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04/07/2014 | FRANCE | N°12/08952

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 04 juillet 2014, 12/08952


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : 12/08952





[D]



C/

ASSOCIATION MISSION LOCALE JEUNES BUGEY PLAINE DE L'AIN







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BELLEY

du 16 Novembre 2012

RG : F 12/00025











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 04 JUILLET 2014







APPELANT :



[B] [D]

né le [Date nais

sance 1] 1961 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 1]



comparant en personne,

assisté de Me Paul TURCHET, avocat au barreau de L'AIN







INTIMÉE :



ASSOCIATION MISSION LOCALE JEUNES BUGEY PLAINE DE L'AIN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]



re...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 12/08952

[D]

C/

ASSOCIATION MISSION LOCALE JEUNES BUGEY PLAINE DE L'AIN

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BELLEY

du 16 Novembre 2012

RG : F 12/00025

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 04 JUILLET 2014

APPELANT :

[B] [D]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Paul TURCHET, avocat au barreau de L'AIN

INTIMÉE :

ASSOCIATION MISSION LOCALE JEUNES BUGEY PLAINE DE L'AIN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Sidonie DOMINJON-PRUD'HOMME, avocat au barreau de L'AIN

PARTIES CONVOQUÉES LE : 04 Juin 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Mai 2014

Présidée par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre et Christian RISS, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, président

- Christian RISS, conseiller

- Mireille SEMERIVA, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Juillet 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Madame [B] [D] a été embauchée pour une durée indéterminée le 1er janvier 2005, avec reprise de son ancienneté au mois de novembre 2001, par l'Association Mission Locale Jeunes [1] en qualité de directrice .

Elle précise avoir précédemment accumulé 12 années d'expérience en qualité de responsable des ressources humaines au sein de grands groupes ou de consultante en management et ressources humaines, et avoir exercé les fonctions de directrice d'une Mission Locale faisant partie des missions locales pilotes auprès de la délégation interministérielle à l'insertion des jeunes à [Localité 4].

Elle prétend avoir pris ses nouvelles fonctions dans l'Ain dans un contexte catastrophique en raison du départ de la précédente directrice en raison d'une grave dépression à la suite d'une mesure d'audit menée à charge, du retard accumulé et de l'absence d'équipements et de moyens.

L'Association Mission Locale Jeunes [1] reconnaît pour sa part que ses résultats ont été positifs entre 2002 et 2004 lorsqu'elle a été placée sous le direction de Madame [D], mais que la situation financière est devenue déficitaire jusqu'à ce que le directrice soit elle même placée en arrêt maladie pour cause de dépression du 17 novembre 2008 au 26 janvier 2009, puis du 29 janvier 2009 au 31 mars 2011 et que Madame [F] [R] assure l'intérim.

Après avoir été déclarée apte de la reprise de son travail le 1er avril 2011 par le médecin du travail, elle a à nouveau été un arrêt travail du 30 juin 2011 au 30 août 2011.

Elle a saisi initialement le conseil de prud'hommes de Belley le 18 juillet 2011 pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Après que l'affaire ait été radiée du rôle de la juridiction pour caducité le 09 mars 2011, Madame [D] a procédé à sa réinscription le 29 mars 2012.

Elle a ensuite été déclarée inapte à son poste et à tout poste dans l'association par le médecin du travail au terme d'un avis unique en date du 16 mai 2012.

Elle a finalement été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 juin 2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Prétendant avoir été victime de harcèlement moral préjudiciable à sa dignité et à sa santé, résultant de l'attitude combinée de son employeur et du comportement de Madame [R], sa subordonnée, elle a sollicité du conseil de prud'hommes :

- qu'il dise et juge fondé en son principe sa demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur;

- qui lui fasse produire les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, et subsidiairement qu'il dise et juge son licenciement pour inaptitude dénué de cause réelle et sérieuse pour être la conséquence du comportement et des agissements fautifs de son employeur;

- qu'il condamne l'Association Mission Locale Jeunes [1] à lui verser des sommes suivantes avec exécution provisoire :

10.206,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1.020,00 € au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

17.577,00 € à titre d'indemnités de licenciement,

20.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral,

122.472,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

2.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- qu'il ordonne la remise d'une attestation PÔLE EMPLOI rectifiée mentionnant comme dernier jour travaillé et payé Juin 2011, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard

