AFFAIRE SÉCURITÉ SOCIALE
Double rapporteurs
R.G : 13/09233
SOCIETE CASINO GUICHARD-PERRACHON
C/
U.R.S.S.A.F DU RHÔNE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON
du 17 Octobre 2013
RG : 20110792
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 29 JUILLET 2014
APPELANTE :
S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me David JONIN de l'AARPI CABINET GIDE LOYRETTE NOUEL, AVOCATS AU BARREAU DE PARIS, substitué par Me Yan- Eric LOGEAUIS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
U.R.S.S.A.F DU RHÔNE- ALPES
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par madame [O] [J], munie d'un pouvoir
PARTIES CONVOQUÉES LE : 20 décembre 2013
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Juin 2014
Composée de Nicole BURKEL, Président de Chambre et Marie-Claude REVOL, Conseiller, toutes deux magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistées pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION LORS DU DELIBERE :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Catherine PAOLI, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Juillet 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
A l'issue d'un contrôle opéré sur la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales du RHONE n'a pas procédé à un redressement mais a envoyé une lettre d'observations pour l'avenir sur trois points. La S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON a critiqué un seul point, celui relatif à l'avantage en nature résultant des remises tarifaires consenties aux salariés sur les produits non vendus par l'employeur.
Après rejet implicite de sa contestation par la commission de recours amiable, la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON et a demandé l'annulation de la lettre d'observations sur les remises tarifaires accordées à ses salariés.
Par jugement du 17 octobre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale a débouté la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON de ses demandes.
Le jugement a été notifié le 6 novembre 2013 à la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 26 novembre 2013.
Par conclusions visées au greffe le 24 juin 2014 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON :
- explique qu'elle appartient au groupe CASINO et que ses salariés bénéficient de réductions auprès d'autres sociétés du groupe CASINO,
- reconnaît qu'elle est une entité juridique individualisée mais soutient qu'elle forme une entreprise unique avec les autres sociétés du groupe car elle n'a pas une fonction de production distincte de celle des autres sociétés du groupe et se limite à assurer une gestion cohérente des sociétés du groupe Casino,
- prétend que ses salariés ont un statut identique à celui des autres salariés du groupe,
- ajoute que l'avantage résultant des réductions est ancien et est né de la politique sociale du groupe,
- argue de la circulaire DSS n 2003-07 du 7 janvier 2003 relative à la mise en oeuvre de l'arrêté du 10 décembre 2002 sur l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales laquelle ne soumet pas à cotisations les réductions et remises tarifaires qui n'excèdent pas 30 % du prix de vente normal,
- souligne que l'avantage est modique,
- invoque le principe de l'égalité devant les charges publiques et le principe de sécurité juridique qui interdisent à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales RHONE-ALPES d'adopter une position contraire à celle de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales D'ILE DE FRANCE,
- demande l'annulation de l'injonction faite par l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de soumettre à cotisations sociales les réductions tarifaires accordés à ses salariés.
Par conclusions visées au greffe le 24 juin 2014 maintenues et soutenues oralement à l'audience, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales RHONE-ALPES :
- fait valoir que la tolérance administrative profitant aux réductions tarifaires n'excédant pas 30 % du prix de vente s'applique uniquement aux biens, services et produits fabriqués et vendus par l'employeur et ne s'étend pas aux biens, services et produits fabriqués et vendus par une autre entreprise,
- relève que les salariés de la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON disposent d'une carte CASINO qui ouvre droit à des réductions tarifaires dans plusieurs sociétés du groupe CASINO lesquelles sont des entités juridiques distinctes et ont des activités spécifiques,
- en déduit que ces réductions tarifaires constituent des avantages en nature devant supporter des cotisations sociales,
- objecte que la position de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de PARIS résulte d'une étude remontant à 2008 et dépourvue de valeur doctrinale,
- souhaite la confirmation du jugement entrepris.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale soumet à cotisations sociales les avantages en argent et en nature consentis par l'employeur à ses salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail.
Aux termes de la circulaire DSS n 2003-07 du 7 janvier 2003, 'les fournitures de produits et services réalisés par l'entreprise à des conditions préférentielles ne constituent pas des avantages en nature dès lors que leurs réductions tarifaires n'excèdent pas 30 % du prix de vente public normal, toutes taxes comprises' ; cette circulaire précise : 'il convient de noter que cette tolérance concerne les biens ou services produits par l'entreprise qui emploie le salarié et exclut les produits ou services acquis par l'entreprise auprès d'un fournisseur ou d'une autre entreprise'.
