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17/01/2014 | FRANCE | N°13/00259

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 17 janvier 2014, 13/00259


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 13/00259





ASSOCIATION EPITECH



C/

[X]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Décembre 2012

RG : F 11/00241











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 17 JANVIER 2014













APPELANTE :



ASSOCIATION EPITECH

[Adresse 2]

[LocalitÃ

© 1]



représentée par Me Patricia GIRAUD, avocat au barreau de PARIS







INTIMÉ :



[L] [X]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]



comparant en personne, assisté de Me Aurélie BABOLAT, avocat au barreau de LYON





















PARTI...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/00259

ASSOCIATION EPITECH

C/

[X]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Décembre 2012

RG : F 11/00241

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 17 JANVIER 2014

APPELANTE :

ASSOCIATION EPITECH

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Patricia GIRAUD, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

[L] [X]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Aurélie BABOLAT, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 08 Mars 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Novembre 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Catherine PAOLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Janvier 2014, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [L] [X] a été embauché à compter du 20 septembre 2007 par l'Association Epitech, école d'informatique, en qualité de Responsable de site, puis Directeur Régional de l'établissement de [Localité 2].

Par courrier daté du 14 octobre 2010, Monsieur [L] [X] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement disciplinaire fixé au 26 octobre 2010, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave par lettre du 6 novembre 2010.

Monsieur [L] [X], contestant son licenciement, a saisi le 20 janvier 2011 le conseil de Prud'hommes de Lyon (section encadrement) lequel, par jugement contradictoire en date du 13 décembre 2012, a :

- dit qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [L] [X] est dénué de cause réelle et sérieuse

- annulé la mise à pied à titre conservatoire

En conséquence,

- condamné l'Association Epitech à verser à Monsieur [L] [X] les sommes suivantes :

* 6610,20 euros à titre de rappel de salaire suite à l'annulation de la mise à pied conservatoire outre 661,02 euros au titre de congés payés afférents

* 14992,95 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 499,29 euros à titre de congés payés afférents

* 3081,88 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 85000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

- donné acte à l'Association Epitech du paiement de la somme de 221,67 euros brut à Monsieur [L] [X] au titre d'une journée de récupération.

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire de l'intégralité du jugement à l'exception des sommes visées par les articles R.1454-28 et R.1454-14 du code du travail

- ordonné à l'Association Epitech à remettre à Monsieur [L] [X] des bulletins de salaire rectifiés pour les mois de novembre et décembre 2010 et de janvier et février 2011

- ordonné à l'Association Epitech à remettre à Monsieur [L] [X] un certificat de travail et une attestation destinée à POLE Emploi rectifiés dans le sens du présent jugement

- condamné l'Association Epitech à payer à Monsieur [L] [X] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné l'Association Epitech à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de trois mois d'indemnités chômage

- débouté l'Association Epitech de ses demandes reconventionnelles

- condamné l'Association Epitech aux dépens.

Le jugement a été notifié par lettre en date du 17 décembre 2012 à l'Association Epitech qui en a régulièrement relevé appel par lettre recommandée du 9 janvier 2013.

Le délégataire de monsieur le Premier Président, par ordonnance du 18 mars 2013, a débouté l'Association Epitech de sa demande d'aménagement d'exécution provisoire attachée au jugement entrepris et condamné l'Association Epitech à payer à Monsieur [X] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'Association Epitech emploie plus de 11 salariés (70) et est dotée d'institutions représentatives du personnel.

Les relations contractuelles entre les parties ont été soumises à la convention collective de l'enseignement privé hors contrat.

Monsieur [L] [X] a déclaré à l'audience être âgée de 30 ans à la date de la rupture des relations contractuelles, avoir perçu des allocations chômage pendant 8 mois et avoir retrouvé un travail de consultant en sécurité informatique lui procurant un revenu inférieur d'environ 20 %.

