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27/06/2014 | FRANCE | N°13/07726

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 27 juin 2014, 13/07726


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR









R.G : 13/07726



SA CROSSJECT



C/

[M]









décision du

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

Au fond

du 26 septembre 2013



RG : F 10/04767

ch n°















COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRET DU 27 Juin 2014







APPELANTE :



SA CROSSJECT
>[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Pierre BREGOU de la SELAS CARAVAGE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉ :



M. [W] [M]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Franck BENHAMOU de la SCP VANDENBUSSCHE BENHAMOU ET ASSOCIES...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 13/07726

SA CROSSJECT

C/

[M]

décision du

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

Au fond

du 26 septembre 2013

RG : F 10/04767

ch n°

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 27 Juin 2014

APPELANTE :

SA CROSSJECT

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Pierre BREGOU de la SELAS CARAVAGE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

M. [W] [M]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Franck BENHAMOU de la SCP VANDENBUSSCHE BENHAMOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

******

Date de mise à disposition : 27 Juin 2014

Débats tenus en audience publique le 15 Avril 2014, par Nicole BURKEL, président et Marie-Claude REVOL, conseiller, qui ont ainsi siégé sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, greffier

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Nicole BURKEL, président

- Marie-Claude REVOL, conseiller

- Catherine PAOLI, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Nicole BURKEL, président, et par Solène DEJOBERT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS ET PROCÉDURE

Attendu que le conseil de prud'hommes de Lyon, section encadrement, par jugement contradictoire rendu en formation de départage du 26 septembre 2013, a :

- dit et jugé que la prise d'acte de la rupture par monsieur [M] le 22 décembre 2010 du contrat de travail le liant à la société Crossject emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société Crossject à verser à monsieur [M] les sommes suivantes outre intérêts à compter de la demande :

* 71500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 28500,98 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 35626,23 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- condamné la société Crossject à verser à monsieur [M] les sommes suivantes outre intérêts à compter de la présente décision :

* 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour démarche vexatoire et humiliante

* 188808 euros bruts à titre de contrepartie financière de la clause de la non concurrence

* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- fixé à 11875,41 euros la moyenne des trois derniers mois de salaire de monsieur [M]

- rejeté les autres demandes

- condamné la société Crossject aux entiers dépens de la présente instance ;

Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par la société Crossject  par lettre recommandée postée le 3 octobre 2013 et réceptionnée au greffe le 4 octobre 2013 ;

Attendu que monsieur [M] a été engagé par la société Crossject suivant contrat à durée indéterminée du 21 décembre 2004, à effet au 1er janvier 2005 en qualité de directeur industriel avec reprise d'ancienneté au 1er février 2004;

Que par avenant du 30 juin 2006, est prévue une clause de non concurrence d'une durée de 2 ans, couvrant le territoire de l'Union Européenne et /ou Etats Unis moyennant le versement d'une indemnité spéciale forfaitaire égale à 2/3 de ses appointements annuels;

Que par avenant du 29 octobre 2008, il a été nommé directeur développement ;

Attendu que monsieur [M] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 8 décembre 2010 et pris acte de la rupture par courrier du 21 décembre 2010 ;

Qu'il n'a pas été libéré de la clause de non concurrence ;

Attendu que la société Crossject emploie plus de 11 salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel;

Que la convention collective applicable est celle des industries chimiques ;

Attendu que la société Crossject demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 7 avril 2014, visées par le greffier le 15 avril 2014 et soutenues oralement, de:

- la dire recevable et bien fondée en son appel

- infirmer le jugement entrepris

- dire et juger que monsieur [M] ne rapporte pas la preuve de faits suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail, du bien fondé de ses demandes et de rappel de prime d'ancienneté et a violé la clause de non concurrence et n'a pas exercé ses BSPCE

- dire et juger que la prise d'acte a les effets d'une démission et débouter monsieur [M] de l'ensemble de ses demandes

Reconventionnellement

- condamner monsieur [M] à la somme de 35626,23 euros au titre du préavis non exécuté

