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12/09/2014 | FRANCE | N°13/08360

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 12 septembre 2014, 13/08360


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 13/08360





[J]



C/

EURL HOPPE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 25 Septembre 2013

RG : F 12/00579











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2014







APPELANT :



[G] [J]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 2]

[Adr

esse 1]

[Adresse 1]



comparant en personne, assisté de Me Jean-pierre COCHET de la SELARL SEDOS CONTENTIEUX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



Société EURL HOPPE FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par M. [D] [O], représentant légal...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 13/08360

[J]

C/

EURL HOPPE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 25 Septembre 2013

RG : F 12/00579

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2014

APPELANT :

[G] [J]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Jean-pierre COCHET de la SELARL SEDOS CONTENTIEUX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

Société EURL HOPPE FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par M. [D] [O], représentant légal

et par

Me Rachel BURGER de la SELARL OCEA, avocat au barreau de MULHOUSE,

PARTIES CONVOQUÉES LE : 12 Novembre 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Juin 2014

Présidée par Nicole BURKEL, Président de chambre magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Solène DEJOBERT, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nicole BURKEL, président

- Marie-Claude REVOL, conseiller

- Catherine PAOLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Septembre 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Marie-Claude REVOL, Conseiller, en remplacement de Madame la Présidente légitimement empêchée et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Attendu que le conseil de prud'hommes de Saint Etienne, section encadrement, statuant sur saisine de monsieur [J] du 24 octobre 2012, par jugement contradictoire du 25 septembre 2013, a :

- déclaré le licenciement de monsieur [J] par l'Eurl Hoppe France pour cause réelle et sérieuse

- condamné la société Hoppe France à lui payer les sommes suivantes :

* 13125 euros à titre d'indemnité de préavis outre 1312 euros au titre des congés payés

* 5250 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rejeté toutes autres demandes

- condamné la société Hoppe France aux entiers dépens de l'instance ;

Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par monsieur [J] par lettre recommandée postée le 23 octobre 2013 et réceptionnée au greffe le 24 octobre 2013;

Attendu que le délégataire du Premier Président, par ordonnance contradictoire du 17 mars 2014, a :

- débouté l'Eurl Hoppe de sa demande d'arrêt de l'exécution de droit attachée au jugement susvisé

- autorisé l'Eurl Hoppe à exécuter ce jugement par la consignation dans les 15 jours de la signification de la présente décision de la somme de 20687 euros entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations avec affectation spéciale et priviligée à la garantie du paiement des causes du jugement sous réserve du versement par le séquestre de la somme de 1500 euros par mois à monsieur [J]

- dit qu'à défaut d'exécution dans le délai imparti l'autorisation donnée deviendra caduque

- dit n'y avoir lieu ni à application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 917du code de procédure civile

- laissé les dépens à la charge de la société Hoppe ;

Attendu que monsieur [J] a été engagé par la société Hoppe suivant contrat à durée indéterminée du 2 octobre 2006, en qualité de responsable régional des ventes Rhône Alpes ;

Que par avenant du 1er mars 2010, il s'est vu confié en sus des siennes les fonctions d'assistant régional du chef des ventes France sur les secteurs Sud Est et Sud Ouest ;

Que par avenant du 29 septembre 2010, monsieur [J] s'est engagé à rembourser en cas de licenciement prononcé pour faute grave ou lourde durant 3 ans à compter de la formation, le coût de la formation financée par son employeur « management de la performance humaine » soit 3382,60 euros ;

Attendu que monsieur [J] a reçu un « rappel à ses obligations professionnelles » le 13 juin 2012 et un avertissement le 28 juin 2012 ;

Qu'il a été en arrêt maladie du 16 juillet au 31août 2012;

Attendu que monsieur [J] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 septembre 2012, par lettre du 31 juillet 2012;

Qu'il a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 septembre 2012 pour faute grave ;

Attendu que monsieur [J] a déclaré à l'audience être âgé de 36 ans à la date de rupture des relations contractuelles, avoir perçu des allocations chômage pendant 18 mois, en percevoir toujours et n'avoir pas retrouvé de travail;

Attendu que la société Hoppe emploie plus de 11 salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel;

Que la convention collective applicable est celle de l'import export ;

