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29/01/2014 | FRANCE | N°12/07741

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 29 janvier 2014, 12/07741


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : 12/07741





[N]



C/

SAS AMPLITUDE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 18 Septembre 2012

RG : F 11/00334











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 29 JANVIER 2014







APPELANTE :



[T] [N]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]



[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Mélanie CHABANOL de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON



substituée par Me Malvina BOISSONNET, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS AMPLITUDE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 12/07741

[N]

C/

SAS AMPLITUDE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 18 Septembre 2012

RG : F 11/00334

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 29 JANVIER 2014

APPELANTE :

[T] [N]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Mélanie CHABANOL de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

substituée par Me Malvina BOISSONNET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS AMPLITUDE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Cécile VALETTE-BRUNNER de l'Association ARIANE AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE

substituée par Me Arnaud GANANCIA, avocat au barreau de VALENCE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 18 Mars 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Novembre 2013

Présidée par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre et Christian RISS, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, Président,

- Hervé GUILBERT, Conseiller

- Christian RISS, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 Janvier 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Madame [T] [N] a été embauchée le 14 mars 2005 pour une durée indéterminée en qualité d'attachée technico-commerciale par la société AMPLITUDE dont l'activité est la conception, la fabrication et la commercialisation d'implants orthopédiques (prothèses de hanches et de genoux) et leurs instrumentations associées.

Le 5 février 2008, elle a été promue en qualité de responsable technico-commerciale senior en raison de ses compétences professionnelles et de ses bons résultats.

Au dernier état des relations contractuelles, sa rémunération mensuelle brute, composée d'une partie fixe et d'une partie variable constituée de commissions sur le chiffre d'affaires mensuel de la société, s'élevait sur la moyenne des douze derniers mois à 8'843,71 € .

Les relations entre les parties ont commencé à se dégrader au cours de l'année 2009 après un changement intervenu au niveau de la direction de l'entreprise. Madame [N] a été placé en arrêt maladie à compter du 28 mars 2011, son médecin traitant ayant diagnostiqué un état dépressif réactionnel.

Lors d'un entretien informel tenu le 11 juillet 2011, la rupture du contrat de travail de Madame [N] a été envisagée, la salariée prétendant que son employeur l'avait invitée à démissionner au motif que sa maladie et ses absences lui portaient préjudice et qu'elle s'était opposée, tandis que son employeur soutient au contraire qu'elle avait demandé à partir de l'entreprise et à être licenciée, ce qu'il aurait refusé en l'absence de motif justifiant son licenciement et alors même que sa présence dans l'entreprise aurait été préférable eu égard à sa technicité et aux formations qu'elle avait reçues.

Après avoir été destinataire d'un bulletin de salaire mentionnant une rémunération de 0,00 € pour le mois de juillet 2011 sans que la société AMPLITUDE ne l'en ait préalablement informé, et alors qu'elle était placée en arrêt maladie et ne bénéficiait pas des indemnités journalières de la Sécurité Sociale du fait de la subrogation dont disposait l'employeur dans ses droits, Madame [N] a sollicité par lettre du 1er août 2011 une prompte régularisation de sa situation.

La réponse apportée dès le lendemain par la société AMPLITUDE de l'ayant pas satisfaite, Madame [N] a renouvelé sa demande le 23 août 2011 par l'intermédiaire de son avocat.

La société AMPLITUDE ensuite procédé au virement sur son compte de la somme de 18,41 € au titre du salaire du mois d'août 2011.

Considérant que la société AMPLITUDE avait dans ces conditions gravement manqué à ses obligations contractuelles en s'étant abstenu de lui verser son salaire, Madame [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur par lettre en date du 7 septembre 2011.

Elle a ensuite saisi le 7 octobre 2011 la juridiction prud'homale aux fins de faire constater :

- que, durant son arrêt de travail pour maladie, elle bénéficiait d'une garantie conventionnelle de son maintien de salaire,

- que la société AMPLITUDE avait manqué délibérément à son obligation de maintien de salaire,

- qu'elle était fondée à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, et que cette prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

et obtenir la condamnation de la société AMPLITUDE à lui payer des sommes suivantes :

- 17.724,46 € à titre de rappel de salaire, outre 1.772,45 € au titre des congés payés afférents;

- 26.457,84 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2645,78 € au titre des congés payés afférents ;

- 11.465,02 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement;

- 120.000,00 € au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier et infondé ;

- 15.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et procédés vexatoires ;

