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25/04/2014 | FRANCE | N°13/04715

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 25 avril 2014, 13/04715


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/04715





SAS SCHERING PLOUGH



C/

[P]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 16 Mai 2013

RG : F 10/04718











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 25 AVRIL 2014













APPELANTE :



SAS SCHERING PLOUGH

[Adresse 2]

[Localité 2]




représentée par Me Sabine SMITH-VIDAL, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉE :



[K] [P] épouse [S]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]



comparante en personne, assistée de Me Thierry PETIT de la SELARL ACO, avocat au barreau de LYON ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/04715

SAS SCHERING PLOUGH

C/

[P]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 16 Mai 2013

RG : F 10/04718

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 25 AVRIL 2014

APPELANTE :

SAS SCHERING PLOUGH

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Sabine SMITH-VIDAL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

[K] [P] épouse [S]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Thierry PETIT de la SELARL ACO, avocat au barreau de LYON substituée par Me Julien-Olivier MARRE, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 24 juillet 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Février 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Catherine PAOLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Avril 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement contradictoire du 16 mars 2013, le conseil de prud'hommes de Lyon (section encadrement), a :

- dit et jugé qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la prise d'acte de Madame [K] [P] épouse [S] contre la Sas Schering Plough

- dit que le contrat de travail de Madame [K] [P] épouse [S] avec la Sas Schering Plough est rompu à la date du 31 décembre 2013 (sic) dans le cadre d'un départ volontaire pour création d'entreprise prévu par l'accord d'Entreprise et les dispositions du Plan de Sauvegarde de l'Emploi en découlant.

En conséquence :

- condamné la Sas Schering Plough à payer à Madame [K] [P] épouse [S] les sommes de :

* 112 485, 78 euros à titre d'indemnité de licenciement de base,

* 38 788,20 euros à titre d'indemnité complémentaire de licenciement,

* 38 788,20 euros à titre d'indemnité de licenciement supplémentaire, sommes brutes, à l'appui d'une fiche de paye

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la Sas Schering Plough à remettre à Madame [K] [P] épouse [S] les bulletins de salaire, l'attestation pour Pôle Emploi et le certificat de travail établis en fonction du présent jugement, dans un délai de 15 jours après la notification du jugement

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire procéder à un remboursement au Pôle Emploi, Madame [K] [P] épouse [S] n'ayant pas reçu d'indemnités de chômage

- dit qu'est de droit l'exécution provisoire du présent jugement en ce qui concerne les salaires et indemnités dans la limite de neuf mois de salaires, ainsi qu'en ce qui concerne la remise des documents légaux susmentionnés

- fixé la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaires à 5 708,62 euros

- dit qu'il n'est pas utile d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement pour les autres éléments du présent jugement

- dit que les sommes dues au titre des éléments de salaires bénéficient de plein droit de l'intérêt légal à compter du 13 décembre 2010, date de la réception par le défendeur de sa convocation au bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Lyon

- dit que les sommes dues au titre des dommages et intérêts et de l'article 700 du code de procédure civile bénéficient de plein droit de l'intérêt légal à compter de la date de notification

- débouté Madame [K] [P] épouse [S] de ses demandes plus amples ou complémentaires,

- débouté la Sas Schering Plough de toutes ses demandes

- condamné la Sas Schering Plough aux entiers dépens, dont le timbre fiscal,

- rappelé que les éventuels frais de recouvrement sont obligatoirement à la charge du débiteur.

Le jugement a été notifié par lettre en date du 21 mai 2013 à la Sas Schering Plough laquelle a régulièrement formé appel par lettre recommandée postée le 7 juin 2013 et réceptionnée au greffe le 10 juin 2013.

Madame [K] [P] épouse [S] a été embauchée le 6 février 1987 par les Laboratoires Unicet à compter du 1er mars par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de Spécialiste Produits en Oncologie au coefficient 400 relevant du statut cadre.

Son contrat de travail a été transféré à la Sas Schering Plough dans le cadre d'un rapprochement entre les deux entreprises.

Au 1er janvier 2007 elle a été affectée au poste de Chargée de Relations Hospitalières groupe 7, niveau B.

Elle a été nommée Chargée de Grands Comptes.