L'Association Mission Locale Jeunes [1] s'est opposée à ses demandes, a formulé une demande reconventionnelle en remboursement de la somme de 9.373,53 € au titre du remboursement d'un trop-perçu de salaire, et a sollicité la condamnation de la demanderesse à lui verser la somme de 2.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 16 novembre 2012, le conseil de prud'hommes de Belley, section encadrement, a :

Dit et jugé que la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail par Madame [D] n'est pas fondée en son principe,

Dit et jugé que le licenciement de Madame [D] prononcé le 15 juin 2011 par l'Association Mission Locale Jeunes [1] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est pourvu d'une cause réelle et sérieuse,

Ordonné à l'Association Mission Locale Jeunes [1] d'adresser à Madame [D] une attestation PÔLE EMPLOI rectifiée mentionnant le 30 juin 2011 comme date du dernier jour travaillé et payé,

Assorti cette condamnation d'une astreinte de 50,00 € par jour de retard raconté du 15e jour de retard suivant la notification du jugement,

Débouté Madame [D] du surplus de ses demandes,

Débouté l'Association Mission Locale Jeunes [1] de sa demande en remboursement de trop-perçus de salaires,

Débouté les parties de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné l'Association Mission Locale Jeunes [1] aux entiers dépens.

Par lettre recommandée en date du 14 décembre 2012 enregistrée au greffe le 17 décembre 2012 , Madame [D] a interjeté appel de ce jugement dont elle demande l'infirmation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 15 mai 2014 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions initiales et complémentaires n° 2 qu'elle a fait déposer respectivement le 31 octobre 2013 et le 15 mai 2014 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses prétentions et moyens en application de l'article 544 du code de procédure civile, et tendant à :

Dire et jugé fondée en son principe la demande de résiliation du contrat de travail de Madame [D] aux torts de son employeur;

Lui faire produire les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, et subsidiairement dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Madame [D] est dénué de cause réelle et sérieuse puisqu'il est la conséquence du comportement et des agissements fautifs de l'employeur, et par voie de conséquence

Condamner l'Association Mission Locale Jeunes [1] à payer à Madame [D] les sommes suivantes :

10.206,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.020,00 € au titre des congés payés afférents;

17.577,00 € à titre d'indemnité de licenciement ;

20.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral ;

122.472,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

2.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Rejeter la demande présentée par l'Association Mission Locale Jeunes [1] au titre du remboursement de salaires;

Condamner l'Association Mission Locale Jeunes [1] aux entiers dépens.

L'Association Mission Locale Jeunes [1] a pour sa part fait reprendre à cette audience par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a fait déposer le 28 mars 2014 et auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses prétentions et moyens, aux fins de voir :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Belley le 16 novembre 2012, sauf en ce qu'il a débouté l'Association Mission Locale Jeunes [1] de sa demande en remboursement des salaires trop perçus par Madame [D] ;

Constater que Madame [D] ne rapporte pas la preuve de faits précis susceptibles de caractériser les faits de harcèlement moral au travail dont elle prétend avoir été victime ;

Constater que Madame [D] n'a jamais porté à la connaissance de son employeur la situation qu'elle expose aujourd'hui dans le cadre de la présente procédure ;

Constater que les mesures des décisions prises par l'employeur ne comportent aucune intention malveillante et délibérée de nuire au salarié dans le but de porter atteinte à sa dignité et sa santé;

En conséquence,

Débouter Madame [D] de son appel tendant à voir prononcer la résolution judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, et subsidiairement déclarer son licenciement pour inaptitude pourvu de cause réelle et sérieuse;

Débouter Madame [D] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

Condamner Madame [D] à rembourser à l'Association Mission Locale Jeunes [1] la somme de 9.373,53 € au titre du complément de salaire indûment versé par l'employeur pour la période entre le 3 janvier 2012 et mai 2012;

Au besoin, enjoindre à Madame [D] d'avoir à produire aux débats ses relevés d'indemnités journalières de la Sécurité Sociale depuis le 3 janvier 2012, sous astreinte ;

Subsidiairement,

Ramener le montant des demandes de Madame [D] a de plus justes proportions eu égard aux circonstances de l'espèce ;

Condamner Madame [D] à verser à l'Association Mission Locale Jeunes [1] la somme de 2.000,00 € à titre d'indemnité judiciaire sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Madame [D] aux entiers dépens.

