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30/05/2014 | FRANCE | N°13/06092

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 30 mai 2014, 13/06092


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/06092





SAS METRO CASH & CARRY



C/

[Z]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 11 Juillet 2013

RG : F11/2998











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 30 MAI 2014













APPELANTE :



SAS METRO CASH & CARRY FRANCE

[Adresse 2]

[Adr

esse 4]

[Localité 1]



représentée par Me Laurent GAMET de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉ :



[C] [Z]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 7]



comparant en personne, assisté de Me Pascale DRAI-ATTAL, ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/06092

SAS METRO CASH & CARRY

C/

[Z]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 11 Juillet 2013

RG : F11/2998

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 30 MAI 2014

APPELANTE :

SAS METRO CASH & CARRY FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent GAMET de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

[C] [Z]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 7]

comparant en personne, assisté de Me Pascale DRAI-ATTAL, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 09 Septembre 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Avril 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Catherine PAOLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Mai 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Attendu que le conseil de prud'hommes de Lyon, section encadrement, par jugement contradictoire du 11 juillet 2013, a :

- dit et jugé que le licenciement de monsieur [C] [Z] ne repose pas sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse

- condamné la société Métro Cash & Carry France à payer à monsieur [C] [Z] les sommes suivantes :

*9205 euros au titre de la mise à pied conservatoire outre 920 euros au titre des congés payés y afférents

*31866 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 3186 euros bruts au titre des congés payés y afférents

*26555 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- rappelé que ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des salaires à la somme de 10622 euros

- condamné la société Métro Cash & Carry France à payer à monsieur [C] [Z] les sommes suivantes :

*125000 euros à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus

*1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement par la société Métro Cash & Carry France aux organismes concernés des indemnités de chômage payées à monsieur [C] [Z] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes

- condamné la société Métro Cash & Carry France aux entiers dépens de la présente instance y compris les éventuels frais d'exécution;

Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par la société Métro Cash & Carry France par lettre recommandée postée le 17 juillet 2013 et réceptionnée au greffe le 18 juillet 2013 ;

Attendu que monsieur [C] [Z] a été engagé par la société Métro Cash & Carry France suivant contrat à durée indéterminée du 1er mars 2006  ;

Qu'il a été nommé le 1er novembre 2008 directeur de l'établissement de [Localité 9] avec le statut de cadre dirigeant classe 8 ;

Attendu que monsieur [C] [Z] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 avril 2011, par lettre du 8 avril 2011 ;

Qu'il a été mis à pied à titre conservatoire par lettre du 8 avril 2011 ;

Qu'il a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mai 2011 pour faute grave ;

Attendu que monsieur [C] [Z] a déclaré à l'audience être âgé de 46 ans à la date de rupture des relations contractuelles, avoir perçu des allocations chômage pendant 6 mois et avoir retrouvé un travail lui procurant un revenu inférieur, « divisé par deux » ;

Attendu que la société Métro Cash & Carry France emploie plus de 11 salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel;

Que la convention collective applicable est celle du commerce de gros ;

Attendu que la société Métro Cash & Carry France demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 4 avril 2014, visées par le greffier le 4 avril 2014 et soutenues oralement, de:

- infirmer le jugement entrepris

- débouter monsieur [C] [Z] de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions

- condamner monsieur [C] [Z] à lui verser la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens;

Attendu que monsieur [C] [Z] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 26 mars 2014, visées par le greffier le 4 avril 2014 et soutenues oralement, de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Metro au paiement des sommes suivantes :

*9205 euros au titre de la mise à pied conservatoire outre 920 euros au titre des congés payés y afférents

*31866 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 3186 euros bruts au titre des congés payés y afférents

*26555 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- l'infirmer sur le surplus

- condamner la société Métro Cash & Carry France à lui payer les sommes suivantes :

* 255244 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 31866 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif et vexatoire

* 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture des relations contractuelles

Attendu que monsieur [Z] a été licencié pour faute grave par lettre du 3 mai 2011 rédigé en ces termes :

« Suite à l'entretien préalable que nous avons eu ensemble le lundi 18 avril 2011, je vous ai exposé les griefs suivants à votre encontre:

Par lettre recommandée en date du 24 Février 2011, l'une de vos proches collaboratrices, Mme [X] [M], Responsable des caisses de votre entrepôt, m'a alerté sur des faits graves vous concernant.

