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20/12/2013 | FRANCE | N°11/07295

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 20 décembre 2013, 11/07295


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 11/07295





SAS [N]



C/

[R]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 20 Septembre 2011

RG : F 09/00185











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 20 DECEMBRE 2013













APPELANTE :



SAS [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[L

ocalité 3]



représentée par Me Anne-marie LARMANDE de la SELARL DELDON-LARMANDE & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉ :



[X] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représenté par Me Laurent LIAUD de la SELARL CABINET EYMIN - SEITE & ASSOCIES, avocat au barreau d...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/07295

SAS [N]

C/

[R]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 20 Septembre 2011

RG : F 09/00185

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 20 DECEMBRE 2013

APPELANTE :

SAS [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Anne-marie LARMANDE de la SELARL DELDON-LARMANDE & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉ :

[X] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Laurent LIAUD de la SELARL CABINET EYMIN - SEITE & ASSOCIES, avocat au barreau de VANNES

PARTIES CONVOQUÉES LE : 14 Novembre 2012

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Mars 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre

Hervé GUILBERT, Conseiller

Christian RISS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Décembre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 20 septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE, dont appel ;

Vu les conclusions déposées le 14 novembre 2012 par la S.A.S. [N], appelante, incidemment intimée ;

Vu les conclusions déposées le 9 novembre 2012 par [X] [N], intimé, incidemment appelant ;

Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 6 mars 2013 ;

La Cour,

Attendu que suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 novembre 1993 [X] [R], domicilié à [Localité 2], a été embauché en qualité d'attaché commercial par la S.A.S. [N] dont le siège social est situé à [Localité 3] (Ain) ;

qu'il est constant et non contesté que les fonctions qui lui étaient confiées devaient s'exercer sur le secteur de la Bretagne, l'intéressé étant salarié itinérant ;

qu'à compter du 1er février 2002, il a été promu animateur commercial, sans modification de l'organisation de son travail qui, tout en comportant des passages réguliers au siège de l'entreprise, était centrée sur la région de Bretagne ;

Attendu que par avenant du 1er février 2005, [X] [R] a été nommé directeur commercial, statut cadre ;

qu'il était expressément stipulé par ledit avenant que le salarié bénéficierait 'd'une grande liberté dans l'organisation de son emploi du temps', et que la mission qui lui était ainsi confiée ne permettant pas de contrôler le nombre d'heures passées au service de l'entreprise, il était convenu qu'il limiterait son temps de travail à 216 jours par an ;

Attendu que le 30 août 2007, [X] [R] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 10 septembre suivant et mis à pied à titre conservatoire ;

qu'il a été licencié pour faute grave le 13 septembre 2007 ;

Attendu que le 30 octobre 2007, [X] [R] a saisi la juridiction du Travail en lui demandant de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la S.A.S. [N] à lui payer des dommages et intérêts et des indemnités diverses ;

qu'après des errements de la procédure qu'il est inutile de rappeler ici, le Conseil de Prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE a notamment, par jugement du 20 septembre 2011:

- dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la S.A.S. [N] à payer à [X] [R] :

1° la somme de 15 000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 1 500 € pour les congés payés y afférents,

2° la somme de 28 569 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

3° la somme de 2 500 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire injustifiée, outre celle de 250 € pour les congés payés y afférents,

4° la somme de 4 791 € à titre de rappel de prime de fin d'année 2007,

5° la somme de 20 610 € à titre de rappel d'indemnité de non-concurrence, outre celle de 2 061 € pour les congés payés y afférents ;

Attendu que la S.A.S. [N] a régulièrement relevé appel de cette décision le 26 octobre 2011 ;

Attendu, sur la régularité de la procédure, que formant appel incident, le salarié soutient que la décision de le licencier avait été prise dès avant l'entretien préalable puisqu'aussi bien les billets d'avion qu'il avait réservés pour ses déplacements professionnels jusqu'à la fin de l'année 2007 ont été annulés par la direction une semaine avant l'entretien préalable et que dès le lendemain de celui-ci il a été avisé de ce que ses rendez-vous seraient désormais assurés par le directeur général de la société ;