Par conclusions déposées le 8 novembre 2013, visées par le greffier le 8 novembre 2013 et soutenues oralement lors des débats à l'audience, l'Association Epitech demande à la cour de :

- la recevoir en son appel

- infirmer le jugement entrepris

Statuant à nouveau,

- débouter Monsieur [L] [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- dire et juger qu'il a commis des actes de harcèlement sexuel envers Madame [W] [G] justifiant son licenciement pour faute grave ainsi que la mise à pied à titre conservatoire

- condamner Monsieur [L] [X] au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 8 novembre 2013, visées par le greffier le 8 novembre 2013 et soutenues oralement lors des débats à l'audience, Monsieur [L] [X] demande à la cour de :

- débouter l'association Epitech de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- confirmer le jugement entrepris

- condamner l'association Epitech au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Préliminairement, la demande de sursis à statuer présentée en première instance n'est plus soutenue en cause d'appel.

1 - L'association Epitech conteste le jugement entrepris soutenant que les faits de harcèlement sexuel reproché à Monsieur [L] [X] sont établis et justifient le licenciement pour faute grave prononcé.

Monsieur [L] [X] conteste les faits qui lui sont reprochés reconnaissant tout au plus avoir été attiré par Madame [W] [G] mais n'avoir eu qu'une simple et vaine attitude de séduction à l'égard de celle-ci.

2 - L'article L. 1153-1 du code du travail dispose que les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits. Cet article dispose en effet que : « aucun salarié ne doit subir des faits :

1 Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2 Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. ».

L'article L1153-2 du même code précise en outre que : « aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1 du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés ».

Enfin l'article L. 1153-6 du code du travail prévoit que tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire laquelle peut aller jusqu'au licenciement et à cet égard il convient de rappeler qu'il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés personnellement au salarié dans la lettre, d'autre part de démontrer que ceux-ci constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

3 - La lettre de licenciement du 6 novembre 2010 reprend les faits de harcèlement sexuel tels que relatés par Madame [W] [G] et les témoins entendus lors de l'enquête diligentée par l'employeur puis rappelle les conditions dans lesquelles Monsieur [L] [X] a été entendu ainsi que ses dénégations. Elle se poursuit par le rappel des textes en la matière et notamment les sanctions pénales prévues en l'espèce. Enfin cette lettre s'achève par l'analyse et la qualification de ces faits et circonstances permettant à l'employeur de considérer que les faits de harcèlement sexuel sont établis et qu'ils sont d'une gravité suffisante pour justifier non seulement la mise à pied conservatoire mais aussi le licenciement pour faute grave du salarié.

3 - 1 Madame [W] [G] décrit avec constance les propos et les attitudes de Monsieur [L] [X] à son égard tant lors de son entretien en juin 2010 avec Madame [R] que dans le courriel adressé à la direction le 12 octobre 2010 que lors de l'entretien qui s'en est suivi qu'enfin dans son attestation du 22 août 2011 dans laquelle elle détaille un peu plus les faits.

Elle indique ainsi que Monsieur [L] [X], qui au départ l'a installée dans son bureau et était froid et distant, a commencé à lui adresser de nombreux SMS et appels téléphoniques et s'est fait de plus en plus pressant multipliant les invitations à l'accompagner non seulement dans le travail mais également à des sorties le soir ou le week-end. Elle explique que ce qui au départ était simplement gênant et agaçant a commencé à la rendre mal à l'aise car il lui donnait le sentiment de s'immiscer dans sa vie privée, lui parlant par exemple de sa famille ou encore l'attendant le matin en bas de chez elle afin d'aller au travail ensemble.

Elle précise avoir essayé fin juin de mettre les choses au point lui expliquant ne rien éprouver pour lui et souhaitant qu'il cesse ses avances mais en vain.

Elle explique qu'après cette explication le comportement de Monsieur [L] [X] a changé à son égard. Il a tout d'abord commencé par la convoquer dans son bureau en lui expliquant qu'elle « avait intérêt à être sympa car il pouvait la faire virer s'il le voulait » puis il a commencé à la décrédibiliser et la déstabiliser aux yeux des étudiants puis à l'occasion de rendez-vous professionnel la présentant à leurs interlocuteurs comme sa secrétaire ou encore freinant au sein de l'équipe les initiatives qu'elle pouvait avoir.

