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10/01/2014 | FRANCE | N°13/01634

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 10 janvier 2014, 13/01634


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 13/01634





[G]



C/

SOCIETE FICA







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 13 Février 2013

RG : F 12/00250











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 10 JANVIER 2014







APPELANT :



[Z] [G]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 3]

[Adre

sse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Pierre ROBILLARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



S.A.S. FICA

[Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Anne-Sophie LARDON-BOYER de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 13/01634

[G]

C/

SOCIETE FICA

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 13 Février 2013

RG : F 12/00250

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 10 JANVIER 2014

APPELANT :

[Z] [G]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Pierre ROBILLARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

S.A.S. FICA

[Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Anne-Sophie LARDON-BOYER de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 08 Avril 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Novembre 2013

Présidée par Marie-Claude REVOL, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nicole BURKEL, président

- Marie-Claude REVOL, conseiller

- Catherine PAOLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Janvier 2014 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 4 février 2008, [Z] [G] a été embauché par la S.A.S. FICA en qualité d'adjoint responsable d'agence ; à compter du 20 septembre 2011, il a été en arrêt de travail ; le 4 mai 2012, il a saisi le conseil des prud'hommes de SAINT-ETIENNE en résiliation du contrat de travail ; à l'issue d'une seule visite de reprise du 3 mai 2012, le médecin du travail l'a déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise et dans le groupe dont l'entreprise relève et a exclu une seconde visite au regard du danger immédiat ; le 14 juin 2012, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Devant le conseil des prud'hommes, [Z] [G] a maintenu sa demande de résiliation du contrat de travail, a réclamé des rappels de primes sur objectifs, l'indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts à raison de la rupture du contrat de travail, des dommages et intérêts pour préjudice moral et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 13 février 2013, le conseil des prud'hommes a débouté [Z] [G] de toutes ses demandes et l'a condamné à verser à l'employeur la somme de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à acquitter les dépens de l'instance.

Le jugement a été notifié le 16 février 2013 à [Z] [G] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 26 février 2013.

Par conclusions visées au greffe le 19 novembre 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [Z] [G] :

- invoque une dégradation de ses conditions de travail telle qu'il a présenté un état anxio-dépressif majeur l'ayant obligé à s'arrêter de travailler et ayant conduit à son inaptitude,

- reproche à l'employeur de l'avoir privé d'une partie de sa rémunération variable en ne lui fixant pas ses objectifs, de ne pas lui avoir fourni un véhicule de service comme prévu, de lui avoir infligé un rappel à l'ordre injustifié et de ne pas lui avoir réglé son complément de salaire pendant l'arrêt maladie,

-réclame la somme de 20.271 euros à titre de rappel de primes sur objectifs, outre 2.027,10 euros de congés payés afférents,

- poursuit la résiliation de son contrat de travail et réclame la somme de 9.750 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 975 euros de congés payés afférents, la somme de 39.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et la somme de 9.750 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- sollicite la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et la condamnation de l'employeur aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 19 novembre 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. FICA :

- affirme que le salarié a perçu une prime forfaitaire de 125 euros par mois en sa qualité d'adjoint lorsqu'étaient atteints les objectifs de chiffre d'affaires de l'agence qui avaient été assignés et qui étaient portés à la connaissance des salariés par le logiciel de planification,

- souligne que le salarié a été rempli de ses droits en matière de rémunération,

- ajoute que le défaut de versement d'une prime ne peut entraîner la résiliation du contrat de travail,

- dément qu'elle a promis un véhicule de fonction au salarié, cet avantage étant réservé à certains cadres,

- observe que le rappel à l'ordre était justifié car le salarié avait utilisé le matériel informatique de la société pour des raisons personnelles,

- indique qu'elle a réglé le complément de salaire dès réception des versements par l'organisme de prévoyance,

- conteste qu'elle a commis des manquements et s'oppose à la résiliation du contrat de travail,

- dénie tout préjudice moral et tout lien entre le travail et la dégradation de l'état de santé,

- estime que le licenciement est bien fondé et qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement,

- sollicite la confirmation du jugement entrepris et la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

A l'audience, [Z] [G] par la voix de son conseil, indique qu'il réclame la somme de 20.771 euros à titre de dommages et intérêts pour privation des primes d'objectifs et non un rappel de prime et précise qu'il demande que la résiliation du contrat de travail emporte les effets d'un licenciement sans cause et non d'un licenciement nul.