Attendu que monsieur [J] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 12 juin 2014, visées par le greffier le 19 juin 2014 et soutenues oralement, de :

- retenir que l'employeur ne peut se prévaloir d'une faute grave alors qu'il l'a laissé travailler pendant plusieurs semaines après le déclenchement de la procédure de licenciement et plus précisément entre le 31 août et le 1er octobre 2012, date de la notification du licenciement

- retenir que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire par la notification de l'avertissement du 28 juin 2012

- retenir qu'aucun grief articulé dans la lettre de licenciement n'a été porté à la connaissance de l'employeur entre le 28 juin et le 31 juillet 2012

- retenir qu'il n'a exercé aucune activité concurrente de celle de l'employeur avec les moyens de l'entreprise

- retenir qu'il n'existe pas de motif réel et sérieux justifiant son licenciement

- réformer le jugement entrepris

- condamner l'employeur au paiement de :

* 13125 euros à titre d'indemnité de préavis outre 1312 euros au titre des congés payés

* 5250 euros à titre d'indemnité de licenciement

* 60000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 5000 euros pour atteinte à la vie privée

* 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu que la société Hoppe demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 7 mai 2014, visées par le greffier le 19 juin 2014 et soutenues oralement, de:

- déclarer monsieur [J] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter

- faire droit à sa demande reconventionnelle et condamner monsieur [J] à la restitution de 3382,60 euros nets au titre de la clause de dédit formation constituant l'annexe n 3 à son contrat de travail

- condamner monsieur [J] à lui payer 70000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice commercial, matériel financier perte d'image subis

- condamner monsieur [J] en tous les frais, dépens et 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu'elle a renoncé au moyen d'irrecevabilité visé dans le dispositif de ses écritures;

Que mention en a été portée sur la note d'audience signée par le président et le greffier;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture des relations contractuelles de travail

Attendu que monsieur [J] a reçu un avertissement le 28 juin 2012 pour non respect des consignes et directives portant sur les établissements de rapports et synthèses, les notes de frais, sa présence sur le terrain;

Qu'il a été en arrêt maladie du 16 juillet au 31 août 2012 comme le précise lui même l'employeur dans la lettre de licenciement;

Que les affirmations de l'employeur selon lesquelles « monsieur [J] a daigné reprendre le travail le 1er septembre 2012 » et cette reprise a eu pour finalité de le « déstabiliser » sont totalement gratuites, aucun élément ne permettant d'établir le caractère injustifié des prescriptions médicales d'arrêt de travail ;

Attendu que monsieur [J] a été licencié pour faute grave, par lettre du 19 septembre 2012, lui reprochant:

- des dysfonctionnements devenus quasi systématiques dans vos rapports et synthèses

- une incohérence dans ses notes de frais

- un non respect des directives de l'employeur

- une absence de travail en équipe

- un non respect de vos obligations contractuelles d'exclusivité, de discrétion et de loyauté;

Que dans la lettre de licenciement, l'employeur date les exemples donnés concernant:

- les 'dysfonctionnements devenus quasi systématiques dans vos rapports et synthèses' du 27 février 2012

- une incohérence dans ses notes de frais des semaines 3,5, 6, 8, 15, 18 s'achevant au 6 juin 2012

- un non respect des directives de l'employeur des semaines des 11 et 18 juin 2012

- une absence de travail en équipe du 12 avril 2012 et du non remplacement du secteur attribué à monsieur [T]

- un non respect de vos obligations contractuelles d'exclusivité, de discrétion et de loyauté de fin 2010 et mai 2012 par la création de sociétés concurrentielles ;

Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise;

Attendu que le licenciement ayant été prononcé pour faute grave présente un caractère disciplinaire ; Qu'il incombe à l'employeur d'établir la preuve de la réalité des motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixent les limites du litige et il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuite disciplinaire au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Que lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ;

Que l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement, ainsi reproduits dans la période ;

Que par ailleurs, une sanction déjà prononcée fait obstacle au prononcé d'une seconde sanction pour les mêmes faits mais peut être rappelée lors d'un licenciement ultérieur, pour conforter les griefs fondant celui-ci, mais ce rappel n'est seulement possible si elle n'est pas antérieure de plus de trois ans;

