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28/05/2014 | FRANCE | N°13/02253

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 28 mai 2014, 13/02253


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : 13/02253





SAS ESSAM



C/

[Q]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Février 2013

RG : F 11/02080











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 28 MAI 2014







APPELANTE :



SAS ESSAM

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par

Me Pierre COMBES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



[T] [Q]

née le [Date naissance 1] 1975 à

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Malik NEKAA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nathalie BOUVIER, avocat au barreau de LYON









PARTIES CONVOQUÉ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 13/02253

SAS ESSAM

C/

[Q]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Février 2013

RG : F 11/02080

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 28 MAI 2014

APPELANTE :

SAS ESSAM

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Pierre COMBES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[T] [Q]

née le [Date naissance 1] 1975 à

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Malik NEKAA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nathalie BOUVIER, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 29 Juillet 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Mars 2014

Présidée par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre et Christian RISS, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, président

- Christian RISS, conseiller

- Catherine PAOLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Mai 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Madame [T] [Q] a été embauchée le 3 janvier 2000 en qualité d'assistante de gestion pour une durée indéterminée par la S.A.S. ESSAM.

Elle a été élue déléguée du personnel suppléante le 6 Avril 2009.

Au dernier état des relations contractuelles, elle était assistante comptable, qualification technicienne comptable, avec une rémunération mensuelle de 1.800,00 €.

Le 10 août 2010, après plusieurs arrêts de travail, le médecin du travail l'a déclarée inapte à un poste d'assistante de gestion comptable et à tout poste dans l'entreprise.

Madame [Q] a été convoquée le 3 septembre 2010 à un entretien préalable fixé au 14 septembre 2010 en vue de son licenciement.

La salariée ne s'étant pas présentée à cet entretien, son employeur a sollicité de l'Inspecteur du Travail l'autorisation de procéder à son licenciement en sa qualité de salariée protégée. Cette autorisation lui a toutefois été refusée le 30 septembre 2010 au motif que les recherches de reclassement visant la salariée n'avaient pas été mises en oeuvre après la seconde visite médicale, de sorte que l'obligation de recherche de reclassement pesant sur l'employeur n'avaient pas été respectées.

Par lettre en date du 15 novembre 2010, la société ESSAM a sollicité de l'Inspecteur du Travail une nouvelle autorisation pour procéder au licenciement en faisant valoir que son appréciation de la situation était erronée. L'Inspecteur du Travail a, dans ces conditions, fait connaître par lettre du 10 décembre 2010, que l'autorisation de licenciement était accordée.

Madame [Q] a ainsi été licencié le 14 décembre 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement compatible avec son état de santé.

Elle a ensuite contesté le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail en saisissant le 4 mai 2011 la juridiction prud'homale de demandes tendant à faire juger que son licenciement était consécutif au harcèlement qu'elle avait subi, et a demandé l'attribution de dommages et intérêts pour harcèlement et pour licenciement vexatoire, ainsi que des primes de résultat et de motivation pour les années 2010 et 2011.

A titre subsidiaire, elle a fait valoir que la société ESSAM avait violé son obligation de sécurité de résultat, que son licenciement était de ce fait sans cause réelle et sérieuse, et a sollicité l'octroi de dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 22 février 2013, le conseil de prud'hommes de Lyon, section activités diverses, a dit qu'elle n'avait pas été victime de faits constitutifs d'un harcèlement moral, que son employeur avait respecté l'obligation de reclassement, mais qu'en revanche, il n'avait pas respecté son obligation de sécurité de résultat et a en conséquence condamné la société ESSAM à lui verser les sommes de 15.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité, 774,00 € au titre de la prime de résultat 2010 assise sur les revenus 2009 , 880,00 € au titre de la prime de motivation 2010 assise sur les revenus 2009, 774,00 € au titre de la prime de résultat 2011 assise sur les revenus 2010 , 880,00 € au titre de la prime de motivation 2011 assise sur les revenus 2010, ainsi qu'un montant de 1.200,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée en date du 19 mars 2013 enregistrée le lendemain au greffe, la société ESSAM a interjeté appel de ce jugement dont elle demande l'infirmation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 6 mars 2014 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a déposées le 27 janvier 2014 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses prétentions et moyens en application de l'article 544 du code de procédure civile, et tendant à :

- Débouter Madame [Q] de l'intégralité de ses demandes,

- La condamner aux entiers dépens.

