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31/01/2014 | FRANCE | N°13/03184

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 31 janvier 2014, 13/03184


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 13/03184





ASSOCIATION ACSO



C/

[A]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

de LYON

du 15 Mars 2013

RG : F 11/04377











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 31 JANVIER 2014







APPELANTE :



ASSOCIATION ACSO

Centre Social Moreaud

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par M. GUEYFF

IER, Président de l'Association et



par Me Christine ETIEMBRE de la SELAS CABINET JURIDIQUE SAONE RHONE SELAS, avocat au barreau de LYON,





INTIMÉ :



[V] [A]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] ([Localité 1])

[Adresse 1]

[Localité 1]



comparant en personne, assist...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 13/03184

ASSOCIATION ACSO

C/

[A]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

de LYON

du 15 Mars 2013

RG : F 11/04377

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 31 JANVIER 2014

APPELANTE :

ASSOCIATION ACSO

Centre Social Moreaud

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par M. GUEYFFIER, Président de l'Association et

par Me Christine ETIEMBRE de la SELAS CABINET JURIDIQUE SAONE RHONE SELAS, avocat au barreau de LYON,

INTIMÉ :

[V] [A]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] ([Localité 1])

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Jean-Michel LAMBERT, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 06 Mai 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Décembre 2013

Présidée par Marie-Claude REVOL, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nicole BURKEL, président

- Marie-Claude REVOL, conseiller

- Catherine PAOLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 31 Janvier 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 22 octobre 2004, [V] [A] a été embauché par l'association ACSO en qualité d'animateur coordinateur ; le 22 novembre 2010, il a été en arrêt de travail pour cause de maladie ; le 6 octobre 2011, il a poursuivi la résiliation de son contrat de travail devant le conseil des prud'hommes de LYON ; à l'issue des visites de reprise des 21 décembre 2011 et 5 janvier 2012, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise ; le 28 février 2012, il a été licencié pour inaptitude.

Devant le conseil des prud'hommes, [V] [A] a réclamé l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 15 mars 2013, le conseil des prud'hommes a :

- écarté le harcèlement moral,

- rejeté la demande de résiliation du contrat de travail,

- déclaré le licenciement dépourvu de cause,

- condamné l'association ACSO à verser à [V] [A] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, la somme de 4.433,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 443,33 euros de congés payés afférents, la somme de 3.032,40 euros à titre d'indemnité de licenciement et la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné l'association ACSO à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à [V] [A] dans la limite de six mois,

- condamné l'association ACSO aux dépens.

Le jugement a été notifié le 18 mars 2013 à l'association ACSO qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 12 avril 2013.

Par conclusions visées au greffe le 5 décembre 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, l'association ACSO :

- soutient qu'elle n'a pas modifié le contrat de travail, que le salarié rencontrait des difficultés dans la gestion de son travail et dans l'encadrement des animateurs, qu'elle lui a apporté son soutien et qu'elle a aussi fait usage de son pouvoir de direction,

- dénie tout harcèlement et toute dégradation des conditions de travail,

- oppose à la demande de résiliation du contrat de travail qu'elle n'a pas commis des manquements,

- affirme qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement en contactant 23 centres sociaux et en sollicitant une étude sur l'aménagement du poste et qu'ainsi le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- au principal, demande le rejet des prétentions du salarié,

- au subsidiaire, est au rejet de la demande d'indemnité de licenciement laquelle a été versée, de la demande d'indemnité compensatrice de préavis lequel ne pouvait être exécuté et des demandes de dommages et intérêts qui ne sont pas justifiées,

- objecte à la demande relative à l'indemnité de licenciement et à la demande relative au salaire du mois de février 2012 l'effet libératoire du solde de tout compte signé par le salarié et non dénoncé,

- sollicite la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du salarié aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 5 décembre 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [V] [A] qui interjette appel incident :

- fait grief à l'employeur d'avoir diminué les moyens matériels et humains et augmenté la charge de travail, de lui avoir refusé une formation, d'avoir exercé une pression permanente et de l'avoir écarté du secteur des 12-17 ans,

- considère que ces manquements justifient de résilier le contrat de travail aux torts de l'employeur,

- observe que l'employeur ne lui a fait aucune proposition de reclassement suite à l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail,

- expose qu'il a été victime d'un harcèlement moral qui a provoqué la dépression à l'origine de la déclaration d'inaptitude,

- demande que le licenciement soit jugé abusif,

- réclame la condamnation de l'association ACSO à lui verser la somme de 21.000 euros à titre de dommages et intérêts, la somme de 4.433,34 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 443,33 euros de congés payés afférents, la somme de 3.032,40 euros à titre d'indemnité de licenciement et la somme de 15.000 euros au titre du harcèlement moral,

- formant une demande nouvelle, réclame la somme de 2.271,75 euros à titre de rappel du salaire de février 2012,

- sollicite la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens.