- ordonner à monsieur [M] le remboursement des sommes versées en application de l'exécution provisoire avec intérêt à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir

- condamner monsieur [M] à la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens éventuels ;

Attendu que monsieur [M] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 14 avril 2014, visées par le greffier le 15 avril 2015 et soutenues oralement, de:

- juger que la prise d'acte est imputable à l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- tirer les conséquences juridiques de cette prise d'acte en condamnant la société Crossject à lui verser les sommes suivantes :

* 33251 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

* 71250 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 142504 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamner la société Crossject à lui verser :

* 57777,50 euros à titre de dommages et intérêts pour manque à gagner sur BSPCE

* 188808 euros à titre de contrepartie financière pour non respect de la clause de non concurrence pour la période du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2013

* 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour démarche vexatoire et humiliante

* 19824 euros de rappel de prime d'ancienneté sur 3 ans et 10 mois

* 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

- débouter la société Crossject de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture des relations contractuelles

Attendu que monsieur [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 22 décembre 2010, dénonçant la « mise au placard » dont il fait l'objet et précisant « l'ensemble de mes prérogatives et responsabilités attachées à ma fonction m'ont été de ce fait enlevées » ;

Qu'il reproche à son employeur une dégradation de ses conditions de travail à compter d'avril 2010, étant placé dans une situation d'isolement, ne participant plus aux réunions du COMEX, étant convoqué le 3 mai 2010 par son supérieur hiérarchique à un entretien au cours duquel il l'informait de son intention de le licencier du fait de son absence d'expérience en suplly chain et de la fin de la phase de développement des produits ;

Qu'il souligne qu'à compter de juin 2010, date d'embauche de monsieur [L], son poste a été vidé de ses attributions qui seront exercées par ce dernier et qu'il ne figure plus sur l'organigramme de septembre 2010 et que son employeur ne lui a plus fourni de travail ;

Qu'il conteste l'existence de toute proposition de rupture amiable et tout désengagement de sa part;

Que les manquements commis par l'employeur (éviction, mesures humiliantes et vexatoires) justifient pour lui le bien fondé de sa prise d'acte ;

Attendu que la société Crossject rappelle que monsieur [M] a occupé des fonctions de directeur industriel, puis de directeur de développement, a été membre du Comex et par ailleurs était gérant d'une société Epony Conseil de 2004 à juillet 2010 ;

Qu'elle conteste toute atteinte au contrat de travail de monsieur [M], soutenant que ce dernier n'a pas adhéré à la nouvelle organisation mise en place en fin d'année 2009 et évoquant une « présence en pointillés de monsieur [M] » aux réunions ;

Qu'elle précise que monsieur [L] a été recruté en mars 2010 « lorsque les absences de monsieur [M] sont devenues systématiques » aux réunions de travail d'équipe ;

Qu'elle évoque un accord sur l'existence d'une rupture conventionnelle finalisée dans un document prêt à être envoyé à la Direccte;

Qu'elle explique que si en dernier lieu monsieur [M] a exercé ses fonctions depuis son domicile, c'est dans le cadre d'une nouvelle politique tendant à limiter au maximum les déplacements dans un souci d'économie mais qu'il a toujours disposé des moyens d'exercer ses fonctions dans de « bonnes conditions » ;

Qu'elle dénonce la mauvaise foi du salarié qui n'a jamais été écarté du Comex ;

Qu'elle souligne enfin que si le « niveau d'activité de monsieur [M] a été réduit au cours du temps, ce n'est que le reflet de la baisse d'activité générale de la société du fait de sa situation financière particulièrement difficile », « baisse d'activité (ayant) causé d'ailleurs (sa) paralysie dès la fin de l'année 2010, allant jusqu'à la mise au chômage technique du personnel pendant six semaines à l'été 2011, soit après le départ de monsieur [M] » ;

