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23/05/2014 | FRANCE | N°13/06251

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 23 mai 2014, 13/06251


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 13/06251





ASSOCIATION HOTEL SOCIAL



C/

[L]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Juillet 2013

RG : F 11/03553











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 23 MAI 2014







APPELANTE :



ASSOCIATION HOTEL SOCIAL

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Edouard NEHMAN, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[D] [L]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 2]



comparant en personne, assisté de Me Jean-Philippe MAILLE de la SELARL CABINET DELAMBRE ET ASSOCIÉS, avocat au...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 13/06251

ASSOCIATION HOTEL SOCIAL

C/

[L]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 05 Juillet 2013

RG : F 11/03553

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 23 MAI 2014

APPELANTE :

ASSOCIATION HOTEL SOCIAL

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Edouard NEHMAN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[D] [L]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Jean-Philippe MAILLE de la SELARL CABINET DELAMBRE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 09 septembre 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Mars 2014

Présidée par Catherine PAOLI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nicole BURKEL, président

- Marie-Claude REVOL, conseiller

- Catherine PAOLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Mai 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [D] [L] contestant son licenciement pour faute grave a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon (section activités diverses) lequel par jugement contradictoire du 5 juillet 2013, a :

- dit que le licenciement de Monsieur [D] [L] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et n'est donc pas fondé

En conséquence

-condamné l'Association de Hôtel Social à verser à Monsieur [D] [L] les sommes suivantes :

* 3540,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 354,03 euros au titre des congés payés afférents

* 4425 euros au titre de l'indemnité de licenciement

* 10621,02 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rappelé l'exécution provisoire de droit sur les créances salariales et dit que la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire du demandeur s'élève à 1770,20 euros

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires, dont la demande au titre de la mise à pied

- condamné l'Association de Hôtel Social aux entiers dépens.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée à l'Association Hôtel Social en date du 5 juillet 2013 qui n'a pas été réclamée.

La Cour est régulièrement saisie par l'appel formé par l'Association Hôtel Social par lettre recommandée postée le 18 juillet 2013 et réceptionnée au greffe le 22 juillet 2013.

Monsieur [D] [L] a été embauché par l'Association Hotel Social (LAHso) dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en date du 12 septembre 2006 en qualité d'aide éducateur pour un poste situé au point ' Accueil' et ce afin de pourvoir au remplacement provisoire d'un salarié : Monsieur [Z] [B], puis par contrat à durée indéterminée en date du 25 juillet 2007 en qualité d'aide éducateur et à temps partiel (30 heures hebdomadaires de travail).

Par avenant du 1er janvier 2008, le contrat à temps partiel est passé à temps plein.

Affecté au point « Accueil », Monsieur [D] [L] soutient avoir été confronté à des relations difficiles avec le public à qui s'adresse son employeur.

L'employeur a convoqué Monsieur [D] [L] à un entretien préalable à licenciement fixé au 1er juillet 2011 par lettre du 20 juin 2010, l'a mis à pied à titre conservatoire et licencié pour faute grave par lettre du 13 juillet 2011.

LAHSo emploie plus de 11 salariés (environ 100) et est dotée d'institutions représentatives du personnel.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des centres d'hébergement et de réadaptation sociale.

Monsieur [D] [L] a déclaré à l'audience être âgé de 37 ans à la date de la rupture des relations contractuelles, avoir perçu des allocations chômage pendant 24 mois et n'avoir pas retrouvé de travail fixe mais uniquement quelques emplois dans le cadre de missions d'intérim.

