La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2014 | FRANCE | N°13/03669

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 07 avril 2014, 13/03669


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/03669





SAS SECURITE PROTECTION FEU SPF



C/

[F]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 18 Avril 2013

RG : F 10/02975











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 07 AVRIL 2014













APPELANTE :



SAS SECURITE PROTECTION FEU SPF

[Adres

se 1]

[Localité 1]



représentée par Me Nathalie MASSART de la SCP BROSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉ :



[E] [F]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 2]



comparant en personne, assisté de Me Christian LALLEM...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/03669

SAS SECURITE PROTECTION FEU SPF

C/

[F]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 18 Avril 2013

RG : F 10/02975

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 07 AVRIL 2014

APPELANTE :

SAS SECURITE PROTECTION FEU SPF

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Nathalie MASSART de la SCP BROSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

[E] [F]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Christian LALLEMENT de la SELARL LALLEMENT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Magali MAURIN de la SELARL LALLEMENT CHRISTIAN, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Agnès THAUNAT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Avril 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

M. [E] [F] a été engagé par la Société Nationale de Protection et de Sécurité Incendie (SNPSI) en qualité de VRP suivant contrat écrit à durée indéterminée du 11 mars 2008. L'article VI du contrat précisait que le VRP s'engageait à respecter sous toutes ses formes la loi n°72-1137 du 22 décembre 1972 et le décret n°73-784 sur le démarchage à domicile et que le non respect de cette loi entraînait un licenciement pour faute grave . L'article VII du contrat stipulait qu'il était demandé au VRP de réaliser un chiffre d'affaires HT mensuel et payé de 6.097',96€.

Ce contrat était soumis aux accords interprofessionnels VRP.

Le groupe TFN a racheté la société SNPSI en 2009. La société SNPSI a alors fait l'objet d'une fusion avec cinq autres sociétés en mai 2009, sous le nom de SGP.

M' [E] [F] a conclu avec la société SGP un nouveau contrat à durée indéterminée en date du 1er septembre 2009 en qualité de technico-commercial, employé, niveau IV, échelon 1 soumis à la convention collective nationale du commerce de gros avec reprise de son ancienneté au 11 mars 2008. Ce contrat prévoyait une rémunération mensuelle brute fixe de 1 337,76 € outre une partie variable calculée en fonction du chiffre d'affaires réalisé. L'article 5 du contrat stipulait que le salarié s'engageait à réaliser un chiffre d'affaire minimum encaissé annuel de 84.000 € HT et que «'tous les trois mois un entretien concernant l'activité et les différents objectifs sera(it) effectué sur la base de 21.000 € HT à atteindre trimestriellement'».

Le 6 mai 2010, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une mesure «'pouvant aller jusqu'à son licenciement'» qui s'est déroulé le 18 mai.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mai 2010, la société a informé M. [E] [F] de l'absence de suite donnée à cette procédure de licenciement au motif que le salarié avait «'produit (son) chiffre d'affaires du mois d'avril 2010 qui s'avère être largement supérieur aux objectifs qui (...) ont été fixés'».

Le 24 juin 2010, la société SGP a convoqué M. [E] [F] à un entretien préalable à son licenciement fixé au 5 juillet et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 juillet 2010, la société a notifié à M. [E] [F] son licenciement dans les termes suivants:

'Par courrier du 24 juin 2010, vous avez été convoqué à un entretien préalable à licenciement le lundi 5 juillet 2010 à l'agence de [Localité 3]. Dans le même temps, il vous était signifié une mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de l'issue de la procédure.

Lors de cet entretien, auquel vous vous êtes présenté accompagné d'un conseiller du salarié M. [Z], nous vous avons présenté les faits retenus à votre encontre.

Nous constatons depuis de nombreux mois une insuffisance flagrante de résultats et cette situation nous a amené à vous convoquer à un premier entretien préalable le 18 mai 2010.

