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26/06/2014 | FRANCE | N°12/04673

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 26 juin 2014, 12/04673


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : 12/04673





[Adresse 3]



C/

SAS LABORATOIRES OMEGA PHARMA FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Juin 2012

RG : F 11/03525











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 26 JUIN 2014







APPELANTE :



[D] [K] épouse [X]

née le [Date naissance

1] 1969 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Dominique ROUSSET, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS LABORATOIRES OMEGA PHARMA FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par Me Nathalie ALBO-MICHEL, avocat au barrea...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 12/04673

[Adresse 3]

C/

SAS LABORATOIRES OMEGA PHARMA FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Juin 2012

RG : F 11/03525

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 26 JUIN 2014

APPELANTE :

[D] [K] épouse [X]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Dominique ROUSSET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS LABORATOIRES OMEGA PHARMA FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Nathalie ALBO-MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 22 Janvier 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 26 Septembre 2013

Présidée par Hervé GUILBERT et Christian RISS magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, président

- Hervé GUILBERT, Conseiller

- Christian RISS, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Juin 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 05 juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes de LYON, dont appel ;

Vu les conclusions déposées le 29 avril 2013 par [D] [K] épouse [X], appelante, incidemment intimée ;

Vu les conclusions déposées le 16 juillet 2013 par la S.A.S. LABORATOIRES OMEGA PHARMA FRANCE, intimée, incidemment appelante ;

Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 26 septembre 2013 ;

La Cour,

Attendu que suivant contrat de travail à durée indéterminée du 02 novembre 1998, [D] [K] épouse [X] a été embauchée en qualité de V.R.P. exclusif par la société LABORATOIRE DELTA aux droits de laquelle se trouve à présent la S.A.S. LABORATOIRES OMEGA PHARMA FRANCE (ci-après la société LOPF) ;

qu'à compter du 1er septembre 2006 elle a été embauchée par ladite société en qualité de déléguée pharmaceutique pour une durée indéterminée avec reprise d'ancienneté au 02 novembre 1998 et affectée à un secteur situé dans le département du Rhône, sans autre précision ;

qu'en avril 2008 elle a accepté un avenant au contrat de travail instituant une durée de travail calculée selon forfait annuel en jours compte tenu de l'autonomie complète qui lui était laissée par l'employeur pour exercer son activité incompatible avec un horaire collectif;

que sa rémunération comprenait une part fixe et des commissions sur ventes ainsi que des primes ;

Attendu que le 08 mars 2011 [D] [K] épouse [X] a été licenciée avec dispense de préavis pour motif économique, l'employeur justifiant sa décision par le refus de la salariée d'accepter une modification de son secteur résultant d'une restructuration du réseau commercial nécessitée par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ;

Attendu que saisi sur requête de la salariée le 28 juillet 2011, le Conseil de Prud'hommes de LYON a notamment, par jugement du 05 juin 2012 :

- dit le licenciement pour motif économique justifié,

- condamné la société LOPF à payer à [D] [K] épouse [X] :

1° la somme de 235 € à titre de complément de l'indemnité de licenciement,

2° la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la convention de forfait,

- débouté [D] [K] épouse [X] du surplus de ses prétentions ;

Attendu que la susnommée a régulièrement relevé appel de cette décision le 15 juin 2012 ;

Attendu, sur le non-respect par l'employeur de la convention de forfait, que l'article L 3121-45 du Code du Travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, disposait que la convention ou l'accord permettant la conclusion d'une convention de forfait en jours prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte;

Attendu qu'un accord d'entreprise du 25 septembre 2001 prévoyait la possibilité, pour les cadres autonomes, de bénéficier d'une convention individuelle de forfait ;

que l'article 4. 2. 2. alinéa 1er de cet accord stipulait que 'L'organisation du travail, l'amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte feront l'objet d'un suivi par la hiérarchie des cadres concernés de telle sorte, notamment, que soient respectées les dispositions relatives au repos quotidien, au nombre de jours de travail maximum par semaine et à la durée minimale du repos hebdomadaire.' ;

que par avenant du 02 janvier 2008 les stipulations de l'article précité de l'accord d'entreprise du 25 septembre 2001 ont été étendues aux salariés non cadres dont la durée de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées, en particulier les délégués pharmaceutiques ainsi que cela est expressément précisé ;

Attendu que contrairement à ce qu'exigeait l'article L 3121-45 du Code du Travail dans sa rédaction alors en vigueur, ni l'accord d'entreprise du 25 septembre 2001 ni l'avenant du 2 janvier 2008 ne prévoyaient des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail en résultant

que la société LOPF ne saurait se prévaloir du défaut de définition de telles mesures de suivi par l'accord et par l'avenant précités pour soutenir qu'aucun manquement ne peut lui être reproché ;

qu'il appartenait en effet à l'employeur, au besoin en concertation avec les organisations syndicales représentées dans l'entreprise, de prendre les mesures nécessaires propres à assurer l'effectivité de dispositions légales visant à assurer la protection des travailleurs ;

Attendu que vainement la société intimée soutient-elle que le suivi de l'organisation du travail des salariés bénéficiant d'un régime de forfait en jours aurait été constitué par les rapports d'activité hebdomadaires établis par les intéressés ;

que si ces rapports pouvaient en effet être pris comme base d'évaluation, il appartenait néanmoins à l'employeur de vérifier que les activités décrites ne représentaient pas une charge de travail excédant les limites fixées par la loi, alors surtout que la société LOPF comptabilisait le nombre de visites effectuées chaque jour par les délégués pharmaceutiques et qu'il convient de prendre en considération non pas seulement le temps consacré à chaque visite mais également celui impliqué par des déplacements en automobile sur un secteur assez vaste, ainsi que par la préparation des visites et le temps consacré à leurs suites ;

Attendu que de l'aveu même de la société LOPF le suivi exigé par la loi n'a jamais été réalisé, et que l'exigence de l'envoi, par les délégués pharmaceutiques, d'un rapport hebdomadaire d'activité qui est de l'essence même de leur fonction, ne saurait en tenir lieu;

Attendu enfin qu'il est indifférent que la convention de forfait conclue entre les parties le 09 avril 2008 mentionne que 'compte tenu de cette liberté d'organisation, vous vous engagez sur l'honneur à respecter en toutes circonstances le repos minimal quotidien de 11 heures consécutives et le repos hebdomadaire', l'employeur ne pouvant se décharger ainsi sur le salarié des obligations de direction et de contrôle qui lui incombent exclusivement ;

Attendu que le défaut de mise en oeuvre par l'employeur du suivi exigé par la loi a nécessairement causé un préjudice au salarié et ouvre droit, pour celui-ci, à des dommages et intérêts ;

Attendu que le préjudice subi par [D] [K] épouse [X] du fait de la carence de la société LOPF a été quelque peu sous-évalué par les premiers juges ;

qu'il échet de réformer de ce chef et de condamner la société intimée à payer à l'appelante la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la convention de forfait et non-respect des règles d'hygiène et de sécurité ;

Attendu, sur la rupture du contrat de travail, que la lettre de licenciement du 08 mars 2011 fixe les limites du litige ;

que dans cette très longue missive qui ne comporte pas moins de huit pages dactylographiées en petits caractères avec des tableaux de chiffres, il est indiqué que compte tenu du refus de la salariée d'accepter une modification de son secteur résultant d'une restructuration du réseau commercial nécessitée par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, l'employeur n'a pas d'autre alternative que de prononcer son licenciement pour motif économique ;

Attendu que l'article L 1222-6 alinéa 1er du Code du Travail dispose que lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ;

Attendu qu'il n'est pas contesté par la société intimée que le secteur géographique sur lequel l'appelante exerçait son activité de délégué pharmaceutique constituait un élément essentiel du contrat de travail ;

que c'est du reste précisément en raison de ce caractère que la société LOPF a proposé à la salariée une modification de son secteur par avenant, ce par lettre du 13 décembre 2010 ;

Attendu que c'est à tort que l'appelante fait valoir qu'elle aurait accepté cette proposition de modification en retournant à l'employeur l'avenant par elle signé accompagné d'une lettre du 11 janvier 2011 ;

qu'en effet, dans cette lettre, elle indique que son acceptation ne vaut que sous réserve :

1° de la réalité du motif économique invoqué sur lequel elle n'a reçu aucun élément d'information,

2° de la délimitation du nouveau secteur qui lui serait attribué dont l'extension ne lui convient pas ;

Attendu que compte tenu des réserves ainsi exprimées par la salariée, l'employeur était parfaitement fondé à considérer sa réponse comme un refus ;

Attendu, sur la nature de ce refus, que dans sa lettre du 13 décembre 2010 contenant proposition d'avenant, la société LOPF se borne à indiquer qu'elle a 'consulté le CE et le CCE sur un projet d'organisation commerciale visant à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.' ;

qu'elle ajoute : 'Nous avons exposé lors de la présentation de ce projet que sa mise en oeuvre n'interviendrait que pour autant qu'il recueille un niveau d'adhésion important de la part des forces de vente.' ;

Attendu que cette lettre ne fait aucune mention des raisons pour lesquelles la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise nécessite une réorganisation du réseau commercial impliquant une redéfinition des secteurs attribués à chacun des délégués pharmaceutiques;

qu'il est indifférent que ces questions aient pu être abordées au cours de diverses réunions ;

qu'en effet, dès lors que l'employeur entendait proposer à la salariée un avenant portant modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, il lui incombait de l'informer personnellement des circonstances mettant en péril la compétitivité de l'entreprise et rendant nécessaire une restructuration du réseau commercial impliquant une nouvelle définition de son secteur ;

Attendu que la salariée n'a donc personnellement reçu communication d'aucun élément d'information lui permettant de se déterminer sur l'opportunité d'accepter ou non l'avenant proposé par l'employeur ;

Attendu en outre que la lettre précitée du 13 décembre 2010 indique clairement que l'employeur se réserve le droit de mettre en oeuvre son projet de restructuration selon des critères définis par lui seul, savoir 'un niveau d'adhésion suffisant' évalué par lui-même sans concertation avec quiconque et sans définition précise de ce niveau ;

qu'il convient d'ajouter que ladite lettre n'indique nullement à la salariée quelles pourraient être les conséquences d'un éventuel refus de sa part intervenu dans des contours aussi incertains et que [D] [K] épouse [X] pouvait légitimement penser qu'un refus de sa part serait sans effet sur la poursuite du contrat de travail quel que fût 'le niveau d'adhésion' atteint dont rien ne pouvait lui permettre de savoir selon quels critères la société LOPF l'estimerait suffisant ;

Attendu que les réserves exprimées par l'appelante dans sa réponse du 11 janvier 2011 étaient donc parfaitement légitimes compte tenu de l'obscurité totale entretenue par l'employeur tant sur les motifs nécessitant une restructuration du réseau commercial afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise que sur la mise en oeuvre de ce projet de restructuration ;

Attendu que la lettre de licenciement du 8 mars 2011, malgré sa longueur et ses tableaux chiffrés, n'indique aucunement quel était 'le niveau d'adhésion suffisant' pour mettre en oeuvre la restructuration refusée par la salariée ni s'il a été atteint ;

qu'en l'état des pièces produites aux débats par la société intimée, ces questions demeurent toujours un mystère ;

Attendu, dans ces conditions, et alors que les raisons rendant nécessaires des mesures propres à assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise n'ont nullement été évoquées par les représentants de l'employeur lors de l'entretien préalable ainsi que la preuve en est rapportée, il convient de considérer que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'il échet de réformer de ce chef et d'allouer à l'appelante la somme de 40000 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu, sur la discrimination salariale, que l'appelante percevait l'une des rémunérations les plus élevées parmi les délégués pharmaceutiques ;

qu'aucun de ceux-ci n'avait vocation par nature à accéder au statut cadre ;

que [D] [K] épouse [X] ne démontre aucunement avoir été victime d'une discrimination quelconque ni en ce qui concerne sa rémunération ni en ce qui concerne son évolution au sein de l'entreprise ;

que la décision querellée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté cette prétention ;

Attendu que pour faire valoir ses droits devant la Cour, l'appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de la société intimée ;

que celle-ci sera donc condamnée à lui payer une indemnité de 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ladite indemnité incluant le coût du timbre fiscal ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, déclares recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;

Au fond, dit le premier seul justifié ;

Réformant, condamne la S.A.S. LABORATOIRES OMEGA PHARMA FRANCE à payer à [D] [K] épouse [X] :

1° la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour convention de forfait irrégulière et non-respect des règles d'hygiène et de sécurité,

2° la somme de 40 000 € pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Condamne la S.A.S. LABORATOIRES OMEGA PHARMA FRANCE à payer à [D] [K] épouse [X] une indemnité de 1 500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile incluant le coût du timbre fiscal ;

La condamne aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/04673
Date de la décision : 26/06/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/04673 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-26;12.04673 ?
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