SUR CE,

La Cour,

Attendu que Madame [D] ayant saisi initialement la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur, puis fait ensuite l'objet d'un licenciement pour inaptitude, il importe à la cour d'examiner dans un premier temps si la demande de résiliation est ou non fondée en son principe, et que ce n'est que dans l'hypothèse où elle ne le serait pas qu'il lui reviendrait de rechercher si le licenciement de la salarié repose sur une cause réelle et sérieuse ;

1°) Sur la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur

Attendu que Madame [D] soutient principalement que son employeur aurait gravement manqué à ses obligations légales et contractuelles dans la mesure où elle aurait été victime de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail du fait de son attitude combinée à celle de Madame [R] qui ont concouru à la dégradation de son état de santé ; qu'en outre son employeur se serait abstenu d'agir à l'encontre de Madame [R] afin de faire cesser ses agissements, tirant au contraire profit de cette situation pour la priver de ses attributions et la dévaloriser ;

Attendu qu'il appartient dès lors à Madame [D], conformément aux dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail, d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, puis à l'Association Mission Locale Jeunes [1] de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement;

Sur les faits de harcèlement moral reprochés à Madame [R] :

Attendu que Madame [D] prétend que dès sa prise de fonction Madame [R], qui occupait alors les fonctions de conseillère, se serait présentée à elle en lui disant qu'elle aurait pu être directrice à sa place, qu'elle aurait ensuite tenté de soulever l'équipe contre elle, ne lui adressant pas à la parole ou lui tenant des propos désagréables allant jusqu'à la traiter de paranoïaque, refusant de travailler avec elle sur certains dossiers, pratiquant la rétention d'information ou prenant la parole en ses lieu et place et se considérant comme la véritable maîtresse des lieux ;

Attendu que cependant que les griefs ainsi formulés à l'encontre de Madame [R], qu'elle avait elle-même promue en qualité de chargée de projets en mars 2005, ne sont corroborés par aucun élément objectif ;

qu'ils sont expressément contestés par la personne concernée qui a rédigé six longues attestations dans le cadre de la présente procédure pour répondre aux accusations portées contre elle et dire sa consternation à la lecture des conclusions déposées ;

Attendu qu'il apparaît à cet égard que Madame [R] a cherché à démissionner de ses fonctions à deux reprises, une première fois fin janvier 2008 pour suivre une formation en cuisine qui lui a été refusée faute de moyens et une seconde fois, après le retour de Madame [D] au mois de juin 2011, ce qui ne correspond pas l'attitude d'une personne se livrant habituellement au harcèlement moral ;

Attendu en outre que [D] disposait à l'évidence, en raison des postes hiérarchiquement occupées par chacune d'elles, des moyens pour réagir aux comportements prétendument harceleurs de sa subordonnée ;

qu'elle n'a toutefois jamais fait état auprès des représentants de l'association de la moindre difficulté avec cette personne ;

que la seule lettre qu'elle ait adressée à Madame [N] [X], présidente de l'association, est en date du 10 mars 2010 ;

que si Madame [D] y mentionne sa souffrance au travail et les agissements répétitifs qu'elle aurait subis en interne mais aussi lors de réunions depuis plusieurs années, sans toutefois mentionner expressément le terme de «  harcèlement », elle ne cite à aucun moment le nom de Madame [R] ou celui d'un autre de ses collaborateurs comme étant à l'origine de ses maux, plaçant de la sorte son employeur dans l'impossibilité d'intervenir pour remédier à sa situation de mal être pour laquelle il ne connaissait ni la cause ni l'origine ;

que la présidente lui ayant répondu qu'elle ne pouvait prendre position sur les faits antérieurs à sa prise de fonction mais qu'elle se déclarait ouverte à toute discussion pouvant lui apporter une aide et lui proposait un rendez-vous en présence de trois élus conformément au choix du bureau actuel de travailler en groupe, Madame [D] n'a pas maintenu sa demande d'entretien de sorte qu'elle n'a pu être reçue; que ses arrêts maladie n'ont ensuite pas permis à l'employeur d'organiser les entretiens individuels ou autres réunions ;