Lors de cet entretien, vous vous étiez engagé à réagir et vous aviez produit votre chiffre d'affaires d'avril 2010, supérieur à votre objectif mensuel de 7 000 € qui vous est fixé.

Dans ces conditions, par courrier du 27 mai 2010, nous avions décidé de ne pas donner de suite à la procédure engagée à votre encontre mais pour autant, nous avions insisté sur la nécessité d'atteindre vos objectifs chaque mois.

Il s'avère que cette ultime mise en garde n'a pas été suivie d'effet dans la mesure où votre chiffre d'affaires de mai 2010 n'atteint que 1 291 € et celui de juin seulement 980 €, alors que votre objectif mensuel reste fixé à 7 000 €.

Par ailleurs, M. [W] a pu également constater que plus de 80 clients n'ont pas été revisités sur la période du 1er janvier au 30 juin 2010.

Dans ces conditions, j'estime que vous manifestez une volonté délibérée de ne pas vous conformer à vos obligations contractuelles et que ce faisant, vous mettez en danger la pérennité du secteur qui vous est confié. Lors de l'entretien, vous avez avancé pour motiver votre insuffisance, votre complète démotivation suite à votre première convocation.

Cette explication n'ayant pas modifié notre appréciation des faits, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.

Ce licenciement prend effet dès la première présentation de la présente sans indemnité de préavis ni de licenciement.

La mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée ne vous sera pas rémunérée (...)'.

M. [E] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 22 juillet 2010 afin de contester son licenciement.

Par contrat en date du 1er septembre 2010, le fonds de commerce de la société SGP a été donné en location gérance à la société SECURITE PROTECTION FEU NORMANDIE

* * *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 25 avril 2013 par la société Sécurité protection feu et incendie du jugement rendu le 18 avril 2013 par le conseil de prud'hommes de LYON (section commerce) statuant en formation de départage qui a :

- Dit et jugé le licenciement de M. [E] [F] sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné la société SPF à payer à M. [E] [F] les sommes suivantes :

- 977, 53 € à titre de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire,

- 97,75 € au titre des congés payés afférents,

- 767, 26 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 836,32 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 383,63 € au titre des congés payés afférents,

- 11 508,96 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Ordonné à la société SPF de remettre à M. [E] [F] les documents de fins de contrat rectifiés en fonction des condamnations prononcées,

- Ordonné le remboursement par la société SPF aux organismes concernés, des indemnités de chômage payées à M. [E] [F] du jour de son licenciement au jour du présent jugement dans la limite de six mois d'indemnités,

- Débouté les parties de leurs autres demandes,

- Condamné la société SPF aux dépens.

Aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 3 février 2014, la société Sécurité Protection Feu demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement entrepris,

Et, statuant de nouveau :

- Débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner M. [F] au paiement des entiers dépens.

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 3 février 2013 par M. [E] [F] qui demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de LYON du 18 avril 2013 en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [F] sans cause réelle et sérieuse,

- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes sur le montant des dommages et intérêts accordés à M. [F] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la Société SPF à verser à M. [F] une somme de 23 160,84 € nets de CSG/CRDS au titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse,

- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de LYON en ce qu'il a condamné la société SPF à verser à M. [F] :

- 977,53 € au titre de la mise à pied conservatoire de M. [F] est injustifiée et 97,75 € de congés payés afférents,

- 772,03 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 3 860,14 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 386 € au titre des congés payés afférents au préavis,

- 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Les dépens,

- La remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de 8 jours après la notification de l'arrêt à intervenir,

- Dire et juger que la liquidation de cette astreinte sera de la compétence de la juridiction qui l'aura prononcée.

SUR LE LICENCIEMENT

Le licenciement prononcé pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire, mais l'insuffisance professionnelle sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne peut être qualifiée de fautive.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, la lettre de licenciement reproche au salarié une insuffisance de résultats, son chiffre d'affaires de mai 2010 n'étant que de 1 291 € et celui de juin seulement de 980 €, alors que son objectif mensuel reste fixé à 7 000 €.

