R.G : 12/07758
Décision du tribunal de commerce de Lyon
Au fond du 25 septembre 2012
RG : 2011J1499
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 26 Juin 2014
APPELANTE :
SA SODITECH INGENIERIE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Maître Luc CHAUPLANNAZ, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
SAS INTERNATIONAL SAVINGS PROVIDER (ISP FRANCE)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 10 Décembre 2013
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Avril 2014
Date de mise à disposition : 26 Juin 2014
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Michel GAGET, président
- François MARTIN, conseiller
- Philippe SEMERIVA, conseiller
assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier
A l'audience, François MARTIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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La société SODITECH INGENIERIE ayant une activité de conception, réalisation et commercialisation d'équipements à destination des entreprises de l'aéronautique a confié à la SAS INTERNATIONAL SAVINGS PROVIDER - ISP FRANCE (ISP FRANCE) un contrat de sous-traîtance relatif à l'externalisation de la gestion de ses achats et du stock.
Par LRAR en date du 30 avril 2010, ISP FRANCE a fait connaître à SODITECH qu'elle dénonçait le contrat qui prendrait fin au plus tard à sa date anniversaire le 31 décembre 2010.
Des difficultés sont survenues quant au paiement de factures de prestations de sous-traîtance et de reprise du stock.
Par jugement en date du 25 septembre 2012, après assignation en date du 16 mai 2011 à la requête de la société ISP FRANCE, le tribunal de commerce de LYON a:
- condamné la société SODITECH à payer à la société ISP FRANCE la somme de 160 209,68 euros relative aux factures de reprise de stock, outre intérêt au taux légal à compter du 29 novembre 2009,
- condamné la société SODITECH à payer à la société ISP FRANCE la somme de15 000 euros pour résistance abusive au paiement,
- débouté la société SODITECH de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société SODITECH à payer à la société ISP FRANCE 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire
et condamné la société SODITECH aux entiers dépens.
Appel de ce jugement a été interjeté le 29 octobre 2012 par la société SODITECH.
Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante récapitulatives n°2 en date du 24 octobre 2013, la société SODITECH INGENIERIE demande à la cour, réformant le jugement déféré, de :
- dire que les sommes dues au titre du stock par la société SODITECH à la société ISP France ne s'élevaient qu'à 94 282,87 euros TTC,
Faisant droit à la demande reconventionnelle de la société SODITECH,
- condamner la société ISP France a payer à la société SODITECH la somme de 46 807,14 euros,
Après compensation à due concurrence,
- dire que la créance de la société ISP France sur la société SODITECH ne se monte qu'à 48 175,72 euros,
- constater que par l'effet d'une saisie attribution, la société ISP France, en vertu du jugement du tribunal de commerce du 25 septembre 2012, s'est fait remettre par la banque CIC LYONNAISE DE BANQUE de SODITECH, une somme de 12 775,42 euros,
En conséquence,
- dire qu'à la suite de cette saisie attribution qui a été exécutée, il ne reste plus dû par SODITECH que 48 175,72 euros - 12 775,42 euros soit 35 400 euros,
- dire que cette somme de 35 400 euros sera prélevée sur celle de 172 309,46 euros demeurée consignée entre les mains de la banque CIC LYONNAISE DE BANQUE [Adresse 3] à la suite d'une saisie attribution qui avait été effectuée en vertu d'une ordonnance sur requête de Monsieur le Juge de l'Exécution du tribunal de grande instance de GRASSE le 8 avril 2011 pour 172 309,46 euros,
- dire que les 35 400 euros seront prélevés sur la somme supérieure saisie entre les mains de la banque mais cantonnée à 172 309,46 euros et que, pour le surplus, la société SODITECH retrouvera la mise a disposition de son compte dans cet établissement,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société SODITECH à payer à la Société ISP France la somme de 15.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, et celle de 5.000,00 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la mainlevée immédiate de l'opposition sur prix de vente de fonds de commerce pratiquée par acte du 29 octobre 2012 de Maître [U], huissier de justice à [Localité 1], entre les mains de la Société NSE INDUSTRIES [Adresse 1],
- condamner enfin, en raison de l'exagération de ses demandes, la société ISP France au paiement d'une indemnité de 5000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions en cause d'appel n°2 en date du 11 septembre 2013, la société ISP FRANCE demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1134 et suivants et 1382 du Code civil, et des articles 564, 567, 599 et 700 du code de procédure civile de :
- débouter la société SODITECH INGENIERIE de l'intégralité de ses prétentions,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de LYON en date du 25 septembre 2012,
Y ajoutant :
- condamner la société SODITECH INGENIERIE au paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article 599 du code de procédure civile,
- condamner la société SODITECH INGENIERIE à payer à la société INTERNATIONAL SAVINGS PROVIDER une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire,
- condamner la société SODITECH INGENIERIE à payer à la société INTERNATIONAL SAVINGS PROVIDER la somme de 10.000 euros supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel et aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat.