Attendu que le salarié soulève l'épuisement du pouvoir disciplinaire et la prescription des faits fautifs;

Que l'employeur s'y oppose et se doit donc de démontrer que des faits fautifs ont été commis ou se sont reproduits entre le 28 juin 2012, date de délivrance de l'avertissement et le 16 juillet 2012 et entre le 1er et le 19 septembre 2012 et ont été connus de lui après le 28 juin 2012;

Attendu que concernant: les 'dysfonctionnements devenus quasi systématiques dans vos rapports et synthèses', l'employeur fait référence à une inexactitude de transcription sur le rapport d'activité portant sur un rendez-vous à [Localité 1] le 27 février 2012 à 14 heures au lieu de la soirée, à des fiches clients renseignés qu'en présence d'un responsable régional des ventes et verse aux débats une attestation de monsieur [E] soulignant dans le comportement de monsieur [J] 'une désorganisation administrative (gestion incohérente des plannings et rapports)';

Qu'il n'est pas établi que depuis le prononcé de l'avertissement des faits de cette nature aient été commis par le salarié;

Que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire;

Attendu que concernant 'l'incohérence dans les notes de frais', les faits portent sur des notes de frais jusqu'à la semaine 18, soit antérieurement à la délivrance de l'avertissement et sont visés dans la lettre du 28 juin 2012; Que les termes généraux de l'attestation de monsieur [E] qui fait référence à une gestion incohérente des notes de frais ne permettent pas d'établir que ses manquements aient perduré au-delà du 28 juin 2012 

Que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire;

Attendu que concernant le 'non respect des directives' de l'employeur, la directive concernée étant celle du 30 mai 2012, invitant à accentuer la présence en clientèle et en limitant les journées au bureau à une1/2 journée par semaine, les manquements concernent les semaines 24 et 25 soit les 11 et 18 juin 2012, soit antérieurement à la délivrance de l'avertissement et sont visés dans la lettre du 28 juin 2012;

Que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire;

Attendu que concernant 'l'absence de travail en équipe', l'employeur fait référence dans la lettre de licenciement à une 'absence de communication', un 'manque évident d'intégration' avec l'équipe de travail, une 'absence d'implication' des 'difficultés à déléguer une partie du travail', un 'manque d'intérêt' dans le cadre de l'intégration de nouveaux collègues, 'votre absence d'organisation et comportement' conduisant à la gestion des dossiers par le service clients;

Que si l'employeur évoque dans ses écritures que monsieur [J] aurait reconnu au cours de l'entretien préalable à licenciement 'avoir confirmé les prix directement avec certains clients', durant la période post avertissement, aucun élément ne vient corroborer cette affirmation;

Que concernant la vacance du poste de monsieur [T], l'employeur la date du 11 juin 2012, date à laquelle la période d'essai a été rompue, monsieur [J] réplique avoir « été en arrêt maladie à compter du 16 juillet 2012. Le poste de monsieur [T] n'a pas été vacant longtemps '(sic) » ; Qu'il en résulte que postérieurement au 28 juin 2012, la vacance du poste de monsieur [T] n'a pas été assurée et ce jusqu'à l'arrêt maladie de monsieur [J] ;

Que concernant la journée du 22 avril 2012, au cours de laquelle monsieur [J] n'aurait accompagné le nouveau responsable régional qu'à une visite à 8h30, il reconnait lui-même « considérait qu'il n'avait l'obligation d'accompagner le responsable régional des ventes sur l'ensemble de ses visites. Il l'a accompagné pour la première et ensuite il avait mieux à faire. Il l'avait estimé que la première visite nécessitait sa présence mais pas les autres » ; Que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire, ne démontrant pas n'avoir eu connaissance de ce fait postérieurement au 28 juin 2012 ;

Que l'employeur soutient, enfin, établir le manque d'intérêt pour ses autres collègues, par la production de deux feuillets non signés dont les auteurs seraient messieurs [P] et [I], sur lesquels sont portés des appréciations sur la mission managériale de monsieur [J] pour le 1er à une date inconnue et le second au 22 mars 2013 et par l'attestation de monsieur [E] qui fait référence à « une détérioration (des) échanges (de monsieur [J]) avec sa correspondancière » ;