Par conclusions déposées le 2 décembre 2013, visées par le greffier le 13 mars 2014 et soutenues oralement lors des débats à l'audience, l'Association Hôtel Social demande à la cour de :

- dire et juger que Monsieur [D] [L] était présent et assisté lors de l'entretien préalable au licenciement du 1er juillet 2011

- par conséquent confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il a débouté Monsieur [D] [L] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement

A titre principal

- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il a jugé imprécise la lettre de licenciement du 13 juillet 2011

-dire et juger le licenciement pour faute grave de Monsieur [D] [L] bien-fondé

- par conséquent débouter Monsieur [D] [L] de l'intégralité de ses demandes

A titre subsidiaire

- si par extraordinaire la cour de céans venait à juger le licenciement de Monsieur [D] [L] dénué de cause réelle et sérieuse, confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a limité la demande de dommages et intérêts de Monsieur [D] [L] à la somme de 10621,02 euros conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail

- dire et juger que Monsieur [D] [L] n'apporte pas la preuve de la faute commise par elle dans la mise en 'uvre de la procédure de licenciement

- par conséquent confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts à ce titre

- à titre subsidiaire, réduire la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire à de plus stricte proportions

Faire droit à sa demande reconventionnelle :

- constater que Monsieur [D] [L] a indûment perçu la somme de 1243,26 euros au titre des indemnités journalières et du maintien de salaire pour la période du 21 juin au 13 juillet 2011

- constater que la caisse primaire d'assurance-maladie a, par décision du 21 septembre 2011, refusé la prise en charge du caractère professionnel de l'accident du travail déclaré le 27 juin 2011 par Monsieur [D] [L]

- par conséquent condamner Monsieur [D] [L] à rembourser à la CPAM la somme indûment perçue de 1243,26 euros

A titre infiniment subsidiaire

- si la cour de céans venait à juger le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a ordonné la compensation de cette somme avec la demande de rappel de mise à pied conservatoire de Monsieur [D] [L]

- en tout état de cause condamner Monsieur [D] [L] à lui verser la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 21 janvier 2014, visées par le greffier le 13 mars 2014 et soutenues oralement lors des débats à l'audience Monsieur [D] [L] demande à la cour de

- débouter l'Association Hôtel Social de l'ensemble de ses demandes

- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il a jugé qu'il a été régulièrement convoqué à son entretien préalable

- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a condamné l'Association Hôtel Social à lui régler la somme de 1470,42 euros au titre de la mise à pied infligée à tort outre les congés payés y afférents soit 147,04 euros

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a ordonné la compensation entre les 1243,26 euros réclamés par l'Association Hôtel Social et les sommes dues au titre de la mise à pied

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a condamné l'Association Hotel Social à lui régler

* 3540,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés soit 354, 03 euros

* 4425 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement* 10621,02 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- porter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 23000 euros nets de CSG et CRDS

- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

- condamner l'Association Hôtel Social à lui régler la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

- dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir

- condamner l'Association Hôtel Social à lui régler la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la même aux entiers dépens.

Lors des débats à l'audience, les parties ne discutent pas le refus de prise en charge par la CPAM de l'accident survenu le 24 juin 2011 au titre de la législation des risques professionnels et l'appelante demande que le remboursement des indemnités journalières de sécurité sociale soit prononcé en sa faveur.

Mention en a été portée sur la note d'audience signée par le conseiller rapporteur et le greffier.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement.

MOTIFS DE LA DECISION

1 - 1 Selon l'article L1231-1 du code du travail, le « contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.

Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai.».

L'article L1232-1 du même code précise que « tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.»

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail qu'il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et, dans les limites fixées par la lettre de licenciement, le bien fondé du licenciement L'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave doit d'une part établir l'exactitude des faits imputés personnellement au salarié dans la lettre et d'autre part démontrer que ceux-ci constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

De plus, aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié qu'il considère comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L'employeur exerce son pouvoir dans les limites fixées par la loi et le règlement intérieur de l'entreprise.

Les garanties procédurales qui entourent ces mesures sont prévues aux articles L1332-1 et suivants du même code.

Par ailleurs, en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. La date d'engagement des poursuites disciplinaires étant celle à laquelle le salarié concerné est convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.