Ce courrier, que je vous ai lu lors de notre entretien, fait état d'un comportement de votre part que Mme [M] qualifie de harcèlement sexuel.

A l'appui de sa plainte, Mme [M] rapporte notamment les propos suivants que vous lui avez tenus dès son arrivée dans l'entrepôt de [Localité 9] à partir de mai 2009 :

« Dans votre bureau entre quatre yeux: « Voulez vous devenir ma maîtresse ' .. iI faut gouter à toutes les expériences de la vie sexuelle ... »

« Vous étes sexy aujourd'hui [X]»

« Alors [X], aujourd'hui c'est string, short y, culotte ... ou rien' »

En outre Mme [M] précise dans son courrier que vous lui aviez relaté que votre choix du responsable du département caisse s'était fait par rapport à son physique personnel.

Mme [M] précise également que vous avez l'habitude de raconter des histoires obscènes, tout particulièrement en compagnie de femmes et de lui faire voir des photos à caractère pornographique sur votre téléphone portable.

Votre comportement a, selon Mme [M] brutalement changé à son égard à partir de l'automne 2010, période durant laquelle elle vous a signifié son refus de toute relation intime avec vous alors que lors d'un échange vous la sollicitiez à nouveau pour obtenir ses faveurs.

Mme [M] explique qu'à partir de ce moment, votre comportement vis-à-vis d'elle a complètement changé et elle dit avoir vécu «un véritable enfer» : alors que jusque là vous la protégiez de toute critique et la mettiez en valeur par rapport aux autres cadres de votre équipe, vous avez selon elle cherché à la dévaloriser systématiquement, la traitant de manipulatrice ou de menteuse.

Mme [M] explique alors qu'elle a cherché à demander sa mutation pour vous échapper, sans succès.

Elle atteste en outre avoir du être suivi médicalement pour des crises d'angoisse, stress et hausse de tension, consécutifs à ses relations avec vous.

Son médecin traitant confirme ce dernier point par un certificat du 3 mars 2011: « Mme [M] m'a consulté pour des troubles secondaires à une situation de harcèlement sur son lieu de travail. Elle présente des signes d'anxiété, de tachycardie, de céphalées, de douleurs abdominales ainsi que des douleurs vertébrales. Cette situation justifie une prise en charge de longue durée avec traitement anxiolytique, ainsi qu'une nécessité d'envisager les perspectives de changement de poste professionnel »

Suite à ce courrier, j'ai bien évidemment diligenté une enquête au cours de laquelle les différents témoignages recueillis sont venus corroborer les faits rapportés par Mme [M].

Lors de notre entretien, vous avez d'abord réfuté les accusations de Mme [M] concernant le harcèlement sexuel tout en accusant Mme [M] d'avoir eu des problèmes de management avec son équipe de caisse et de ne pas faire le travail que vous lui demandiez.

Vous nous avez ensuite dit que Mme [M] voulait être « la préférée », vous offrant du chocolat et rentrant dans votre bureau alors que vous étiez en rendez-vous avec une autre personne.

Ce faisant vous nous avez indiqué n'avoir fait aucun recadrage écrit ni sanction à son encontre en dépit des dysfonctionnements managériaux que vous affirmez avoir vous-même constaté.

Pour justifier votre absence de toute sanction contre votre collaboratrice, vous nous avez expliqué que vous aviez connu Mme [M] sur l'entrepôt de [Localité 8] et que vous aviez dès lors tissé avec elle « des liens de complicité et de proximité » en quelques semaines puisque vous aviez travaillé avec elle seulement 3 mois en 2007 sur cet entrepôt.

En 2009, c'est effectivement vous qui l'avez choisi pour venir travailler à [Localité 9].

Sur ce site, vous avez reconnu, toujours selon vos dires, avoir exercé un «jeu» de séduction avec elle et vous nous avez confirmé lui avoir envoyé des textos explicites en matière sexuelle. Vous nous avez dit être « taquin ».