Que des documents d'évaluation non signés ni remis au salarié durant la relation contractuelle de travail ne peuvent être retenus et les termes généraux de l'attestation de monsieur [E] ne permettent pas d'établir que ses manquements aient perduré au-delà du 28 juin 2012 ;

Attendu que concernant le « non respect de vos obligations contractuelles d'exclusivité, de discrétion et de loyauté » par la création fin 2010 d'AD Carrelage, mai 2012 de AD Holding et ADM Ambiance, l'employeur rappelle l'obligation contractuelle d'exclusivité et discrétion et continue en précisant :

« Or, votre silence plus qu'étrange de ces dernières semaines et votre absence claire de volonté de changer votre attitude nous ont amené à effectuer des recherches dont les résultats sont édifiants quant à votre manque de probité ainsi qu'à votre comportement qui s'est révélé être en totale contradiction avec l'exercice même de vos fonctions.

Alors que depuis fin 2010, nous avons senti le besoin de vous rappeler les règles de travail au sein de notre société, à l'occasion des deux derniers entretiens annuels avec la direction, il s'avère que 2010 correspond à l'année de création de votre SARL AD CARRELAGE, dont vous êtes associé à hauteur de 50% et même co- gérant, et non un simple associé passif ...

Cette société a pour objet notamment la revente de tous consommables liés au bâtiment, ainsi que tous travaux notamment de menuiserie tant pour des particuliers que pour des entreprises. Cette activité est pour le moins en lien direct avec les informations commerciales et stratégiques confidentielles que vous détenez par le biais de vos fonctions de cadre manager au sein de la société HOPPE.

Vous avez logé le siège social de la société à votre domicile personnel !

Vous n'avez pas demandé l'autorisation écrite de la société HOPPE afin de pouvoir créer une telle société, vous l'avez même caché sciemment même jusqu'à l'entretien préalable en refusant de révéler que vous menez en réalité une double activité, dont l'exercice a été largement réalisé grâce à la rémunération et aux avantages divers octroyés par votre employeur (véhicule de fonction, téléphone portable, ordinateur, etc .. ), et ceci malgré la demande insistante de la direction vous demandant ce qui a bien pu vous faire tellement changer et abandonner une grande partie des fonctions

à exécuter pour votre employeur HOPPE France.

Vous êtes un cadre manager figurant parmi les responsables hiérarchiques de la société HOPPE et ne vous êtes pas gêné pour poursuivre votre propre activité professionnelle à la totale insu de votre employeur.

Vous êtes même allé jusqu'à créer une nouvelle société en mai 2012, la société AD HOLDING, avec votre même associé, dans laquelle vous êtes également associé à 50% et même le seul gérant. Cette société a pour objet notamment la prise de participation dans toutes les entreprises et société ainsi que la prestation de services

aux entreprises et sociétés.

Ici encore, le siège social est logé à votre nouveau domicile (cf. statuts)

Ici encore, vous avez caché cette création de société à votre employeur.

Ici encore, vous êtes amené à utiliser les informations confidentielles obtenues chez HOPPE France à des fins purement personnelles dont le risque de concurrence est très fort.

Dans tous les cas, de tels agissements constituent à eux-mêmes une faute grave, rendant impossible votre maintien au sein de la société HOPPE, et nuisent fortement aux intérêts de notre société (le montant de notre préjudice est en cours de chiffrage).

De même, malgré nos nombreuses relances vous n'avez pas cru devoir adresser vos originaux voire duplicatas d'arrêt de travail à la CPAM, générant de ce fait un trop perçu que nous nous réservons le droit de retenir dans le cadre du solde de tout compte, jusqu'à indemnisation par la CPAM.

