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20/05/2014 | FRANCE | N°13/04577

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 20 mai 2014, 13/04577


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/04577





SAS POUJOULAT



C/

[J]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 16 Mai 2013

RG : F 11/04306











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 20 MAI 2014













APPELANTE :



SAS POUJOULAT

[Adresse 2]

[Localité 2]



re

présentée par Me PAGOT, avocat au barreau de POITIERS







INTIMÉE :



[D] [J]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3] (42)

[Adresse 3]

[Localité 1]



comparante en personne, assistée de Me Chantal JULLIEN, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE











DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/04577

SAS POUJOULAT

C/

[J]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 16 Mai 2013

RG : F 11/04306

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 20 MAI 2014

APPELANTE :

SAS POUJOULAT

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me PAGOT, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE :

[D] [J]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3] (42)

[Adresse 3]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Chantal JULLIEN, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Mars 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Agnès THAUNAT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Mai 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE :

Le 2 janvier 1990, [D] [J] a été engagée en qualité de voyageur, représentant ou placier (VRP) exclusif par la société Tôlerie Forezienne.

Le contrat de travail a été repris par la société Poujoulat.

Le 15 octobre 1998, les parties ont signé un contrat à durée indéterminée définissant les produit commercialisés, la clientèle visitée, le secteur géographique (la Loire + une liste de clients dans le département 43).

Par avenant du 5 février 1999, elles ont convenu d'une modification du secteur de représentation, celui ci étant désormais ainsi défini :

axe matériaux : 42Loire,

axe chauffage : 42 Loire

[Adresse 1]

69 Rhône.

En dernier, lieu, par avenant du 11 février 2005, le secteur géographique a été ainsi modifié: «'départements concernés pour une action commerciale directe et suivie (clientèle chauffage) : 01 Ain, 38, Isère, 42 Loire et 69 Rhône'», ce secteur portant le numéro 168.

Cf tableau (E 5 p2).

En janvier 2011, la société Poujoulat a exposé à [D] [J] son projet d'adaptation de sa politique commerciale et de sa structure dans la région lyonnaise ainsi que son souhait de renforcer l'axe des ventes «'chauffage'» notamment par l'intermédiaire d'une prospection soutenue à partir du relais services de [Localité 5], structure de proximité Westafrance dirigée par [P] [G].

Elle lui a indiqué le recrutement d'un commercial sur son secteur d'influence et lui a confirmé l'absence de modification de sa rémunération sur l'ensemble de l'axe «'chauffage'» sur son secteur.

Par courriel du 5 juillet 2011, la société a rappelé à l'ensemble des commerciaux «'la mise en place de la nouvelle organisation commerciale au sein du relais service de [Localité 5] à partir du 4 juillet 2011 : [D] [J] est rattachée au relais service et tous les nouveaux comptes clients de l'axe chauffage (hors France Chauffage) des départements 01- 38 - 42 et 69 seront affectés sur son nouveau secteur 218 (déjà actif dans l'AS 400); les comptes Westafrance déjà ouverts restent affectés au secteur 166 de [P] [G].'»

Après divers échanges de courriers et réunions, en juillet 2011, [D] [J] a fait part du refus de la modification de son contrat de travail qui lui était imposée et a signifié le maintien de sa prospection sur son secteur.

Elle a réitéré son refus le 31 août.

Par courrier du 26 septembre 2011, la société Poujoulat lui a répondu qu'elle ne lui demandait pas d'abandonner son secteur mais d'adapter son message et son action commerciale selon la politique définie par le groupe. Elle lui a demandé de débuter de façon effective sa mission commerciale axée sur la prospection d'artisans et entreprises de chauffage auxquels elle présentera et optimisera les services adaptés du relais de [Localité 5].

Le 3 octobre 2011, [D] [J] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon, section encadrement, d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le 19 octobre 2011, relevant qu'elle ne suivait manifestement pas les consignes données, la société Poujoulat l'a convoquée à un entretien préalable fixé au 31 octobre et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 novembre 2011, après un rappel de leurs échanges et rencontres, la société Poujoulat conclut ainsi :

«'['] A aucun moment, nous ne vous avons interdit de démarcher la clientèle [Z] contrairement à ce que vous écrivez dans votre lettre du 7 novembre 2011, mais il vous appartenait de faire équipe avec Monsieur [R] [Q] qui n'est pas VRP pour progressivement concentrer vos efforts sur le partenariat avec Westafrance.