Il convient enfin de rappeler que l'article 3.6 de la convention collective des Centres d'Hébergement et de Réadaptation Sociale et Services d'Accueil, d'Orientation et d'Insertion pour Adultes, applicable en l'espèce, précise les conditions dans lesquelles l'employeur exerce son pouvoir disciplinaire, cet article stipule ainsi que « les mesures disciplinaires applicables aux personnels des établissements ou services s'exercent sous les formes suivantes :

- l'observation, - l'avertissement, - la mise à pied avec ou sans salaire (pour un maximum de trois jours), - le licenciement.

L'observation, l'avertissement et la mise à pied, dûment motivés par écrit, sont prononcés conformément au règlement intérieur de l'établissement, déposé au Greffe du Tribunal d'Instance en application de la législation en vigueur.

Avant de prononcer une sanction disciplinaire ayant une incidence immédiate ou non sur sa présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération, l'employeur est tenu de respecter la procédure qui comporte un entretien préalable et la notification écrite de la sanction dans les conditions fixées par les articles L. 122-40 et suivants du code du Travail (articles L. 1331-1 et suivants du nouveau code du Travail).

Toute sanction encourue par un salarié et non suivie d'une autre dans un délai maximal de deux ans sera annulée : il n'en sera conservé aucune trace.

Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié, si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions citées ci-dessus.

Pour la procédure de licenciement, les dispositions de l'article L. 122-14 du code du travail (articles L. 1232-2 et suivants du nouveau code du travail) s'appliqueront aux établissements quel que soit le nombre de salariés ».

1 - 2 La lettre de licenciement en date du 13 juillet 2011 notifiée à Monsieur [D] [L], laquelle fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes :« Je vous ai reçu le 1er juillet 2011 pour l'entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'à votre licenciement.

Je suis au regret de vous informer, malgré les explications que vous nous avez données, de la décision prise par l'association de procéder à votre licenciement.

Ainsi que je vous l'ai exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

1/ vous avez tenu ou participé à des gestes et propos injurieux à l'adresse de votre chef de service et de votre Directeur général comme par exemple parlant de votre chef de service : « elle a couché avec [N] pour avoir sa place ; c'est une salope une manipulatrice, une incompétente ; elle ressemble à une bouteille d'Orangina ; elle a un gros cul; « qu'avec sa façon de s'habiller et le public que l'on reçoit, elle va se faire violer et elle l'aura bien cherché ». Vous êtes même allée jusqu'à mimer la chef de service en frottant vos fesses contre le visage d'un de vos collègues de travail.

2/ Vous avez refusé de nous indiquer pourquoi vous hébergiez des courriers adressés au nom de [P] [K] (même nom que l'ancien directeur) alors que ceux-ci devaient être retournés à l'expéditeur puisque ce dernier n'a jamais été domicilié au Point Accueil.

3/ Vous avez demandé avec insistance à un de vos collègues de ne pas informer la direction de la réparation possible de deux sèche-linges, l'informant que vous souhaitiez les récupérer pour votre usage personnel.

Nous considérons que ces faits sont constitutifs d'une faute grave et rendent impossible la poursuite de notre collaboration de même que votre maintien dans l'entreprise.

Votre licenciement est donc immédiat et, conformément à la loi, privatif des indemnités de préavis et de rupture.

Par ailleurs, les dispositions afférentes à ce type de licenciement auraient dû nous conduire à ne pas vous verser le salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire. Toutefois en application des règles relatives à l'accident du travail que vous avez déclaré peu après votre mise à pied, votre rémunération sera prise en charge et ce jusqu'à la date de votre licenciement ».

1 - 3 Le salarié conteste tout d'abord la régularité de la procédure de licenciement dont il a été l'objet mais n'en tire aucune conséquence indemnitaire.

Il indique que la lettre de mise à pied conservatoire qui lui a été remise fait état d'une convocation à un entretien préalable qui ne lui a jamais été remise malgré l'indication d'une telle remise en main propre, ce qui soutient-il lui fait grief.