La lettre de licenciement relève que le salarié pour expliquer la non atteinte de ses objectifs avait évoqué sa «' complète démotivation suite à (sa) première convocation'».

En ce qui concerne les résultats du mois de mai, la cour relève qu'au cours de ce mois, le salarié a été convoqué le 6 mai pour un entretien préalable à son licenciement fixé au 18 mai. Ce n'est que par lettre en date du 27 mai que la menace de licenciement a été définitivement écartée. Dans ces conditions, les mauvais résultats du salarié pour le mois de mai trouvent une explication': l'employeur ne peut exiger d'un salarié qui se trouve dans l'attente de son licenciement un investissement comparable à celui d'un salarié n'ayant pas subi cette menace.

En outre, il résulte des propres pièces versées aux débats par l'employeur, qu'ainsi que le soutient M. [E] [F],'les tournées avec les formateurs sont devenues plus rares au fil du temps du temps. En effet, un formateur a accompagné M. [E] [F] dans sa tournée une fois en septembre 2009 , deux fois en octobre, deux fois en décembre 2009. En revanche pour l'année 2010, on ne relève qu'une tournée conjointe le 11 mars, deux les 6 et 9 avril et une le 27 mai. Dans ces conditions, l'amélioration des résultats au mois d'avril 2010 s'explique, tout comme leur dégradation en mai, M. [E] [F] n'ayant bénéficié que d'une tournée conjointe en fin de mois, de manière concomitante avec l'annonce de la levée de la menace de sanction.

Par ailleurs, en ce qui concerne les résultats du mois de juin, la cour constate qu'en fait il résulte du bulletin de salaire de M. [E] [F] établi pour ce mois, que le salarié a été en congé du 7 juin au 17 juin 2010 puis en mise à pied du 28 au 30 juin.

Dès lors, il est établi que M. [E] [F] n'a effectivement travaillé que 10 jours pendant le mois de juin 2010. Son employeur ne peut dans ces conditions, lui reprocher de ne pas avoir atteint pour ce mois un chiffre d'affaires HT de 7000 € HT, défini pour un mois complet.

Il est également reproché au salarié de ne pas avoir revisité plus de 80 clients sur la période du 1er janvier au 30 juin 2010'.

M. [E] [F] conteste ce chiffre. Il établit par les attestations qu'il verse aux débats, d'une part que l'expression «'clients non revisités'» correspond plutôt à des clients «'non refacturés'» et qu'un certain nombre de ces clients avaient refusé toute nouvelles prestations.

Par ailleurs, il fait observer à juste titre, ce qui n'est pas contesté par l'employeur, qu'aucune dispositions contractuelles ne lui faisait obligation de revisiter une fois par an les clients, le plus souvent simples particuliers et qu'au contraire, il s'exposait, en agissant de la sorte, à enfreindre la loi sur le démarchage à domicile.

M. [E] [F] remarque également à juste titre que si l'APSAD impose une révision annuelle des extincteurs, la société n'établit pas qu'elle est soumise aux normes définies par cette association. Au surplus, la cour constate que le texte relatif à la règle APSAD R4 Juin 2009 qu'elle produit, ne fait mention que d'une recommandation aux utilisateurs de faire appel à une entreprise titulaire des certifications conjointes APSD et NF service d'installation et de maintenance d'extincteur, pour une vérification annuelle, mais n'interdit pas au possesseur d'extincteur de procéder à celle-ci s'il en a la compétence.

En toute hypothèse, c'est à la société d'établir que la norme dont elle se prévaut avait un caractère obligatoire, notamment pour les particuliers ce qu'elle ne fait pas se contentant d'énoncer des généralités sans viser aucune disposition légale applicable à l'époque des faits.