La confiance de votre employeur est définitivement rompue, alors que ce dernier a tenté de tout faire pour vous être agréable: promotion, formation personnalisée, rappels à l'ordre verbaux pour vous permettre de modifier votre attitude, rappel à l'ordre écrit, avertissement, convocation à un entretien préalable ... En réponse à tous ces efforts, vous avez démarré puis développé une double vie professionnelle à l'insu de votre employeur. Un tel comportement est grave et en tout cas contraire aux valeurs de notre groupe ainsi qu'à l'ensemble de vos obligations contractuelles !... » ;

Qu'il produit aux débats :

- les statuts de la Sarl AD Holding déposés le 3 mai 2012 au tribunal de commerce

- l'extrait K Bis de la société AD Holding, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 3 mai 2012, extrait délivré le 15 octobre 2012 par le greffe du tribunal de commerce de Saint Etienne

- les statuts de la Sarl AD Carrelage déposés le 8 février 2010 au tribunal de commerce

- l'extrait K Bis de la société AD Carrelage, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 11février 2010, extrait délivré le 15 octobre 2012 par le greffe du tribunal de commerce de Saint Etienne

- les statuts de la Sarl AD Ambiance déposés le 31 août 2012 au tribunal de commerce

- l'extrait K Bis de la société AD Ambiance, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 31 août 2012, extrait délivré le 6 mars 2014 par le greffe du tribunal de commerce de Saint Etienne

- le rapport de la Sarl Investiga France, agence de recherches privées du 6 mai 2013, mandatée par la société Hoppe « pour apporter la preuve que monsieur [G] [J] a un rôle actif dans l'exercice de l'activité des sociétés « AD Carrelage » et « AD Holding » en sa qualité de co-gérant ou de toutes autres sociétés dans lesquelles il aurait un intérêt, et ce à l'époque même où il était employé par la société « Hoppe France », ce qui justifierait les différents manquements invoqués par l'employeur dans le cadre de son licenciement pour faute grave'Le but de cette investigation est donc de retracer les activités de monsieur [J] qui peuvent être qualifiées de « professionnelles », quelle qu'en soit la forme, tant avant qu'après son licenciement par la société Hoppe », et les enquêtes sur le terrain ayant commencé le 30 janvier 2013

- les bilans comptables des sociétés Ad Carrelage et AD Holding au 31 décembre 2012 et en déduit « l'investissement en temps hors norme dont monsieur [J] a dû faire preuve pour les développer », alors « qu'il était censé travailler loyalement pour son employeur Hoppe durant cette période » ;

Attendu qu'il incombe à l'employeur de démontrer à quelle date il a « découvert » l'existence des sociétés Ad Holding et Ad Carrelage ;
Que monsieur [J] soutient que l'employeur en avait connaissance au 28 juin 2012, lui-même ne s'en étant pas caché ;

Que si a postériori la société Hoppe explique les autres manquements commis par monsieur [J] par le détournement de son temps de travail et des moyens mis à sa disposition par ce dernier, elle ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'à la date du 28 juin 2012, date à laquelle elle a prononcé un avertissement, elle n'avait pas connaissance des activités parallèles exercées par son salarié ;

Que l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire;

Attendu que le seul fait fautif susceptible d'être retenu à l'encontre de monsieur [J] est que postérieurement au 28 juin 2012 il n'a pas assuré la vacance du poste de monsieur [T] jusqu'à son arrêt de travail pour cause de maladie ;

Que ce manquement reconnu avéré, au regard de sa brève durée et de l'absence de tout justificatif de préjudice objectif en résultant pour l'employeur et de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise n'est pas suffisamment grave pour justifier la perte de son emploi pour ce dernier ;

Attendu que le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef ;

Sur les conséquences financières inhérentes à la rupture des relations contractuelles

Attendu qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, monsieur [J] avait plus de deux années d'ancienneté, l'entreprise employant habituellement au moins onze salariés ;

Qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, il peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement soit 29405 euros;

Attendu que la cour dispose d'éléments suffisants, eu égard à l'âge du salarié, aux circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles pour allouer à monsieur [J] une indemnité définitive devant lui revenir personnellement, pouvant être justement évaluée à la somme de 30000 euros ;

Que les demandes formées par monsieur [J] au titre des indemnités compensatrices de préavis, outre les congés payés, de licenciement, non contestées en leur montant par l'employeur doivent être accueillies et le jugement confirmé de ce chef ;

Attendu qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées au salarié licencié du jour de son licenciement à concurrence de 6 mois ;

Sur la demande nouvelle de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée

Attendu que monsieur [J] soutient que le fait pour son ancien employeur de « s'offrir les services d'un cabinet de détectives privés qui va s'attacher à (le) suivre, à son insu, à le prendre en photo, à l'interroger sur une fausse identité et sous un faux prétexte » est « d'autant plus déloyal qu' (il) n'était plus lié par un contrat de travail et qu'il a été délié de la clause de non concurrence au moment de son licenciement » ;

Que l'employeur est au rejet de cette demande ;

Attendu qu'en application des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et L.1121-1du code du travail, une filature organisée par l'employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite dès lors qu'elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur, et ce d'autant plus que monsieur [J], au moment où elle a été menée, n'était plus salarié de l'entreprise et que le détective a eu recours à des stratagèmes pour établir les preuves réclamées par l' employeur pour justifier a postériori la mesure de licenciement prononcée ;

Attendu que l'utilisation d'un tel procédé a nécessairement porté atteinte à la vie privée de monsieur [J] et justifie à titre d'indemnisation la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que monsieur [J] demande également que ce rapport soit écarté des débats comme moyen de preuve illicite ;
Que cette demande, à laquelle l'employeur n'oppose aucun argument juridique, doit être également accueillie ;

Sur la demande de remboursement de la clause de dédit formation

Attendu que l'employeur doit être débouté de sa demande de remboursement de la somme de 3382,60 euros au titre de la clause de dédit formation objet de l'annexe 3 du contrat de travail signé le 29 septembre 2010, le remboursement n'étant contractuellement retenu qu'en cas de licenciement pour faute grave ou lourde durant une période de 3 ans à compter du 15 février 2011 ;

Que le licenciement prononcé ayant été retenu dépourvu de cause réelle et sérieuse, cette demande a été justement rejetée par les premiers juges ;

Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour « préjudice commercial, matériel, financier et perte d'image subis »

Attendu que l'employeur réclame paiement à ce titre de la somme de 70000 euros motivé comme suit :

« - le préjudice commercial subi, la procédure initiée à son encontre étant totalement injustifiée, étant précisé que cette procédure écorne l'image de l'EURL HOPPE France dans le secteur. De même, l'utilisation des informations dont M. [J] disposait concernant les chantiers de sa région (Contact Business) ont sans nul doute servi à l'appelant à d'autres fins.

- le préjudice financier subi lié à la perte d'argent conséquente au non-respect, par M. [J], de ses obligations contractuelles d'exclusivité, de discrétion et de loyauté, l'appelant n'ayant pas hésité à développer ses affaires personnelles durant son temps de travail plutôt que de se consacrer à l'exercice de ses fonctions.

- Le préjudice matériel subi étant donné les frais de remise en état et de nettoyage du véhicule laissé dans l'état d'une camionnette d'entreprise du bâtiment.

- Le préjudice d'image subi par l'intimée: à titre d'exemple, M. [J] est allé jusqu'à commettre des actes de violence verbales, comme par exemple l'altercation contre Monsieur [I] rapporté par un des clients de l'EURL HOPPE. Ceci a été attesté par M. [Q] [E] dans le cadre de la présente procédure. D'autres clients se sont également manifestés auprès de l'intimée '(sic)

La société HOPPE a réalisé des tableaux récapitulatifs de suivi des fonctions de chacun de ses RRV (responsable régional vente) afin de pouvoir déterminer le coût de chacun d'entre eux à la société (hors salaire et charges diverses) en tenant compte de plusieurs facteurs, tel le nombre de jours travaillés, le nombre de visites par an, le nombre de kilomètres parcourus par an ou encore le coût d'une visite, cette liste étant non exhaustive.

Il a été établi un tel tableau concernant les années de présence de M. [J] au sein de la société au titre des années 2008 à 2012

Pour plus de lisibilité, l'intimée produit aux débats un document permettant la comparaison des 5 années, à la lecture duquel l'on peut aisément constater la baisse importante des chiffres traduits par l'activité salariée de M. [J] depuis la création de la société AD CARRELAGES en 2010, comme suit:

*Ie nombre de jours terrains diminue de 140,5 en 2008 à 93 en 2010, alors même qu'au titre de la fonction d'assistant chef des ventes, il appartenait à M. [J] d'accompagner les RRV lors de leurs visites;

*Ie nombre de visites par an diminue de 439 en 2009 à 247 en 2011 ;

*Ie nombre de kms réalisés par visite augmente de 143 en 2009 à 504 en 2012, démontrant l'absence d'optimisation de ses déplacements;

*Ie coût d'une visite augmente de 69 euros en 2009 à 342 euros en 2012.