L'employeur produit en pièce 17 la lettre du 20 juin 2011 ; cette lettre mentionne en « objet : envoi de votre convocation préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement avec mise à pied à titre conservatoire » et un « envoi en RAR » dont l'accusé de réception n'est toutefois pas versé aux débats pas plus que n'est versée aux débats la lettre de convocation à un entretien préalable dont il est fait état.

Cette lettre s'achève par le rappel de la convocation à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement prévu le 1er juillet 2011 à 15h. La faculté que le salarié a lors de cet entretien de se faire assister par un autre salarié ne figure pas dans ce courrier et il n'est pas possible de vérifier que la convocation dont il est fait état était régulière.

Toutefois, si le salarié a soulevé la question de l'irrégularité de sa convocation dès le début de l'entretien préalable à un éventuel licenciement et reprend ce moyen devant la cour, il convient cependant de constater qu'il était présent et assisté d'un salarié lors de cet entretien.

En tout état de cause cette irrégularité ne saurait avoir pour conséquence de priver le licenciement d'une éventuelle cause réelle et sérieuse.

1 - 4 L'employeur, à la lecture de cette lettre, énonce trois fautes qu'il reproche au salarié ; elles y sont précisément décrites et ce nonobstant l'absence d'indication de date.

Le salarié, à la lecture de cette lettre, est tout à fait en mesure de connaître les motifs qui conduisent l'employeur à le licencier et, dès lors, de les contester. Il s'agit de motifs précis au sens de l'article L. 1232-6 du code du travail dont cependant au cas présent, eu égard aux moyens soulevés par le salarié comme au caractère disciplinaire du licenciement, l'employeur doit rapporter la preuve non seulement de la matérialité des faits graves qu'il reproche au salarié mais aussi de leur absence de prescription.

1 - 5 S'agissant des propos déplacés et injurieux à l'égard de sa hiérarchie l'employeur fonde ce reproche sur la lettre de Monsieur [Q] datée du 10 juin 2011 soutenant qu'aucune prescription n'est acquise car c'est à cette date que l'employeur a eu connaissance de ces faits.

A la lecture de cette lettre de Monsieur [Q], signée par ce dernier et à laquelle est annexée une pièce d'identité de son auteur, il se déduit que les faits et propos qu'il rapporte se sont tenus devant lui de manière régulière et continue depuis son arrivée et donc jusqu'au jour de délivrance de son témoignage. Ils sont tenus par l'équipe du centre d'accueil en général et en particulier par Monsieur [D] [L] à l'encontre de madame [E].

En effet après avoir précisé qu'il s'agit d'une liste non exhaustive et mentionné un certain nombre de propos désobligeants et à connotation sexuelle tenus à l'encontre de Madame [E] il indique : «  [A] [M] joignant le geste à la parole « elle attend qu'une chose c'est que je lui prenne son gros cul» tout en mimant par des mouvements des hanches et des mains de la « prendre par derrière ». Outre que par leur grossièreté ces termes sont à eux seuls inadmissibles de la part d'un travailleur social à l'encontre de son responsable hiérarchique direct comme à l'égard de toute personne, ils sont placés en fin de liste permettant d'en conclure que pour Monsieur [Q] l'ensemble de ces propos, hormis ceux attribués personnellement à Madame [O], étaient aussi tenus par Monsieur [D] [L], ce que la teneur des derniers propos rapportés corrobore.

Pour soutenir que l'employeur connaissait ces faits bien avant le 10 juin 2011 et qu'ils seraient donc prescrits, le salarié produit un courriel de Madame [E] en date du 7 juin 2011 adressé à la direction de l'association.

Nonobstant les conditions dans lesquelles le salarié a pu entrer en possession de ce document et sur lesquelles l'employeur s'interroge légitimement (une plainte a d'ailleurs été déposée), il ne saurait s'inférer de la circonstance que Madame [E] dénonce dans ce mail du 7 juin les propos tenus sur elle depuis plusieurs mois la conséquence que l'employeur ait eu personnellement connaissance de ces propos avant dénonciation.