Début 2008, la Sas Schering Plough a mis en place un Plan de Sauvegarde de l'Emploi dans le cadre duquel Madame [K] [P] épouse [S] a postulé pour un départ volontaire qui lui a été refusé. Elle a pris alors acte de la rupture l'imputant à l'employeur par lettre du 5 janvier 2009.

Madame [K] [P] épouse [S] a saisi le conseil de prud'hommes le 3 décembre 2010.

La société Sas Schering Plough appartient au groupe pharmaceutique Schering Plough lui même racheté par le groupe Merck.

Elle emploie plus de 11 salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de l'industrie pharmaceutique.

Madame [K] [P] épouse [S] a déclaré à l'audience être âgée de 45 ans à la date de la rupture des relations contractuelles, n'avoir pas perçu d'allocations chômage à l'issue de cette rupture et avoir retrouvé un travail lui procurant un revenu équivalent.

Par conclusions déposées le 28 novembre 2013, visées par le greffier le 28 février 2014 et soutenues oralement lors des débats à l'audience, la Sas Schering Plough demande à la cour de :

- constater que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Madame [K] [P] épouse [S] produit les effets d'une démission.

En conséquence,

Infirmer la décision du conseil des prud'hommes de Lyon en ce qu'il

- l'a condamnée à payer à Madame [K] [P] épouse [S] les sommes de :

* 112 485,78 euros à titre d'indemnité de licenciement de base,

* 38 788,20 euros à titre d'indemnité complémentaire de licenciement,

* 38 788,20 euros à titre d'indemnité de licenciement supplémentaire, sommes brutes, à l'appui d'une fiche de paie,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- lui a ordonné de remettre à Madame [K] [P] épouse [S] les bulletins de salaire, l'attestation pour Pôle Emploi et le certificat de travail établis en fonction du présent jugement, dans un délai de 15 jours après notification du jugement

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire procéder à un remboursement au Pôle Emploi, Madame [K] [P] épouse [S] n'ayant pas reçu d'indemnités de chômage

- dit qu'est de droit l'exécution provisoire du présent jugement en ce qui concerne les salaires et indemnités dans la limite de neuf mois de salaires, ainsi qu'en ce qui concerne la remise des documents légaux susmentionnés

- fixé la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à 5 708,62 euros

- dit qu'il n'est pas utile d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement pour les autres éléments du présent jugement,

- dit que les sommes dues au titre des éléments de salaire bénéficient de plein droit de l'intérêt légal à compter du 13 décembre 2010, date de la réception par le défendeur de sa convocation au bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes de Lyon,

- dit que les sommes dues au titre de dommages et intérêts et de l'article 700 du code de procédure civile bénéficient de plein droit de l'intérêt légal à compter de la date de notification.

En conséquence,

- ordonner le remboursement par Madame [K] [P] épouse [S] des sommes indûment versées

- condamner Madame [K] [P] épouse [S] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 3 janvier 2014, visées par le greffier le 28 février 2014 2014 et soutenues oralement lors des débats à l'audience, Madame [K] [P] épouse [S] demande à la cour de :

- fixer à 6 464,70 euros son salaire mensuel moyen au titre de l'année 2008

- dire et juger que son contrat de travail avec la Sas Schering Plough est rompu à la date du 31 décembre 2008 dans le cadre d'un départ volontaire pour création d'entreprise prévu par l'accord d'entreprise et les dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi en découlant

En conséquence,

- condamner la Sas Schering Plough à lui payer :

* 112 485,78 euros nets d'indemnité de licenciement de base

* 45 252,90 euros nets d'indemnité de licenciement complémentaire distinct des indemnités de départ volontaire

* 38 788,20 euros nets d'indemnité de licenciement supplémentaire

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel

- dit que la Sas Schering Plough a fait preuve de déloyauté dans la mise en 'uvre de son plan de départs volontaires

- condamner en conséquence la Sas Schering Plough à lui verser la somme de 30 000 euros nets

- lui allouer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 -

Les parties sont opposées sur les conditions et la nature de la rupture du contrat de travail.

La Sas Schering Plough, appelante, soutient que la rupture est intervenue le 5 janvier 2009 par l'effet de la lettre de prise d'acte de rupture adressée par la salariée.

