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25/07/2014 | FRANCE | N°13/08348

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 juillet 2014, 13/08348


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/08348





SARL PL COMM



C/

[V]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Octobre 2013

RG : F 11/04511











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 JUILLET 2014













APPELANTE :



SARL PL COMM

[Adresse 2]

[Localité 7]



représentée par Me Jacques GRANGE de la SELARL GRANGE LAFONTAINE VALENTI ANGOGNA-G.L.V.A., avocat au barreau de LYON substituée par Me Didier MILLET, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



[K] [V]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 17]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Locali...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/08348

SARL PL COMM

C/

[V]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 07 Octobre 2013

RG : F 11/04511

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 JUILLET 2014

APPELANTE :

SARL PL COMM

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Jacques GRANGE de la SELARL GRANGE LAFONTAINE VALENTI ANGOGNA-G.L.V.A., avocat au barreau de LYON substituée par Me Didier MILLET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[K] [V]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 17]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Jacques THOIZET de la SCP VACAVANT-THOIZET, avocat au barreau de VIENNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/033536 du 05/12/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 11])

PARTIES CONVOQUÉES LE : 08 Novembre 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Juin 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Catherine PAOLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Solène DEJOBERT, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Juillet 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Attendu que le conseil de prud'hommes de Lyon, section commerce, par jugement contradictoire du 7 octobre 2013, a :

- constaté que l'inaptitude médicalement constatée est la conséquence du harcèlement moral dont madame [K] [V] a été victime

- dit et jugé que la rupture du contrat de travail de madame [K] [V] est nul

- condamné la société PL. Comm à payer à madame [K] [V] les sommes de:

* 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

* 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi pendant l'exécution du contrat de travail

* 2988 euros à titre d'indemnité de préavis outre 298,80 euros au titre des congés payés y afférents

* 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la société PL. Comm de sa demande reconventionnelle

- ordonné l'exécution provisoire de droit prévue par l'article R. 1454-28 du code du travail

- condamné la société PL.Comm aux entiers dépens;

Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par la sociétéPL.Comm par lettre recommandée postée le 24 octobre 2013 et réceptionnée au greffe le 25 octobre 2013 ;

Attendu que madame [K] [V] a été engagée par la société PL.Comm suivant contrat à durée indéterminée à compter 1er février 2000 en qualité d'expéditrice ;

Qu'au dernier état de la relation contractuelle, elle a occupé la fonction de contrôleur qualité E1;

Que son revenu mensuel brut s'est élevé à 1494 euros;

Attendu que les parties se sont accordées à l'audience pour admettre une reprise d'ancienneté au 19 novembre 1990 ;

Que mention en a été portée sur la note d'audience signée par le président et le greffier ;

Attendu que madame [V] soutient avoir été victime de harcèlement moral, d'une dégradation de ses conditions de travail depuis 2008;

Qu'elle affirme avoir été convoquée verbalement le 4 mai 2010 et s'être retrouvée face au directeur et à trois autres cadres entretien au cours duquel il lui a été indiqué : « je vous donne un mois s'il y a une seule erreur ce sera en 10 minutes dans mon bureau avec la DRH » ;

Attendu que madame [K] [V] a été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle à compter du 5 mai 2010 jusqu'au 1er décembre 2010;

Qu'elle a fait l'objet de 2 visites de reprise auprès du médecin du travail les 3 et 17 décembre 2010 et aux termes du dernier avis, elle a été reconnue «inapte au poste, apte à un autre poste - ' Inaptitude médicale au poste de contrôleuse (service retours clients) et à tout poste dans l'entreprise sur le site de [Localité 7]/[Localité 9] (deuxième visite). L'état de santé actuel de la salariée ne me permet pas de préciser les capacités résiduelles et de formuler des propositions en vue du reclassement » ;

Que l'employeur par lettre du 24 décembre 2010 a proposé à la salariée un poste de vendeuse à temps partiel au sein de la boutique de lingerie divine lingerie appartenant la société Promintine à la Roche-sur-Yon, poste qu'elle a refusé ;

Attendu que madame [K] [V] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 janvier 2011, par lettre recommandée du 6 janvier 2011 ;

Qu'elle a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 janvier 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Attendu que madame [K] [V] a déclaré à l'audience être âgée de 50 ans à la date de rupture des relations contractuelles, avoir perçu des allocations chômage jusqu'au 20 avril 2014, n'avoir pas retrouvé de travail et être sans ressources ;

Que mention en a été portée sur la note d'audience signée par le président et le greffier ;

Attendu que la société PL.Comm emploie plus de 11 salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel;

Que la convention collective applicable est celle des industries de l'habillement ;

Attendu que la société PL.Comm demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 5 mai 2014, visées par le greffier le 6 juin 2014 et soutenues oralement, de :

- la déclarer recevable et fondée en son appel

- infirmer le jugement entrepris

Statuant à nouveau

- dire et juger que les pièces adverses 18 et 19, désignées comme étant respectivement les attestations de mesdames [B] et [U] doivent être écartées des débats

- débouter madame [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions

- condamner madame [V] à lui payer 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Attendu que madame [K] [V] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 5 juin 2014, visées par le greffier le 6 juin 2014 et soutenues oralement, au visa des articles L 1152-1 et suivants du code du travail, de :

- confirmer le jugement prononcé en ce qu'il a constaté que l'inaptitude médicalement constatée est la conséquence du harcèlement moral dont madame [K] [V] a été victime et dit et jugé que la rupture du contrat de travail de madame [K] [V] est nul

- condamner la société PL. Comm à lui payer les sommes suivantes :

* 36000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

* 18000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pendant l'exécution du contrat de travail

* 2988 euros à titre d'indemnité de préavis outre 298,80 euros au titre des congés payés y afférents

A titre subsidiaire, au visa de l'article L1226-2 du code du travail

- constater que la société PL. Comm ne justifie pas avoir entrepris une recherche sérieuse de reclassement

- condamner la société PL. Comm à lui payer les sommes suivantes :

* 36000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

* 2988 euros à titre d'indemnité de préavis outre 298,80 euros au titre des congés payés y afférents

En tout état de cause,

- condamner la société PL. Comm à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société PL.Comm aux éventuels dépens;

Que le conseil de l'intimée a précisé que sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile doit lui être allouée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Que mention en a été portée sur la note d'audience signée par le président et le greffier ;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre du harcèlement moral

Attendu que madame [V] soutient avoir été victime d'une répétition de convocations de plus en plus fréquentes à des entretiens où des reproches injustifiés lui ont été adressés et dont « elle revenait presque toujours en larmes », faire l'objet d'un traitement différent de celui réservé à ses collègues, être victime d'isolement, d'une mise à l'écart et affirme que l'entretien du 4 mai 2010 la fait plonger dans une profonde dépression ;

Que la société PL. Comm conteste tout fait de harcèlement moral, rappelle l'avertissement adressé le 10 octobre 2005 à la salariée pour non-conformité des produits expédiés, la réalité de tenues d'entretiens successifs constructifs et d'un soutien professionnel exclusif de toute situation de harcèlement moral ;

Attendu qu'en application de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Attendu qu'en application de l'article L1154-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Que toute rupture du contrat de travail qui résulterait de tels agissements est nulle de plein droit ;

Attendu que madame [V] verse aux débats au soutien de ses affirmations :

- l'avertissement reçu par elle le 10 octobre 2005 suite à l'envoi à un client japonais de 150 pièces sans « n'ud arrière » alors qu'elle était chargée de contrôler et conditionner 290 pièces de la ligne 03 SR le 27 juillet 2005 et l'employeur lui précisant « vos explications : je ne suis pas motivée, j'ai la tête ailleurs je n'y arrive pas 'ne suffisent plus »

- la lettre adressée par son conseil le 9 septembre 2010 à son employeur dénonçant la situation de harcèlement dont elle est victime et l'informant de la grave dépression depuis l'entretien du 4 mai 2010 et la réponse de l'employeur du 5 octobre 2010 soulignant que la salariée « ne tient aucun compte des observations qui lui sont faites et depuis le début de l'année la qualité de son travail s'est dégradée », que « la société et les collègues de travail de madame [V] ont pourtant toujours fait preuve de patience et de bienveillance au regard de ses difficultés personnelles qui durent depuis des années » et contestant le caractère perturbateur de l'entretien du 4 mai 2010, madame [V] ayant été invitée « à se concentrer pendant un mois sur la qualité de son travail en dehors de tout critère et mesure de rendement habituellement demandés !! »