Il apparaît au contraire à la lecture de ce mail que ce sont les événements des dernières semaines qui l'ont conduite à devoir alerter sa hiérarchie.

Au demeurant les dates de ce mail de dénonciation et l'attestation précitée de Monsieur [Q] sont proches et concordantes dans le temps.

De plus, Monsieur [Q] précise « actuellement je n'ai qu'un souhait c'est de mettre un terme à tout ça en parlant de ce que j'ai vu de ce dont je me sens complice par mon silence. Je ne le fais ni par sentiment de revanche ni par colère mais plutôt par justice envers [S] [E] et nos usagers ».

Il n'avait aucun intérêt à témoigner, comme le souligne l'employeur, dans la mesure où son contrat n'était effectivement pas renouvelable et il a joint à son témoignage, certes dactylographié, la photocopie de sa pièce d'identité et les signatures figurant sur la lettre et le document d'identité sont concordantes démontrant ainsi qu'il est bien l'auteur de cette lettre et qu'il endosse la responsabilité et les conséquences de ses propos.

Monsieur [N] et Madame [E] attestent des souffrances générées par les atteintes personnelles et professionnelles dont ils ont fait l'objet de la part de Monsieur [D] [L].

Enfin si Monsieur [D] [L], qui conteste être l'auteur des propos que lui reproche l'employeur, produit diverses attestations de personnes le décrivant comme quelqu'un de respectueux, ne l'ayant jamais entendu tenir des propos injurieux ou désobligeants, ces témoignages ne sont toutefois pas contradictoires avec celui circonstancié de Monsieur [Q] et ne peuvent suffirent à en invalider la teneur.

Monsieur [D] [L] produit un compte rendu de réunion tenue le 14 juin 2011 dans lequel il apparaît comme une personne pouvant être impulsive et qui pourrait, s'il n'est retenu, aller jusqu'à un contact physique.

De même il ne peut reprocher à l'employeur de n'avoir par diligenté une enquête préalable dès lors que le motif du licenciement ne repose pas sur des faits de harcèlement moral.

1- 6 L'employeur reproche ensuite à Monsieur [D] [L] d'avoir réceptionné aux fins de transmission des courriers au nom d'une personne qui n'était pas officiellement domiciliée dans le centre.

Pour justifier de cette faute, qu'il reproche aussi à un autre salarié qui a également fait l'objet d'une mesure de licenciement, l'employeur produit un courrier du 6 mai 2011 adressé à Monsieur [G] [K], l'attestation de Monsieur [Q] qui indique que si en mai les courriers ont été pris dans un tiroir du bureau de Monsieur [D] [L], absent, par une autre salariée, les mois précédents il a constaté que c'était ce dernier qui récupérait les dit courriers.

L'employeur verse également les documents relatifs aux conditions d'agréments des associations pour la domiciliation des personnes sans domiciliation stable et les conditions que doivent remplir ces dernières pour bénéficier d'une telle domiciliation. Il justifie en outre de la liste des personnes bénéficiant en 2011 d'une telle domiciliation au centre d'accueil au nombre desquelles ne figure pas Monsieur [G] [K].

Si les faits proprement dits de mai 2011 ne peuvent être imputés à ce salarié, il ressort de ces pièces la preuve d'une continuité dans le non respect des protocoles de la part de Monsieur [D] [L] justifiant que cette faute, elle aussi établie, fonde valablement le licenciement.

1 - 7 L'employeur reproche enfin à Monsieur [D] [L] d'avoir délibérément caché le caractère réparable d'équipements électroménagers à sa hiérarchie afin de pouvoir récupérer ce matériel à titre personnel.

Les faits remontent à la fin de l'année 2010 ou au début de l'année 2011. La panne des matériels est avérée toutefois il n'est ni soutenu ni établi que Monsieur [D] [L] ait eu dans ses attributions la charge des services techniques avec notamment la mission de réparer les machines litigieuses ou de faire appel à une entreprise de service pour les réparer ou plus généralement qu'il ait joué un rôle dans la qualification de 'non réparable' de ces équipements.