Madame [K] [P] épouse [S] soutient que la rupture est intervenue le 31 décembre 2008

Les moyens de la salariée sur une rupture au 31 décembre 2008 seront donc tout d'abord analysés.

1 - 1

En application des dispositions relatives au licenciement pour motif économique du Livre II Chapitre 3 du code du travail, articles L1233-1 et suivants et L. 1233-61 et suivants, les partenaires sociaux ont signé le 16 juillet 2008 un Accord de Méthode préalable au Plan de Sauvegarde de l'Emploi qui devait intervenir.Dans le cadre de cet Accord de Méthode il a été prévu au titre des mesures destinées à favoriser le reclassement externe au groupe des aides à la création ou la reprise d'entreprise.

Il a ainsi été prévu à l'article 7.4.3 que « le salarié remplissant une de ces conditions, et dont le projet aura été validé par la commission de suivi sur avis de l'Antenne Emploi pourra prétendre à un départ volontaire, et bénéficiera des conditions du PSE.

En outre, il percevra une indemnité exceptionnelle de départ de l'entreprise de 25 000 euros payable pour moitié sur présentation du justificatif d'immatriculation de l'entreprise créée ou reprise puis l'autre moitié 6 mois après immatriculation et sous réserve de continuité de l'activité. »

Dans l'article 7.6 définissant les catégories de salariés concernés et les modalités de ces départs, il est prévu que : « afin de limiter le nombre potentiel de licenciements contraints, il sera fait recours aux départs volontaires dans les conditions suivantes :

a) salariés concernés

Collaborateurs titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée dont le poste est supprimé (poste unique compte tenu de ses spécificités et tenu par un seul collaborateur dans l'entreprise) par le projet de réorganisation ou collaborateurs titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée et relevant d'une catégorie d'emploi (regroupement de postes identiques compte tenu de leurs spécificités et tenus par un ensemble de collaborateurs dans l'entreprise) pour laquelle il est prévu une suppression de postes,

ET ayant un projet professionnel ou personnel validé par la Commission de Suivi sur avis de l'Antenne Emploi.

Les collaborateurs dont le départ permettrait de reclasser un collaborateur qui sans cela aurait été licencié et reprendrait ainsi le poste du salarié volontaire,

ET ayant un projet professionnel ou personnel validé par la Commission de Suivi sur avis de l'Antenne Emploi

b) Modalités :

Les salariés désireux de quitter l'entreprise devront en faire la demande, par écrit selon un formulaire disponible à la DRH à cet effet. Cette dernière étudiera la demande en vérifiant au préalable si le salarié concerné se trouve dans un des cas visés ci avant. L'étude sera menée par l'Antenne Emploi, la DRH étant garante du respect du processus, cette dernière se réservant le droit soit de refuser son départ volontaire soit d'en différer la date dans l'attente du reclassement d'un salarié ou encore afin d'organiser la répartition des activités dans le cadre du projet de réorganisation.

Il pourrait être envisagé des missions sur des emplois déterminés pour les salariés candidats au départ volontaire afin d'assurer le transfert de leurs compétences et de leurs savoir-faire.

c) Projet professionnel

Le salarié devra présenter son projet professionnel ou personnel à l'Antenne Emploi qui devra émettre un avis sur le projet présenté. A la suite de cet avis, la Commission de Suivi statuera sur la décision.

d) Départage

En cas de nombre de projets validés ou de candidats au départ volontaire supérieur aux possibilités acceptables, des critères seront établis lors de la première réunion Livre III.

e) Rupture du contrat

La rupture d'un commun accord pour motif économique serait conclue dans le respect des délais légaux à l'issue de l'avis sur le Livre III et au plus tard le 31 décembre 2008.

Dans ce cadre (départ volontaire), la décision finale, qu'elle confirme ou infirme la demande initiale du collaborateur communiquée pendant la procédure d'information consultation, ne pourra donc intervenir qu'à l'issue de cet avis.

Si le départ volontaire concerne un salarié protégé, son départ sera soumis aux règles de procédures particulières instituées par le code du travail. »

Le plan de sauvegarde de l'emploi reprend les stipulations de l'Accord de Méthode, notamment s'agissant des départs volontaires, avec à la section II.1.1 le rappel des salariés concernés et à la section II.1.2 les modalités pratiques lesquelles donnent la priorité d'abord au salarié dont le poste ou la catégorie d'emploi est impacté par le projet de réorganisation puis dans une seconde phase les salariés non impactés mais pouvant permettre à un salarié impacté de conserver son emploi.