- la lettre adressée par son conseil le 3 novembre 2010 contestant toutes difficultés personnelles et maintenant que sa cliente ne fait pas plus d'erreurs que ses collègues

- une attestation au nom de madame [B] [Y] datée du 1er décembre 2010, ne comportant en annexe aucune pièce d'identité, qui décrit les faits d'isolement, de « conspiration »dont est l'objet madame [V] , qualifiée d' »invisible » et les critiques journalières sur la qualité de son travail systématiquement contrôlé et rendement lors de convocations « presque tous les jours », les moqueries sur sa tenue vestimentaire, madame [V] pleurant et indique avoir elle-même été dans l'obligation de rompre son contrat de mission après en avoir averti la société intérimaire et le médecin du travail, ayant eu à connaître des faits de même nature

- une attestation au nom de madame [U] [D] datée du 15 janvier 2011, ne comportant en annexe aucune pièce d'identité, présente sur site du 14 novembre 2008 au 30 janvier 2009, qui décrit les convocations multiples de madame [V] pour des « motifs futiles ou incompréhensifs », revenant en larme et dénonçant le traitement différent réservé à des salariés

- une attestation de madame [C], régulière en la forme au sens de l'article 202 du code de procédure civile, qui souligne avoir rencontré madame [V] lors de son embauche et avoir sympathisé avec elle et avoir appris qu'elle « a souffert de se trouver sur un poste moins valorisant et « a subi à répétition des reproches de ses supérieurs », souffrant d'une dépression, ayant perdu toute joie de vivre, un traitement différent de ses autres collègues de travail et qui précise avoir elle-même été licenciée « suite à des soucis de santé relatifs aux conditions de travail au mois d'août 2010 »

- deux photographies parues sur Facebook avec un commentaire le 4 décembre 2008

- des certificats des 28 juillet 2010 et 5 septembre 2011 de l'infirmière du CMPA de Villefontaine qui atteste du suivi régulier de madame [V] depuis le 14 juin 2010

- la lettre adressée par son médecin traitant à un confrère le 14 septembre 2010 dans laquelle il précise qu'elle souffre « d'une dépression suite à un mal être au travail », un certificat du 29 octobre 2010 de ce même médecin indiquant qu'elle est suivie pour « une dépression par des antidépresseurs et des somnifères » et un autre du 6 septembre 2011 attestant de la nécessité d'un suivi psychologique « en rapport avec le conflit professionnel qu'elle avait eu avec son employeur » ;

Attendu que l'employeur demande que les attestations de mesdames [U] et [B] soient écartées des débats, leur auteur n'ayant par annexé aux témoignages une pièce d'identité ;

Attendu que les règles de forme des attestations édictées par l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et il appartient au juge d'apprécier souverainement si l'attestation non conforme à ce texte présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction ;

Qu'il n'y a pas lieu d'écarter les attestations produites au seul motif qu'elles ne satisfont pas aux exigences de forme énoncées à l'article 202 du code de procédure civile ;

Que l'identité des auteurs de ces attestations étant mentionnée, ainsi que leur adresse, il n'y a pas lieu de les écarter des débats ;

Que l'employeur verse aux débats le témoignage de monsieur [Z] [J] qui confirme que madame [U] a travaillé en qualité d'intérimaire au sein de la société PL. Comm et dément avoir trouvé trace au dossier de la salariée « des éléments de plainte ou réclamations quant aux conditions de travail »chez cet employeur ;

Qu'aucun élément ne vient objectiver que madame [B] n'ait pas travaillée au sein de PL.Comm ;

Attendu que la société PL.Comm verse, quant à elle, aux débats :

- les comptes-rendus d'entretien dits « suivi annuel collaborateur » signés par madame [V] des 14 février, 24 juillet, 26 décembre 2006, 11 juillet 2007, 6 février, 17 juillet et 19 décembre 2008, 18 décembre 2009 dans lesquels sont notés des erreurs reconnues pour partie par la salariée qui prend l'engagement de faire des efforts, reconnait se sentir bien dans son poste en 2008, avoir « pris du recul avec les autres dans l'atelier, (être) bien dans le service, contente de faire moins d'erreurs » et dans lesquels l'entretien global est qualifié de « bon »