- 47.627,04 € au titre de l'indemnisation de la clause de non-concurrence;

- 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société AMPLITUDE s'est opposée à ses demandes et a sollicité reconventionnellement la condamnation de Madame [N] à lui payer la somme de 20.713,56 € à titre d'indemnité compensatrice du préavis qu'elle n'a pas effectué, outre un montant de 4.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 18 septembre 2012, le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse, section encadrement, a dit que durant son arrêt de travail Madame [N] bénéficiait d'une garantie de maintien de salaire et a condamné la société AMPLITUDE à lui payer la somme de 17.724,46 € à titre de rappel de salaire et celle de 1.772,45 € au titre des congés payés afférents.

Il a également dit que la clause de non-concurrence devait être respectée mensuellement pour un montant de 4.409,64 €, outre les congés payés de 441,00 €, et a condamné la société AMPLITUDE à payer à Madame [N] au titre de cette indemnité la somme de 39.686,76 €, outre celle de 3.969,00 € au titre des congés payés afférents.

Il a par ailleurs condamné Madame [N] à payer à la société AMPLITUDE la somme de 20.713,56 € au titre du préavis non effectué, et condamné la société AMPLITUDE à lui verser un montant de 3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant les parties de leurs autres demandes.

Par déclaration enregistrée au greffe le 24 octobre 2012, Madame [N] a relevé appel de ce jugement dont elle demande la réformation partielle par la cour en reprenant oralement à l'audience du 6 novembre 2013 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a transmises le 2 juillet 2013 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses arguments et moyens, et tendant à :

- Condamner la société AMPLITUDE à lui payer les sommes de :

17.704,12 € à titre de rappel de salaire pour la période du 28 mars au 7 septembre 2011,

1.770,41 € au titre des congés payés afférents,

18.303,46 € en deniers ou quittance au titre de l'indemnité de non-concurrence,

1.830,35 € au titre des congés payés afférents;

- Dire et juger que la prise d'acte de la rupture du 7 septembre 2011 est imputable aux manquements graves de l'employeur à ses obligations contractuelles et doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner en conséquence la société AMPLITUDE à verser à Madame [N] les sommes de :

26.531,13 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis (trois mois),

2.653,11 € au titre des congés payés afférents,

11.904,61 € à titre d'indemnités de licenciement,

120.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée par les premiers juges.

SUR CE,

La Cour,

1°) Sur le montant des indemnités maladie dues à Madame [N] :

Attendu qu'en suite de son placement en arrêt maladie à compter du 28 mars 2011, la société AMPLITUDE était tenue, en application de l'article 16 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, de garantir le salaire de Madame [N] à 100 % pendant les quatre premiers mois suivant son arrêt de travail, soit du 28 mars 2011au 28 juillet 2011 et à 50 % à compter du 22 juillet 2011, la rémunération garantie devant correspondre à celles qu'aurait perçue la salariée si elle avait continué à travailler ;

Attendu que la société AMPLITUDE, qui ne conteste pas le principe de la garantie de maintien de salaire, soutient que la partie variable de sa rémunération doit être calculée sur le chiffre d'affaires réalisé directement par la société et non sur le chiffre d'affaires réalisé sur les établissements dont elle avait en charge les visites, au motif que les fonctions de Madame [N] consistaient à maintenir les relations entre la société et les professionnels de santé, assister techniquement ces derniers et répondre aux questions techniques qu'ils pouvaient poser sur l'utilisation des produits AMPLITUDE ;

que dans ces conditions, la partie variable de sa rémunération permettait de motiver la salariée et de la récompenser pour sa technicité, mais ne correspondait pas à un pourcentage de prises de commandes dans la mesure où elle n'effectuait aucune prise de commande et pas davantage de vente directe ;

qu'étant ainsi en mesure de connaître précisément le chiffre d'affaires mensuel réalisé par la société après son départ, la société AMPLITUDE a pu déterminer le montant réel de ses commissions et en tenir compte pour le calcul de ses indemnités maladie ;

Mais attendu que l'activité et les fonctions de Madame [N] retentissaient nécessairement sur le chiffre d'affaires réalisé par la société AMPLITUDE dans la mesure où elle s'était vue confier par l'article 2 de son contrat de travail la mission de promouvoir les ventes des matériels qui lui étaient remis par la société, d'engager et d'entretenir les meilleures relations avec les professionnels et les décideurs économiques « en vue de faire connaître la société, ses produits et fabrications, leurs conditions de vente et de réalisation et de répondre à leurs besoins »;

que sa fiche de fonction de responsable commercial comprend la responsabilité du développement de la clientèle, celle de la réalisation du chiffre d'affaires sur son secteur, de la prospection, de la recherche de nouveaux clients sur son secteur géographique et de la présentation des produits AMPLITUDE ;