Les salariés de la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON reçoivent, à raison de leur emploi dans cette entreprise, une carte dite CASINO qui leur permet de bénéficier d'une réduction de 5 % sur l'ensemble des achats qu'ils effectuent dans les magasins à l'enseigne Géant Casino, Casino Supermarché, Petit Casino et Spar, d'une réduction de 5 % sur les achats des produits CASINO dans les magasins à l'enseigne Géant Casino et Casino Supermarché, d'une réduction de 10 % sur les achats dans les magasins Imagica, d'une réduction de 25% sur les paiements effectués auprès de Casino Cafétéria, Comptoirs Casino et Coeur de Blé, d'une réduction de 10 % sur les paiements effectués auprès de Villa Plancha, d'une réduction de 5 % sur les paiements effectués auprès de Casino Vacances et d'une réduction de 5 % sur les paiements effectués auprès de C. Discount.
Il n'est pas discuté que l'utilisation de cette carte confère aux salariés un avantage en nature au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ni que la première condition ouvrant droit à l'exonération posée par la circulaire et relative au taux de la réduction tarifaire est satisfaite.
Est en litige, la seconde condition ; en effet, la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON gère les sociétés du groupe CASINO ; or, les réductions tarifaires s'appliquent à des produits et des services qui ne sont pas produits par la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON mais par des sociétés appartenant comme elle au groupe CASINO.
La tolérance apportée par la circulaire est d'interprétation stricte ; la circulaire se réfère à la notion d'entreprise qui se limite à la seule entité employeur et nullement au concept beaucoup plus large de groupe.
Dès lors, la seconde condition posée par la circulaire à l'exonération de cotisations sociales n'est pas remplie, peu important que la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON fasse partie du groupe CASINO.
Le principe de sécurité juridique allégué est respecté puisqu'il s'agit d'observations valant pour l'avenir qui informent à l'avance la société de la position de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales.
La société appelante excipe également du principe d'égalité devant les charges publiques et fait valoir la position de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de PARIS.
La société appelante verse une fiche technique des réductions tarifaires éditée au mois de mai 2008 par l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de PARIS et de la région parisienne ; cette union relève que la réduction tarifaire est un avantage inégalitaire dans la mesure où 30 % du prix d'une voiture n'est pas comparable à 30 % du prix d'une chemise et écrit 'Les avantages bénéficiant aux salariés dans le cadre d'un groupe de sociétés présentent également des problématiques particulières. Les employeurs se retranchent derrière le fait que les produits ou prestations sont fournis par des entités juridiques distinctes pour remettre en cause le caractère de 'produit de l'entreprise'. Pourtant, les avantages sont bien accordés aux salariés en considération de leur contrat de travail' ; l'union de PARIS a proposé une piste de réforme consistant à s'orienter vers une tolérance d'une remise annuelle sur les produits vendus ou fabriqués par le groupe au sein duquel l'entreprise employeur est intégrée laquelle tolérance pourrait être fixée à 5 % du plafond annuel de sécurité sociale ; l'union précise : 'Un tel dispositif ne se réfère pas à la remise sur un produit, mais à l'avantage financier annuel que le salarié a obtenu en acquérant un ou plusieurs produits de l'entreprise ou du groupe auquel l'employeur appartient. Il permettrait d'introduire un principe d'équité entre les salariés bénéficiaires d'un tel type d'avantage, quelque soit l'entreprise qui l'emploie'.
Il s'agit d'une proposition théorique de réforme émanant de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de PARIS et de la région parisienne et nullement d'un application concrète de la circulaire par cette union ; faute de preuve d'une mise en oeuvre effective, cette position n'engendre pas une rupture d'égalité devant les charges publiques.
La société appelante produit également des documents relatifs aux avantages profitant aux salariés de société dites à statut à savoir la S.N.C.F. et E.D.F..
Le principe d'égalité devant les charges publiques exige que toutes les personnes se trouvant placées dans une situation identique à l'égard du service public doivent être régies par les mêmes règles.
La S.N.C.F. et E.D.F. assument une mission de service public de transport pour la première de distribution d'énergie pour la seconde ; elles ne sont donc pas placées dans une situation identique à celle de la société appelante qui n'est pas en charge d'une telle mission ; dès lors, une éventuelle différence de traitement au regard des cotisations sociales ne peut s'analyser en une rupture d'égalité devant les charges publiques.
La société appelante communique enfin la convention collective d'entreprise CARREFOUR en ses dispositions relatives aux avantages accordés aux salariés ; cette convention octroie aux salariés CARREFOUR des réduction sur les achats de billetterie proposés par la société Carrefour billetterie, sur les achats de voyage proposés par la société Carrefour voyages, sur les assurances délivrées par la société CARMA et sur les achats de fioul domestique proposé par la société CARFUEL ; en l'absence de tout autre élément, ce seul extrait de la convention collective ne démontre pas une rupture d'égalité devant les charges publiques.
En conséquence, les réductions tarifaires accordées sur des produits ou services aux salariés de la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON par le biais de la carte CASINO doivent supporter les cotisations sociales et la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON doit être déboutée de sa demande d'annulation de l'injonction faite à elle par l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales.
Le jugement entrepris doit être confirmé.
La S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON, appelante succombant, doit être dispensée du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris,
Ajoutant,
Dispense la S.A. CASINO GUICHARD PERRACHON, appelante succombant, du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Malika CHINOUNE Nicole BURKEL