- une attestation de monsieur [Z] qui précise que madame [U] a travaillé dans le cadre de 4 contrats de mission du 14 novembre 2008 au 30 janvier 2009 au sein de PL.Comm, « est allée au bout de ses contrats sans rupture de mission » et dans le dossier de laquelle ne figure aucune plainte sur ses conditions de travail

- une attestation de monsieur [S], qui indique avoir eu « quelques entretiens avec [K] [V] en présence de sa responsable directe, [X] [O], pour lui faire des remarques sur la qualité de son travail », avoir été « attentif pour aider [K] [V] », notamment après le déménagement de l'entreprise, celle 'ci « étant perdue avec la nouvelle technologie », la formant sur le retour des contrôles, avoir effectué « à plusieurs reprises » des mises au point au regard des erreurs commises, des rendements bien inférieurs à la moyenne et qui précise que « par égard à ses problèmes personnels nous n'avons pas souhaité lui infliger davantage de soucis ce que nous regrettons »

- une attestation de madame [Q], collègue de travail, qui indique n'avoir jamais constaté de fait de harcèlement sur la personne de madame [V] ni de la part de ses supérieurs ni de ses collègues, rappelle les erreurs régulières commises par la salariée ayant justifié que les tâches confiées l'ont été en fonction « des capacités de chacun et des priorités commerciales » et affirme que madame [V] «  faisait passer des petits mots dans les caisses me qualifiant de Marguerite en rapport à une vache de dessins animés, ce qui malgré tout n'a pas influé sur ma répartition du travail »

- une attestation de madame [O], qui exclut tout traitement particulier réservé à madame [V] par rapport à ses collègues, décrit les aides apportées à madame [V] pour régler des « problèmes d'ordre personnel » » et les erreurs répétées commises par cette salariée nécessitant des mises au point, rappelle l'affiche représentant une vache dessinée et mise en circulation par madame [V] qui lui avait dit que « c'était une petite blague » qui ne se reproduirait plus, « qu'elle aimait son travail, le service retour et qu'elle s'y sentait bien

- une attestation de madame [A], DRH du Groupe Lise Charmel, qui indique connaitre les collaborateurs, animer toutes les réunions de DP, CE, CHSCT et n'avoir jamais eu connaissance de faits de harcèlement commis sur quiconque, n'avoir jamais été sollicitée par cette salariée ni par des collègues de travail pour des problèmes autres que personnels la concernant ni par le médecin du travail

- une attestation de madame [H], secrétaire du CHSCT de janvier 2007 à mars 2011, qui affirme « ne jamais avoir été alertée ou informée » par des salariés intérimaires de PL. Comm de faits de harcèlement moral »

- une attestation de madame [F], qui affirme ni en tant que collègue de travail ni en tant que représentante du personnel depuis 2005 de l'UES Lise Charmel, avoir été témoin ou avoir été alertée sur des faits de harcèlement moral dont madame [V] aurait pu être victime

- une attestation de madame [I], déléguée du personnel depuis octobre 2010, qui confirme les termes du témoignage de madame [F] et précise «qu'aucun fait de harcèlement ne m'a été remonté durant la période de mon mandat » sur le site où a travaillé madame [V]

- une attestation de monsieur [T], délégué du personnel de 2002 au 29 septembre 2010, qui indique qu'aucun fait de harcèlement moral n'a été porté à sa connaissance

- une attestation de la société Acoset, accompagnement et conseil en sécurité du travail et qualité, qui indique avoir une consultante présente sur site laquelle n'a jamais été alertée sous quelque forme que ce soit et par qui que soit ni n'a jamais noté ni une souffrance au travail ni « des comportements dérangeants »

- une attestation de monsieur [M], « fournisseur travail temporaire » auprès de la société PL.Comm depuis 7 ou 8 ans, qui indique n'avoir jamais de retour de difficultés de la part des intérimaires

- une attestation de madame [G], qui rappelle que madame [V] a dû être transférée du service expédition au service retour « la mise en place de l'informatique comme outil de travail au quotidien pour la préparation des commandes'lui paraissant difficile à assimiler », et ce avec son accord ;

Attendu que la cour tire la conviction, de la confrontation des éléments versés aux débats, que madame [V] n'a pas été victime de fait de harcèlement moral de la part de son employeur ;