Attendu que l'appelante fait encore état d'un malaise dont elle a été victime le 05 juin 2008 sur son lieu de travail du fait de l'hostilité ouverte entretenue à son encontre par Madame [R] et qui a justifié son transport aux urgences de la clinique d'[Localité 3] ;

que Madame [R] justifie pour sa part avoir été absente ce jour le matin pour participer à une réunion à la Mission Locale d'[Localité 5] puis l'après-midi à cinq rendez-vous avec des jeunes, sans avoir toutefois constaté l'existence d'un quelconque malaise de la directrice ;

Attendu que la l'Association Mission Locale Jeunes [1] verse pour sa part aux débats les attestations de nombreuses personnes qui ont travaillé avec Madame [R] la décrivant comme une personne sérieuse, consciencieuse, investie dans ses fonctions et respectueuse du point de vue de chacun ;

qu'il ressort en revanche des témoignages ainsi produits que Madame [D] s'est très rapidement montrée hautaine, méprisante, voire tyrannique dans l'exercice de ses fonctions, au point qu'un climat de défiance et de méfiance provoqué par son attitude s'est rapidement instauré non seulement auprès des salariés mais également des partenaires de l'association qui ne souhaitaient plus la rencontrer et cherchaient à l'éviter ;

que Madame [R], dont l'appelante se prétend aujourd'hui la victime, a été contrainte, ainsi que ses autres collègues, à supporter son comportement dans la mesure où, tout en lui confiant des tâches importantes, elle ne manquait pas de la dénigrer et de la dévaloriser aux yeux de tous ;

Attendu en outre que Madame [D] a très mal accepté d'être temporairement remplacée pendant son arrêt maladie de plus de 2 ans par Madame [R] alors que cette dernière n'avait rempli cette fonction que parce que la proposition lui en avait été faite par le Bureau de l'association ;

que l'appelante est ainsi mal fondée à prétendre que Madame [R] aurait cherché à prendre sa place, d'autant qu'elle n'avait pas cherché à le faire précédemment pour avoir refusé d'assurer le remplacement par intérim en 1999 de la précédente directrice, et avoir ensuite adopté la même position et provoqué la nomination d'un directeur intérimaire pendant le premier arrêt maladie de Madame [D] des mois d'octobre à décembre 2007;

Attendu en conséquence que Madame [D] n'établit pas les faits de harcèlement qu'elle impute à Madame [R] ;

Sur les faits de harcèlement moral reprochés à l'employeur :

Attendu que Madame [D] reproche ensuite à l'Association Mission Locale Jeunes [1] d'avoir encouragé Madame [R] dans ses entreprises par son inertie, voire sa complicité passive ;

qu'aucun fait de harcèlement moral n'ayant été établi à l'encontre de Madame [D], l'appelante est mal fondée à reprocher à son employeur de n'y avoir pas remédié ;

Attendu qu'elle invoque encore l'existence d'un rapport d'audit mené à charge contre elle en son absence et déposé à la demande de l'association ;

qu'il ressort toutefois de l'attestation de Monsieur [O] [G], président de l'Union Régionales des Missions Locales Rhône Alpes qui est à l'origine de cet audit, que Madame [D] en avait été informée le 04 novembre 2008 au cours d'une réunion en présence de Madame [X], présidente de la Mission Locale [1] ; que celle-ci avait présenté la situation en faisant état des difficultés de fonctionnement et du très mauvais climat qui régnait au sein de le service ;

que le placement en arrêt maladie de Madame [D] a retardé la mise en place de l'audit qu'il n'a finalement été réalisé qu'en fin d'année 2009 ;

que son coût a été pris en charge par des fonds publics provenant du Conseil Régional Rhône Alpes à la demande d'élus locaux, de sorte de ce rapport n'a pas été commandité par les représentantes de l'Association Mission Locale Jeunes [1] pour évincer Madame [D] ainsi qu'elle le prétend ;

que l'audit, qui met en évidence les lacunes dans la gestion du personnel, la communication interne, la perte totale de confiance envers Madame [D] tant de la part du personnel que des intervenants extérieurs et qui préconise un changement de directeur, a été effectué par un cabinet spécialisé en toute transparence et impartialité ; qu'il ne saurait dès lors être considéré comme constitutif d'un fait de harcèlement moral ;