Vous nous avez expliqué qu'en octobre 2009, Mme [M] vous avait invité à dîner avec son équipe Caisse et que la soirée s'était ensuite prolongée en boite de nuit.

Suite à cet entretien préalable, vous nous avez adressé un courrier pour nous demander de faire une enquête afin de découvrir les nombreux dysfonctionnements générés par Mme [M] que vous accusez à votre tour de harcèlement sur ses équipes.

Nous avons donc effectué les vérifications que vous souhaitiez et il s'avère que vous n'avez effectivement pris aucune mesure préventive ou disciplinaire pour mettre fin aux dysfonctionnements prétendus de Mme [M] alors que c'était là votre responsabilité pleine et entière. Lors de son entretien professionnel annuel vous n'avez d'ailleurs relevé aucun problème particulier la concernant.

En l'état de l'enquête que nous avons réalisée, des témoignages que nous avons reçus et des informations que vous nous avez communiquées, nous constatons les faits suivants :

- Vous avez reconnu avoir eu un comportement de séduction à l'égard de votre collaboratrice, Mme [M] et lui avoir envoyé des texto explicites sur vos intentions à son égard.

- Vous avez reconnu avoir manqué de recul et d'objectivité la concernant en dépit de maladresses managériales sur lesquelles d'autres cadres ou élus essayaient de vous alerter et dont vous vous plaignez a posteriori suite aux accusations de Mme [M].

- Il existe une concordance objective de faits entre 2 périodes: La première période entre mai 2009 et novembre 2010 durant laquelle Mme [M] nous décrit vos tentatives diverses pour obtenir ses faveurs est une période durant laquelle vous avez couvert toutes ses difficultés managériales auprès de vos équipes et de votre hiérarchie, la seconde période marque un changement total de votre attitude à son égard et correspond exactement au moment où Mme [M] rapporte le fait qu'elle a mis un terme définitif à vos avances. 

Vous l'avez dès lors traitée plus sévèrement en vous plaignant de son comportement et de ses lacunes managériales, tout en confirmant paradoxalement à votre direction régionale qu'elle était compétente pour être mutée sur un nouveau site à [Localité 3].

Au vu de ces éléments, il apparaît que dans l'exercice de votre responsabilité de Directeur d'entrepôt, vous avez eu à l'égard de l'une de vos subordonnées, Mme [X] [M], un comportement totalement inacceptable fait d'attitudes ambigües, de propos déplacés et indécents, suggérant par divers procédés votre volonté d'avoir une relation sexuelle avec elle. Vous avez manifestement cherché à obtenir les faveurs de cette personne notamment en utilisant votre pouvoir hiérarchique et lorsque celle-ci s'est refusée à vous, vous avez cherché à retourner ce pouvoir contre elle.

Cela a eu un effet extrêmement néfaste sur sa santé physique et mentale et vous n'avez à aucun moment pris la mesure de votre responsabilité.

Ces faits sont constitutifs de harcèlement sexuel.

Compte tenu de votre statut de Directeur de l'entrepôt de [Localité 9], statut cadre dirigeant, ils constituent une faute grave. » ;

Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Attendu que le licenciement ayant été prononcé pour faute grave présente un caractère disciplinaire ; Qu'il incombe à l'employeur d'établir la preuve de la réalité des motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixent les limites du litige et il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement ;

Attendu que l'employeur verse aux débats les pièces suivantes :

- la lettre adressée le 24 février 2011par madame [M] à monsieur [F] dans laquelle elle décrit les pressions exercées par monsieur [Z] pour qu'elle devienne sa maîtresse, les conditions de travail rendues impossibles suite à son refus et une attestation établie par cette même salariée dans laquelle elle se plaint de conditions de travail « très perturbantes » auprès de monsieur [Z] qui voulait qu'elle devienne sa maitresse, de son état de stress, des cauchemars et du souvenir qui lui reste insupportable

- une attestation du 21 janvier 2011 du maire de la commune de [Localité 4] certifiant que le 24 décembre 2010 d'importantes chutes de neige sont tombées rendant les routes de notre village dangereuses à la circulation