Que si elle évoque une multitude de mises au point, dont la dernière le 4 mai 2010, aucun élément ne vient démontrer que ces mises au point aient été injustifiées, madame [V] reconnaissant commettre des « erreurs » dans l'exécution de ses tâches, et qu'elles se soient déroulées dans des conditions vexatoires ou attentatoires à la personne de la salariée ;

Que d'ailleurs, certains entretiens ont fait l'objet de comptes-rendus signés par la salariée elle-même démontrant le caractère constructif des échanges ;

Que la salariée, en cours d'exécution du contrat, n'a dénoncé aucun fait dont elle aurait pu être personnellement victime ni à son employeur ni aux institutions représentatives du personnel ni au médecin du travail;

Que les témoignages de mesdames [B] et [U], salariées intérimaires, outre que leurs affirmations de dénonciation des conditions de travail aux entreprises de travail temporaire sont démenties, sont contredits par ceux des collègues de travail vivant au quotidien auprès de madame [V], dont certains élus représentants du personnel ;

Que le seul fait que madame [C] a personnellement constaté est que madame [V] « faisait partie des rares personnes qui ne devait pas parler » durant son travail, une telle exigence de l'employeur apparaît justifiée au regard des nombreuses erreurs commises par la salariée, qui les expliquait par un problème de concentration au travail;

Que la distribution du travail, au regard des capacités personnelles de chaque salariée, relève de l'exercice normal du pouvoir de direction ;

Que les seules indications médicales fournies établissant un lien entre la maladie développée par madame [V] et le poste de travail occupé par elle, ne le sont qu'à partir que de la seule retranscription de ses affirmations et ne reposent sur aucune constatation personnelle objective ;

Attendu que madame [V] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi en cours d'exécution du contrat de travail ;

Sur la rupture des relations contractuelles de travail

Attendu que les faits de harcèlement moral reprochés à l'employeur n'étant nullement caractérisés, la demande tendant à voir déclarer nul le licenciement doit être rejetée ;

Attendu que madame [V] reproche également à son employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement, le seul poste proposé étant à plus de 770 km et à plus de 7 heures de route de son précédent emploi et à temps partiel ;

Qu'elle indique attendre communication par l'employeur de pièces démontrant l'absence de tout autre poste susceptible de lui être proposé ;

Attendu que la société PL.Comm, qui indique avoir comme activité « d'assurer le contrôle des produits finis, le conditionnement et les expéditions des produits du Groupe Lise Charmel, spécialisé dans la confection et la vente d'articles de lingerie », affirme avoir rempli l'obligation de reclassement lui incombant, ayant fait une proposition de reclassement à la salariée ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnels, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ;

Attendu que la société PL.Comm, à qui incombe la charge d'établir qu'elle a rempli l'obligation de reclassement lui incombant, verse aux débats :

- la proposition de reclassement faite le 24 décembre 2010 à madame [V] sur un poste de « vendeuse » à temps partiel au sein de la société Promintime à [Localité 10] en Vendée

- la lettre de convocation à entretien préalable à licenciement adressée le 6 janvier 2011 affirmant n'avoir aucun autre poste à lui proposer et qualifiant le reclassement d'impossible, et ce confirmé par lettres des 6 et 21 janvier 2011

- le curriculum vitae de madame [V]

- des extraits de registres du personnel sur lesquels ont été apposés la mention manuscrite «Lise Charmel Lingerie » « Sté Arcademia » « Antigel Lingerie » « PL.Com »

« D Bx Lingerie » « Lise Charmel Industrie » et des extraits informatisés au nom de « Boutique Charm Rouen » « Boutique Germaine Ollagne [Localité 4] » « Boutique Hot Couture [Localité 3] » « Boutique Tendres Folies [Localité 8] » « Boutique Aurelia [Localité 16] » « Boutique Aurelia [Localité 16] », mentions raturées et remplacées par [Localité 12], « Flo Boutique [Localité 2] » « Boutique Leboucher Lingerie [Localité 19] » « Boutique des jours et des nuits [Localité 15] » « Boutique infiniment soie [Localité 18] » « Boutique Beganis [Localité 14] » « Boutique divine Lingerie [Localité 10] »

« Boutique Mutine [Localité 5] » « Boutique tendres folies [Localité 6] » « Boutique Hade et Persephone [Localité 13] » ;

