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23/05/2014 | FRANCE | N°13/06054

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 23 mai 2014, 13/06054


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/06054





[V]



C/

SA ADOMA







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 27 Juin 2013

RG : F 12/00594











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 23 MAI 2014













APPELANT :



[C] [M] [V]

[Adresse 2]

[Localité 2]



comparant

en personne, assisté de Me Gaëlle DUC-ECHAMPARD, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



S.A. ADOMA

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par Me Yves TALLENDIER de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

















PARTIES CONVOQUÉES LE : 09 septembre 2013...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/06054

[V]

C/

SA ADOMA

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 27 Juin 2013

RG : F 12/00594

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 23 MAI 2014

APPELANT :

[C] [M] [V]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Gaëlle DUC-ECHAMPARD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A. ADOMA

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Yves TALLENDIER de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 09 septembre 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Mars 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Catherine PAOLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Mai 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 5 septembre 2005, [C] [V] a été embauché par la société SONACOTRA dont la raison sociale est devenue la S.A. ADOMA en qualité de directeur régional adjoint ; il a été en arrêt maladie à compter du 31 janvier 2012 ; le 10 février 2012, [C] [V] a poursuivi la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur devant le conseil des prud'hommes de LYON ; suite aux visites de reprise des 2 et 16 avril 2012, le médecin du travail a déclaré [C] [V] inapte à tout poste au sein de l'entreprise ; le 25 mai 2012, il a été licencié pour inaptitude et refus de reclassement.

[C] [V] a demandé au principal la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et a soulevé au subsidiaire la nullité du licenciement ; dans les deux cas, il a réclamé l'indemnité compensatrice de préavis, un solde de prime sur objectifs, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause, des dommages et intérêts pour non respect des avis du médecin du travail et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 27 juin 2013, le conseil des prud'hommes a débouté [C] [V] de l'ensemble de ses demandes, a débouté l'employeur de sa demande fondée sur les frais irrépétibles et a laissé les dépens de l'instance à la charge d'[C] [V].

Le jugement a été notifié le 29 juin 2013 à [C] [V] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 15 juillet 2013.

Par conclusions visées au greffe le 21 mars 2014 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [C] [V] :

- expose que l'employeur a diminué ses pouvoirs, a voulu lui faire quitter l'entreprise, a supprimé son poste, lui a imposé une charge de travail trop lourde malgré ses doléances, lui a confié des tâches stressantes, n'a pas respecté les prescriptions du médecin du travail alors qu'en 2007 il a été atteint d'un cancer et a violé les dispositions relatives au forfait jours auquel il était soumis,

- reproche à l'employeur d'avoir failli à son obligation de préserver sa santé,

- au principal, demande la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- au subsidiaire, impute l'inaptitude au comportement fautif de l'employeur et en déduit la nullité du licenciement,

- dans les deux hypothèses, réclame la somme de 18.914,97 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.891,49 euros de congés payés afférents, et la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- réclame également la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des préconisations du médecin du travail,

- réclame la somme de 600 euros à titre de solde de prime sur objectifs de l'année 2010, outre 60 euros de congés payés afférents, et la somme de 2.473,16 euros au titre de la prime sur objectifs de l'année 2011, outre 247,31 euros de congés payés afférents,

- sollicite la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et la condamnation de l'employeur aux dépens,

- souhaite les intérêts au taux légal à compter de la naissance des créances.

Par conclusions visées au greffe le 21 mars 2014 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A. ADOMA :

- dément toute diminution des pouvoirs du salarié, affirme que ce dernier voulait assurer des astreintes, conteste qu'elle lui a imposé une charge de travail trop importante, souligne que le salarié bénéficiait d'une autonomie dans son organisation, prétend qu'elle a respecté les règles régissant le forfait jours et ajoute que le forfait était de 203 jours,

- demande que soit écarté le certificat médical établi par le docteur [L] pour contenir des éléments non médicaux que le praticien n'a pas constaté,

- fait valoir que le salarié a été rempli de ses droits en matière de prime d'objectifs,

- sollicite la confirmation du jugement entrepris, le rejet des prétentions du salarié et sa condamnation à lui verser la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à acquitter les dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les dommages et intérêts pour non respect des préconisations du médecin du travail :