Qu'elle conteste tout manquement de sa part et évoque « un départ en douceur d'un commun accord de monsieur [M] qui avait d'autres projets professionnels en tête, ce dernier revenant au dernier moment sur ce qui avait été convenu en essayant d'instrumentaliser son départ afin de soutirer le maximum d'argent auprès de son ancien employeur » ;

Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

Que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ;

Que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ;

Que la charge de la preuve des faits allégués à l'encontre de l'employeur incombe exclusivement au salarié ;

Que s'il n'est pas en mesure de le faire ou s'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de sa prise d'acte, celle-ci doit produire les effets d'une démission ;

Attendu que préliminairement, le salarié dément toute transaction ayant pu exister avec son employeur portant sur une rupture conventionnelle et l'employeur produit :

- une attestation dactylographiée de madame [O], déclarant avoir exercé les fonctions de Responsable des Ressources Humaines jusqu'au 30 juin 2011 et indiquant que des « négociations » ont eu lieu « relatives à une rupture conventionnelle », monsieur [M] devant percevoir une somme globale de 90000 euros, cette convention ne devant être « signée qu'après que la situation (se soit) améliorée »

- un courrier daté du 6 août 2010 signé au nom de madame [O], RRH, adressé à la Direccte, pour homologation d'une rupture conventionnelle au nom de monsieur [M]

- un imprimé de rupture conventionnelle sur lequel figurent des dates d'entretien aux 23 avril, 5 mai et 2 juillet 2010, une date de fin de délai de rétractation au 6 août 2010, un montant d'indemnité spécifique de rupture conventionnelle de 90000 euros ne comportant aucune signature

- un imprimé postal d'envoi recommandé renseigné au nom de la Direccte ;

Attendu que monsieur [M] verse des courriels adressés par lui :

- le 6 mai 2010 demandant à son supérieur hiérarchique, monsieur [T], de lui préciser, suite à l'entretien du 5 mai 2010 où il lui a été annoncé que Crossject souhaitait se séparer de moi et allait lui faire une proposition, « quand est-ce que tu penses me faire une proposition et à quel horizon Crossject souhaiterait que j'ai quitté la société afin que je puisse m'organiser »

- le 18 mai 2010 demandant à son supérieur hiérarchique de lui indiquer « la période à laquelle vous souhaiteriez vous séparer de moi' » et s'il doit « participer au Steering et aux réunions techniques du vendredi matin »

- le 26 août 2010 à différentes personnes dont messieurs [T] et [L] dans lequel il indique « comme tout le monde le sait sans qu'il y ait eu de communication officielle sur le sujet'je vais quitter CJT dès que les problèmes financiers seront soldés, ce que comme vous, je souhaite le plus rapidement. Il n'en est pas moins qu'aujourd'hui je n'ai absolument plus rien à faire et qu'en plus l'ensemble des ressources qui m'étaient affectées ne savent vraiment quelles seront les suites. Je vous propose de vous réunir ce jeudi vers 10h afin de discuter de tout cela bien évidemment en gardant à l'esprit les intérêts de CJT et non les intérêts individuels, ce qui ne sera pas une mince affaire !!! » ;

Que les réponses susceptibles de lui avoir été apportées ne sont pas produites aux débats ;

Attendu que les éléments précédemment analysés viennent objectiver que la société Crossject et monsieur [M] ont eu des échanges entre mai 2010 et août 2010 concernant le départ de ce dernier de l'entreprise et entendu différer la signature d'un accord transactionnel à retour à meilleures finances de la société ;

Qu'aucun accord transactionnel n'a été signé avant la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié ;

Attendu que d'une part, indépendamment des pourparlers transactionnels qui ont pu exister entre les parties, lesquels n'ont pas abouti, quelles qu'en puissent être les raisons, il est établi par la production des organigrammes en vigueur en mars et septembre 2010 que monsieur [M] n'occupe plus de fonctions de directeur ;

Que d'ailleurs par note interne n°2010/RH/05, du 2 septembre 2010, dont l'objet est « nouvelle organisation au 1er septembre 2010 », la société Crossject informe :

