R.G : 14/01386
Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lyon
Au fond du 10 février 2014
3ème chambre
RG : 13/06418
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 26 Juin 2014
APPELANTE :
SCI DU PORT DE [Adresse 3]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON
Représentée par la SELARL CAYSE - AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
SA COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE (CNR)
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Maître Dominique JOLY, avocat au barreau de LYON
assistée de Maître François BALIQUE, avocat au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 06 Mai 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Mai 2014
Date de mise à disposition : 26 Juin 2014
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- François MARTIN, conseiller
- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par convention de concession générale du 20 décembre 1933, approuvée par décret du 5 juin 1934, l'Etat a concédé à la Compagnie Générale du Rhône (la CNR) l'aménagement du Rhône entre la frontière suisse et la mer.
Par convention dénommée 'contrat d'amodiation' conclue le 28 juin 1985, la CNR a mis un terrain à la disposition de la société civile immobilière Port de [Adresse 3] ; après prorogation, cette convention est arrivée à son terme en 2013.
La société Port de [Adresse 3] a alors saisi le tribunal de grande instance de Lyon en demandant paiement d'une indemnité d'éviction.
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Par l'ordonnance donnant lieu au présent appel, le juge de la mise en état, accueillant l'objection élevée par la CNR a, au motif que le litige ressortissait à la compétence de la juridiction administrative, dit le tribunal incompétent, renvoyé les parties à mieux se pourvoir, écarté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Port de [Adresse 3] aux dépens d'incident et de procédure.
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Au soutien de son recours, la société Port de [Adresse 3] fait valoir que la juridiction administrative ne dispose pas d'une compétence exclusive pour qualifier le régime juridique, public ou privé, d'un bien, qu'il n'est en l'espèce aucune preuve de l'appartenance de ces terrains au domaine public de l'Etat et que, objectivement, la mise en oeuvre des critères pertinents conduit à consacrer leur appartenance au domaine privé, dans la mesure où ils sont extérieurs à la concession, où ils ne sont pas affectés à cette destination - ce que la CNR a reconnu en justice - et où ils ont toujours fait l'objet d'une exploitation privée et commerciale.
Elle souligne encore que le contrat ne contient aucune stipulation conférant à l'occupant des prérogatives de puissance publique ou de gestion de service public et que le droit applicable est celui des baux commerciaux ; elle conclut, au visa des articles L. 145-1 et suivants, notamment L. 145-14, L. 145-23 et R. 145-23 et suivants du code de commerce, de l'article 12 du code de procédure civile et de l'ordonnance du 10 février 2014 :
- dire et juger que les immeubles ne sont pas textuellement affectés au domaine public de l'Etat,
- dire et juger qu'ils se trouvent en-dehors du périmètre de la concession du Port de [Adresse 3],
- dire et juger qu'ils ne sont pas affectés à l'exploitation de la concession donnée par l'Etat à la CNR,
- dire et juger que les conventions conclues entre les parties ne contiennent aucune clause exorbitante du droit commun et qu'elles sont soumises au statut des baux commerciaux, compte tenu notamment de l'accord exprès donné d'exploiter sur les immeubles concernées des fonds de commerce,
- dire et juger que le tribunal de grande instance de Lyon est matériellement compétent pour connaître des demandes dirigées par la société Port de [Adresse 3] contre la CNR, dans l'assignation délivrée en mai 2013,
- condamner la CNR aux entiers dépens, et au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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La CNR fait valoir que le fait que l'activité exercée dans les lieux ne soit pas liée au trafic fluvial n'a pu les distraire de leur destination au développement du port, que la zone industrielle dans laquelle ils se trouvent constitue une dépendance et que c'est son affectation lors de l'établissement de la concession qu'il convient de prendre en considération, de sorte que, faute d'aucune décision de déclassement, cette destination n'a pas pour effet de soustraire les biens considérés au domine public concédé par l'Etat.
La CNR ajoute que le bail exclut l'application du statut des baux commerciaux et qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative, en l'état de la mention au contrat de l'occupation du domaine public, de connaître du contentieux.
Elle demande de :
- au principal,
- en application de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et des articles L. 2331-1, L. 2122-1 et L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques,
- confirmer l'ordonnance entreprise,
- en conséquence, débouter la société Port de [Adresse 3] de son appel,
- subsidiairement,
- dire qu'il sera sursis à statuer sur la demande indemnitaire dont la société Port de [Adresse 3] a saisi le tribunal de grande instance de Lyon jusqu'au prononcé de la décision de la juridiction administrative saisie par la partie la plus diligente sur l'appartenance de l'immeuble amodié au domaine public de l'Etat concédé à la CNR,
- condamner la société Port de [Adresse 3] à payer à la CNR la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile,
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MOTIFS DE LA DÉCISION
' Le contrat d'amodiation décrit les biens loués comme 'un terrain à usage industriel dépendant de la concession du port [1]' et précise que 'l'amodiataire ne pourra pas invoquer le bénéfice des lois sur la propriété industrielle et commerciale, lesquelles sont inconciliables avec le caractère domanial et public des terrains'.
La convention des parties comporte donc occupation du domaine public, ce qui lui confère un caractère administratif.
La parcelle en cause n'est plus affectée à un service public, ce qui est reconnu par la CNR, et elle a été continuellement affectée à une activité commerciale, avec son accord.
Mais cela reste sans incidence sur son appartenance au domaine public.
Elle relevait, en effet, de ce domaine public, lorsque la convention a été passée et elle fait partie des terrains concédés par l'Etat,.
Peu importe, dans ces conditions, qu'elle se situe au-delà ou en deçà des barrières matérialisant l'emprise du port [1] proprement dit, et le fait que certaines des conditions désormais fixées à l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques puissent ne pas être remplis est pareillement indifférent, aucune décision de déclassement n'étant intervenue.
Dans ces conditions, le litige opposant la société Port de [Adresse 3] et la CNR quant à l'exécution ou aux conséquences de la convention du 28 juin 1985, relève de la juridiction administrative, en application de l'article L. 2331-1, paragraphe 1er, du code précité.
' Aucune circonstance ne conduit à écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
- Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Port de [Adresse 3] à payer à la Compagnie Nationale du Rhône une somme de 3 000 euros au titre de l'instance d'appel,
- Condamne la société Port de [Adresse 3] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET