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04/06/2014 | FRANCE | N°12/05719

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 04 juin 2014, 12/05719


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 12/05719





SARL [Adresse 3]



C/

[C]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Cour de Cassation de PARIS

du 05 Avril 2012

RG : S1111283











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 04 JUIN 2014













APPELANTE :



SARL [Adresse 3]

venant aux droits de la Société [Adresse 4] SARL

[Adresse 2]



[Localité 2]



représentée par Me Didier Ch. FRERING, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE :



[J] [C]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me LECATRE, avocat au barreau de MOULINS











PARTIES CONVOQUÉES LE :...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 12/05719

SARL [Adresse 3]

C/

[C]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Cour de Cassation de PARIS

du 05 Avril 2012

RG : S1111283

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 04 JUIN 2014

APPELANTE :

SARL [Adresse 3]

venant aux droits de la Société [Adresse 4] SARL

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Didier Ch. FRERING, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

[J] [C]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me LECATRE, avocat au barreau de MOULINS

PARTIES CONVOQUÉES LE : 22 Janvier 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Septembre 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre

Hervé GUILBERT, Conseiller

Christian RISS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Juin 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 30 juillet 2009 par le Conseil de Prud'hommes de MOULINS, dont appel ;

Vu l'arrêt rendu entre les mêmes parties le 30 novembre 2010 par la Cour d'appel de RIOM ;

Vu l'arrêt rendu entre les mêmes parties le 05 avril 2012 par la Cour de Cassation ;

Vu les conclusions déposées le 13 septembre 2013 par la société [Adresse 3] venant aux droits de la société [Adresse 4], appelante, demanderesse au renvoi de cassation, incidemment intimée ;

Vu les conclusions déposées le 06 septembre 2013 par [J] [C], intimée, défenderesse au renvoi de cassation, incidemment appelante ;

Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 19 septembre 2013 ;

La Cour,

Attendu que suivant contrat de travail à durée indéterminée du 10 novembre 2003, [J] [C] a été embauchée en qualité d'employée polyvalente à temps partiel par la société [Adresse 4] exploitant un hôtel sous l'enseigne 'Première Classe' à [Localité 3] (Allier), aux droits de laquelle se trouve à présent la société [Adresse 3] ;

qu'à compter du 1er août 2005 elle a occupé au sein de l'entreprise un emploi d'adjointe de direction à temps complet avec le statut d'agent de maîtrise ;

Attendu que le 19 décembre 2008, la salariée a saisi le Conseil de Prud'hommes de MOULINS afin d'obtenir le payement de rappels de salaires sur heures d'astreinte, d'heures supplémentaires, de majorations de salaires, de congés payés y afférents et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

que par jugement du 30 juillet 2009, la juridiction saisie a notamment :

- requalifié les jours d'astreinte effectués par [J] [C] en heures complémentaires pour la période de février à juillet 2005 inclus et en heures supplémentaires pour la période d'août 2005 à décembre 2008,

- condamné en conséquence la société [Adresse 4] à payer à [J] [C] :

1° la somme de 40 744,28 € au titre des heures complémentaires et supplémentaires,

2° la somme de 5 227,20 € au titre du repos compensateur,

3° la somme de 423,55 € au titre des heures supplémentaires pour la période de janvier et février 2009, congés payés inclus,

4° la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la salariée;

- débouté les parties de toutes autres prétentions ;

Attendu que saisie par l'employeur, la Cour d'Appel de RIOM a notamment, par arrêt du 30 novembre 2010, réformé cette décision et :

- condamné la société [Adresse 4] à payer à [J] [C] :

1° la somme de 52 564,31 € à titre de rappel de salaires sur les heures complémentaires et supplémentaires effectuées de janvier 2005 à février 2009 inclus, outre celle de 5 246,43 € pour les congés payés y afférents,

2° la somme de 10 548,12 € à titre de dommages et intérêts au titre des repos compensateurs,

3° la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la salariée consécutivement aux manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles,

- débouté les parties de leurs autres prétentions ;

Attendu que sur le pourvoi formé par la société [Adresse 4], la Cour de Cassation a, par arrêt du 05 avril 2012, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 30 novembre 2010 par la Cour d'Appel de RIOM et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'Appel de LYON en retenant que les motifs de l'arrêt attaqué ne caractérisaient pas l'impossibilité pour la salariée de vaquer à des occupations personnelles durant les temps litigieux ;

Attendu que pendant le cours de la procédure de cassation, [J] [C] a été licenciée pour inaptitude le 12 décembre 2011 ;

qu'elle a derechef saisi le Conseil de Prud'hommes de MOULINS le 23 avril 2012 en lui demandant de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de lui allouer en conséquence des dommages et intérêts ainsi que diverses indemnités ;

Attendu que le 25 juillet 2012, la société [Adresse 4] a régulièrement saisi la Cour de céans sur renvoi de cassation ;

que par jugement du 17 janvier 2013, le Conseil de Prud'hommes de MOULINS faisant droit à l'exception de litispendance soulevée par la société SOGHESTEL a déclaré [J] [C] irrecevable en ses prétentions ;

que l'intéressée a relevé appel de cette décision devant la Cour d'Appel de RIOM le 23 janvier 2013 ;

que cet appel est toujours actuellement pendant devant ladite Cour ;

Attendu que la société SOGHESTEL a formalisé deux déclarations de renvoi de cassation devant la Cour de céans, la première le 25 juillet 2012 enregistrée sous le numéro RG 12/05719 et la seconde non datée enregistrée sous le numéro RG 13/06625 ;

Attendu qu'il existe entre ces deux procédures des liens tels qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'en ordonner la jonction et de statuer sur le tout par un seul et même arrêt en ne conservant que le numéro RG 12/05719 ;

Attendu que la déclaration de renvoi de cassation enregistrée sous le numéro 13/06625 sera déclarée nulle et de nul effet dès lors qu'elle n'est pas datée ;

Attendu, sur la demande de dessaisissement présentée par [J] [C], que l'article 100 du Code de Procédure Civile dispose que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit de dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande, et qu'à défaut elle peut le faire d'office ;

Attendu que la Cour de céans ne peut que constater :

- qu'elle a été saisie d'une déclaration de renvoi de cassation par la société [Adresse 4] le 25 juillet 2012,

- que la Cour d'appel de RIOM a été saisie le 23 janvier 2013 par [J] [C] d'un appel contre un jugement rendu le 17 janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes de MOULINS ;

que la saisine de la Cour de céans est donc antérieure à celle de la Cour d'Appel de RIOM contrairement à ce que soutient contre toute logique l'intimée, défenderesse au renvoi de cassation ;

qu'ainsi la demande de dessaisissement ne peut être présentée qu'à la Cour d'Appel de RIOM saisie en deuxième lieu et que la Cour de céans, saisie en premier lieu ne peut de dessaisir d'office au profit de la Cour d'Appel de RIOM ;

qu'en tout état de cause, la Cour de céans ayant été désignée comme Cour de renvoi pour trancher le litige existant entre les parties au sujet des astreintes et de la majoration des heures complémentaires et supplémentaires, elle ne saurait passer outre la décision de la Cour de Cassation qui a expressément décidé qu'une autre Cour d'Appel que celle de RIOM devait juger ce différend ;

Attendu, sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail, que celles-ci sont entièrement nouvelles pour n'avoir jamais été présentées aux juges de première instance qui ont statué avant que n'intervienne le licenciement ;

que la procédure étant orale, ces demandes n'ont donc été soumises à la Cour de céans qu'au jour de l'audience, soit le 19 septembre 2013, alors que la Cour d'Appel de RIOM était déjà saisie depuis le 23 janvier 2013 d'un appel dirigé contre un jugement du Conseil de Prud'hommes de MOULINS du 17 janvier 2013 les ayant déclarées irrecevables

qu'en conséquence toutes les demandes de [J] [C] relatives à la rupture du contrat de travail seront déclarées irrecevables ;

Attendu, sur les astreintes, qu'il est constant et non contesté que la salariée a dû effectuer, en sus de ses horaires journaliers et diurnes tels que prévus par le contrat de travail et constitutifs à eux seuls du temps complet prévu par celui-ci et ses avenants conformément à la loi, des permanences nocturnes, y compris les jours fériés, de 21 heures jusqu'à 6 heures 30 ou 7 heures 30 suivant les cas, ce en se tenant dans l'une des chambres de l'hôtel déterminée au jour le jour suivant les contraintes d'occupation résultant de la présence de clients, afin de surveiller l'établissement, d'intervenir en cas d'incident quelconque, d'assurer l'accueil des clients retardataires à toute heure de la nuit, et d'une manière générale veiller au bien-être de la clientèle ;

qu'il ne lui était alloué pour ce service qu'une prime forfaitaire de 18 € par nuit ;