Le médecin du travail a émis s'agissant d'[C] [V] les avis suivants :

* le 8 novembre 2007 : 'apte en limitant les déplacements professionnels, ne pas dépasser 4 h de conduite par jour',

* le 9 septembre 2008 : 'apte à reprendre son travail sans déplacement professionnel, avec possibilité de poursuivre les soins médicaux programmés',

* le 3 décembre 2008 : 'apte à poursuivre son activité professionnelle sans déplacement professionnel en limitant les horaires et la charge de travail, monsieur [V] doit bénéficier des dispositions de la convention collective concernant les horaires de travail',

* le 20 janvier 2009 : 'apte dans les mêmes conditions, sans déplacement professionnel, en limitant les horaires de travail et la charge de travail',

* le 19 mars 2009 : 'apte dans les mêmes conditions, sans déplacement professionnel, en limitant les horaires de travail',

* le 9 février 2011 : 'apte à poursuivre son activité sans dépassement d'horaire et sans astreinte, une mutation ne peut pas être envisagée pour raisons médicales',

* le 7 septembre 2011 : 'apte à poursuivre son activité sans dépassement d'horaire et sans astreinte, une mutation ne peut pas être envisagée pour raisons médicales',

* le 5 décembre 2011 : 'apte au poste habituel sans dépassement d'horaire et sans astreinte, une mutation ne peut pas être envisagée pour raisons médicales',

* le 1er mars 2012 : 'inaptitude médicale temporaire à reprendre son poste de travail, à revoir le 16 mars 2012',

* le 2 avril 2012 : 'inaptitude médicale définitive à reprendre son poste de travail ou tout autre poste de travail au sein de la direction d'établissement ADOMA Rhône-Alpes-Auvergne, l'état de santé de monsieur [V] ne permet pas d'envisager un reclassement ou une mutation sur un autre établissement ADOMA',

* le 16 avril 2012 : 'inaptitude médicale définitive à reprendre son poste de travail ou tout autre poste de travail au sein de la direction d'établissement ADOMA Rhône-Alpes-Auvergne, l'état de santé de monsieur [V] ne permet pas d'envisager un reclassement ou une mutation sur un autre établissement ADOMA'.

Ainsi, le médecin du travail a posé deux alertes : d'une part, dès fin 2008, il a interdit tout dépassement d'horaires et a préconisé une limitation des horaires de travail, et, d'autre part, à compter de février 2011, il a en outre interdit les astreintes.

Le temps de travail d'[C] [V] était régi par un forfait annuel de 203 jours de travail.

L'article L. 3121-46 du code du travail dispose qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année et que cet entretien porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et la rémunération du salarié.

L'entretien annuel du 17 janvier 2011 qui est le seul versé au dossier est muet sur la question de la charge de travail et des horaires ; il est très peu renseigné ; le supérieur hiérarchique a mentionné : 'forte tension nerveuse : reprise du poste après une absence longue, énergie retrouvée'.

Ainsi, l'employeur n'a respecté ni les dispositions régissant le forfait jours et destinées à assurer la protection de la santé du salarié ni les préconisations du médecin du travail de limiter les horaires de travail et ayant également pour vocation de protéger la santé du salarié.

Les feuilles de paie au dossier démontrent qu'[C] [V] a réalisé des astreintes puisqu'il a touché une prime d'astreinte au mois d'avril 2011, au mois de juillet 2011, au mois d'octobre 2011et au mois de janvier 2012 ; le fait qu'[C] [V] ait pu se porter volontaire pour effectuer des astreintes ne saurait exonérer l'employeur de son obligation légale de suivre les préconisations du médecin du travail.

Au vu de ces éléments, l'employeur a doublement failli à son obligation de suivre les avis du médecin du travail et ne s'est nullement préoccupé de la santé de son salarié alors qu'il savait qu'il avait été gravement malade ; l'employeur a ainsi engagé sa responsabilité et ses manquements ont causé au salarié un préjudice dont il doit réparation.

Les éléments de la cause justifient de chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 10.000 euros.

En conséquence, la S.A. ADOMA doit être condamnée à verser à [C] [V] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des préconisations du médecin du travail.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

La résiliation du contrat de travail doit être prononcée aux torts de l'employeur si les manquements imputés par le salarié à son employeur empêchaient la poursuite des relations contractuelles.