Il a été prévu à cet article un calendrier des opérations avec des délais de présentation de candidatures des délais d'instruction ; il était enfin précisé que les ruptures interviendront à compter du 1er décembre 2008.

Enfin, s'agissant des modalités de rupture du contrat de travail, l'article II.1.4 a prévu qu'en « cas d'acceptation du départ volontaire par la direction, le contrat de travail sera rompu par la signature d'une convention dans le cadre d'un départ négocié pour motif économique, dans le respect des délais légaux étant entendu qu'aucun préavis ne sera ni effectué ni payé ».

La liste des postes supprimés par catégorie professionnelle figurait à l'article I.1.1 tandis que l'article I.4 a précisé la durée d'application du plan de sauvegarde de l'emploi qui, « sauf mention particulière précisée dans le descriptif de chaque mesure, le présent projet s'applique jusqu'au 31 décembre 2009 ».

1 - 2

Madame [K] [P] épouse [S] soutient que la rupture de son contrat de travail est intervenue le 31 décembre 2008 et ce notamment parce que l'employeur lui a fait part le 22 décembre 2008, soit tardivement et au-delà des délais qu'il s'était lui-même fixé, du refus de son dossier qu'il avait pourtant préalablement accepté.

L'employeur conteste pour sa part tout manquement ou exécution déloyale de sa part.

L'emploi de cette salariée, cela ne fait pas débat, n'a pas été 'impacté' par le plan social.

Il est tout aussi constant et en conformité avec le calendrier prévu au PSE que la salariée a postulé pour bénéficier du dispositif de reclassement externe dans le cadre des départs volontaires.

Il n'est pas non plus contesté que son dossier de demande de départ volontaire, dans un premier temps accepté, a ensuite fait l'objet d'un refus de la part de l'employeur qui lui a été notifié par lettre recommandée en date du 22 décembre 2008 dont elle soutient avoir signé l'accusé de réception le 26 décembre 2008, sans être contredite par l'employeur qui ne produit pas l'accusé de réception.

Pour autant, ce refus est intervenu et a été notifié à Madame [K] [P] épouse [S] pendant la durée d'application du PSE soit antérieurement au 31 décembre 2008 (Cf. l'article I.4) et il ne résulte d'aucune des pièces produites la preuve qu'une convention de rupture du contrat de travail ait effectivement été signée entre les parties prévoyant notamment les modalités de la rupture spécifique à cette salariée (Cf. article II.1.4).

La tardiveté de la réponse de l'employeur ne saurait donc avoir eu pour conséquence de mettre un terme au contrat de travail en l'absence de signature d'une convention de départ volontaire prévue en la matière ce que n'ignorait pas la salariée qui, au moment de la « notification de demande de volontariat pour un départ dans le cadre de l'accord de méthode Schering-Plough SA », soit le 4 novembre 2008, a déclaré « avoir pris connaissance des informations et mesures relatives au volontariat et informé mon employeur, Schering-Plough SA, de ma décision de quitter l'entreprise dans le cadre proposé, sous réserve d'avoir finalisé la synthèse de mon projet professionnel auprès des consultants du Point Information Conseil Right Management, et sous réserve de l'accord sur ma date de fin de contrat qui me sera précisé dans la convention de départ volontaire ».

Au demeurant Madame [K] [P] épouse [S] n'ignorait pas l'absence de toute rupture de son contrat de travail au 31 décembre 2009 ayant pris le soin d'établir une lettre de prise d'acte de la rupture aux torts à l'employeur.

2 -

En l'absence de rupture du contrat de travail au 31 décembre 2008, il convient d'analyser la lettre de prise d'acte de la salariée en date du 5 janvier 2009 et ses conséquences

L'employeur, qui conteste le jugement entrepris et les moyens de la salariée, soutient n'avoir commis aucun manquement et en conclut donc à ce que cette prise d'acte de rupture produise les effets d'une démission.

Madame [K] [P] épouse [S] arguant de manquements commis par son employeur conclut à la confirmation du jugement dans l'analyse qu'il a faite de sa lettre du 5 janvier 2009.