Mention des déclarations a été portée sur la note d'audience signée par le conseiller rapporteur et le greffier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rappel de primes sur objectifs :

Le contrat de travail instaurait une rémunération fixe et 'des primes d'objectifs applicables à sa fonction qui lui seront fixées séparément'.

L'employeur verse :

* quatre pages d'impression informatique intitulées chiffre d'affaires district/agence,

* l'attestation de deux salariés qui témoignent qu'ils ont été informés à leur embauche du système de rémunération variable à laquelle ils ont droit et qu'ils peuvent consulter tous les jours le niveau d'atteinte des objectifs sur le logiciel interne,

* l'attestation de [W] [H] qui affirme qu'il n'a jamais promis à [Z] [G] que sa rémunération variable serait indexée sur celle des responsables d'agence.

Les contrats de travail des salariés qui ont témoignés ne sont pas produits et rien n'indique qu'il sont dans une situation semblable à celle de [Z] [G] dont le contrat de travail renvoyait expressément à des primes d'objectifs.

Sur les bulletins de paie de [Z] [G] pour les mois d'avril et mai 2008, juillet et décembre 2010 et janvier 2011 figure la somme de 125 euros en regard de la mention 'quota secteur mois'; ainsi, les bulletins de paie n'utilisent pas le terme de primes d'objectifs employé dans le contrat de travail.

Lors de l'entretien annuel d'évaluation du 14 août 2008, le supérieur a assigné deux objectifs, la gestion du stock et la vente des produits dépréciés et a indiqué que la mesure du premier objectif était le montant du stock et que la mesure du second objectif était le chiffre d'affaires déprécié ; [Z] [G] a souhaité les données chiffrées pour pouvoir suivre les objectifs ; le supérieur n'a pas répondu. Lors de l'entretien annuel d'évaluation du 11 janvier 2010, le supérieur a noté une baisse du stock significative et des difficultés à vendre des produits anciens ; il a assigné trois objectifs, le suivi des refus d'O.D. des litiges et des non codifiés, établir une liste des produits dépréciés et rechercher les clients pouvant acquérir les produits dépréciés en masse, remettre en état le magasin et faire des actions promotionnelles et a indiqué que la mesure du premier objectif était le nombre de litiges et de non conformités, que la mesure du deuxième objectif était le chiffre d'affaires déprécié et il n'a fourni aucun indicateur au troisième objectif ; [Z] [G] a déploré l'absence de versement de primes et a demandé des analyses des chiffres ; le supérieur n'a pas répondu. Lors de l'entretien annuel d'évaluation du 14 octobre 2010, le supérieur a noté que les trois objectifs avaient été partiellement atteints, a assigné deux objectifs, la remise en adéquation du stock suite à la vente de produits dépréciés et l'animation du magasin et n'a fourni aucun indicateur aux objectifs ; [Z] [G] a encore fois regretté l'absence de définition précise des objectifs et de reconnaissance en cas de réalisation de ceux-ci ; le supérieur n'a toujours pas répondu. Lors de l'entretien annuel d'évaluation du 31 août 2011, le supérieur a noté que le premier objectif n'avait pas été atteint et le second partiellement atteint, a assigné trois objectifs, la gestion du stock, le suivi du client SCEMM et la maîtrise des activités onduleux et hydraulique et n'a fourni aucun indicateur aux objectifs ; [Z] [G] s'est plaint de l'absence de versement de primes et de l'absence d'information concernant les conditions d'obtention des primes ; le supérieur n'a pas répondu.

Le supérieur, [C] [M], a établi une attestation pour l'employeur dans laquelle il fait uniquement état de la voiture de service, témoignant qu'il n'a jamais disposé d'une voiture de fonction ; il n'évoque nullement la question des objectifs et des primes.

Ni dans les entretiens d'évaluation et, ce, malgré des demandes réitérées, ni dans son attestation, le supérieur n'indique que [Z] [G] connaissait les objectifs et le système d'attribution des primes d'objectifs ; [Z] [G] s'était vu assigné lors des entretiens des objectifs sans lien direct avec le chiffre d'affaires de l'agence ; enfin, son contrat de travail prévoyait des primes d'objectifs applicables à sa fonction et celles-ci devaient lui être fixées séparément.