Dès lors, l'insuffisance professionnelle reprochée à M. [E] [F] n'étant pas établie, il s'ensuit qu'à fortiori «'la volonté délibérée de ne pas (se) conformer à (ses) obligations contractuelles et (de) mettre en danger la pérennité du secteur qui (lui) est confié'» ne l'est pas d'avantage.

De plus, la cour relève ainsi que l'ont fait de manière pertinente les premiers juges, que le licenciement de M. [E] [F] s'inscrit dans un contexte particulier.

En effet, il résulte des pièces produites aux débats que':

-Par courriel en date du 25 septembre 2009, M. [P] [B], directeur général de TFN SI, quant à l'établissement des paies de septembre et d'octobre 2009 s'agissant notamment des anciens salariés de la SNPSI a communiqué les instructions suivantes':'

«'(') 2°les nouveaux contrats ne sont pas signés.

Nous calculerons quand même sur les nouvelles conditions, toute réclamation devra m'être transmise après coup.

C'est au DR de faire signer les contrats.

Si au moment de la paie du mois d'octobre, il existe encore des récalcitrants, et que le nouveau contrat n'est pas appliqué.

Nous réaliserons les régul(sic) à partir des anciennes conditions. Par contre vous pourrez dores et déjà leur expliquer de trouver du travail ailleurs... Je ne garderai pas d'exception chez nous(...)'»

-Par courrier du 17 novembre 2009 adressé à son employeur, M. [E] [F] a émis des réserves sur la signature de son nouveau contrat de travail, sur les objectifs fixés et les moyens mis à sa disposition pour y parvenir.

-Par courrier du 11 janvier 2010, il a alerté sa direction sur les modifications de sa rémunération.

-Par courrier du 25 février 2010, plusieurs salariés dont M. [E] [F] ont alerté l'Inspection du Travail sur la dégradation de leurs conditions de travail et les pressions exercées pour signer les nouveaux contrats de travail. Ils invoquaient notamment des objectifs à la hausse et des salaires à la baisse, un paiement des commissions à plus de 30 jours, une ancienneté d'abord non appliquée puis rectifiée sans effet rétroactif, des congés payés imputés du fixe à objectifs atteints, des jours de formation et des jours fériés chômés non payés, des indemnités de paniers insuffisantes, et des virements de salaires en retard, l'absence de délégué du personnel.

-Par courrier du 14 avril 2010, plusieurs salariés dont M. [E] [F] ont alerté à nouveau leur direction sur les dysfonctionnements déjà évoqués , copie du courrier étant adressé à l'inspection du travail

-Par courrier en date du 27 avril 2010, la société SGP a réfuté les pressions et les menaces alléguées et a proposé aux salariés l'aide d'un psychologue et un retour au statut de VRP.

-Par courrier en date du 3 mai 2010, M. [E] [F] confirmant l'existence de pressions, a répondu par l'affirmative à la proposition de son employeur d'être aidé par un psychologue, a sollicité des réponses à ses questions et a précisé qu'il n'était pas dans la capacité à cette date de répondre à la question de savoir s'il souhaitait un retour au statut de VRP', compte tenu de l'absence de réponse à ses questions.

-Par courriel du 5 mai 2010 , M. [E] [F] a sollicité un entretien avec son directeur pour discuter de son avenir au sein de la société en l'état du malaise qui s'était installé. Il précisait souhaiter trouver une solution définitive qui serait très certainement un départ dans les prochains mois. Concernant sa demande de retour au statut de VPR, il indiquait «'étant le seul à vouloir retrouver ce statut de VRP, je suis conscient que cela peut poser certains problèmes comme nous l'avons abordé, notamment au niveau du virement des salaires, mais aussi au retour au statut de VRP à partir du mois d'avril et non de mars (') Je vous propose de me laisser au statut de technico commercial jusqu'à ce que nous trouvions une solution définitive qui sera très certainement un départ dans les prochains mois'».