Attendu qu'il convient de relever que ces permanences étaient effectuées sur le lieu de travail dans un local qui n'était pas spécialement affecté aux salariés qui en étaient chargés, mais variant au gré des circonstances, de sorte qu'elle ne pouvait y disposer ses effets personnels pour en user à sa convenance ;

que [J] [C] devait, durant ces permanences, se maintenir à la disposition constante de l'employeur puisqu'elle était chargée, entre autres, de surveiller l'hôtel dans son ensemble et de veiller à l'accueil de la clientèle à toute heure de la nuit ;

qu'elle ne pouvait vaquer à aucune occupation personnelle, n'ayant, entre autres, aucun moyen de préparer un repas, même froid, ou de procéder au lavage de sous-vêtements de première nécessité, non plus que s'habiller en tenue de nuit ;

que le simple fait qu'elle ait eu la possibilité de s'allonger sur un lit ou même de regarder la télévision pendant ces permanences de nuit ne peut suffire à permettre de considérer qu'elle était alors libre de son temps et détachée de toute contrainte à l'égard de son employeur alors que tout au contraire elle continuait ainsi à se consacrer exclusivement au service de ce dernier ;

que dès lors, c'est à bon droit que le Conseil de Prud'hommes de MOULINS a considéré que les prétendues astreintes devaient être regardées comme du temps de travail effectif et rémunérées en conséquence ;

que dans ces conditions, et alors que le quantum des réclamations effectuées à ce titre n'est aucunement discuté par la société appelante, il convient de réformer la décision critiquée et d'allouer à l'intimée :

- au titre des heures supplémentaires et complémentaires effectuées de 2005 à 2009 la somme de 52 564,31 € outre celle de 5 256,43 € pour les congés payés y afférents,

- au titre des repos compensateurs et congés payés correspondants dont elle a été privée indûment, la somme de 10 548,12 € ;

Attendu que l'intimée ne démontre pas avoir assumé de façon continue les fonctions de directrice de l'établissement, même si elle a pu, comme d'autres salariés, remplir ponctuellement certaines des tâches relevant des attributions de la directrice licenciée en décembre 2007 ;

qu'elle sera donc déboutée de ce chef de prétention ;

Attendu que quand bien même les parties se sont opposées sur la qualification du travail effectué au titre des prétendues astreintes et sur le mode de rémunération y afférent, l'intimée n'établit nullement que l'employeur ait intentionnellement méconnu ses obligations en vue de se soustraire à ses obligations au regard de la législation protectrice des droits des salariés ;

que l'intimée sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

Attendu, sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, que l'intimée rapporte la preuve de ce qu'elle a bénéficié de plusieurs arrêts de travail en raison d'un état dépressif réactionnel résultant de son état de fatigue consécutif à l'accumulation des heures de travail diurnes et nocturnes l'ayant empêchée de se reposer normalement ;

qu'à l'issue de deux visites de reprise, le médecin du Travail l'a déclarée apte à reprendre un poste similaire dans un autre établissement et en horaire de jour, ce qui indique clairement que tout travail de nuit était incompatible avec son état de santé ;

qu'ainsi, par son action fautive, l'employeur qui a sciemment manqué à son obligation de sécurité, a causé à la salariée un dommage qui sera réparé par l'allocation de la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que pour assurer la défense de ses droits devant la Cour, l'intimée a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il est équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'appelante ;

que celle-ci sera donc condamnée à lui payer une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, sur renvoi de cassation, après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, ordonne la jonction des procédures enregistrées au greffe sous les numéros RG 12/05719 et RG 13/06625 ;

Dit que seul le numéro RG 12/05719 sera conservé ;

Déclare irrecevable la déclaration de renvoi de cassation enregistrée sous le numéroRG 13/06625 ;

Déclare recevable la déclaration de renvoi de cassation enregistrée sous le numéro RG 12/05719 ;

Déclare recevable l'appel de la société [Adresse 4] aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société [Adresse 3] ;

Déclare [J] [C] irrecevable en toutes ses prétentions liées à la rupture du contrat de travail dont la Cour d'Appel de RIOM a été antérieurement saisie ;

Au fond, dit l'appel incident justifié ;

Réformant, condamne la société [Adresse 3] venant aux droits de la société [Adresse 4] à payer à [J] [C] :

1° la somme de 52 564,31 € à titre de rappel de salaires sur les heures complémentaires et supplémentaires effectuées de janvier 2005 à février 2009, outre celle de 5 246,43 € pour les congés payés y afférents,

2° la somme de 10 548,12 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation de ses droits à repos compensateurs,

3° la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui est pour elle résulté de la méconnaissance par l'employeur de son obligation de sécurité ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Condamne la société [Adresse 3] venant aux droits de la société [Adresse 4] à payer à [J] [C] une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens qui comprendront ceux de l'arrêt cassé.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/05719
Date de la décision : 04/06/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/05719 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-04;12.05719 ?
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