Attendu que Madame [D] se plaint également d'avoir encore été dévalorisée par son employeur qui l'aurait dépossédée de ses attributions en les confiant à Madame [R], nommée à sa place en son absence et assurant son tutorat à son retour, alors même que son bureau lui avait été supprimé pour être occupé par deux autres salariés et que sa prime de responsabilité ne lui était plus versée ;

que, selon avenant à son contrat de travail en date du 19 mars 2009, Madame [R] n'a toutefois pas été nommée pour la remplacer mais seulement pour assurer son intérim en son absence prolongée pendant plus de deux ans, alors même qu'elle disposait de l'ancienneté et de l'expérience à le faire et qu'il convenait de finaliser le contrat d'objectif qui devait être présenté à la Direction du Travail et de l'Emploi au début de l'année 2009 et dont Madame [D] avait la charge ;

que l'intéressée n'a pas obtenu d'augmentation de salaire mais a gardé la même classification ainsi que l'établissent les bulletins de paie; que l'indemnité de responsabilité et la prime de remplacement temporaire de la directrice, prévues par la convention collective, lui ont toutefois été octroyées dans la mesure où elle assumait la responsabilité effective de la structure aux lieu et place de la directrice qu'elle remplaçait, conformément aux dispositions de l'article 6.3.3 de ladite convention collective ;

que Madame [D] ne saurait reprocher à l'Association Mission Locale Jeunes [1] d'avoir mentionné, pour des raisons pratiques, le nom de Madame [R] dans l'annuaire des Missions Locales ;

que lors de sa reprise de service à l'expiration de son congé maladie, Madame [D] a émis des avis très négatifs sur le travail réalisé en son absence, ainsi qu'il apparaît les attestations des membres du Bureau de l'association versées aux débats, pour avoir affiché clairement son hostilité à l'égard de Madame [R] ;

que, dans ces conditions, le Bureau de l'association a décidé, afin de faciliter la reprise des foncions par la directrice, de mettre en oeuvre un accompagnement en sa faveur pendant les premières semaines sous forme d'un « tutorat », même si le terme est maladroit, destiné à lui permettre de prendre connaissance des dossiers auprès de Madame [R] qui l'avait remplacée pendant une si longue période ;

que Madame [D] ne peut encore tirer argument de l'installation de deux salariés dans le bureau qu'elle occupait avant son arrêt maladie, alors même son bureau est resté vacant pendant huit mois, que son employeur a été contraint d'y affecter du personnel nouvellement recruté, qu'un nouveau bureau a été mis à sa disposition lors sa reprise du travail le 8 juin 2011 et qu'elle n'a alors émis aucune observation ;

que le grief tenant à sa dévalorisation du fait du comportement fautif de son employeur n'est dès lors pas davantage fondé que le précédent ;

Attendu que Madame [D] prétend encore avoir été placée à son retour dans l'obligation d'émarger une feuille de remise de documents chaque fois qu'elle demandait la communication d'un document pour effectuer un travail, celle-ci comprenant la date et le libellé du document ;

qu'il ressort cependant de l'attestation de Madame [C] que celle-ci s'était plainte auprès de la présidente de l'association des demandes formulées par Madame [D], qui ne cessait de lui réclamer des documents qu'elle n'était pas en mesure de lui fournir et qui l'avait convoquée à un entretien pour lequel la salarié avait souhaité la présence de la présidente afin d'éviter toute difficulté; que celle-ci s'y étant rendue, il a été proposé à Madame [D] d'établir la liste des documents qu'elle souhaitait consulter; que cette pièce ne peut dès lors s'analyser en un mode de pression supplémentaire constitutive de harcèlement ;

Attendu que l'appelante fait enfin état du « déballage » de sa situation en assemblée générale du 16 juin 2011 au cours de laquelle son employeur a évoqué la possible rupture conventionnelle de son contrat de travail ainsi que les négociations confidentielles en cours ;

que la discussion a toutefois été limitée à la présentation à l'assemblée générale par les membres du Bureau des conséquences financières d'une éventuelle rupture conventionnelle du contrat de travail de Madame [D], dans la mesure où ils ne pouvaient se dispenser de rendre compte des enjeux financiers d'une telle rupture, qui engageait des fonds publics et nécessitait le recours à des emprunts ;

Attendu en conséquence qu'il ne peut être reproché aucune négligence fautive, déloyauté ou mauvaise foi de l'Association Mission Locale Jeunes [1] au sens de l'article L. 4121-1 et L. 2222-1 du code du travail à l'égard de Madame [D] ;