- un certificat du 3 mars 2011 du docteur [A] qui indique recevoir madame [M] en consultation depuis le 17 septembre 2009, pour des « troubles secondaires à une situation de harcèlement sur les lieux de son travail » laquelle présente « des signes d'anxiété, de tachycardie, de céphalées, de douleurs abdominales ainsi que des douleurs vertébrales » et qui précise « cette situation justifie une prise en charge de longue durée avec traitement anxiolytique ainsi qu'une nécessité d'envisager les perspectives de changement de poste professionnel »

- les compte-rendu d'évaluation de madame [M] des années 2005, 2006 renseignés par monsieur [N]

- le compte rendu d'entretien professionnel de madame [M] conduit par monsieur [Z] le 17 juin 2009 dans lequel la salariée est notée comme ayant pris ses fonctions le 1er avril 2009 soit en compétences majoritairement satisfaisantes et indique « je vais installer au c'ur de l'équipe caisse « le client » tout en donnant à mes collaborateurs le plaisir et l'envie de travailler. Equipe intéressante. Bon accueil »

- le compte rendu d'entretien professionnel de madame [M] conduit par monsieur [Z] le 26 janvier 2010 dans lequel la salariée est notée soit en compétences partiellement ou totalement acquises avec une croix en compétences acquises de façon supérieure, ne formule pas de demande de mutation et précise « l'équipe caisse de [Localité 9] a grandi sur l'année 2009. Pour 2010, l'équipe va continuer dans son évolution afin que je puisse atteindre les objectifs fixés avec mon directeur »

- le compte rendu d'entretien professionnel de madame [M] conduit par monsieur [Z] le 4 janvier 2011 dans lequel la salariée est notée soit en compétences partiellement ou totalement acquises, le supérieur hiérarchique donne un avis défavorable aux souhaits d'évolution du collaborateur avec comme raison « terminer sa mission sur [Localité 9] » et la salariée ne formule aucune observation

- une demande de mutation présentée le 9 janvier 2011 par madame [M] pour occuper un poste de responsable régional force de vente sur [Localité 5]

- une attestation de madame [V], RHH à l'entrepôt de [Localité 8], qui indique qu'en février 2011 madame [M] l'a informée être sous antidépresseur et être harcelée par monsieur [Z] et lui avoir conseillé de dire à ce dernier qu'il devait la laisser tranquille sinon elle « en parlera plus haut »

- une attestation de madame [T], demeurant à [Adresse 3], qui indique avoir été contactée téléphoniquement par madame [M] début janvier 2011 pour se plaindre d'être victime de harcèlement sexuel de monsieur [Z] (réception de SMS tendancieux, refus des avances générant des critiques sur son travail), de ses craintes à se rendre à son travail et qui lui a précisé avoir changé de portable et « après une mauvaise manipulation » n'avoir pu récupérer les SMS

- un courriel de monsieur [F] du 17 mars 2010 félicitant monsieur [Z] de la gestion de crise suite à l'incendie de Vaulx et les informations données concernant le « point sinistre »

- une lettre de rappel à l'ordre du 17 novembre 2009 adressée par monsieur [Z] à madame [B], hôtesse de caisse, lui rappelant sa mission de contrôler les chariots des clients

- les entretiens d'évaluation de monsieur [Z] 2008, 2009, 2010

- une attestation de monsieur [F] qui précise avoir remis à monsieur [Z] sa lettre de mise à pied et de convocation à entretien préalable à licenciement en faisant référence à des « faits suffisamment graves sans aucune précision » et une autre dans laquelle il indique avoir reçu les confidences de madame [M], lesquelles lui sont apparues « sincères et réelles » et avoir laissé à celle-ci un temps de réflexion avant de les confirmer par écrit

- des fiches de poste de contrôleur facturier, caissier, contrôleur sortie ;

Attendu que d'une part, les faits reprochés à monsieur [Z] reposent sur les seules déclarations de la victime faites soient à monsieur [F], par écrit, à des amies, à son médecin traitant et ne sont corroborées par aucun élément objectif, que ce soit sous forme par exemple de témoignages de collègues de travail directs ayant constaté le mal être de cette dernière au contact de monsieur [Z] ;