A l'audience, [V] [A], par la voix de son conseil, indique expressément qu'il ne poursuit plus la résiliation judiciaire de son contrat de travail, qu'il soutient que le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse car l'inaptitude a été provoquée par le harcèlement, que l'indemnité de licenciement lui a été réglée et qu'il ne la demande plus sous réserve que l'association ne la conteste pas.L'association ACSO par la voix de son conseil précise qu'elle n'entend pas contester l'indemnité de licenciement qu'elle a versée.

Mention des déclarations a été portée sur la note d'audience signée par le conseiller rapporteur et le greffier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le salaire du mois de février 2012 :

L'article L. 1226-11 du code du travail oblige l'employeur qui n'a ni reclassé ni licencié le salarié déclaré inapte à l'issue du délai d'un mois suivant la date de la visite médicale à reprendre le paiement du salaire.

La seconde visite auprès du médecin du travail qui a déclaré [V] [A] inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise date du 5 janvier 2012 ; l'employeur a prononcé le licenciement pour inaptitude le 28 février 2012 ; [V] [A] était toujours en arrêt maladie au mois de février 2012.

D'une part, la comparaison des feuilles de paie de janvier et de février 2012 démontre que l'employeur a repris le paiement du salaire entre le 6 et le 28 février 2012 en tenant compte de l'arrêt maladie et du versement des indemnités journalières.

D'autre part, [V] [A] a signé le solde de tout compte le 29 avril 2012 et ne l'a pas contesté avant la procédure d'appel introduite en avril 2013 et en vertu de l'article L. 1234-20 du code du travail ce solde produit un effet libératoire pour l'employeur pour les sommes mentionnées.

En conséquence, [V] [A] doit être débouté de sa demande nouvelle en paiement du salaire du mois de février 2012.

Sur le harcèlement moral :

L'article L.1152-1 du code du travail prohibe les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droit ou à la dignité du salarié ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; en application de l'article L.1154-1 du code du travail et de la réserve émise par le Conseil Constitutionnel, il appartient au salarié qui allègue d'un harcèlement d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence du harcèlement et il appartient à l'employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs.

[V] [A] a sollicité une absence pour suivre une formation du 13 janvier 2010 au 30 septembre 2011 ; la formation se déroulait trois jours par semaine ; le 21 décembre 2009, l'employeur a répondu qu'il acceptait le principe de la formation mais différait le départ de [V] [A] de quelques mois car sa présence à son poste était nécessaire pour mener à bien le projet défini pour son secteur et pouvoir l'évaluer à l'été 2010 ; l'employeur a proposé également une formation de janvier à avril 2010 prodiguée à raison de quelques séances par mois et pour laquelle [V] [A] s'est porté volontaire.

Par lettre du 24 mars 2009, l'employeur a demandé à [V] [A] de remettre de l'ordre dans le fonctionnement de son équipe car il avait autorité pour le faire.

Par courrier électronique du 21 mai 2010, l'employeur a demandé à deux personnes dont [V] [A] de préparer avec le plus grand soin la réunion du 31 mai.

[V] [A] verse plusieurs attestations :

* [N] [K] qui a été animateur de 2007 à 2009 témoigne que la directrice mettait une pression conséquente sur les épaules de [V] [A] en le convoquant fréquemment dans son bureau, en lui faisant des reproches incessants, que lors des réunions du conseil d'administration il avait l'impression qu'il y avait un règlement de compte de la directrice sur [V] [A], que la directrice brimait et persécutait [V] [A] et exerçait une pression et un harcèlement sournois,

* [E] [I] qui a été apprenti pendant deux ans témoigne que la pression était mise sur [V] [A] qui se faisait rabaisser et décrédibiliser,

* [Y] [X], assistante administrative, témoigne de pressions exercées sur [V] [A],

* [J] [G], directeur adjoint de 2004 à 2005, témoigne que la directrice interpellait [V] [A] sur ses projets, qu'au printemps 2005, la directrice a convoqué [V] [A] dans son bureau pour s'expliquer sur ses actions, que le ton a été violent, que la directrice a claqué la porte au nez de [V] [A] et que ce dernier a commencé à subir une pression sur ses résultats,