Elle rapporte également qu'à l'occasion d'un déplacement professionnel Monsieur [L] [X] lui a imposé un détour par la maison de ses parents et elle fait enfin état des remarques désobligeantes qu'il pouvait lui adresser sur son physique : « t'es habillée comme un sac, t'as un de ces boutons sur la gueule... ». Elle indique que cette attitude et ce comportement ont eu des répercussions sur sa santé et son moral, expliquant aller au travail « la boule au ventre » et évoquant des « insomnies, contrariété, stress, prise de poids »ayant justifié un suivi médicamenteux.

Elle a par ailleurs déposé le 14 octobre 2010 une main courante au commissariat de police de [Localité 2] pour des faits de « harcèlement et intimidation au travail ».

La s'ur de Madame [W] [G], qui faisait ses études et habitait avec cette dernière sur [Localité 2], atteste que [W] a été à l'époque « psychologiquement et physiquement touchée » prenant notamment du poids et ayant dû être suivie par une diététicienne « pour retrouver une harmonie dans son corps et dans sa tête ».

La mère de Madame [W] [G] atteste du changement de comportement de sa fille et de « l'état dépressif » de cette dernière ayant justifié un traitement médicamenteux.

L'existence des SMS et des appels adressés par Monsieur [L] [X] à Madame [W] [G] est attestée d'une part par Madame [R], directrice centrale des régions, avec qui Madame [W] [G] s'est entretenue en juin 2010 et lui a montré son téléphone portable. Ce témoin indique dans le mail de compte rendu qu'elle a adressé à la direction, parlant de Madame [W] [G], « elle m'a expliqué et montré les SMS répétés, les appels téléphoniques, soir et week-end multipliant les invitations à dîner, boire un verre, et même passer le week-end ensemble dans une maison de campagne. Elle a décliné toutes ces propositions pendant plusieurs semaines ».

Leur existence est encore et d'autre part établie par le relevé de facturation de téléphone mobile produit par Monsieur [L] [X] ainsi que par le constat d'huissier que l'employeur a fait dresser le 20 mai 2011 et qui montre encore à cette date la présence de quelques SMS dans le téléphone de la jeune femme ou d'un fichier intitulé « guille-n.xt » contenant un historique de courriels échangés du 30 juin 2010 au 24 septembre 2010 subsistant sur l'ordinateur professionnel de Monsieur [L] [X] lorsque ce dernier l'a restitué à l'employeur.

Le fait que le constat d'huissier n'ait pas été dressé au contradictoire de monsieur [L] [X] ou qu'il ait été établi sans autorisation judiciaire ne peut conduire à l'écarter des débats, Madame [G] ayant remis personnellement son téléphone portable et Monsieur [L] [X] ayant restitué l'ordinateur à son employeur en laissant un fichier non identifié comme personnel.

Ce constat dressé ne l'a nullement été irrégulièrement comme le soutient monsieur [L] [X].

Les extraits retranscrits par l'huissier montrent que Monsieur [L] [X] a ressenti les réticences de la jeune femme mais a insisté malgré tout pour avoir des informations ou encore sortir prendre un verre avec elle. Ces extraits se situent fin juin et août 2010 soit après l'explication intervenue entre Monsieur [L] [X] et Madame [W] [G] courant juin au cours de laquelle la jeune femme a indiqué à son supérieur hiérarchique qu'il n'avait rien à espérer de sa part.

Dans le cadre de l'enquête menée à la suite de la plainte de la salariée par le directeur général adjoint de la société, Monsieur [M] [E], les salariés de l'antenne de [Localité 2] et qui ont été en relation directe avec Monsieur [L] [X] et Madame [W] [G] ont été entendus.

Ce rapport d'enquête, tel que versé aux débats en pièce 11, est signé par Monsieur [M] [E] et contient :

- le courriel adressé par Madame [W] [G] à Madame [Q] [R] le 12 octobre 2010

- la retranscription de l'entretien préalable à licenciement de Monsieur [L] [X] en présence de Monsieur [X], Monsieur [E], Monsieur [A] et Madame [K]

- le « compte-rendu des témoignages » recueillis le 27 octobre 2010 à partir de 12h10 sur le site de Epitech Lyon.