Madame [Q] a pour sa part fait reprendre à cette audience par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a transmises le 21 janvier 2014 et auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses prétentions et moyens, aux fins de voir :

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société ESSAM au paiement des primes de résultat et de motivation 2010 et 2011 et en ce qu'elle a dit que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de sécurité;

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société ESSAM à verser à Madame [Q] la somme de 1.200,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- L'infirmer pour le surplus, et

Constater que Madame [Q] a été victime de harcèlement moral;

Constater que l'inaptitude de Madame [Q] à tout poste dans l'entreprise est directement liée au harcèlement subi;

Constater la faute de l'employeur issue du harcèlement;

Constater que la société ESSAM a violé son obligation de sécurité, en particulier son obligation de faire cesser toute situation ayant pour effet une dégradation des conditions de travail de Madame [Q] et une altération de son état de santé;

Constater la faute découlant de l'absence de recherche de reclassement par la société ESSAM ;

Constater le caractère particulièrement vexatoire du licenciement ;

Condamner en conséquence la société ESSAM à verser à Madame [Q]:

- 32.400,00 € (18 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement, de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat et de l'absence de toute recherche de reclassement;

- 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement particulièrement vexatoire;

- 774,00 € au titre de la prime de résultat 2010 assise sur les revenus 2009;

- 880,00 € au titre de la prime de motivation 2010 assise sur les revenus 2009;

- 774,00 € au titre de la prime de résultat 2011 assise sur les revenus 2010;

- 880,00 € au titre de la prime de motivation 2011 assise sur les revenus 2010;

- 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

La Cour,

1°) Sur le harcèlement moral :

Attendu que l'article L. 1154-1 du code du travail fixe ainsi qu'il suit les règles de preuve en matière de harcèlement :

« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 , le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles »;

Attendu que pour établir les faits constitutifs de harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime de la part de la part de la société ESSAM qui l'employait, Madame [Q] invoque la dégradation de ses conditions de travail ressortant des faits suivants :

un changement brutal de son poste qui, au lieu d'évoluer comme prévu vers un poste de comptable niveau 2.3, devait finalement être apuré d'une partie des attributions qui lui incombaient jusqu'alors :

Attendu que la salariée, après avoir été assistante comptable , classification 2.2 depuis plus de 10 ans, s'est vue proposer courant 2009 un poste de comptable, classification 2.3 dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise et du nouvel organigramme mis en place par son employeur; qu'elle reconnaît que, dans le cadre de réunions organisées à la fin de l'année 2009, il lui avait été demandé de travailler avec Madame [X], également assistante comptable engagée en 2007 ;

qu'elle prétend que ses conditions de travail se sont subitement dégradées à partir de l'été 2009 lorsque la directrice de la société a commencé à travailler plus étroitement avec Madame [X], et que le comportement conjugué de ces dernières, ajouté aux méthodes managériales employées, a encore accentué le climat de tension qui règnait depuis toujours au sein de la société ;

que, contre toute attente, c'est finalement Madame [X], fraîchement arrivée, qui a été promue au poste de comptable qui lui avait été proposé quelque mois plus tôt; qu'à son retour d'arrêt maladie, le 16 mars 2010, elle s'est vue encore retirer la moitié de ses tâches, à savoir la gestion des ventes, avec interdiction d'accéder au fichier concerné; que ces faits participent à la tentative de déstabilisation entreprise par la direction de la société à son encontre ;

Mais attendu que la société ESSAM justifie avoir voulu positionner l'entreprise dans une démarche positive d'évolution, respectueuse de la notion de responsabilité sociale et environnementale; qu'elle a sollicité un organisme pour l'accompagner dans l'établissement de son diagnostic et la recherche d'actions à mettre en oeuvre ; qu'elle a ensuite décidé de poursuivre cette démarche en ayant recours à un programme conduit par la Chambre de Commerce et de l'Industrie de Lyon ;

qu'elle a recruté dans ce contexte de Madame [X] à compter du 17 décembre 2007, alors qu'elle était titulaire des diplômes nécessaires pour occuper le poste de comptable et avait bénéficié d'une solide expérience professionnelle sur ce poste; qu'elle occupait au début de l'année 2009, tout comme Madame [Q] , un poste d'assistante comptabilité gestion, classification 2.2 ;