Attendu enfin que l'appelante, qui ne s'est jamais véritablement plainte de harcèlement moral avant l'introduction de la présente procédure prud'homale, produit un certificat médical du Docteur [Z] du 18 octobre 2011 faisant état d'un « état dépressif marqué, réactionnel à une dégradation de ses activités professionnelles » avec « une accentuation des symptômes à la suite de sa reprise de travail du 6 au 30 juin 2011  » ;

qu'elle verse en outre aux débats un nouveau certificat médical de ce même médecin daté du 22 juillet 2013 indiquant qu'elle « a présenté à la suite d'une modification de représentativité de ses employeurs, et probablement d'un excès de travail . . . un Burn Out , pathologie qui met en cause l'excès de prise en charge des responsabilités professionnelles et le cumul des heures consacrées à cet emploi » avec « la modification (selon elle) du comportement et de la considération à son égard de sa direction » ;

Attendu cependant que ces certificats médicaux, établis par son médecin traitant, ne permettent pas de caractériser suffisamment la situation décrite par la salariée; qu'en outre, ils sont dépourvus de valeur probante dans la mesure où le médecin, qui ne dispose que des seules informations qui lui sont transmises par la patiente, ne peut démontrer le lien de causalité entre l'affection qu'il constate et les conditions de travail invoquées ;

Attendu en conséquence que Madame [D] ne rapportant pas la preuve des torts qu'elle impute à l'Association Mission Locale Jeunes [1], elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de résiliation de son contrat de travail ;

qu'il importe dès lors de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit et jugé que la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail n'était pas fondée en son principe et que Madame [D] ne pouvait dès lors obtenir le paiement des dommages et intérêts, de l'indemnité compensatrice de préavis et du solde l'indemnité de licenciement qu'elle sollicitait ;

2°) Sur le licenciement :

Attendu que Madame [D] a été licenciée par l'Association Mission Locale Jeunes [1] selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 juin 2011 motivée par son inaptitude définitive et l'impossibilité de reclassement ;

Attendu que la salariée n'ayant pas rapporté la preuve, au vu des développements qui précèdent, que son inaptitude aurait été consécutive aux manquements fautifs de son employeur, et le médecin du travail ayant prononcé le 16 mai 2011 un avis non contesté d'inaptitude définitive au terme d'une unique visite pour cause de danger immédiat, il convient de confirmer encore le jugement entrepris en ce qu'il a dit que son licenciement était pourvu d'une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

3°) Sur la demande de remboursement présentée par l'employeur au titre d'un trop-perçu de salaire pendant l'arrêt maladie de Madame [D] :

Attendu que l'Association Mission Locale Jeunes [1] prétend avoir versé à Madame [D] pendant son arrêt de travail la somme indue de 9.1373,53 € à titre de complément de salaire jusqu'au mois de mai 2012, alors que l'obligation de maintien de salaire qui pèse sur elle est limitée à la période pendant laquelle la salariée percevait le paiement des indemnités journalières de la Sécurité Sociale, et que ces dernières ont cessé à compter du 3 janvier 2012 ;

Mais attendu que la preuve de cette date n'est pas rapportée en l'espèce, et qu'en outre la somme demandée intègre des salaires bruts, le total des charges patronales ainsi que des indemnités journalières de la Sécurité Sociale nettes payées et non remboursées par la Sécurité Sociale selon l'attestation de l'expert-comptable produite aux débats, de sorte que l'Association Mission Locale Jeunes [1] ne démontre pas dans quelle mesure elle aurait versé à tort l'intégralité de ces sommes à Madame [D] ;

que la demande n'étant ainsi pas justifiée, l'Association Mission Locale Jeunes [1] ne peut qu'en être déboutée ;

Attendu enfin qu'aucune des parties ne voyant aboutir intégralement ses prétentions devant la cour, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de quiconque ;

qu'il importe enfin de laisser à chacune d'elles la charge de ses propres frais et dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME Le jugement rendu le 16 novembre 2012 par le conseil de prud'hommes de Belley en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE les parties de l'ensemble de leurs demandes;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel en faveur de quiconque ;

LAISSE à chacune des parties la charge des frais et dépens d'appel par elles engagés.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/08952
Date de la décision : 04/07/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/08952 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-07-04;12.08952 ?
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