viii) des travailleurs concernés par le transport de voyageurs sur des services de transport urbain régulier' » ;

Attendu que l'article L. 3121-33 du code du travail énonce que, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes, les dispositions conventionnelles peuvent fixer un temps de pause supérieur ;

Attendu que l'article 10 du décret du 14 février 2000 modifié par le décret du 19 juillet 2006, applicable aux salariés des entreprises de transport public urbain ou suburbain de voyageurs sur des lignes et suivant des horaires déterminés, prévoit au titre des « coupures des seuls personnels roulants :

Une coupure est une période comprise dans l'amplitude de la journée de travail du salarié pendant laquelle le salarié n'est plus à la disposition de l'employeur et peut vaquer librement à des occupations personnelles. Les coupures d'une durée inférieure ou égale à trente minutes sont comptées dans la durée du travail. Aucun service ne peut compter plus de deux coupures.

Tout salarié dont le temps de travail quotidien est supérieur à six heures bénéficie d'une coupure d'au moins vingt minutes.

Cette coupure est constituée, notamment, des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d'attente dans les terminus et des différents temps d'inactivité ou d'interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d'une durée d'au moins cinq minutes consécutives. Pour des raisons techniques d'exploitation, la période de coupure peut être remplacée par une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante.

La coupure pour repas de midi est au minimum de quarante-cinq minutes. Lorsqu'un agent en service entre 11 h 30 et 14 heures ne bénéficie pas, dans cet intervalle, d'une coupure pour repas ou lorsque celle-ci n'est pas au moins égale à quarante-cinq minutes, il doit bénéficier d'une contrepartie déterminée par accord collectif de branche étendu ou par accord d'entreprise.

Le régime des coupures des personnels autres que les personnels roulants est fixé par l'article L. 220-2 du code du travail. » ;

Attendu que l'accord de branche en son article 10 applicable aux personnels roulants définit la coupure comme « une période pendant laquelle le salarié n'est plus à la disposition de l'employeur et peut vaquer librement à des occupations personnelles » et prévoit en son article 4 la possibilité pour les entreprises de transport urbain de « mettre en place un accord d'entreprise des modalités d'aménagement et d'organisation du travail librement négociées au niveau local entre les partenaires sociaux tenant compte des contraintes de service public et des spécificités de chaque entreprise » ;

Attendu que d'une part, les différentes prescriptions énoncées par la directive du 4 novembre 2003 constituent des règles de droit social d'une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé ;

Qu'il s'agit de la mise en 'uvre des principes de sécurité et de santé au travail à l'aune desquels doit être apprécié le dispositif mis en 'uvre par l'employeur ;

Attendu que d'autre part, l'article 4 de la directive de 2003 comme l'article L3121-33 du code du travail se réfère à « un temps de pause » impliquant une unicité temporelle et écartant toute pause prise en séquences distinctes ;

Que les dispositions de l'article L3121-33 du code du travail s'entendent en vingt minutes consécutives, au nom du principe d'effectivité du droit à la santé et à la sécurité ;

Que la vertu réparatrice du repos dépend de ses conditions d'octroi ;

Attendu qu'enfin, l'article 10 du décret dit Perben se réfère quant à lui à « une coupure » d'au moins 20 minutes pouvant être constituée de temps de nature différents d'une durée d'au moins 5 minutes, mais nécessairement successifs ;

Attendu que le système dérogatoire mis en 'uvre par la société Keolis de fractionnement de la pause de 20 minutes, peu important qu'il fasse l'objet d'une application exceptionnelle, ou soit justifié par des contraintes propres à l'activité et à des objectifs de service public, est contraire aux textes rappelés et porte atteinte au droit à la santé et à la sécurité reconnu aux salariés ;

Sur le décompte des congés payés

Attendu qu'aux termes du « mémo sur le décompte du temps de travail », « la gestion des congés évolue », la société Keolis décomptant les jours de congés en jours ouvrés et non plus ouvrables ;

Attendu que le syndicat CGT soutient que ce système de décompte ne respecte ni les termes de la loi ni de la convention collective de branche et précise que si le décompte en jours ouvrés ou ouvrables est sans incidence sur la durée des congés des salariés qui travaillent 5 jours par semaine, il n'en est pas de même pour les autres salariés, citant différents exemples ;

Qu'il dénonce l'application d'un décompte qui aboutit à traiter différemment des salariés selon leur nombre de jours de travail alors même que leur situation à l'égard du congé annuel doit être équivalente et que l'attribution de congés supplémentaires discrétionnaire par l'employeur n'apporte pas de correctif satisfaisant ;