La clôture de l'instruction est intervenue le 10 décembre 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les sommes dues au titre du stock
Le tribunal, retenant que :
- la société ISP FRANCE s'était engagée à tenir à la disposition de la société SODITECH un stock d'une valeur minimale de 150 000 euros,
- la société ISP FRANCE a expédié à la société SODITECH le stock résiduel à la fin du préavis comme cela était prévu contractuellement sans que cette dernière n'émette la moindre réserve à sa réception,
- à la suite de cet envoi, ISP FRANCE avait émis deux factures pour des montants respectifs de 42 710,94 euros TTC et 100 429,10 euros TTC,
- SODITECH ne démontre pas avoir déjà réglé une somme de 51 082,40 euros TTC,
a dit qu'était due au titre du stock, après déduction d'une somme de 10 985,80 euros réglée directement par SODITECH à la société FIMES, fournisseur d'ISP FRANCE, la somme de 160 209,68 euros TTC.
A hauteur d'appel, SODITECH expose tout d'abord qu'elle a pu retrouver un état du stock établi par ISP FRANCE en date du 25 juillet 2010 dont il résulte que 'le stock à prendre' s'élève à 128 770 euros.
La lecture de ce document et sa comparaison avec les factures éditées par ISP FRANCE lors des livraisons de pièces semblables permet de s'assurer que cette valeur est une valeur hors taxe.
Et SODITECH fait valoir qu'à défaut pour ISP FRANCE de justifier de commandes postérieures, celle-ci n'établit pas que la valeur de ce stock a augmenté, de sorte qu'elle est fondée à en déduire deux versements au titre de deux factures du 11 octobre 2010 numérotées 1000201005 et 1000201006 portant chacune la référence stock n°1 pour des montants de 47 837,60 euros TTC et 852,66 euros TTC, versements dont son expert comptable atteste dans une attestation qu'elle verse aux débats et la somme de 10 985,85 euros qu'elle a acquittée directement auprès du fournisseur FIMES.
ISP FRANCE demande la confirmation du jugement.
Il en résulte tout d'abord qu'elle admet que SODITECH a réglé directement à FIMES une somme de 10 985,85 euros devant s'imputer sur le montant du stock qu'elle réclame.
Elle conteste en revanche l'analyse de SODITECH, expliquant que le décompte dont celle-ci se prévaut ne correspond pas au décompte final du stock car SODITECH a continué de lui passer des commandes postérieurement à juillet 2010.
Mais les pièces qu'elle communique ne permettent pas de connaître la date des commandes et encore moins de déterminer si ces commandes, à même les supposer postérieures à juillet 2010 ont abouti à une reconstitution de ce stock pour le maintenir au seuil contractuellement fixé ou ont été exécutées en puisant dans le stock existant en juillet 2010, compte-tenu du fait qu'à cette date, ISP FRANCE avait déjà dénoncé le contrat et qu'elle savait qu'il prendrait fin le 31 décembre 2010.
Et il ne peut se déduire de l'absence de protestation de SODITECH après réception des deux factures émises le 31 décembre 2010 par ISP FRANCE intitulées STOCK 2 et STOCK 3 listant le stock dont elle réclame le paiement, et de la communication par ISP FRANCE de récépissés d'envoi à SODITECH de différents colis, sans précision quant à leur contenu, que cette dernière a effectivement réceptionné l'intégralité du stock listé dans ces deux factures.
A défaut d'inventaire contradictoirement établi au 31 décembre 2010, ne peut être retenue que l'existence d'un stock reconnu par SODITECH comme s'élevant à 128 770 euros HT soit 154 008,92 euros TTC au 25 juillet 2010: il s'ensuit qu'après déduction de la somme payée directement à FIMES et des deux factures acquittées du 11 octobre 2010 référencées STOCK 1, il est établi que SODITECH doit au moins la somme de :
154 008,92 - 10 985,85 - 47 837,60 - 852,66 = 94 332,81 euros.
Le jugement déféré est réformé dans cette limite.
Sur la condamnation de la société SODITECH pour résistance abusive au paiement
Pour fonder cette condamnation, le tribunal a retenu que la bonne foi de la société ISP FRANCE était clairement démontrée ainsi que son préjudice lié au retard de paiement.
Mais ce motif ne peut suffire à caractériser une résistance abusive au paiement par SODITECH alors que la présente décision reconnaît qu'elle était fondée, dans une très large mesure, à contester le montant des factures dont le paiement lui était réclamé.
Le jugement déféré est réformé sur ce point.
Sur la demande de condamnation pour appel abusif et dilatoire
Les prétentions de la société SODITECH étant reconnues fondées dans une large mesure, son appel n'est ni abusif, ni dilatoire.
La demande de la société ISP FRANCE à ce titre est rejetée.