Il est en revanche constant qu'il a demandé et obtenu du responsable du centre, après que ce matériel ait été remplacé, l'autorisation de le récupérer à titre personnel, dans ce contexte la circonstance que ce matériel ait pu se révéler réparable ne peut constituer une faute justifiant son licenciement.

1 - 8 Il résulte des développements qui précèdent la preuve que deux des fautes reprochées à Monsieur [D] [L] par l'employeur sont établies.

Ces fautes, en raison d'une part du risque de faire perdre à l'employeur un agrément administratif et d'autre part de la teneur des propos, grossiers et à forte connotation sexuelle, lesquels portent atteinte à l'honneur et la personne du responsable du centre, constituent des fautes graves rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La mesure de licenciement prononcée est proportionnée à la gravité des faits reprochés.

Enfin, dès lors que le licenciement repose sur une faute grave, il n'avait à être précédé, pour être valable, de deux sanctions à caractère disciplinaire ainsi que le soutient à tort le salarié.

Le jugement qui a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être infirmé.

2- Monsieur [D] [L] indique que la rupture a été brusque et vexatoire et il sollicite de ce chef une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il est indéniable qu'une mise à pied à titre conservatoire est par définition brusque cependant il résulte des pièces de la procédure que cette mise à pied était justifiée et si la responsable du centre a effectivement informé les autres salariés du licenciement de Monsieur [D] [L] c'était le 13 juillet 2011 soit le jour de l'envoi de la lettre de licenciement.

Monsieur [D] [L] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour les conditions brusques et vexatoires du licenciement dont il a fait l'objet.

3 - L'Association Hôtel Social maintient en cause d'appel ses demandes de première instance tendant au remboursement de la somme de 1243,26 euros correspondant d'une part au maintien du salaire et d'autre part aux indemnités journalières de sécurité sociale versées au titre de la subrogation de cet organisme pendant l'arrêt de travail pour accident de Monsieur [D] [L] survenu durant la mise à pied à titre conservatoire de ce dernier

Après instruction, la CPAM a finalement refusé de prendre en charge de l'arrêt de travail au titre de la législation des risques professionnels.

La décision de refus de cet organisme n'a pas été contestée par le salarié et elle est aujourd'hui définitive.

Dès lors que le licenciement pour faute grave est fondé, l'employeur n'était pas tenu au paiement du salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire et dès lors également que le salarié n'était pas en arrêt de travail pour accident du travail durant cette même mise à pied à titre conservatoire, l'employeur n'était pas tenu au maintien du salaire et a fortiori, dans le cadre de la subrogation de l'organisme de sécurité sociale, au paiement des indemnités journalières de sécurité sociale.

Tel a pourtant été le cas, cela n'est pas contesté par Monsieur [D] [L], qui ne discute d'ailleurs pas le montant qui lui est réclamé sollicitant tout au plus la confirmation du jugement qui a ordonné la compensation avec les sommes qui lui sont dues. Il convient de faire droit à la demande de l'employeur et condamner Monsieur [D] [L] à lui payer la somme de 1243,26 euros indûment versée par lui du 21 juin au 13 juillet 2011 au titre du maintien du salaire (759,60 euros) et des indemnités journalières de sécurité sociale (483,66 euros).

4 - Monsieur [D] [L] succombant en toutes ses demandes doit supporter la charge des dépens de première instance et d'appel et doit être débouté de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'Association Hôtel Social.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Dit que le licenciement de Monsieur [D] [L] repose sur une faute grave

Déboute Monsieur [D] [L] de ses demandes en paiement

Condamne Monsieur [D] [L] à payer à l'Association Hôtel Social la somme de 1243,26 euros au titre de la répétition de l'indu

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Monsieur [D] [L] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Malika CHINOUNE Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/06251
Date de la décision : 23/05/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/06251 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-23;13.06251 ?
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