Attendu que Madame [N] a pu ainsi développer le chiffre d'affaires de la société et obtenir le versement de commissions atteignant 88 % de sa rémunération moyenne globale durant les trois mois ayant précédé son arrêt de travail ;

qu'elle justifie de son activité commerciale par l'attestation de Monsieur [O], directeur administratif et financier du Groupe AMPLITUDE jusqu'en mai 2010, et par les témoignages de clients, chirurgiens orthopédiques, particulièrement élogieux à l'égard du travail qu'elle avait accompli, soulignant sa gentillesse, sa simplicité, et sa grande compétence professionnelle pour avoir notamment permis l'introduction dans une grande clinique lyonnaise de la technique de prothèses totales du genou assistée par ordinateur ;

Attendu en conséquence que c'est un bon droit que le conseil de prud'hommes de Bourg-en Bresse a considéré que le calcul du maintien de salaire de Madame [N] devait être appliqué par référence à la moyenne mensuelle de l'intégralité du salaire qu'elle avait perçu au cours des trois derniers mois précédant son arrêt maladie ;

qu'il importe dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AMPLITUDE à lui verser un rappel de salaire pour la période comprise entre le 28 mars 2011 et le 7 septembre 2011, date de la rupture de son contrat de travail; que son montant doit toutefois être ramené à 17.704,01 € pour tenir compte du salaire moyen de référence de 8.373 € au cours des trois derniers mois ayant précédé son arrêt de travail; que ladite somme doit être majorée des congés payés afférents pour un montant de 1.770,41 € ;

2°) Sur la rupture du contrat de travail :

Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, soit dans le cas contraire d'une démission ;

Attendu que, par lettre en date du 7 octobre 2011, Madame [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à la société AMPLITUDE d'avoir manqué à son obligation de lui verser ses salaires en dépit de sa lettre de mise en demeure du 7 août 2011 et de la correspondance de son avocat du 23 août de 2011 alors que cette situation était insupportable pour lui créer de graves difficultés pour vivre au quotidien ;

Attendu que, pour prétendre que la prise d'acte s'analyse en une démission de la salariée, la société AMPLITUDE soutient que le reproche fait à l'employeur n'est pas suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail, s'agissant d'une simple divergence d'interprétation des textes pour le calcul des indemnités alors même que rien n'empêchait Madame [N] de reprendre son travail à l'issue de son arrêt maladie et de percevoir sa rémunération habituelle, plutôt que de rompre son contrat de travail avec précipitation avant même d'avoir régularisé son dossier auprès de l'organisme de prévoyance

Mais attendu que le défaut de maintien du salaire conventionnellement dû pendant l'arrêt maladie de la salariée, ressortant de l'exclusion de la part variable de sa rémunération de l'assiette de calcul de l'indemnisation conventionnelle qu'elle était en droit de percevoir, constitue en soi un manquement grave de l'employeur à ses obligations ;

Attendu que pour dire que ce manquement ne justifiait pas la prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes a considéré que la salariée n'était pas privée de ressources pendant cette période de litige ;

qu'il apparaît cependant des bulletins de salaire de Madame [N] que son employeur avait méconnu depuis le mois d'avril 2011son obligation de lui garantir la rémunération dont elle aurait disposé si elle avait continué à travailler, et que si la situation avait été partiellement régularisée au mois de juin 2011, elle n'a perçu au titre des salaires des mois de juillet et août 2011 que les sommes de 0,00 € et 18,41 € , conduisant à la constitution d'un découvert de 3.222,74 € sur son compte bancaire personnel ;

que la salariée justifie en outre avoir été dans l'obligation de souscrire non seulement un prêt familial de 5.000,00 €, mais encore un prêt bancaire en septembre 2011 à hauteur de 10.000,00 € porté à 12.000,00 € le mois de décembre suivant ;

qu'il est établi dans ces conditions que Madame [N] a véritablement été privée de ressources pendant la période litigieuse ;