2 - 1

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, ils doivent pour cela être d'une gravité suffisante, soit dans le cas contraire, d'une démission.

En cas de litige il appartient au juge, par application des dispositions de l'article L 1235-1 du code du travail, d'apprécier la gravité et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués.

Le salarié devant établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur sans toutefois que l'écrit, par lequel il prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, ne fixe les limites du litige.

Le juge est en effet tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Enfin il est rappelé que cette prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail.

2 - 2

Madame [K] [P] épouse [S], pour justifier du bien-fondé de la prise d'acte de rupture, reposant sur un comportement fautif de l'employeur, soutient tout d'abord que ce dernier n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail en n'appliquant pas l'accord de méthode.

Elle indique en effet qu'à la section IV du PSE il est clairement précisé, article IV.1 al 2 que « pour ouvrir droit au bénéfice des mesures décrites ci-après, les projets d'exercice d'une activité indépendante devront être construits avec l'Antenne Emploi et leur étude validée par la Commission de Suivi Paritaire » sans qu'il ne soit prévu à cet article ou sous cette section aucune autre condition pour en bénéficier que la validation du projet présenté par la Commission de Suivi Paritaire.

Elle considère dès lors que son projet a été accepté par la Commission, le refus ultérieur de l'employeur est fautif.

Madame [K] [P] épouse [S] effectue une lecture autonome des différentes parties du PSE et notamment de la section II laquelle, reprenant l'accord de méthode, rappelle les différentes mesures destinées à éviter les licenciements au premier chef desquels les départs volontaires (article II.1) mais surtout définit les différentes catégories de salariés concernés avec en premier lieu (article II.1.1):

« - les salariés titulaires d'un CDI dont le poste est supprimé (poste unique compte tenu de ses spécificités et tenu par un seul salarié dans l'entreprise) par le projet de réorganisation

ou

- les salariés titulaires d'un CDI relevant d'une catégorie d'emploi (regroupement de postes identiques compte tenu de leurs spécificités et tenus par un ensemble de salariés dans l'entreprise) pour laquelle il est prévu une suppression de postes

et ayant un projet professionnel ou personnel validé par la Commission de Suivi Paritaire sur avis de L'Antenne Emploi

- les salariés dont le départ permettrait de sauver un salarié qui sans cela aurait été licencié et récupère ainsi le poste du salarié volontaire ayant un projet professionnel ou personnel validé par la Commission de Suivi Paritaire sur avis de L'Antenne Emploi ».

La structure de cet article, comme au demeurant celle de son pendant dans l'accord de méthode, met en évidence la volonté de donner la priorité aux salariés dont le poste est supprimé par le projet de réorganisation, la dernière catégorie de salariés étant subsidiaire et soumise à une double condition.

Madame [K] [P] épouse [S] appartient à cette dernière catégorie l'employeur n'ayant jamais envisagé de supprimer son poste.

Cette priorité se retrouve d'ailleurs dans l'article suivant fixant les modalités pratiques (article II.1.2) puisque la première phase concernera les salariés dont les postes ou la catégorie d'emploi est impacté par le projet de réorganisation et ce n'est que dans un deuxième temps que les salariés non impactés, mais pouvant permettre à un salarié impacté de conserver son emploi, seront examinés. Il ne s'agit là que de la reprise des stipulations de l'accord de méthode article 7.6 (Cf. § 1-1).

La reconversion externe est une des modalités prévues au PSE afin d'éviter les licenciements, elle fait partie des dernières mesures décrites et comme les précédentes elle est nécessairement ouverte aux salariés susceptibles d'en bénéficier au sens de l'article II.1.1 ce qui implique que pour pouvoir en bénéficier le salarié concerné doit permettre d'éviter le licenciement d'un salarié impacté par la réorganisation soit être lui même concerné.

En conditionnant pour la salariée le bénéfice du dispositif de reconversion externe prévu en cas de création d'entreprise à son remplacement à son poste par un salarié qui à défaut aurait dû être licencié, l'employeur n'a donc commis aucune faute au demeurant la salariée étant régulièrement informée de cette condition.