-Par lettre du 6 mai 2010, la société SGP a convoqué M. [E] [F] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

-Le 10 mai 2010, en l'absence de représentation du personnel au sein de l'entreprise, le délégué du personnel ayant perdu son mandat du fait de son annulation par le repreneur, plusieurs salariés ont alerté à nouveau l'Inspection du Travail afin d'obtenir son intervention en l'état d'une dégradation des conditions de travail et ont invoqué les soutiens psychologiques demandés par plusieurs salariés et les envois de courrier à entretien préalable à sanction disciplinaire reçus par plusieurs collaborateurs en représailles à leurs doléances.

-Le même jour, M. [E] [F] a sollicité d'une part l'aide de l'Inspection du Travail dans sa procédure de licenciement et d'autre part informé son employeur d'erreurs commises dans le paiement des commissions.

-Par lettre recommandée du 27 mai 2010, la société SGP a informé M. [E] [F] qu'elle ne donnait pas suite à la procédure de licenciement en l'état du chiffre d'affaires réalisé au mois d'avril 2010 qui s'était très largement supérieur aux objectifs fixés.

-Par lettre du 4 juin 2010, la société SGP a répondu aux questionnements de M. [E] [F] concernant la signature de son nouveau contrat de travail, le calcul des congés payés, le niveau du salaire de base, le paiement des jours fériés et des jours de formation et le montant des indemnités de paniers.

-Par lettre du 24 juin 2010, la société SGP a convoqué M. [E] [F] à un second entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire.

-Par lettre du 15 juillet 2010, la société SGP a notifié à M. [E] [F] son licenciement pour faute grave pour une insuffisance flagrante de résultats résultant d'une volonté délibérée de ne pas se conformer à ses obligations contractuelles.

-Par lettre du 19 juillet 2010, le contrôleur du travail confirmant les termes d'un entretien en date du 7 juin 2010 avec la société SGP, a précisé à cette dernière les points suivants :

* la modification de la Convention Collective supposait la dénonciation auprès des salariés de leur Convention Collective avec un préavis de trois mois puis l'application pendant un an de cette convention à l'expiration du préavis. La société reconnaissait avoir commis des erreurs concernant cette procédure.

* l'application de la nouvelle Convention Collective ayant conduit à changer le mode de rémunération des salariés a été réalisée sans concertation avec ces derniers en tentant d'obtenir leur accords par des pressions voire des menaces de licenciement. La société reconnaissait avoir laissé le responsable de ce changement libre d'agir à sa guise.

*la société a proposé aux salariés un retour à leur ancien statut ou un maintien des conditions acceptées sous la contrainte, sans respecter le délai de réflexion d'un mois et sans les informer qu'un refus par écrit pouvait conduire à leur licenciement et que le fait de ne pas répondre à la proposition vaudrait accord de leur part, alors que les propositions faites étaient accompagnées d'un tableau précisant aux salariés les sommes à rembourser s'ils optaient pour le retour à l'ancien statut.

Le Contrôleur du Travail précisait en outre dans ce courrier qu'il avait constaté après discussion avec les salariés, que les grandes pressions qu'ils avaient subies induisaient indubitablement une grande souffrance au travail confirmée par le médecin du travail'; que l'employeur avait indiqué qu'un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement étaient systématiquement mis en place dès que le chiffre d'affaires d'un commercial n'était pas atteint'; qu'il avait ainsi que le médecin du travail informé l'employeur que le fait de convoquer régulièrement le même salarié pour des entretiens préalables en vue d'un licenciement, pouvait être constitutif de harcèlement moral à son encontre et de toute façon provoquer chez lui un stress important dont la responsabilité lui incombait'; qu'un rappel a été fait l'employeur concernant son obligation d'évaluer le risque psychosocial dans son établissement et de prendre les dispositions nécessaires en vue de prévenir des agissements de harcèlement moral.