Monsieur [L] [X] dénie toute pertinence à ce rapport d'enquête ni daté ni signé de son auteur ni des personnes entendues ni visé dans la lettre de licenciement.

D'une part, ce rapport est signé de l'auteur de l'enquête. D'autre part, s'il ne comprend pas une date de clôture, la date de transmission du courriel de Madame [W] [G] permet de dater le début de l'enquête au 12 octobre 2010 et la fin au 27 octobre 2010.

Même s'il n'est pas nécessaire que ce rapport d'enquête soit expressément visé dans la lettre de licenciement pour être produit au soutien du licenciement disciplinaire prononcé, il apparait que l'employeur fait référence aux dénégations opposées par Monsieur [L] [X] lors de l'entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 26 octobre 2010 et aux témoignages obtenus.

Si dans l'enquête diligentée par l'employeur Monsieur [M] [E] rapporte les propos tenus par les personnes auditionnées, il convient de constater que celles-ci ont toutes repris leurs propos et témoignages dans les attestations établies de telle sorte que cette enquête est un élément de preuve tout aussi pertinent que les attestations versées aux débats par l'employeur.

Monsieur [H] a indiqué lors de cette enquête mais aussi dans l'attestation qu'il a établie avoir pu constater personnellement que dès l'arrivée de Madame [W] [G], initialement installée dans le bureau de Monsieur [L] [X], que ce dernier, d'un naturel habituellement renfermé, a adopté un comportement complice et jovial avec elle ce qui était plutôt inhabituel chez lui.

Il indique également avoir constaté avec étonnement que Monsieur [L] [X] a assuré plus longuement que prévu la formation de Madame [W] [G] laquelle, se confiant à lui, lui a indiqué être gênée par le comportement de Monsieur [L] [X] qui selon elle s'est montré trop insistant.

Il précise qu'elle lui a montré les SMS reçus et que pour lui la connotation sexuelle a été évidente.

Il note aussi le changement de comportement de Monsieur [L] [X] après la discussion qu'il a eue avec Madame [W] [G].

Il indique que celui-ci a soudain mis la pression sur tout le monde et en particulier sur Madame [W] [G] à qui il s'est adressé sans formule de politesse, adoptant un ton sec et impératif et que les réunions pour faire 'le point commercial était sujet à l'humiliation de Monsieur [L] [X] à l'égard de Madame [W] [G]'.

Si Madame [S] indique n'avoir pas constaté de comportement harcelant ou déplacé de la part de Monsieur [L] [X] elle a néanmoins constaté que ce dernier est venu régulièrement dans le bureau où travaillait désormais [W] et qu'il a discuté très longuement avec cette dernière ce qu'il ne faisait pas avant l'arrivée de celle-ci.

Monsieur [D], lui aussi entendu dans l'enquête diligentée par l'employeur, a indiqué avoir constaté, un peu avant ou un peu après le mois de juin, un changement radical de comportement de Monsieur [L] [X] à l'égard de Madame [W] [G] qu'il n'avait jamais critiquée auparavant, s'étant mis à le faire lors de réunions de travail et lui ayant également augmenté sa charge de travail. Il a confirmé ses propos dans une attestation faite au mois de novembre 2010.

Madame [I] a elle aussi été entendue par le directeur général adjoint de la société, Monsieur [M] [E], dans son enquête et a confirmé ses propos à l'occasion de l'attestation établie au mois de novembre 2010. Elle aussi a décrit Monsieur [L] [X] comme un homme peu souriant et avenant mais à l'attitude professionnelle qui après l'arrivée de Madame [W] [G] s'est petit à petit transformé et est devenu plus enjoué souriant et avenant.

Elle a constaté qu'il est resté de plus en plus longtemps avec Madame [W] [G] laquelle a commencé à venir se confier à elle se plaignant des appels insistants de Monsieur [L] [X] ou de ses SMS. Puis, comme les autres témoins, elle atteste du changement de comportement de Monsieur [L] [X] à l'égard de Madame [W] [G] après la discussion de mise au point qu'ils ont eue. Elle indique qu' « il est devenu malveillant à l'égard de [W] qui était devenue la cible des moqueries et des remarques quotidiennes de [L] ».