Dans ces conditions, le quota secteur mois chiffré de manière forfaitaire et attribué lorsque le chiffre d'affaires de l'agence a excédé l'objectif ne peut s'analyser comme les primes sur objectifs.

Il s'évince de ces éléments que l'employeur s'était engagé à verser à [Z] [G] des primes d'objectifs, lui a assigné des objectifs lors des entretiens annuels mais n'a jamais déterminé les modalités de chiffrage de la prime ni les indicateurs d'atteinte des objectifs et n'a pas versé de prime sur objectif.

L'employeur a ainsi privé le salarié d'un élément de sa rémunération.

Ce manquement de l'employeur ne peut se résoudre que par l'allocation de dommages et intérêts ; au regard des entretiens d'évaluation, la Cour dispose d'élément pour allouer à [Z] [G] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En conséquence, la S.A.S. FICA doit être condamnée à verser à [Z] [G] la somme de 5.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour privation de la rémunération variable.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur la résiliation du contrat de travail :

La résiliation du contrat de travail suppose que l'employeur ait commis des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles et il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements qu'il invoque.

[Z] [G] émet plusieurs reproche à l'encontre de son employeur dont l'absence de paiement des primes sur objectifs ; ce manquement est démontré par les énonciations précédentes ; il est à lui seul d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et il n'est pas nécessaire de rechercher la réalité des autres manquements ; en effet, ce manquement a porté atteinte à la rémunération du salarié.

[Z] [G] a été licencié le 14 juin 2012.

En conséquence, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur doit être prononcée au 14 juin 2012.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

La résiliation du contrat de travail emporte les effets d'un licenciement sans cause comme le sollicite [Z] [G].

En sa qualité de cadre, [Z] [G] a droit, en vertu de la convention collective du commerce de gros applicable à la cause, à une indemnité compensant un préavis de trois mois ; il percevait au dernier état de la collaboration un salaire de 3.250 euros ; il s'ensuit une indemnité compensatrice de préavis de 9.750 euros à laquelle s'ajoutent les congés payés afférents.

En conséquence, la S.A.S. FICA doit être condamnée à verser à [Z] [G] la somme de 9.750 euros à titre d'indemnité conventionnelle de préavis, outre 975 euros de congés payés afférents.

[Z] [G] avait acquis une ancienneté supérieure à deux ans et la S.A.S. FICA emploie plus de onze salariés.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, [Z] [G] a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la rémunération des six derniers mois travaillés, soit au vu des bulletins de paie à la somme de 20.126,55 euros ; [Z] [G] a présenté une dépression sévère ; il est né le [Date naissance 1] 1977, est marié et à deux enfants à charge ; il justifie qu'il est toujours au chômage ; ces éléments conduisent à chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 25.000 euros.

En conséquence, la S.A.S. FICA doit être condamnée à verser à [Z] [G] la somme de 25.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture du contrat de travail.

Ces dommages et intérêts réparent le préjudice matériel et le préjudice moral résultant du licenciement.

En conséquence, [Z] [G] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts distincts pour préjudice moral.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de débouter la S.A.S. FICA de ses demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la S.A.S. FICA à verser à [Z] [G] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La S.A.S. FICA qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne la S.A.S. FICA à verser à [Z] [G] la somme de 5.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour privation de la rémunération variable,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur au 14 juin 2012,

Juge que la résiliation du contrat de travail emporte les effets d'un licenciement sans cause,

Condamne la S.A.S. FICA à verser à [Z] [G] la somme de 9.750 euros à titre d'indemnité conventionnelle de préavis, outre 975 euros de congés payés afférents,

Condamne la S.A.S. FICA à verser à [Z] [G] la somme de 25.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et du préjudice moral résultant de la rupture du contrat de travail,

Déboute [Z] [G] de sa demande de dommages et intérêts distincts pour préjudice moral,

Déboute la S.A.S. FICA de sa demande présentée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. FICA aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Déboute la S.A.S. FICA de sa demande présentée en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. FICA à verser à [Z] [G] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la S.A.S. FICA aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 13/01634
Date de la décision : 10/01/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°13/01634 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-10;13.01634 ?
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