Les manquements de l'employeur précédemment retenus sont graves en ce qu'ils portaient atteinte à la santé et à la sécurité physique du salarié qui avait été atteint d'une grave maladie  ; ils ne permettaient pas la poursuite des relations contractuelles.

En conséquence, le contrat de travail doit être résilié aux torts de la S.A. ADOMA ; la date de résiliation coïncide avec celle du licenciement prononcé le 25 mai 2012.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

La résiliation du contrat de travail est indemnisée comme un licenciement privé de cause.

Au dernier état de la collaboration, [C] [V] percevait chaque mois un salaire de base de 5.617,32 euros et bénéficiait d'un avantage en nature chiffré à 107,59 euros ; en sa qualité de cadre, il a droit à un préavis de trois mois ; l'indemnité compensatrice de préavis se monte à la somme de 17.174,73 euros.

En conséquence, la S.A. ADOMA doit être condamnée à verser à [C] [V] la somme de 17.174,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.717,47 euros de congés payés afférents.

[C] [V] comptabilisait une ancienneté supérieure à deux ans et la S.A. ADOMA emploie plus de onze salariés.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, [C] [V] a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la rémunération des six derniers mois, soit au vu de l'attestation POLE EMPLOI à la somme de 40.457,56 euros ; [C] [V], licencié le 25 mai 2012, a retrouvé un emploi dès le 1er juin 2012 en qualité de directeur administratif au sein de la société LOIR ET CHER LOGEMENT ; il gagne une rémunération supérieure à celle que lui versait la société ADOMA ; ces éléments justifient de chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 50.000 euros.

En conséquence, la S.A. ADOMA doit être condamnée à verser à [C] [V] la somme de 50.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour résiliation du contrat de travail.

Sur la prime d'objectifs :

En juin 2011, [C] [V] a perçu la somme de 400 euros à titre de prime annuelle d'objectifs.

Le contrat de travail ne stipulait pas de prime sur objectifs ; lors de l'entretien annuel d'évaluation du 17 janvier 2011, le supérieur hiérarchique a évoqué des objectifs pour l'année sans prendre d'engagement quant au versement d'une prime ; [C] [V] ne justifie pas qu'il a touché à une autre période qu'au mois de juin 2011 une prime d'objectifs.

En conséquence, [C] [V] doit être débouté de ses demandes de primes d'objectifs au titre des années 2010 et 2011.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur le certificat médical :

Le certificat médical établi par le docteur [L] est sans pertinence pour le litige dans la mesure où la résiliation judiciaire du contrat de travail a été prononcée et où la question de l'origine de l'inaptitude n'a pas été abordée ; la demande de l'employeur tendant à voir écartée cette pièce est donc sans objet.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de condamner la S.A. ADOMA à verser à [C] [V] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La S.A. ADOMA qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les intérêts :

En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les intérêts courent au taux légal jusqu'à parfait paiement sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents à compter du 22 février 2012, date de réception par l'employeur de la convocation à l'audience de conciliation valant mise en demeure de payer, sur les dommages et intérêts et les frais de procédure à compter du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [C] [V] de ses demandes de primes d'objectifs au titre des années 2010 et 2011,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la S.A. ADOMA à verser à [C] [V] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des préconisations du médecin du travail,

Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de la S.A. ADOMA au 25 mai 2012,

Condamne la S.A. ADOMA à verser à [C] [V] la somme de 17.174,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.717,47 euros de congés payés afférents,

Condamne la S.A. ADOMA à verser à [C] [V] la somme de 50.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour résiliation du contrat de travail,

Condamne la S.A. ADOMA aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Déclare sans objet la demande de l'employeur tendant à voir écarté le certificat médical établi par le docteur [L],

Condamne la S.A. ADOMA à verser à [C] [V] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Juge que les intérêts courent au taux légal jusqu'à parfait paiement sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents à compter du 22 février 2012 et sur les dommages et intérêts et les frais de procédure à compter du présent arrêt,

Condamne la S.A. ADOMA aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Malika CHINOUNE Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/06054
Date de la décision : 23/05/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/06054 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-23;13.06054 ?
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