3 - 2 Monsieur [L] [X] qui conteste les faits de harcèlement sexuel ou moral produit des échanges de courriels avec Madame [W] [G] et des attestations émanant essentiellement d'étudiants et de sa famille proche.

Les échanges de courriels se situent majoritairement courant du premier trimestre 2010 soit avant le mois de juin 2010 date de la mise au point ayant eu lieu avec Madame [W] [G] et attestent au mieux d'une relation normale entre collègues de cette génération.

S'agissant des attestations des étudiants, elles décrivent des situations ponctuelles, hors du cadre professionnel, et ne peuvent être suffisantes pour invalider les témoignages de ceux qui étaient en relation directe avec ces deux salariés dans le cadre de leur vie professionnelle. Il en va de même des attestations de la mère ou de la s'ur de Monsieur [L] [X] lesquelles rapportent les propos tenus par leur fils et frère et qui ne peuvent en tout état de cause pas attester de ce qu'a été la relation professionnelle quotidienne entre Monsieur [L] [X] et Madame [W] [G].

4- Il résulte de ce qui précède l'existence d'éléments probants attestant des pressions de plus en plus insistantes exercées par Monsieur [L] [X], supérieur hiérarchique de Madame [W] [G], sur cette dernière.

Le fait que Madame [W] [G] ait pu, par courriels, adresser à Monsieur [L] [X] une invite sur le site vente-privée.com le 10 février 2010 ou le 25 mai 2010 sur le site Linkedln ne permet nullement de caractériser une attitude équivoque

de la part de cette salariée à l'égard de son supérieur hiérarchique s'agissant de communication d'adresses internet.

Madame [W] [G] a clairement explicité vouloir continuer à travailler avec Monsieur [L] [X] en bonne entente dans l'intérêt du service mais exclu toute relation personnelle. Elle a donc nécessairement continuer à côtoyer son supérieur hiérarchique dans le cadre professionnel.

Elle a fait choix dans un premier temps de tenter de régler les problèmes rencontrés avec son supérieur hiérarchique seule dans le cadre d'une mise au point en juin 2010.

L'Association Epitech a respecté la décision de sa salariée de gérer la difficulté seule tout en restant à sa totale écoute. Dès l'alerte lancée par Madame [W] [G] en octobre 2010, l'employeur a pris toute mesure utile et n'a aucunement manqué à son obligation de sécurité de résultat.

Le comportement de Monsieur [L] [X], qui s'est révélé insistant, invasif dans la sphère privée de sa collaboratrice, a très vite pris une connotation à caractère sexuel créant à l'encontre de Madame [W] [G] une situation intimidante s'agissant d'une jeune femme occupant alors son premier emploi.

Ce comportement n'a pas cessé lorsque la jeune femme lui a opposé en juin 2010 un refus poli mais ferme, mais a, au contraire, empiré avec désormais la tenue de propos hostiles ou offensants ou encore une remise en cause professionnelle systématique de cette salariée, ayant eu pour objet de porter atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant.

Ces faits, quel que puisse être « l'environnement de travail jeune et étudiant » dans lequel ils s'inscrivent, sont constitutifs des agissements de harcèlement à caractère sexuel et moral que les textes précités prohibent. Ils ont exactement été qualifiés par l'employeur dans la lettre de licenciement.

Ils sont en effet d'une gravité telle qu'ils ne permettent pas le maintien du salarié dans l'entreprise et justifient non seulement que l'employeur ait mis à pied à titre conservatoire Monsieur [L] [X] mais aussi qu'il ait procédé à son licenciement pour faute grave.

Le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions et Monsieur [L] [X] doit être débouté de l'ensemble de ses demandes.

5 - Monsieur [L] [X], succombant dans ses prétentions, doit supporter la charge des dépens de première instance et d'appel et être débouté de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'association Epitech.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Infirme le jugement entrepris

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement prononcé repose sur une faute grave

Déboute Monsieur [L] [X] de l'ensemble de ses demandes

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Monsieur [L] [X] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/00259
Date de la décision : 17/01/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/00259 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-17;13.00259 ?
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