Attendu en outre que, pour refuser la qualification de la prise d'acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, les premiers juges ont estimé que l'employeur avait fourni toutes explications concernant les erreurs de calcul sur les fiches de paie des mois de mai, juin, juillet et août 2011 et avait effectué des rectifications nécessaires ;

qu'il apparaît au contraire que l'intégralité du salaire qui était du à Madame [N] ne lui a pas été versé, et qu'en outre la société AMPLITUDE est mal fondée à prétendre qu'elle se serait trouvée dans l'impossibilité d'obtenir les éclaircissements nécessaires de son expert-comptable pendant la période d'été pour répondre aux demandes de la salariée, alors que la société d'expertise comptable KPMG en charge de l'établissement des bulletins de salaire sur ses instructions, est l'une des plus importantes dans sa spécialité sur le territoire national, et qu'elle ne justifie pas que cette société aurait tardé à lui apporter les éléments de réponse nécessaires ;

Attendu enfin qu'il ne saurait être fait grief à la salariée d'avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail avec précipitation le 7 octobre 2011 pour avoir précédemment écrit à son employeur le 1er août 2011 pour lui demander de régulariser sa situation, de l'avoir ensuite mis en demeure de le faire par lettre du 7 août de 2011, puis d'avoir encore renouvelé sa demande par lettre de son avocat du 23 août 2011 ;

que la société AMPLITUDE est enfin mal fondée à reprocher à Madame [N] de n'avoir pas retourné son dossier à l'organisme de prévoyance, la compagnie d'assurances ALLIANZ, ce qui aurait eu pour conséquence de bloquer le versement de ses prestations, au motif que son médecin traitant avait considéré qu'il n'était pas habilité à remplir le questionnaire médical qui lui avait été soumis, que le président du Conseil de l'Ordre départemental des médecins avait validé cette position, et qu'il appartenait dès lors à la compagnie d'assurances, si elle persistait à solliciter ces informations médicales, de procéder à la désignation d'un expert ;

Attendu dans ces conditions qu'il importe de réformer le jugement entrepris et de dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée aux torts de la société AMPLITUDE est fondée et produit des effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu dans ces conditions que Madame [N] est en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire telle que prévue par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie;

que son salaire brut moyen devant être arrêté à la somme de 8.843,71 € correspondant à la moyenne de ses 12 dernières rémunérations, Madame [N] est fondée à obtenir le paiement de la somme de 26.531,13 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, majorée de celle de 2.653,11 € au titre des congés payés afférents ;

Attendu qu'elle est également fondée à percevoir une indemnité de licenciement d'un montant de 11.904,61 € pour disposer d'une ancienneté de 6 ans, 8 mois et 23 jours dans l'entreprise, incluant le préavis ;

Attendu enfin que la cour dispose d'éléments suffisants, eu égard à l'âge de la salariée, née en 1974, à son ancienneté, aux circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et à sa rapide reprise d'activité professionnelle moins de sept mois plus tard, pour fixer l'indemnité lui revenant en application de l'article L.1235-3 du code du travail à la somme de 90.000,00 € ;

3°) Sur la clause de non-concurrence :

Attendu que le contrat de travail de responsable technico-commercial signé entre les parties le 5 février 2008 contient en son article 14 une clause de non-concurrence ainsi énoncée:

« Compte tenu de la nature des fonctions de responsable technico-commercial le conduisant notamment à connaître des procédés techniques ou produits et plus généralement des spécificités techniques mises en oeuvre dans l'entreprise, celui-ci s'interdira en cas de rupture du contrat de travail . . . quelle qu'en soit la cause :

- d'entrer au service d'une entreprise, quelles que soient sa nationalité et son implantation géographique, ayant une activité pouvant concurrencer directement ou indirectement celle de la société.

Par activité concurrente, il faut entendre notamment, la conception, développement, fabrication et commercialisation d'implants chirurgicaux orthopédiques (genou, hanche) , où conception, développement, fabrication et commercialisation d'instrumentation d'aide à la pose de ces prothèses.

- de s'intéresser, directement ou indirectement, et sous quelque forme que ce soit (fonctions électives, activité professionnelle responsable technico-commerciale ou non . . . ), à une entreprise de cet ordre dans les conditions précitées . . .