* [O] [M], employé de la ville d'[Localité 2], atteste qu'entre 2005 et 2010, il a entendu lors de réunions des propos qui disqualifiaient [V] [A],

* [F] [P] ancien administrateur de l'association en 2009 témoigne que la directrice a mis en place un long travail de sape à l'encontre de [V] [A] et de son équipe afin de les briser et de les faire partir,

* [D] [H] qui a été animateur vacataire témoigne que [V] [A] subissait 'une forte pression malsaine de la part de la directrice' que lors de réunions d'équipe la directrice discréditait et maltraitait verbalement [V] [A],

* [T] [U] qui a été animateur de 2004 à 2010 témoigne qu'il subissait une pression énorme, que [V] [A] a subi à plusieurs reprises des humiliations dans les réunions d'équipe pour le décrédibiliser devant les animateurs, qu'il a assisté à un 'harcèlement vicieux' de la directrice sur [V] [A].

Par courrier électronique du 18 juin 2013 adressé à cette même directrice, [T] [U] qui exerçait à [Localité 4] lui a demandé d'être 'son mentor' et a précisé 'j'ai pris grand plaisir à travailler avec vous'.

Le 15 octobre 2010, [L] [W] a demandé à travailler à l'association ACSO en sus de son travail à temps partiel à la mairie de [Localité 3].

Une salariée de l'association, ancienne déléguée syndicale et ancienne déléguée du personnel durant 10 ans atteste qu'elle avait de bons rapports de travail avec la directrice qui était très humaine et qu'elle n'a jamais eu à traiter un problème concernant [V] [A].

Les témoignages en faveur de [V] [A] sont imprécis, les faits relatés n'étant ni datés ni circonstanciés ; un des témoins, [T] [U], a établi une attestation totalement contradictoire avec les termes de son courrier du 18 juin 2013.

[V] [A] a bien subi une dégradation de son état de santé puisqu'il a présenté une dépression et que le médecin du travail l'a déclaré inapte ; le médecin du travail n'a pas retenu de danger immédiat et a fait passer deux visites médicales de reprise.

De ces éléments pris dans leur ensemble la Cour tire la conviction, sans qu'il soit nécessaire d'organiser une mesure d'instruction que les parties ne sollicitent d'ailleurs pas, que [V] [A] n'a pas été victime de harcèlement moral.

En conséquence, [V] [A] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur le licenciement :

Aucun élément ne permet de relier l'état dépressif présenté par [V] [A] au comportement de l'employeur ; aucune demande de reconnaissance de maladie professionnelle n'a été présentée auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et le harcèlement moral a été écarté.

L'article L. 1226-2 du code du travail oblige l'employeur à rechercher à reclasser le salarié déclaré inapte par le médecin du travail suite à une maladie non professionnelle.

Le licenciement du 28 février 2012 se fonde sur l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement.

L'employeur a convié le médecin du travail à procéder sur site à une étude des postes en vue de l'aménagement du poste et du reclassement de [V] [A] ; le médecin a écrit le 3 février 2012 que suite à la visite de l'entreprise il n'a pas fait de propositions de poste de reclassement.

L'employeur qui ne fait pas partie d'un groupe a envoyé le 7 février 2012 une lettre aux fins de reclassement en externe de [V] [A] à plusieurs centres sociaux ; la lettre était personnalisée en ce qu'elle précisait la nature du poste, les fonctions confiées et les diplômes détenus ; l'employeur a reçu sept réponses négatives entre le 9 et le 23 février 2012 et aucune réponse positive.

L'employeur a ainsi procédé à des recherches sérieuses et loyales de reclassement.

En conséquence, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et [V] [A] doit être débouté de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis.

Il n'y a pas lieu à application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[V] [A] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a écarté le harcèlement moral et débouté [V] [A] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Juge que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute [V] [A] de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité compensatrice de préavis,

Juge n'y avoir lieu à application de l'article L. 1235-4 du code du travail,

Invite le greffe à notifier le présent arrêt à POLE EMPLOI,

Déboute les parties de leurs demandes présentées en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [V] [A] aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Déboute [V] [A] de sa demande nouvelle en paiement du salaire du mois de février 2012,

Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [V] [A] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/03184
Date de la décision : 31/01/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/03184 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-31;13.03184 ?
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