Attendu que la société Keolis rappelle que la jurisprudence admet le principe du décompte en jours ouvrés et soutient que la demande formée par le syndicat à titre collectif et indifférencié doit être rejetée ;

Qu'elle précise que les salariés concernés sont ceux des agences commerciales qui travaillent alternativement 5 et 6 jours par semaine et compte tenu de « la possible survenance de la situation décrite par le syndicat et d'un décalage entre le décompte jours ouvrés et le décompte en jours ouvrables » avoir créé « un compte CC permettant d'absorber le décalage » ;

Attendu que selon l'article L3141-3 du code du travail, le salarié qui, au cours de l'année de référence, justifie avoir travaillé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d'un mois de travail effectif a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail et la durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables ;

Que selon la convention collective applicable, en son article 29, il est prévu un « congé payé dont la durée fixée à 30 jours ouvrables » ;

Que si le calcul des congés payés doit être effectué en principe à partir des jours ouvrables, le décompte peut être également déterminé à partir des jours ouvrés dès lors qu'il garantit aux salariés des droits au moins égaux à ceux résultant de la loi ;

Attendu que d'une part, la demande formulée par le syndicat CGT ne peut être rejetée au motif qu'elle n'identifie pas les salariés concernés, dans la mesure où il est fait expressément référence à une différence de traitement entre les salariés selon leur nombre de jours de travail et cible les salariés travaillant dans le métro, la maintenance et les agences commerciales par rapport à leurs autres collègues de travail ;

Attendu que d'autre part, le système institué par l'employeur crée une rupture d'égalité, en termes de congé annuel, entre les salariés selon qu'ils travaillent 5 jours dans la semaine, cas dans lequel le décompte en jours ouvrés ou ouvrables est équivalent, ou selon qu'ils travaillent 6 jours par semaine, cas dans lequel le décompte en jours ouvrables ou ouvrés est susceptible de créer un « décalage », selon l'expression adoptée par l'employeur ;

Que l'employeur reconnait lui-même, par ailleurs, avoir été conduit à créer un système de compensation pour les agents commerciaux conduisant à l'attribution de « CC » (congés commerciaux) ;

Que le syndicat CGT précise que les congés commerciaux alloués étaient limités à 3 jours ;

Qu'il est constant qu'aucun élément ne vient objectiver les conditions d'attribution des congés dits commerciaux aux salariés concernés et encore moins les raisons objectives conduisant à exclure les autres salariés pouvant être concernés par le décalage créé par le décompte en jours ouvrés de l'attribution de congés supplémentaires correctifs ;

Attendu que le système mis en place par la société Keolis ne garantit pas à tous les salariés de l'entreprise les mêmes droits en termes de congés annuels ;

Attendu que le syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL est, au regard de ce qui précède, fondé à obtenir, en application de l'article L2132-3 du code du travail, indemnisation à hauteur de la somme de 5000 euros, la société Keolis ayant porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente en termes de temps de travail et de temps de repos ;

Attendu que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que les dépens d'instance et d'appel doivent être laissés à la charge de la société Keolis qui succombe en toutes ses demandes et doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée au syndicat CGT des employés et ouvriers des TCL une indemnité de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en application de l'article 700 du code de procédure civile ;  

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Déclare illicite l'aménagement unilatéral du temps de travail réalisé par la société Keolis sur la base d'une durée programmée d'avance de travail supérieure à 420 heures sur un cycle de 12 semaines, la programmation de journées décalées et de régulation de temps travail par l'attribution de journées de repos de régulation 

Dit que le système dérogatoire mis en 'uvre par la société Keolis de fractionnement de la pause de 20 minutes est contraire à la directive CE du 4 novembre 2003, à l'article L3122-2 du code du travail et à l'article 10 du décret du 14 février 2000 et porte atteinte au droit à la santé et à la sécurité reconnu aux salariés 

Dit que le décompte des congés annuels en jours ouvrés mis en place par la société Keolis ne garantit pas à tous les salariés de l'entreprise les mêmes droits

Condamne la société Keolis à payer au syndicat CGT des employés et ouvriers TCL une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession

Condamne la société Keolis à payer au syndicat CGT des employés et ouvriers TCL une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute la société Keolis de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Keolis aux dépens d'instance et d'appel.

LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Marie-Claude REVOL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 12/06993
Date de la décision : 19/09/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°12/06993 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-19;12.06993 ?
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