2 - 3

Madame [K] [P] épouse [S] soutient ensuite que l'employeur a également commis une faute en ne l'informant pas de ses droits ce que là encore la société conteste.

Il ressort des pièces de l'employeur que les documents relatifs à l'accord de méthode et au plan de sauvegarde de l'emploi ont été discutés par les organisations syndicales et diffusés auprès des salariés de l'entreprise notamment dans un mail du 1er septembre 2008.

Par ailleurs Madame [K] [P] épouse [S] a clairement reconnu le 4 novembre 2008 lors de la signature de la « notification de demande de volontariat pour un départ dans le cadre de l'accord de méthode Schering-Plough SA » avoir reçu les documents afférents à cette demande et aux conditions de ce départ, indiquant en effet : « avoir pris connaissance des informations et mesures relatives au volontariat et informé mon employeur, Schering-Plough SA, de ma décision de quitter l'entreprise dans le cadre proposé, sous réserve d'avoir finalisé la synthèse de mon projet professionnel auprès des consultants du Point Information Conseil right management, et sous réserve de l'accord sur ma date de fin de contrat qui me sera précisé dans la convention de départ volontaire ».

La commission a émis le 7 novembre 2008 un « avis favorable sous réserve de substitution » cette mention figure en caractères gras dans le mail du 7 novembre 2008 l'informant de cet avis positif.

Elle produit également un courriel de Madame [O] [R] dans lequel cette dernière lui rappelle que sa demande est une demande sous réserve de substitution et qu'elle ne vaut en aucun cas démission de sa part si elle n'était pas remplacée à son poste.

L'information sur les modalités du plan adopté et les mesures envisagées ainsi que sur la condition de subsidiarité attachée à son départ laquelle résulte des stipulations précitées de l'accord de méthode (Cf. §1-1) comme du PSE (Cf. §2-1) et des documents qui lui ont été personnellement adressés a bien été donnée à Madame [K] [P] épouse [S] contrairement à ce qu'elle soutient et ainsi que le démontre l'employeur à qui là encore aucun manquement ne peut être reproché.

2 - 4

Madame [K] [P] épouse [S] soutient enfin que la notification du refus de son départ, intervenue tardivement, est fautive ce que là encore conteste l'employeur.

Le projet présenté par cette salariée, cela ne fait pas débat, a reçu l'accord de l'employeur comme de la Commission de Suivi Paritaire (Cf. l'avis du 7 novembre 2008). Toutefois, l'employeur expose avoir dû faire face à une démission d'un autre salarié.

Il ressort des pièces versées aux débats par l'employeur que dans le service dans lequel a travaillé Madame [K] [P] épouse [S], service non concerné par le projet de réorganisation, seules deux personnes ont postulé pour bénéficier des mesures relatives au départ volontaire, cette dernière ainsi que Madame [N] [F] laquelle a aussi reçu un avis favorable sous réserve de substitution ainsi que cela ressort de la lettre que l'employeur lui a adressée le 27 octobre 2008.

Toutefois Madame [N] [F], sans attendre la suite qui pourrait être donnée à cette demande, dans une lettre datée du 11 décembre 2008, a donné sa démission ainsi que cela ressort de la lettre de l'employeur en date du 18 décembre 2008 lui en accusant réception, confortée par le mail 'd'au revoir' que Madame [N] [F] a adressé aux autres salariés de l'entreprise le 18 décembre 2008.

L'employeur expose qu'il a dû dès lors pourvoir au remplacement de ce poste immédiatement vacant par le seul salarié ayant postulé « pour un emploi en repositionnement de chargé de clientèle grand compte » en l'occurrence Monsieur [Y] [X], rappelant que le poste de Madame [K] [P] épouse [S] n'a pas été initialement affecté par le projet de réorganisation de l'entreprise et que ce n'est qu'en raison du départ précipité de cette dernière que ce salarié a été affecté temporairement sur les deux secteurs concernés par ces départs.