Il est donc regrettable que vous vous soyez obstinée à prétendre qu'il s'agissait d'une modification de votre contrat de travail, alors qu'en réalité la société vous fournissait l'occasion de remédier à une situation économiquement anormale et à un démarchage défaillant de votre part.

Confrontée à votre refus de satisfaire à vos obligations, nous avons été contraints d'engager à votre encontre une procédure de licenciement.

A nouveau, lors de l'entretien, nous avons cherché à vous donner toutes les assurances vous garantissant vos droits. Là encore en vain. Vous vous êtes obstinée dans votre position allant jusqu'à dénigrer l'entreprise, son fonctionnement, votre hiérarchie.

Votre message du 7 novembre démontre bien votre volonté manifeste de vous placer délibérément en dehors des instructions qui vous ont été données.

Dans ces conditions, nous nous voyons contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave puisque vous perdurez dans votre refus d'appliquer intégralement vos engagements contractuels et les consignes réitérées de l'entreprise.'»

Par jugement du 16 mai 2013, le Conseil de prud'hommes a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Poujoulat à la date du 10 novembre 2011,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 4 073,77 €,

- condamné la société Poujoulat à lui payer les sommes de

' 12 221,31 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 222,13 € au titre des congés payés afférents,

' 12 000 € à titre d'indemnité pour occupation d'une pièce du domicile,

' 33 600 € à titre d'indemnité de clientèle,

avec intérêts légaux à compter de la réception par la défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 12 octobre 2011,

' 90 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

' 1 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts légaux à compter du jugement,

- ordonné à la société Poujoulat le remboursement aux organismes concernés des indemnités chômage versées à [D] [J] dans la limite de 6 mois,

- rejeté le surplus des demandes.

La société Poujoulat a interjeté appel de cette décision par déclaration du 4 juin 2013.

Aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 18 mars 2014, elle demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, de débouter [D] [J] de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles.

Dans ses écritures régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 18 mars 2014, [D] [J] conclut ainsi : confirmer le jugement entrepris, subsidiairement, dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en tout état de cause lui allouer une somme complémentaire de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION :

Aux termes de l'article L 7311-3 du code du travail, est voyageur, représentant ou placier, toute personne qui :

1° Travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs,

2° Exerce en fait d'une façon exclusive et constante une profession de représentant,

3° Ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel,

4° Est lié à l'employeur par des engagements déterminant :

a) la nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat,

b) la région dans laquelle il [elle] exerce son activité ou les catégories de clients qu'il [elle] est chargé[e] de visiter,

c) le taux des rémunérations.

En 2011, la société Poujoulat a décidé d'engager un commercial, [R] [Q], pour renforcer le développement de l'activité chauffage dans le secteur dévolu à [D] [J].

Elle n'a pas laissé le soin à [D] [J], titulaire de ce secteur où elle avait développé une clientèle depuis 1998, d'organiser l'aide apportée par celui-ci. Elle a scindé le secteur 168 composé des départements de l'Ain, de l'Isère, de la Loire et du Rhône, a attribué la prospection de la clientèle [Z] à [R] [Q] et a demandé à [D] [J] de développer l'axe chauffage Westaflex à partir du relais de [Localité 4].

Elle a matérialisé cette division sous la forme suivante:

' Evolution de ma numérotation informatique des secteurs:

Avant 2005

2005 (suite avenant) à juillet 2011

A compter de juillet 2011

secteur 167

clients chauffage et matériaux

secteur 168 : clients chauffage

secteur 169 : clients matériaux

secteur 218 : clients chauffage marque Westa

secteur 168 : clients chauffage secteur Poujoulat

secteur 166 : clients relais service marque Westa

secteur 166 : clients relais service marque Westa

secteur 166 : clients relais service marque Westa

Certes, la rémunération de [D] [J] était maintenue sur l'ensemble des clients Poujoulat et Westaflex du secteur géographique mais, dans le cadre de cette nouvelle- organisation, celle-ci perdait tout contrôle sur le développement et le suivi de la clientèle [Z] constituant la plus grande part de son portefeuille (environ 50% du chiffre d'affaires du secteur).