« Monsieur [L] a rejoint Crossject fin juin 2010 en qualité de directeur des opérations avec comme mission principale la mise en place de la structure logistique. A compter du 1er septembre, il prend également la responsabilité de la finalisation du développement Zeneo ; à ce titre les équipes précédemment rattachées à monsieur [W] [M] lui reportent directement » ;

Que lors d'échanges de mails intervenus les 5 octobre et 9 novembre 2010, monsieur [L] répondant à des questions posées par monsieur [M], pour ne pas « commettre d'impairs » en termes de communications, monsieur [L] lui indique « Organisation en cours d'évolution avec votre départ et mon arrivée » « présentation de mon arrivée pour bâtir la supply chain et reprise des activités de développement en raison de votre départ » ;

Attendu que d'autre part, si monsieur [M] a participé durant le 1er semestre 2010 à l'activité de la société et a été consulté sur les différents projets en cours comme l'établissent les courriels échangés produits par l'employeur, à partir du 22 septembre 2010, il a été totalement exclu des réunions de Comex, pourtant devant se tenir toutes les deux semaines et n'a plus été associé aux décisions prises dans la société ;

Qu'il n'a plus exécuté de prestation de travail ;

Attendu qu'enfin, si la société Crossject évoque un désengagement progressif de monsieur [M] dont elle lui attribue la responsabilité, aucun élément ne vient objectiver que le salarié n'ait pas rempli les missions qui lui ont été confiées et que l'employeur ait été contraint de rappeler ce salarié à l'ordre ;

Que concernant la participation irrégulière de monsieur [M] à des réunions de projet, les listes de présence versées aux débats ne comportent aucun émargement et la teneur des comptes-rendus ne permet nullement d'en déduire que monsieur [M] ait été absent ;

Attendu que si l'employeur et le salarié ont entamé des pourparlers transactionnels aux fins de départ négocié de monsieur [M] de l'entreprise, de mai à août 2010, à compter de septembre 2010, monsieur [M] a été exclu du fonctionnement de l'entreprise, l'employeur ne lui permettant plus d'exécuter une prestation de travail ;

Que le fait qu'il ait conservé les outils de travail mis à sa disposition est totalement inopérant, monsieur [M] n'ayant aucune prestation de travail confiée par la société Crossject à exécuter ;

Que d'ailleurs l'employeur ne le conteste pas réellement se référant à un accord donné par le salarié ;

Que si le salarié a pu donner son accord pour négocier avec son employeur son départ de l'entreprise, aucun élément ne vient objectiver ni que le salarié se soit désinvesti ni que le salarié ait adhéré à son exclusion de la société ;

Qu'il appartenait à l'employeur, en septembre 2010, à partir du moment où il estimait n'avoir plus besoin des services de monsieur [M], que cette décision soit ou non justifiée, de prendre l'initiative de la rupture ou de faire signer une rupture conventionnelle ; Qu'il ne pouvait maintenir monsieur [M] dans l'entreprise sans lui fournir de prestation de travail et en confiant l'exercice des responsabilités jusque là exercées par ce dernier à un autre salarié, monsieur [L], dont au demeurant la date d'embauche est fluctuante (mars 2010 dans les écritures et fin juin 2010 dans la note de service du 2 septembre 2010) ;

Attendu que ce comportement adopté par l'employeur est fautif et constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture des relations contractuelles aux torts de l'employeur ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences financières inhérentes à la rupture des relations contractuelles

Attendu qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, monsieur [M] avait plus de deux années d'ancienneté, l'entreprise employait habituellement plus de onze salariés ;

Qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, il peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement, soit en l'espèce 71252, 46.euros ;

Attendu que monsieur [M], au soutien de sa demande d'indemnisation à hauteur de la somme de 142504 euros, se référant à un salaire mensuel brut de 11800 euros soutenant n'avoir pu prétendre au bénéfice de Pôle Emploi, s'être retrouvé sans ressources, n'avoir pu bénéficier d'aucune indemnité de rupture, avoir perdu l'intégralité des droits au DIF et la portabilité de ses droits à mutuelle et prévoyance et cela à une période où il était très fragile en raison de sa séparation avec son épouse ;