Attendu que la société ESSAM justifie ensuite par les attestations de Monsieur [Z] [H], adjoint chargé d'affaires, et de Monsieur [N] [J] [E] , technicien frigoriste, que le comportement de Madame [Q] a brusquement changé à partir de la mise en oeuvre de cette nouvelle organisation à l'égard de laquelle elle exprimait une forte animosité ;

que Monsieur [B] [M], consultant formateur missionné par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon pour mener à bien le programme de rénovation, a pour sa part témoigné de sa surprise devant « le peu de participation des collaboratrices et par l'individualisme qui régnait, ce qui tranchait avec les interventions antérieures dans les autres activités » ; que certaines personnes, dont Madame [Q], ont adopté un comportement perturbateur « avec une volonté marquée de se servir de la réunion comme d'une tribune pour critiquer, minimiser, remettre en cause, voire nier l'intérêt de cette action et contester la compétence de ceux qui l'ont entreprise » ;

que Madame [C] [U], assistante administrative, a pour sa part attesté de l'existence de « mini-conciliabules . . . pour dénigrer la direction » auxquels participait Madame [Q];

que Madame [X] a indiqué avoir ressenti une aversion envers elle de la part des autres assistantes, et notamment de Madame [Q] ;

Attendu qu'il ressort en conséquence de ces éléments que Madame [Q] s'est opposée, avec d'autres salariés, au bon déroulement de la réorganisation mise en oeuvre par la société ESSAM , alors même que l'employeur avait pour objectif de promouvoir tant Madame [X] que Madame [Q] au poste de comptable niveau 2.3 pour leur permettre de travailler ensemble en binôme ;

que la société ESSAM reconnaît avoir effectivement proposé au mois de février 2010 à Madame [Q] et à Madame [X] d'occuper le poste de comptable, classification 2.3, mais que seule Madame [X] l'a accepté, Madame [Q] l'ayant refusé ;

Attendu dans ces conditions que Madame [Q] ne peut reprocher à son employeur un quelconque acte constitutif de harcèlement moral ressortant de son absence de promotion par rapport à Madame [X] avec laquelle elle refusait de travailler, ou encore de la modification de ses attributions ressortant du pouvoir de direction de son employeur dans le cadre de la nouvelle organisation mise en place à laquelle elle s'est constamment opposée ;

le comportement agressif de Monsieur et Madame [Y] à son égard :

Attendu que Madame [Q] prétend ensuite avoir fait l'objet, au cours d'un entretien tenu le 9 février 2010 en présence de Monsieur et Madame [Y], dirigeants de l'entreprise au moment des faits, de reproches et propos humiliants touchant à sa vie privée, agrémentés des agissements violents de Monsieur [Y], sorti du bureau de manière furieuse et brutale; que ce fait aurait été directement à l'origine de la dégradation sévère de son état de santé constatée par le médecin du travail au mois de mars 2010, tout en constituant l'aboutissement d'un certain nombre d'années pendant lesquelles elle avait été régulièrement victime des états colériques et des accusations à tort de Monsieur [Y] ;

qu'elle verse aux débats les attestations de plusieurs salariées qui ont toutes subi le comportement autoritaire de Monsieur et Madame [Y] ;

Attendu qu'il apparaît cependant que ces attestations émanent pour la plupart des personnes opposées à la direction de la société et à la réorganisation par elle mise en place;

que l'attestation de Madame [V] [F] a été l'objet d'un signalement adressé par Monsieur et Madame [Y] au procureur de la République pour faire état de faits matériellement inexacts ;

que Madame [Y] a en outre fait constater par huissier que, si l'on pouvait entendre dans le bureau de Madame [D] [A] des éclats de voix provenant du bureau comptabilité, il n'était pas possible en revanche de comprendre les mots prononcés ni reconnaître la personne qui en était l'auteur, contrairement à ce que cette dernière a attesté;

Attendu que la société ESSAM produit aux débats d'autres attestations émanant d'intervenants extérieurs, de salariés de l'entreprise, notamment d'un délégué du personnel, faisant état de la rigueur au travail demandée par Monsieur [Y] aux employés, mais également de l'absence de toute violence verbale ou physique de sa part, voire psychologique, à leur égard, les personnes témoignant au contraire de leur satisfaction d'avoir travaillé dans l'entreprise et décrivant Madame [Q] comme une personne agressive et recherchant par ses propos le conflit ;