M. [J] réalisait moins de visites sur le terrain, le nombre de kilomètres parcouru par visite a tout de même explosé! En réalité, l'appelant utilisait le véhicule mis à sa disposition par la société HOPPE pour effectuer des visites sur le terrain, pour ses propres déplacements personnels, nécessaires au développement de son groupe de société.

Il ressort de la lecture de ces tableaux que M. [J] utilisait 50 % de son temps de travail à développer son groupe de sociétés, ou tout du moins à vaquer à ses occupations personnelles, alors même que la société HOPPE lui versait une rémunération confortable.

La société HOPPE estime donc son préjudice à 50 % du coût de M. [J] sur deux ans, de mai 2010 à mai 2012.

Ce comportement est parfaitement inadmissible de la part d'un collaborateur présent dans la société depuis plusieurs années, notamment en comparaison avec les chiffres réalisés par un salarié récemment embauché (Annexe 44: tableaux récapitulatifs concernant M. [D] [N]). » ;

Attendu que monsieur [J] est au rejet de cette demande ;

Attendu que la société Hoppe se doit d'établir que monsieur [J], durant la relation contractuelle de travail, a, du fait de la participation à la création de sociétés et à l'activité de ces sociétés, a causé un préjudice personnel à son employeur ;

Qu'aucun élément de preuve licitement obtenu ne permet d'établir ni que les sociétés AD Carrelage et AD Holding aient exercé des activités concurrentielles à celles de la société intimée ni que les manquements reprochés à monsieur [J] dans le cadre de son licenciement soient dus à un détournement par ce dernier de temps de travail et de moyens mis à sa disposition par l'employeur et qu'il en est résulté un préjudice effectif pour l'employeur ;

Que le raisonnement de l'employeur basé sur la mauvaise foi de son salarié et le développement des sociétés Ad Holding et Ad Carrelage dont il attribue le bénéfice au seul travail personnel de monsieur [J] n'est pas corroboré par des éléments objectifs ;

Que la société Hoppe doit être déboutée de ce chef de demande ;

Attendu que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a :

- condamné la société Hoppe France à payer à monsieur [J] les sommes suivantes :

* 13125 euros à titre d'indemnité de préavis outre 1312 euros au titre des congés payés

* 5250 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la société Hoppe France de ses demandes de remboursement de la clause de dédit formation de dommages et intérêts pour « préjudice commercial, matériel, financier et perte d'image subis »

- condamné la société Hoppe France aux entiers dépens de l'instance ;

Qu'il doit être infirmé des autres dispositions ;

Attendu que les dépens d'appel doivent être laissés à la charge de la société Hoppe France qui succombe en ses demandes et doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée à monsieur [J] une indemnité complémentaire de 2000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Hoppe France à payer à monsieur [J] les sommes suivantes :

* 13.125 euros à titre d'indemnité de préavis outre 1.312 euros au titre des congés payés

* 5.250 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la société Hoppe France de ses demandes de remboursement de la clause de dédit formation de dommages et intérêts pour « préjudice commercial, matériel, financier et perte d'image subis »

- condamné la société Hoppe France aux entiers dépens de l'instance 

L'infirme en ses autres dispositions

Statuant à nouveau des chefs infirmés

Dit que le licenciement dont monsieur [J] a été l'objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamne la société Hoppe France à payer à monsieur [J] la somme de 30.000 euros en application de l'article L1235-3 du code du travail

Condamne la société Hoppe France à rembourser à Pôle Emploi de son lieu d'affiliation les indemnités de chômage versées à monsieur [J] dans la limite de six mois d'indemnités chômage versées

Y ajoutant

Condamne la société Hoppe France à payer à monsieur [J] la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée

Condamne la société Hoppe France à payer à monsieur [J] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute la société Hoppe France de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Hoppe France aux dépens d'appel.

LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Marie-Claude REVOL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/08360
Date de la décision : 12/09/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/08360 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-12;13.08360 ?
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