Attendu que la société Crossject demande à la cour de « rapporter la somme à juste proportion » monsieur [M] ne justifiant d'aucun jour de chômage ;

Attendu que monsieur [M] né le [Date naissance 1] 1969 verse aux débats le contrat d'embauche signé par lui avec le GIE Biosphère aux termes duquel il est engagé en qualité de gestionnaire de projet activité laboratoires de ville, statut cadre à compter du 3 janvier 2011 moyennant un revenu brut fixe annuel de 75000 euros et une rémunération variable de 10% de la rémunération annuelle à atteinte de 100% des objectifs ;

Attendu que la cour dispose d'éléments suffisants, eu égard à l'âge du salarié, aux circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et à l'absence de toutes difficultés de reconversion professionnelle rencontrées, pour allouer à monsieur [M] une indemnité définitive devant lui revenir personnellement, pouvant être justement évaluée à la somme de 71500 euros ;

Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Attendu que monsieur [M] réclame paiement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 71250 euros ;

Que parallèlement, l'employeur demande le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à 3 mois de salaire soit 35626,23 euros ;

Que la rupture du contrat de travail étant imputable à l'employeur, celui-ci doit être débouté de sa demande en paiement à ce titre ;

Que le salarié est fondé en sa demande en paiement d'indemnité compensatrice de préavis laquelle ne peut excéder 3 mois soit 35626,23 euros ;

Que la cour ne peut que constater que monsieur [M] ne demande pas le bénéfice des congés payés ;

Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Que la société Crossject doit être déboutée de sa demande en paiement d'indemnité compensatrice de préavis ;

Attendu que monsieur [M] réclame paiement d'une indemnité légale de licenciement d'un montant de 33251 euros ;

Que la rémunération moyenne sur 3 mois ou 12 mois est la même soit 11875,41 euros ;

Que monsieur [M] a une ancienneté courant du 1er février 2004 au 21 mars 2011, le préavis étant intégré soit 7 ans 1 mois et 21 jours soit 7,14 années ;

Attendu que l'indemnité légale est de 1/5 mois par année de salaire (R1234-2 du code du travail) et l'indemnité conventionnelle en application de l'article 14 de la convention collective est :

«  A partir de 2 ans d'ancienneté il est alloué aux cadres congédiés, sauf pour faute grave de leur part, une indemnité distincte du préavis tenant compte de leur ancienneté dans l'entreprise et s'établissant comme suit :- pour la tranche de 0 à 10 ans, 4/10 de mois par année à compter de la date d'entrée dans l'entreprise. L'indemnité de congédiement est majorée, après 5 ans d'ancienneté, de :- 1 mois pour les cadres âgés de plus de 45 ans ;- 2 mois pour les cadres âgés de plus de 55 ans. L'indemnité de congédiement résultant du barème ci-dessus ne peut être supérieure à 20 mois' » ;

Attendu que le salarié a droit à l'indemnité de licenciement la plus favorable ;

Attendu que l'indemnité à laquelle monsieur [M] peut prétendre s'élève à 11875,41 euros x 4/10 x 7,14 années soit 33916,17 euros ;

Que statuant dans les limites de la demande, il est alloué à monsieur [M] une indemnité de licenciement à hauteur de 33251 euros ;

Que le jugement doit être infirmé de ce chef ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour « démarche vexatoire »

Attendu que si le fait pour un salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail n'est pas exclusif d'un comportement fautif de l'employeur à l'occasion de la rupture du contrat de travail et n'interdit donc pas l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, il appartient à monsieur [M] de prouver la réalité d'une démarche à visée vexatoire, ce qu'il ne fait pas ;

Que cette demande doit être rejetée ;

Que le jugement doit être infirmé de ce chef ;

Sur la demande de monsieur [M] au titre de perte de gain au titre des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise BSPCE