Attendu que l'intimé établit qu'au mois de juillet 2007 il avait réservé huit billets d'avion pour des déplacements professionnels s'échelonnant sur la période de septembre à décembre 2007 inclus ;

qu'il est constant et non contesté que la direction a annulé l'ensemble de ces réservations dès le 3 septembre 2007 ;

que si l'on peut concevoir que compte tenu de la mise à pied conservatoire dont l'intéressé faisait l'objet, il était justifié d'annuler les réservations de vols pour les 11, 13, 17, 18 et 20 septembre 2007, en revanche l'annulation de toutes les autres réservations pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2007 marque la décision de la direction de se séparer de [X] [R] prise dès avant l'entretien préalable quelles que pussent être les explications du salarié ;

qu'il apparaît ainsi que l'entretien préalable a revêtu un caractère purement factice, le licenciement ayant, de facto, été arrêté par la direction avant même sa tenue ;

qu'ainsi, la procédure prévue par les article L 1232-2 et suivants du Code du Travail n'a pas été respectée ;

Attendu, sur la rupture du contrat de travail, que la lettre de licenciement du 13 septembre 2007 fixe les limites du litige ;

que c'est par conséquent de façon totalement inopérante, vaine et dépourvue d'intérêt que la société appelante consacre de longues pages de ses conclusions à des remboursements de frais frauduleux imputables à l'intimé et prétendument découverts postérieurement à son licenciement dès lors que ces faits ne sont absolument pas évoqués dans la lettre de licenciement ;

que cette argumentation totalement dénuée de sérieux ne pourra donc qu'être écartée par la Cour ;

Attendu que la lettre de licenciement du 13 septembre 2007 énonce qu'il est reproché au salarié d'avoir, le 30 mars 2007, refusé d'assurer une présence physique régulière au siège de la société afin d'assurer le travail administratif tout en ayant reconnu qu'une mauvaise communication était à l'origine des dysfonctionnement de son service, et d'avoir persisté dans ce refus malgré une nouvelle demande de la direction du 4 juillet 2007, passant outre à une mise en demeure du 26 juillet 2007 et consacrant, à son retour de vacances, une semaine entière à son domicile à la préparation d' une réunion commerciale ;

que l'employeur ajoute que ce refus persistant de se soumettre à ses directives est constitutif d'une exécution de mauvaise foi du contrat de travail et justifie le licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité de licenciement ;

Attendu que le moyen tiré de la prescription par l'intimé ne peut qu'être écarté ;

qu'en effet, si dès le 30 mars 2007, il a fait connaître à l'employeur son refus d'assurer une présence physique à dates fixes au siège de MANZIAT, il a réitéré ce refus à de nombreuses reprises et encore après la mise en demeure qui lui a été notifiée par lettre recommandée le 26 juillet 2007 ;

que l'intimé ne conteste pas avoir consacré, après son retour de vacances fin août 2007, une semaine entière à son domicile à la préparation d'une réunion commerciale, ce sans fournir d'indications particulières à la direction ;

que dès lors, le refus de se soumettre à ses directives allégué par l'employeur est antérieur de moins de deux mois à la convocation à un entretien préalable remise le 30 août 2007, laquelle constitue l'engagement de la procédure de licenciement ;

Attendu, sur le caractère réel et sérieux de la cause de licenciement invoquée par l'employeur, qu'il est constant que [X] [R] a été embauché en qualité de salarié totalement itinérant devant exercer son activité sur le secteur correspondant à la région de Bretagne ;

que demeurant à [Localité 2] (Morbihan) alors que le siège de l'entreprise est situé à [Localité 3] (Ain), il n'a jamais été envisagé qu'il fût présent à dates fixes audit siège, et qu'il effectuait à son domicile les tâches administratives correspondant aux fonctions qui étaient les siennes, la société [N] ayant mis à sa disposition tout le matériel bureautique qui lui était nécessaire pour ce faire ainsi qu'il en est amplement justifié ;