Sur la demande d'amende civile
Il n'entre pas dans les pouvoirs d'une partie de demander le prononcé d'une amende civile à l'encontre de son adversaire.
Cette demande est irrecevable.
Sur la demande reconventionnelle de la société SODITECH pour concurrence déloyale
SODITECH reproche à ISP FRANCE d'être entrée en relation avec la société EUROCOPTER en lui vendant différentes pièces, alors que le contrat qui les liait le lui interdisait, sauf à y avoir été autorisée par SODITECH.
Ces pièces étaient nécessaires à la constitution des équipements que fabriquait SODITECH depuis des années pour le compte de la société EUROCOPTER.
Cette société, après les avoir acquises auprès d'ISP FRANCE les a remises à SODITECH pour qu'elle fabrique les équipements qu'elle lui avait commandés.
Puis EUROCOPTER a déduit, du prix des équipements lui ayant ensuite été livrés par SODITECH, le coût des pièces que lui avait facturées ISP FRANCE ce dont il est résulté pour SODITECH un préjudice s'élevant à 46 807,14 euros, ISP FRANCE ayant vendu ces pièces à EUROCOPTER à un tarif supérieur à celui qu'elle lui consentait.
ISP FRANCE soulève l'irrecevabilité de cette demande nouvelle en appel, en ce qu'elle ne pourrait être qualifiée de demande reconventionnelle pour être dépourvue d'un lien suffisant avec les prétentions initiales.
Mais comme objecte SODITECH en se prévalant des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, cette nouvelle prétention tend à lui permettre d'opposer la compensation entre les sommes qu'elle doit à ISP FRANCE et celles que cette dernière peut lui devoir à titre de dommages et intérêts.
Elle est donc recevable.
ISP FRANCE conteste tout comportement fautif, exposant que c'est en raison du refus de SODITECH, en violation de son engagement contractuel, de reprendre à son compte ses engagements de commandes annuels qu'elle a été obligée de vendre des marchandises à la société EUROCOPTER, seul opérateur sur le marché susceptible de les acquérir en raison de leur spécificité.
Ce refus d'honorer cet engagement de reprise qui lui est imputé ne fait l'objet d'aucune contestation par SODITECH.
Et les termes mêmes du protocole d'accord 159/2011 établi entre EUROCOPTER et SODITECH que cette dernière verse aux débats corrobore la thèse d'ISP FRANCE, SODITECH y reconnaissant n'avoir pas respecté les délais de livraison de 3 commandes en raison d'un litige l'opposant à son fournisseur ISP FRANCE et acceptant, pour limiter les conséquences de son défaut, qu'EUROCOPTER mette à sa disposition ces pièces acquises directement auprès d'ISP FRANCE.
Les ventes litigieuses n'étant que la conséquence de sa propre faute, la demande de dommages et intérêts de SODITECH ne peut prospérer.
Sur les demandes de déduction des sommes obtenues par saisie-attribution par la société ISP FRANCE
SODITECH demande que soit déduite de la condamnation prononcée à son encontre une première somme de 12 775,42 euros obtenue par ISP FRANCE à la suite de l'exécution d'une saisie attribution sur son compte bancaire ouvert auprès de la CIC LYONNAISE DE BANQUE.
Elle demande ensuite que le reliquat qu'elle resterait devoir soit prélevé sur la somme consignée entre les mains de la banque CIC LYONNAISE DE BANQUE à la suite d'une saisie attribution effectuée en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution de GRASSE le 8 avril 2011 pour 172 309,46 euros.
Elle réclame enfin que soit ordonnée la main-levée de l'opposition sur le prix de vente de fonds de commerce pratiquée le 29 octobre 2012 entre les mains de NSE INDUSTRIES.
Mais ces demandes relèvent de l'exécution de la présente décision.
Et en tout état de cause, les pièces versées aux débats ne permettent pas de s'assurer que les mesure d'exécution n'ont pas été contestées.
Ces demandes sont rejetées.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les parties qui succombent partiellement dans leurs prétentions conservent à leur charge les frais irrépétibles et les dépens qu'elles ont exposés à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboutant les parties de leurs plus amples demandes,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles au titre des frais irrépétibles et des dépens,
Condamne la SA SODITECH INGENIERIE à payer à la SAS INTERNATIONAL SAVINGS PROVIDER FRANCE- ISP FRANCE la somme de QUATRE- VINGT QUATORZE MILLE TROIS CENT TRENTE DEUX EUROS QUATRE-VINGT UN CENTIMES TTC (94 332,81 euros TTC) au titre du prix du stock de pièces détachées repris à l'expiration du contrat d'externalisation des achats industriels qui les liait, outre intérêt au taux légal à compter du 16 mai 2011, date de l'assignation,
Laisse à la charge de chaque partie les frais irrépétibles et les dépens exposés à hauteur d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Joëlle POITOUXMichel GAGET