En effet, si la société Poujoulat soutient qu'il n'était pas interdit à [D] [J] de continuer à suivre sa clientèle [Z], toutes les pièces produites manifestent une nette partition des deux produits :

[D] [J] doit développer les produits Westafrance sur le secteur nouvellement dénommé 218 et tous les documents relatifs à la clientèle [Z] mentionnent comme référent, [R] [Q].

La société Poujoulat l'exprime nettement dans un courrier du 19 juillet 2011 : «'Nous avons ainsi décidé de scinder en 2 cette typologie de clientèle, en vous demandant de renforcer la présence de la société dans le secteur chauffage «'Westafrance'» par l'intermédiaire d'une prospection soutenue à partir du Relais Service de [Localité 5]. Bien évidemment, n'envisageant pas que vous perdiez le bénéfice de la clientèle déjà existante sur votre secteur (développée par vous même ou par la Direction Commerciale du Groupe), nous vous avons confirmé que vous resteriez commissionnée sur le chiffre d'affaires général, selon les mêmes règles qu'auparavant. Vous n'avez pas fait de remarque concernant l'adaptation de notre politique et notre structure commerciale. Nous avons donc mis en place progressivement l'organisation avec le recrutement d'un technico commercial, chargé de développer l'autre typologie de clientèle «'chauffage'».'

Si la société Poujoulat ne modifie ni les règles ni le périmètre de commissionnement de [D] [J], elle réduit son champ de prospection en le limitant aux produits Westaflex visant des particuliers, artisans ou petites entreprises, le suivi et le développement des clients [Z] composés des plus grosses entreprises, de prescripteurs et d'institutionnels lui échappant.

La constitution de la clientèle d'un VRP sur la base de laquelle se calcule notamment l'indemnité de clientèle est un élément fondamental du statut.

En modifiant la gamme de produits à commercialiser et en faisant perdre à [D] [J] le développement, le suivi et le contrôle d'une partie de la clientèle de son secteur, la société Poujoulat a modifié la clientèle à prospecter et l'équilibre général de son contrat de travail tels que définis dans le dernier avenant sans avoir obtenu son consentement.

C'est à juste titre que le Conseil de prud'hommes a :

dit que ce manquement est suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du licenciement prononcé le 10 novembre 2011,

alloué à [D] [J] une indemnité compensatrice de préavis de 12 221,31 € outre les congés payés afférents,

évalué à 90 000 € les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, [D] [J], âgée de 50 ans à la date de la rupture et comptant une ancienneté de 20 années justifiant de la perception ininterrompue d'allocation de chômage jusqu'en janvier 2014,

ordonné le remboursement par la société Poujoulat aux organismes concernés des allocations perçues par [D] [J] dans la limite de 6 mois.

Le chiffre d'affaires ayant servi au calcul de ses commissions a été en constante augmentation pour les produits [Z] et Westaflex sauf en 2010 à la suite de la perte d'un client important, [D] [J] indiquant sans être démentie que cette défection est indépendante de son action.

La société Poujoulat ne démontre pas une autre cause au développement de la clientèle que le travail de la salariée. Elle se contente d'opposer la bonne qualité de ses produits et une action publicitaire importante. Cette objection est toutefois insuffisante à priver [D] [J] de sa part de travail dans le développement de la clientèle et en contradiction avec la volonté exprimée de restructurer les secteurs pour développer l'axe chauffage. En effet, cette demande manifeste les limites de ses affirmations relatives à l'afflux des clients du seul fait de la publicité et de la qualité des produits et confirme le nécessaire travail du VRP .

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Enfin, la société Poujoulat n'opposant aucune critique au chiffrage fait par les premiers juges de l'occupation, pour des besoins professionnels, d'une pièce du domicile personnel de [D] [J], la décision sera également confirmée de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris,

y ajoutant,

Condamne la société Poujoulat à payer à [D] [J] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Poujoulat aux dépens.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 13/04577
Date de la décision : 20/05/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°13/04577 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-20;13.04577 ?
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