Attendu dans ces conditions que les accusations formulées par Madame [Q] à l'encontre de la direction de la société sont pas unanimement partagées, mais reflètent au contraire son ressentiment, et celui d'un nombre non négligeable d'employés, à l'égard de la réorganisation engagée et des dirigeants de la société qui la mettaient en oeuvre ;

les tentatives d'intimidation et des pressions incessantes de la direction et de Madame [X] :

Attendu que Madame [Q] prétend encore que la direction de la société s'est constamment acharnée sur elle par une succession de reproches, la privation d'une partie de ses attributions, ainsi qu'un encadrement et une surveillance si étroite de son travail qu'il était difficile de ne pas y voir une tentative de provocation et de déstabilisation, amenant une incontestable dégradation de ses conditions de travail, et elle produit encore différentes attestations en ce sens ;

Attendu que la société ESSAM justifie pour sa part au moyen d'autres attestations de la réelle volonté de la direction d'impliquer chaque collaborateur à la bonne marche de l'entreprise, du caractère très ouvert et volontaire de Madame [Y] , attachée au bien-être et à l'évolution des conditions de travail des salariés de l'entreprise, et au contraire de la susceptibilité de Madame [Q] qui n'a pas accepté l'évolution professionnelle de sa collègue, Madame [X], alors même que la direction lui avait proposé à différentes reprises une possibilité d'évolution accompagnée de formations ;

qu'il apparaît ainsi que, contrairement aux dires de Madame [Q] , la société ESSAM a véritablement tenté d'améliorer ses conditions de travail ;

le défaut de paiement des primes :

Attendu que Madame [Q] prétend enfin avoir été victime de discrimination liée au défaut de paiement des primes au cours des années 2010 et 2011, alors qu'elle n'avait fait l'objet d'aucune sanction ni observation écrite, et qu'en outre leur distribution était totalement arbitraire, ainsi qu'en ont attesté plusieurs salariés ;

Attendu que la société ESSAM soutient pour sa part que les conditions d'attribution des primes sont identiques et qu'elles ont été clairement définies par notes de service ;

que l'attribution de la prime de rentabilité et de la prime de motivation est conditionnée par l'atteinte d'un seuil de rentabilité de l'entreprise déterminé en comparant le chiffre d'affaires réalisé au titre de l'exercice précédent et les charges afférentes à ce même exercice, ainsi que par une condition d'ancienneté d'au moins un an ;

Attendu que, pour attribuer le paiement de ces primes à Madame [Q] , le conseil de prud'hommes a considéré que la salariée remplissait ces conditions ;

Mais attendu qu'aucune prime n'a été versée à quiconque au cours de l'année 2010 en raison d'un résultat déficitaire de la société justifié au cours de l'exercice 2009 ;

que Madame [Q] est dès lors mal fondée à en obtenir seule le paiement pour cette année ;

que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes doit en conséquence être réformé sur ce point et la salariée déboutée de sa demande présentée en paiement des dites primes pour l'année 2010 ;

qu'elle ne peut ainsi se dire victime de discrimination pour ne les avoir pas perçues en 2010;

Attendu que la société ESSAM soutient ensuite qu'en application de sa note de service n° N10971-Actualisation 2010, les primes ne sont pas versées « lorsque le salarié a un comportement inadapté à la vie de l'entreprise »;

que celui-ci s'entendant de tout comportement pouvant être qualifié de perturbateur au sein de l'entreprise et/ou n'ayant pas contribué à favoriser la rentabilité et l'image de marque de la société, Madame [Q] a été privée du bénéfice des primes assises sur l'exercice 2010, ensuite versées en 201,1pour avoir adopté une attitude hostile à l'égard de Madame [X] avec qui elle était amenée à travailler, et fait preuve d'un comportement négatif à défaut de manifester une réelle volonté d'adaptation à la réorganisation des fonctions administratives et comptables qui avait alors lieu au sein de l'entreprise ;

Mais attendu que le comportement qualifié de perturbateur procède de la seule appréciation subjective de l'employeur et non de critères objectifs précis préalablement portés à la connaissance des salariés ;

que si Madame [Q] a dénoncé à son employeur les faits qu'elle estimait, à tort, constitutifs de harcèlement moral, cette circonstance ne pouvait la priver de percevoir les primes qui lui étaient régulièrement dues ;

qu'il importe en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ESSAM à lui payer la somme de 774,00 € au titre de la prime de résultat 2011 assise sur les revenus de l'année 2010, ainsi que celle de 880,00 € au titre de la prime de motivation 2011 assise sur les mêmes revenus ;