Cette interdiction est limitée, dans le temps, à une période de 1 an (renouvelable) commençant le jour de la cessation effective du contrat de travail et, dans l'espace, au territoire d'action commerciale confié au responsable commercial . . . »;

Attendu que la société AMPLITUDE n'a pas délié Madame [N] de son obligation de non-concurrence ;

qu'en outre si la salariée a conclu moins d'une année après la rupture de son contrat de travail avec la société AMPLITUDE un nouveau contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 avril 2012 avec la société STRYKER, et que cette société est un concurrent direct de la société AMPLITUDE dans la mesure où elle se déclare elle-même spécialisée au niveau mondial sur le marché de l'orthopédie en diffusant une large gamme de produits incluant les prothèses articulaires, il ressort des documents contractuels et pièces versées aux débats que le secteur territorial qui lui a été attribué par son nouvel employeur couvre la région Bourgogne, et plus précisément les départements 89, 21, 58,71 et 39, et qu'il est de ce fait différent du territoire d'action commerciale qui lui avait été précédemment confié par la société AMPLITUDE en ce que celui-ci regroupait essentiellement différents établissements hospitaliers ou cliniques du département du Rhône; qu'ainsi aucune violation de la clause de non-concurrence ne saurait lui être reprochée ;

Attendu que Madame [N] est en conséquence en droit d'obtenir le paiement de la somme de 18.303,46 € en deniers ou quittance qu'elle sollicite et correspondant à la différence entre ce qui était dû à la salariée entre le 7 septembre 2011 et le 23 avril 2012 et les sommes versées à ce titre par l'employeur sur des bases erronées; qu'à cette somme doit être ajoutée celle de 1.830,35 € au titre des congés payés afférents ;

Attendu en outre qu'aux termes de l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié concerné; que ce remboursement est ordonné d'office par la juridiction dans le cas où les organismes concernés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ;

qu'il convient de fixer l'obligation incombant de ce chef à la société AMPLITUDE à concurrence de trois mois d'indemnités de chômage.

Attendu par ailleurs que pour faire valoir ses droits devant la cour, l'appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de la société intimée ;

qu'il convient dès lors de condamner la société AMPLITUDE à payer à Madame [N] un montant de 1.500,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu enfin que la société AMPLITUDE , qui succombe, ne peut obtenir l'indemnité qu'elle sollicite sur le fondement du même article et supporte la charge des entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement rendu le 18 septembre 2012 par le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse en ce qu'il a dit que, durant son arrêt de travail, Madame [T] [N] bénéficiait d'une garantie de maintien de salaire, et en ce qu'il a condamné la S.A.S. AMPLITUDE à lui payer la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'INFIRME pour le surplus en ses autres dispositions,

et statuant à nouveau,

CONDAMNE la S.A.S. AMPLITUDE à payer à Madame [T] [N] les sommes de :

' 17.704,12 € (DIX SEPT MILLE SEPT CENT QUATRE EUROS ET DOUZE CENTIMES) à titre de rappel de salaire pour la période du 20 mars 2011 au 7 septembre 2011 ;

' 1.770,41 € (MILLE SEPT CENT SOIXANTE DIX EUROS ET QUARANTE ET UN CENTIMES) au titre des congés payés sur rappel de salaire ;

DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en date du 7 septembre 2011 est imputable aux manquements graves de l'employeur à ses obligations contractuelles et produit des effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE en conséquence la S.A.S. AMPLITUDE à payer à Madame [T] [N] les sommes de :

' 26.531,13 € (VINGT SIX MILLE CINQ CENT TRENTE ET UN EUROS ET TREIZE CENTIMES) à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

' 2.653,11 € (DEUX MILLE SIX CENT CINQUANTE TROIS EUROS ET ONZE CENTIMES) au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis;

' 11.904,61 € (ONZE MILLE NEUF CENT QUATRE EUROS ET SOIXANTE ET UN CENTIMES) à titre d'indemnité de licenciement ;

' 90.000,00 € (QUATRE VINGT DIX MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

' 18.303,46 € (DIX HUIT MILLE TROIS CENT TROIS EUROS ET QUARANTE SIX CENTIMES) en deniers ou quittance au titre de l'indemnité de non-concurrence ;

' 1.830,35 € (MILLE HUIT CENT TRENTE EUROS ET TRENTE CINQ CENTIMES) au titre des congés payés sur indemnité de non-concurrence;

Y ajoutant,

CONDAMNE la S.A.S. AMPLITUDE à payer à Madame [T] [N] la somme de 1.500,00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes;

ORDONNE le remboursement par la S.A.S. AMPLITUDE à POLE EMPLOI des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l'article L.1233-69 du code du travail;

CONDAMNE la S.A.S. AMPLITUDE aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/07741
Date de la décision : 29/01/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/07741 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-29;12.07741 ?
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