Attendu que d'une part, la société PL.Comm appartient à un groupe, identifié par les représentants du personnel dans les témoignages versés aux débats par l'employeur comme « Groupe Lise Charmel » ;

Que madame [F] se présente elle comme « représentante du personnel depuis 2005 de l'UES Lise Charmel » ;

Qu'aucun élément ne permet de connaître la composante du groupe ;

Attendu que d'autre part, aucun élément ne vient établir la nature exacte des recherches de reclassement opérées par la société PL.Comm ;

Qu'il n'est justifié de l'envoi d'aucune lettre de recherche de reclassement auprès des sociétés du groupe ;

Attendu qu'enfin, la production d'extraits de registre du personnel de différentes sociétés et une proposition d'une seule offre de reclassement sont insuffisantes à démontrer que la société PL.Comm ait satisfait à une obligation loyale et sérieuse de reclassement en son sein et au sein du groupe auquel elle appartient ;

Attendu que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences financières de la rupture des relations contractuelles de travail

Attendu qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, madame [V] avait plus de deux années d'ancienneté, l'entreprise employait habituellement plus de onze salariés ;

Qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, elle peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement, soit en l'espèce 9189,02 euros ;

Attendu que madame [V] démontre avoir été indemnisée par Pôle Emploi du 27 février 2011 au 20 avril 2014 ;

Attendu que la cour dispose d'éléments suffisants, eu égard à l'âge de la salariée, aux circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et aux difficultés réelles de reconversion professionnelle rencontrées, pour allouer à madame [V] une indemnité définitive devant lui revenir personnellement, pouvant être justement évaluée à la somme de 30000 euros ;

Attendu qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées au salarié licencié du jour de son licenciement à concurrence de 6 mois ;

Attendu que madame [V] est également fondée en sa demande de paiement d'indemnité compensatrice de préavis de 2 mois à hauteur de 2988 euros outre les congés payés y afférents ;

Attendu que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a :

- condamné la société PL. Comm à payer à madame [K] [V] les sommes de:

* 2988 euros à titre d'indemnité de préavis outre 298,80 euros au titre des congés payés y afférents

* 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société PL.Comm aux entiers dépens;

Qu'il doit être infirmé en toutes ses autres dispositions ;

Attendu que les dépens d'appel doivent être laissés à la charge de la société PL.Comm

qui doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la société PL.Comm doit être condamnée à verser à maître Thoizet, avocat de madame [V], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle en cause d'appel, la somme de 2100 euros, laquelle excède la contribution due par l'Etat en application des barèmes de l'aide juridictionnelle en vigueur ;

Qu'en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 108 du décret du 19 décembre 1991, le conseil de madame [V] , maître Thoizet, dispose d'un délai de 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de jugée pour demander le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, à défaut de quoi, il sera réputé avoir renoncé à celle-ci ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société PL. Comm à payer à madame [K] [V] les sommes de:

* 2.988 euros à titre d'indemnité de préavis outre 298,80 euros au titre des congés payés y afférents

* 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société PL.Comm aux entiers dépens

L'infirme en toutes ses autres dispositions 

Statuant à nouveau des chefs infirmés

Dit que madame [V] n'a pas été victime de harcèlement moral et que le licenciement dont elle a été l'objet n'est pas entaché de nullité

Déboute madame [V] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul et de dommages et intérêts pour préjudice subi pendant l'exécution du contrat de travail

Dit que le licenciement dont madame [V] a été l'objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamne la société PL.Comm à payer à madame [V] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article L1235-3 du code du travail

Condamne la société PL.Comm à rembourser à Pôle emploi de son lieu d'affiliation les indemnités de chômage versées à madame [V] dans la limite de six mois d'indemnités chômage versées

Y ajoutant,

Condamne la société PL.Comm à verser à maître Thoizet, avocat de madame [V], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle en cause d'appel, la somme de 2.100 euros 

Rappelle qu'en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 108 du décret du 19 décembre 1991, maître Thoizet dispose d'un délai de 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de chose jugée pour demander le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat et qu'à défaut de quoi, il sera réputé avoir renoncé à la part contributive de l'Etat 

Déboute la société PL.Comm de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société PL.Comm aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/08348
Date de la décision : 25/07/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/08348 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-07-25;13.08348 ?
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