Attendu que monsieur [M] indique avoir subi un préjudice du fait d'une réelle perte de gain relative à ses BSPCE, s'étant vu attribué gratuitement selon contrat d'émission du 23 mai 2007 23111 BSPCE donnant droit à la souscription d'une action nouvelle de la société par bon exercé ;
Qu'il rappelle les dispositions contractuelles lui conservant le droit d'exercer ses BSPCE pendant 3 mois après la rupture et réclame indemnisation à hauteur de 57777 euros, estimant avoir perdu une plus-value de 2,50 euros par bon de souscription ;

Attendu que la société Crossject oppose un débouté aux demandes présentées par monsieur [M], en application des dispositions contractuelles et au regard des résultats financiers ayant conduit l'assemblée générale extraordinaire de la société le 18 octobre 2011 à annuler l'intégralité des valeurs mobilières dont les BSPCE qui pouvaient subsister ;

Attendu que monsieur [M] et la société Crossject ont signé un contrat d'émission de BSPCE aux termes duquel il a été attribué au salarié 23111 BSPCE donnant droit à la souscription d'une action nouvelle de la société par bon exercé ;

Que les BSPCE ont une durée de validité de 10 années (article 4.1) et il est prévu à l'article 4.1.2 que « si le bénéficiaire des BSPCE perd la qualité de salarié ou mandataire social, à son initiative ou à celle de la société, il conservera le droit d'exercer les BSPCE exerçables au moment de la rupture de son contrat de travail ou de la perte de son mandat social, pendant une période de 3 mois, le solde des BSPCE non exerçables devenant caduc à la date de la perte de qualité » ;

Attendu que monsieur [M], à la date de la rupture des relations contractuelle, est certes titulaire de 23111 BSPCE mais n'a nullement exercé ses droits ni durant l'exécution du contrat de travail ni dans le délai de 3 mois de la rupture du contrat de travail ;

Qu'il ne peut se prévaloir de son inaction, dont aucun élément ne vient établir qu'elle soit imputable à son employeur, pour obtenir une quelconque indemnisation ;

Que les BSPCE dont ils disposent sont devenus caducs ;

Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Sur la demande de monsieur [M] au titre de la clause de non concurrence

Attendu que monsieur [M] souligne n'avoir pas été délié de sa clause de non concurrence et dénonce son caractère restrictif à la liberté de travail au regard de son champ géographique ;

Qu'il réclame paiement d'une somme de 188808 euros et conteste n'avoir pas respecté la clause de non concurrence ;

Attendu que la société Crossject soutient que monsieur [M] a été engagé par la société Biomnis qui est une émanation des laboratoires Biomerieux qui oeuvrent dans le domaine du biomédical et considère que « n'importe qui pourrait détourner aisément une clause de non concurrence s'il suffisait de rattacher fictivement le salarié contrefaisant à une autre société d'un groupe concurrent non directement concernée ou une structure générique du type GIE dudit groupe » ;

Attendu que d'une part, monsieur [M] a été engagé par le GIE Biosphère et aucun élément ne permet d'objectiver que le GIE Biosphère appartient à un groupe exerçant une activité concurrentielle ;

Que même à admettre que le GIE Biosphère appartient au groupe Biomnis, les activités déployées sont différentes entre la société Biomnis et la société Crossject, la première développant une activité de biologies médicales et la seconde ayant comme objet social le développement de procédés, systèmes et équipements liés aux sciences de la vie, selon les propres mentions versées sur l'extrait Kbis versé aux débats ;

Attendu que d'autre part, aucun élément ne vient objectiver que le GIE Biosphère exerce une activité concurrentielle à celle développée par la société Crossject ;

Attendu que le conseil de prud'hommes a justement tiré les conséquences de la non violation par monsieur [M] de la clause contractuelle de non concurrence dont il n'a pas été délié, justifiant que soit alloué au salarié la somme réclamée de 188808 euros ;

Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Sur la demande de monsieur [M] au titre de la prime d'ancienneté