Attendu cependant que ce fait unique ne saurait être constitutif de harcèlement moral, dans la mesure où l'article L. 1152-1 du code du travail stipule que celui-ci doit résulter des agissements répétés de l'employeur susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel;

Attendu enfin que l'existence d'arrêts de travail pour raisons médicales ne suffit pas à caractériser un harcèlement moral ;

Attendu dans ces conditions qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que Madame [Q] n'établit pas de faits suffisants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait été victime de la part de son employeur ;

qu'il convient dès lors de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit et jugé qu'elle n'avait pas été victime de faits constitutifs d'un harcèlement moral;

Attendu en conséquence qu'en l'absence de tout harcèlement moral, le conseil de prud'hommes ne pouvait considérer que la société ESSAM n'avait pas respecté son obligation de sécurité de résultat en raison de comportements nuisant à l'entreprise et la sécurité des salariés, et condamner cette dernière à payer à Madame [Q] des dommages et intérêts à ce titre, alors même que la conduite du changement avait été menée avec l'assistance de la cellule d'appui au dialogue social de la DIRRECTE Rhône-Alpes, et que Madame [Q] avait pu participer aux différentes réunions organisées au cours desquelles la direction de la société avait répondu à toutes les questions posées ;

qu'il importe en conséquence de réformer le jugement entrepris et de débouter Madame [Q] de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

2°) Sur le licenciement :

Attendu qu'il ressort des développements qui précèdent que Madame [Q] n'ayant subi aucun harcèlement moral de la part de son employeur, elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail pour invoquer la nullité de son licenciement et obtenir à ce titre le paiement des dommages et intérêts qu'elle sollicite ;

que la rupture de son contrat de travail par la société ESSAM est consécutive à l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail et l'autorisation administrative donnée à son licenciement en sa qualité de salariée protégée ;

Attendu qu'elle soutient encore que la société ESSAM aurait manqué à son obligation de reclassement consécutive à l'avis d'inaptitude dont elle a fait l'objet de la part du médecin du travail ;

qu'il importe toutefois d'observer qu'une proposition de reclassement a été proposée à la salariée sur un poste d'assistante de gestion nouvellement créé à [Localité 2], avec un délai de réflexion jusqu'au 22 octobre 2010, et que Madame [Q] s'est abstenue d'y répondre

Mais attendu que l'Inspecteur du Travail a autorisé son licenciement en raison de la protection dont elle disposait pour avoir été élue déléguée du personnel suppléante le 6 Avril 2009 ;

que le juge judiciaire n'est pas compétent pour remettre en cause la validité de la rupture d'un contrat de travail autorisée par une autorité administrative en vertu du principe de séparation des pouvoirs ;

que Madame [Q] ne peut dès lors qu'être encore déboutée de ce chef de demande et le jugement déféré pareillement confirmé ;

Attendu enfin qu'en l'absence de harcèlement moral dont elle aurait été victime, alors qu'elle s'est au contraire elle-même attachée à combattre la réorganisation mise en place par son employeur, Madame [Q] ne justifie pas en quoi son licenciement pour inaptitude serait intervenu dans des conditions vexatoires; qu'elle doit encore être déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre; que le jugement déféré mérite encore être confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande correspondante ;

Attendu enfin que Madame [Q], qui ne voit pas aboutir la plupart de ses prétentions devant la cour, ne peut obtenir l'indemnité qu'elle sollicite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

que les dépens doivent être laissés à la charge respective des parties qui les ont engagés;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement rendu le 22 février 2013 en ce qu'il a constaté que Madame [T] [Q] n'a pas été victime de faits constitutifs d'un harcèlement moral, dit que le licenciement est consécutif à la décision de la médecine du travail et a condamné la société ESSAM à lui payer les sommes de 774,00 € au titre de la prime de résultat 2011 assise sur les revenus 2010 et 880,00 € au titre de la prime de motivation 2011 assise sur les revenus 2010 ;

INFIRME pour le surplus le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

DEBOUTE Madame [T] [Q] de toutes ses autres demandes ;

LAISSE à chacune des parties la charge des dépens par elles engagés tant en première instance que devant la cour.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 13/02253
Date de la décision : 28/05/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°13/02253 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-28;13.02253 ?
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