Que la perception qu'a pu avoir monsieur [F] de la crédibilité des déclarations de madame [M] ou les confidences de madame [M] recueillies par mesdames [V] et [T] ou les constatations médicales ou le fait que l'honnêteté intellectuelle ou morale de madame [M] n'ait jamais été prise à défaut au sein de l'entreprise ne peuvent suffire à caractériser les manquements reprochés à monsieur [Z] ;

Que le fait que madame [M] ait pu dans une attestation postérieure d'une année à la dénonciation des faits se référer à un souvenir persistant et douloureux des faits, que monsieur [Z] n'ait pas porté plainte contre madame [M] ne sont pas de nature à établir la matérialité des faits ;

Attendu que d'autre part, si la société Metro Cash & Carry France fait référence aux déclarations qu'auraient tenues monsieur [Z] lors de l'entretien préalable à licenciement, aucun élément objectif ne vient les corroborer et elles ont toujours été déniées par monsieur [Z] ;

Que si monsieur [Z] a pu évoquer comme justification à la dénonce de tels faits par madame [M] des insuffisances de cette dernière et des remontrances de sa part rendues nécessaires, cette explication donnée a posteriori, quel que puisse être son caractère avéré ou non, n'est pas de nature à conforter les déclarations de madame [M] ;

Que le seul fait constant est que madame [M], responsable du département Caisse, a demandé à quitter le site de [Localité 9] en janvier 2011 et que monsieur [Z], le directeur, a formulé un avis défavorable le justifiant par des considérations professionnelles ;

Que l'évaluation de madame [M] réalisée à cette date fait apparaître la nécessité de poursuivre le développement de l'action menée au sein du secteur caisse ;

Attendu qu'enfin, la société Metro Cash &Carry France tire argument de l'attitude de monsieur [Z] pendant la procédure de licenciement qui mis à pied à titre conservatoire sans que les motifs ne lui soient divulgués a « spontanément » compris que cette procédure était liée à un harcèlement sexuel commis sur la personne de madame [M] ;

Qu'elle considère que la précipitation mise par monsieur [Z] à faire attester des salariés est un aveu du harcèlement sexuel commis ;

Que monsieur [Z] a été mis à pied à titre conservatoire le 8 avril 2011, reçu en entretien préalable à licenciement le 18 avril 2011 et licencié le 3 mai 2011 ;

Qu'il produit des attestations de madame [D] datée du 14 avril 2011, de madame [R] datée du 12 avril 2011, de madame [E] datée du 11 avril 2011, de madame [G] datée du 12 avril 2011, de madame [H] datée du 15 avril 2011, de madame [I] datée du 12 avril 2011, de madame [P], datée du 14 avril 2011 lesquelles attestent avoir entretenu avec leur directeur des relations professionnelles et courtoises, exclusives de tout harcèlement ;

Que ces témoignages de soutien apporté par les salariées à leur directeur, mis à pied à titre conservatoire, ne permettent nullement d'en déduire une quelconque reconnaissance par monsieur [Z] de faits de harcèlement sexuel susceptibles d'avoir été commis par lui;

Qu'après la tenue de l'entretien préalable à licenciement, mesdames [W], [D], [E], [G], [H], [K], [Y], [P], [S] et [O] ont entendu dénoncer le comportement négatif de madame [M] présentée comme harcelante et auteur de souffrance au travail en caisse ;

Qu'une pétition a d'ailleurs circulé au sein du site de Vaux en Velin en « soutien total et complet » à notre directeur « absent » ;

Que si madame [L] a pu par lettre du 15 avril 2011 soutenir monsieur [Z] contre madame [M], présentée comme « menteuse, manipulatrice », aucun élément ne vient établir que cette correspondance ait été rédigée à l'initiative de monsieur [Z] et que ce dernier ait communiqué avec les salariés sur les faits qui lui ont été reprochés ;

Attendu que la carence de la société Metro Cash & Carry France dans l'administration de la preuve lui incombant est totale ;