Compte tenu des éléments sus-rappelés, il est établi que les salariés qui avaient le statut de VRP ont été contraints de signer des contrats de «'technico-commercial'», le courriel du 25 septembre 2009 de M. [B] indiquant expressément que les VRP qui n'accepteraient pas de signer les nouveaux contrats devraient chercher un autre emploi, qu'en outre, le retour proposé à l'ancien statut s'est accompagné d'une demande de remboursement des sommes versées. La souffrance au travail des salariés placés dans un situation inconfortable a été reconnue par l'employeur qui leur a proposé l'aide d'un psychologue. Pourtant M. [E] [F] qui a accepté par courrier du 3 mai 2010 une telle aide, indiquait dans son courriel du 10 mai 2010 à l'inspection du travail être toujours dans l'attente de ce soutien psychologique alors qu'il se trouvait au bord de la dépression'.

Dans ces conditions, ainsi que l'a relevé à juste titre le juge départiteur, la démotivation de M. [E] [F], était imputable à son employeur et ne pouvait constituer une faute justifiant son licenciement.

La société SECURITE PROTECTION FEU n'apportant pas la preuve qui lui incombe que l'insuffisance professionnelle qu'elle lui reproche à M. [F], provenait d'une abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée de sa part, seuls cas permettant un licenciement disciplinaire, celui-ci se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et qu'il a condamné l'employeur à payer à M. [E] [F], les salaires qui auraient dû être versés pendant la mise à pied conservatoire injustifiée ainsi que le congés payés afférents'; une indemnité de licenciement'; une indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents ainsi qu'une indemnité versée en application de l'article 700 du code de procédure civile', la remise de documents de fin de contrat', sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte et ordonné le remboursement à POLE EMPLOI des indemnités versées.

A titre subsidiaire, la société SECURITE PROTECTION FEU -SPF conteste le montant du salaire retenu par les premiers juges pour calculer les différentes indemnités et soutient que la moyenne des douze derniers mois de salaires de M. [E] [F] est de 1689€ et la moyenne de ses trois derniers mois est de 1600,26€'.

Au vu des bulletins de salaires produits la cour relève que c'est de manière pertinente que les premiers juges ont retenu, en application des articles L1234-9 et R1234-4 du code du travail que le salaire moyen brut de M. [E] [F] était de 1918,16€ et ont effectué le calcul des sommes dues au salarié sur cette base.

M. [E] [F] ayant plus de deux ans d'ancienneté doit recevoir une indemnité légale calculée en application de l'article R1234-2 du code du travail et une indemnité compensatrice de son préavis fixé à deux mois en application de l'article L1234-1 du code du travail.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le quantum des condamnations prononcées par les premiers juges des chefs sus-visés.

En ce qui concerne le montant des dommages-intérêts pour licenciement abusif, le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de onze salariés, le montant de ses dommages-intérêts en raison du caractère abusif de son licenciement ne peut être inférieur à l'équivalent de six mois de salaires soit 11.508,96€.

En cause d'appel le salarié a justifié avoir reçu les indemnités de POLE EMPLOI à compter du 14 août 2010 jusqu'au 31 décembre 2010'. Il indique être devenu autoentrepreneur à compter de janvier 2011'. En conséquence, la cour possède suffisamment d'éléments pour fixer à la somme de 20.000€ le montant de ses dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des sommes payées par le Pôle Emploi

Selon l'article L.1235-4 du code du travail dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11 du même code, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé et de confirmer sur ce point le jugement entrepris'.

SUR LES AUTRES DEMANDES

La société SECURITE PROTECTION FEU -SPF succombant dans ses prétentions doit être condamnée aux dépens'.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris dans l'ensemble des ses dispositions à l'exception du quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

statuant à nouveau,

CONDAMNE la société SECURITE PROTECTION FEU -SPF à payer à M. [E] [F] la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

y ajoutant

CONDAMNE la société SECURITE PROTECTION FEU -SPF aux entiers dépens

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Sophie MASCRIER Didier JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 13/03669
Date de la décision : 07/04/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°13/03669 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-07;13.03669 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award