Attendu que monsieur [M], au nom du principe « travail égal salaire égal », soutient devoir bénéficier d'une prime d'ancienneté dont le bénéfice est reconnu à la convention collective applicable aux seuls ouvriers, agents de maîtrise et techniciens ; Qu'il considère que cette prime a pour finalité de récompenser la fidélité des salariés et doit être attribuée à l'ensemble du personnel ;

Attendu que la société Crossject est au débouté de la demande, reprochant à monsieur [M] « d'oublier que sa catégorie professionnelle lui offre des avantages dont les autres catégories (ouvriers, agents de maîtrise ou techniciens) ne bénéficient pas » ;

Attendu que le principe « à travail égal, salaire égal » ne peut s'appliquer qu'entre des salariés placés dans une situation identique et oblige l'employeur à assurer l'égalité de rémunération aux salariés effectuant un même travail de valeur égale ;

Que les ouvriers, agents de maîtrise, techniciens ou cadres, au regard des catégories professionnelles définies à la convention collective, exercent des fonctions différentes et perçoivent une rémunération conventionnelle distincte, celle des ouvriers, agents de maîtrise, techniciens étant inférieure à celle des cadres ;

Qu'il n'est nullement démontré la réalité d'une violation du principe « à travail égal, salaire égal » ;

Que le jugement ayant débouté monsieur [M] de ce chef de demande doit être confirmé ;

Sur la demande de la société Crossject au titre de concurrence déloyale et de restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris

Attendu que la société Crossject doit être déboutée de ces chefs de demandes au regard des développements précédents ;

Sur les intérêts

Attendu que les créances de nature salariale sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur, en application de l'article 1153 du code civil ;

Que les autres créances de nature indemnitaire sont productrices d'intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

Qu'il n'est pas démontré de préjudice spécifique justifiant que le point de départ soit fixé à une date antérieure;

Attendu que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a :

- dit et jugé que la prise d'acte de la rupture par monsieur [M] le 22 décembre 2010 du contrat de travail le liant à la société Crossject emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société Crossject à verser à monsieur [M] les sommes suivantes :

* 71500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 35626,23 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 188808 euros bruts à titre de contrepartie financière de la clause de non concurrence

* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté monsieur [M] de sa demande au titre des BSPCE, de rappel de prime d'ancienneté

- condamné la société Crossject aux entiers dépens de la présente instance ;

Qu'il doit être infirmé entre ses autres dispositions ;

Attendu que les dépens d'appel doivent être laissés à la charge de la société Crossject qui succombe sur le principal de ses demandes et doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée à monsieur [M] une indemnité complémentaire de 2000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé que la prise d'acte de la rupture par monsieur [M] le 22 décembre 2010 du contrat de travail le liant à la société Crossject emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société Crossject à verser à monsieur [M] les sommes suivantes :

* 71500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 35626,23 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 188808 euros bruts à titre de contrepartie financière de la clause de non concurrence

* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté monsieur [M] de sa demande au titre des BSPCE, de rappel de prime d'ancienneté

- condamné la société Crossject aux entiers dépens de la présente instance 

L'infirme en ses autres dispositions 

Statuant à nouveau des chefs infirmés

Condamne la société Crossject à verser à monsieur [M] la somme de 33251 euros à titre d'indemnité de licenciement

Déboute monsieur [M] de sa demande de dommages et intérêts pour démarche vexatoire et humiliante

Déboute la société Crossject de sa demande en paiement d'indemnité compensatrice de préavis et de remboursement des sommes versées en exécution du jugement entrepris

Dit que les créances de nature salariale sont productrices d'intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à l'employeur et celles de nature indemnitaire à compter du prononcé du jugement entrepris

Y ajoutant,

Condamne la société Crossject à verser à monsieur [M] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute la société Crossject de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Crossject aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Solène DEJOBERT NicoleBURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/07726
Date de la décision : 27/06/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/07726 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-27;13.07726 ?
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