Attendu que les faits reprochés à monsieur [Z] ne sont pas établis ;

Que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences financières de la rupture

Attendu qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, monsieur [Z] avait plus de deux années d'ancienneté, l'entreprise employant habituellement plus de onze salariés ;

Qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, il peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement;

Que les parties s'accordent pour reconnaître que le salaire mensuel brut de monsieur [Z] s'est élevé à 10622 euros ;

Attendu que monsieur [Z] démontre avoir retrouvé un travail au sein de Brico Dépôt, avoir vendu l' appartement acquis en communauté avec son épouse sur [Localité 2] le 27 juin 2012, résider sur [Localité 7] et percevoir au 30 novembre 2013 un revenu mensuel brut de 6137,49 euros ;

Attendu que la cour dispose d'éléments suffisants, eu égard à l'âge du salarié, aux circonstances particulières et vexatoires ayant entouré la rupture des relations contractuelles et aux difficultés relatives de reconversion professionnelle rencontrées, pour allouer à monsieur [Z] une indemnité définitive devant lui revenir personnellement, pouvant être justement évaluée à la somme de 150.000 euros ;

Attendu que la demande de monsieur [Z] de dommages et intérêts pour licenciement abusif vexatoire ne repose pas sur des fondements juridiques et des faits distincts de ceux retenus pour fixer l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que monsieur [Z] doit être débouté de ce chef de demande;

Attendu qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versées au salarié licencié du jour de son licenciement à concurrence de six mois ;

Attendu que monsieur [Z] est fondé en sa demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire à hauteur de 9205 euros outre les congés payés y afférents, d'indemnité compensatrice de préavis de 3 mois à hauteur de 31866 euros outre les congés payés y afférents ;

Que monsieur [Z] est également fondé en sa demande d'indemnité de licenciement à hauteur de la somme de 26555 euros non contestée en son quantum par l'employeur ;

Attendu que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement de monsieur [C] [Z] ne repose pas sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse

- condamné la société Métro Cash & Carry France à payer à monsieur [C] [Z] les sommes suivantes :

*9205 euros au titre de la mise à pied conservatoire outre 920 euros au titre des congés payés y afférents

*31866 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 3186 euros bruts au titre des congés payés y afférents

*26555 euros au titre de l'indemnité de licenciement

*1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté monsieur [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire

- condamné la société Métro Cash & Carry France aux entiers dépens de première instance ;

Attendu que le jugement entrepris doit être infirmé en ses autres dispositions ;

Que les frais d'exécution forcée ne rentrent pas dans les dépens, sont éventuels et la question de leur charge relève de la compétence du juge de l'exécution ;

Que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a inclus les frais d'exécution forcée dans les dépens ;

Attendu que les dépens d'appel doivent être laissés à la charge de la société Metro Cash & Carry France qui succombe en toutes ses demandes et doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée à monsieur [Z] une indemnité complémentaire de 1500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement de monsieur [C] [Z] ne repose pas sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse

- condamné la société Métro Cash & Carry France à payer à monsieur [C] [Z] les sommes suivantes :

*9205 euros au titre de la mise à pied conservatoire outre 920 euros au titre des congés payés y afférents

*31866 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 3186 euros bruts au titre des congés payés y afférents

*26555 euros au titre de l'indemnité de licenciement

*1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté monsieur [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire

- condamné la société Métro Cash & Carry France aux entiers dépens de première instance 

L'infirme en toutes ses autres dispositions

Condamne la société Métro Cash & Carry France à payer à monsieur [C] [Z] la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article L1235-3 du code du travail

Condamne la société Métro Cash & Carry France à rembourser à Pôle Emploi de son lieu d'affiliation les indemnités de chômage versées à monsieur [Z] dans la limite de six mois d'indemnités chômage versées

Dit que les frais d'exécution forcée ne rentrent pas dans les dépens

Y ajoutant

Condamne la société Métro Cash & Carry France à payer à monsieur [C] [Z] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute la société Métro Cash & Carry France de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Métro Cash & Carry France aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Malika CHINOUNE Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/06092
Date de la décision : 30/05/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/06092 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-30;13.06092 ?
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