A cet égard les pièces produites par l'intimée démontrant qu'il n'y aurait plus désormais que 5 secteurs et non 6, sont contestées par l'employeur et il convient d'observer que leur valeur probante est incertaine d'une part faute de pouvoir en connaître avec certitude leur origine et d'autre part parce qu'il est possible d'observer sur ces documents des mentions troublantes en effet sur le document dénommé « sectorisation des chargés Grands Comptes mise à jour au 10/11/2010 »les noms de Mesdames [F] et [P] épouse [S] apparaissent quant à la date « 2009-2010 » figurant sur la carte des secteurs elle est manuscrite.De même, eu égard à la date de la démission de Madame [N] [F], il ne saurait s'inférer de la circonstance que Madame [K] [P] épouse [S] ait été destinataire, comme d'autres salariés, d'informations relatives à ces départs volontaires notamment les mails des28 novembre et 10 décembre 2008, la certitude de son départ.

Les explications et raisons objectives apportées par l'employeur à son refus opposé au départ sollicité par Madame [K] [P] épouse [S] dans le cadre du dispositif de départ volontaire excluent de la part de ce dernier un comportement fautif à l'égard de la salariée dont le projet a toujours été examiné et admis à titre provisoire et conditionnel, la priorité ayant en effet toujours été donnée, aux termes des stipulations de l'accord de méthode comme du PSE, aux salariés concernés par le projet de réorganisation.

Or tel n'a pas été le cas du poste de cette salariée en particulier et plus généralement du service dans lequel elle a travaillé.

Enfin, si l'employeur a indiqué dans un mail du 28 novembre 2008 qu'il apporterait « aux collaborateurs non impactés ou n'appartenant pas à une catégorie d'emploi impactée » une réponse avant le 22 décembre 2008, il convient de constater que ce mail est une note générale et circulaire d'information sur les départs volontaires annonçant à tous les salariés concernés ou potentiellement concernés par ces départs, le calendrier des semaines à venir, nécessairement prévisionnel puisque tous les salariés concernés n'étaient pas définitivement connus.

De plus cette annonce doit s'inscrire plus généralement dans les mesures et échéances prévues par le PSE qui a fixé comme date limite de sa validité le 31 décembre 2008 de telle sorte qu'une décision ne conférant pas de droits acquis n'a pu être considérée comme définitive avant cette date.

En conséquence de ce qui précède le refus de l'employeur est exclusif de faute à l'encontre de Madame [K] [P] épouse [S].

La prise d'acte de rupture de la salariée doit dès lors s'analyser comme produisant les effets d'une démission.

Le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions et Madame [K] [P] épouse [S] doit être déboutée du chef de ses demandes à titre principal sur ce fondement.

3 -

Madame [K] [P] épouse [S] soutient à titre subsidiaire qu'aucune substitution ne lui était opposable dans la mesure ou cette condition n'est pas reprise dans les mesures prévues pour les départs pour création d'entreprise. Pour les raisons déjà exposées au § 2-2 ce moyen ne saurait prospérer et la salariée doit en être déboutée.

4 -

Madame [K] [P] épouse [S] soutient enfin et en tout état de cause, subir un préjudice du fait de la société Schering Plough devant être indemnisé à hauteur de la somme de 30 000 euros, arguant du comportement de l'employeur à son égard notamment dans l'application des dispositifs de l'accord de méthode ou les notifications tardives.

Eu égard à la motivation de ce chef de ses demandes, elle a entendu se placer sur le seul terrain de la faute, or il résulte amplement de ce qui précède qu'aucun manquement fautif n'a pas été commis par l'employeur.

Elle doit donc également être déboutée de ce chef de ses demandes.

5 -

La présente décision d'infirmation vaut titre exécutoire permettant à la Sas Schering Plough de poursuivre la restitution des sommes versées en exécution des condamnations prononcées en première instance au titre de l'exécution provisoire de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce chef de demande de la société Schering Plough.

6 -

Madame [K] [P] épouse [S] qui succombe en toutes ses prétentions doit supporter la charge des dépens de première instance et d'appel.

La disparité des situations économiques des parties comme l'équité justifient que chacune d'elle conserve la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'elles ont engagés.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Dit que la prise d'acte de rupture de Madame [K] [P] épouse [S] en date du 5 janvier 2009 doit s'analyser en une démission

Déboute Madame [K] [P] épouse [S] de l'ensemble de ses demandes

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées à Madame [K] [P] épouse [S] par la sas Schering Plough en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Madame [K] [P] épouse [S] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/04715
Date de la décision : 25/04/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/04715 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-25;13.04715 ?
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