Attendu que l'avenant du 1er février 2005 par lequel [X] [R] a été promu directeur commercial ne comporte aucune stipulation emportant modification de l'organisation du travail du salarié et que, bien plus, il précise expressément que l'intéressé, membre du personnel d'encadrement, 'bénéficie d'une grande liberté dans l'organisation de son emploi du temps', de telle sorte qu'une convention de forfait jours est conclue entre les parties ;

qu'ainsi, l'organisation du travail de [X] [R] telle qu'elle était instituée depuis l'embauche de ce dernier a été maintenue en plein accord avec la direction de l'entreprise après l'avenant du 1er février 2005 qui précise que les clauses du contrat de travail qu'il ne modifie pas restent en vigueur ;

Attendu qu'il est constant qu'à la suite de l'avenant susdit le salarié a continué à travailler suivant la même organisation bien qu'assumant des fonctions différentes, sans jamais s'attirer la moindre remarque de l'employeur jusqu'à la lettre du 21 mars 2007 par laquelle il lui a été demandé, pour la première fois, d'assurer une présence physique à dates fixes au siège de la société [N] ;

Attendu qu'il ne pouvait s'agir là que d'une proposition de modification du contrat de travail dont l'économie se trouvait totalement bouleversée par l'exigence de la présence physique du salarié à des dates fixes au siège de l'entreprise situé à environ 800 kilomètres de son domicile alors que rien de tel ne lui avait jamais été demandé auparavant, c'est-à-dire depuis quelque quatorze ans ;

Attendu que s'agissant d'une modification substantielle du contrat de travail, celle-ci ne pouvait s'opérer qu'avec le consentement du salarié qui était légitimement fondé à la refuser ;

Attendu que vainement la société appelante se prévaut-elle des conséquences nuisibles du refus du salarié d'assurer une présence à dates fixes au siège de l'entreprise alors que si elle estimait un tel changement de l'organisation du travail de l'intéressé indispensable à l'exécution des nouvelles fonctions qu'elle lui a confiées par l'avenant du 1er février 2005, il lui incombait de le stipuler audit avenant, ce qu'elle n'a pas estimé convenable de faire au moment où elle a signé cet accord ;

qu'au reste, la lettre de licenciement, formulée en termes vagues et généraux, ne précise nullement quelles ont pu être les conséquences nuisibles en question et notamment les 'dysfonctionnements' du service allégués et sur lesquels l'intimé n'a reçu aucun éclaircissement lui permettant d'exercer utilement les droits de sa défense ;

que la lettre de licenciement n'énonce aucun fait précis, daté et matériellement vérifiable constituant un dysfonctionnement du service confié à [X] [R], et que de plus, ni les écritures de la société appelante ni aucune des pièces par elle produites ne viennent étayer ces allégations qui, en l'état, restent purement affirmatives sans l'ombre du début du commencement d'un élément de preuve même le plus mince ;

que contrairement à ce qui est énoncé dans la lettre de licenciement, l'intimé conteste avoir jamais admis que le mode d'organisation de son travail engendrait des dysfonctionnements dans le service dont il avait la responsabilité et que la société appelante ne démontre pas le contraire alors que la charge de la preuve pèse sur elle;

qu'en outre, il est établi par l'intimé qu'il venait régulièrement au siège de l'entreprise à [Localité 3] où il rencontrait ses collaborateurs et ses collègues quand bien même ces passages n'avaient pas de caractère fixe ;

Attendu qu'il ressort de ce qui précède que le motif de licenciement pour faute grave articulé par l'employeur dans la lettre de licenciement du 13 septembre 2007 n'est ni réel ni sérieux ;

qu'il est manifeste que l'employeur a voulu se débarrasser d'un salarié à la fois trop indépendant et devenu trop coûteux et qu'il n' a pas trouvé d'autre solution qu'un prétexte parfaitement artificiel exclusif de toute réalité concrète ;

Attendu en conséquence qu'il échet de réformer le jugement critiqué et de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que l'intimé, licencié sans raison objectivement admissible après presque quatorze ans d'ancienneté et alors que non seulement son travail n'a jamais donné lieu à critique mais lui a valu au contraire un avancement remarquable, a subi un préjudice non seulement financier mais également moral tenant aux conditions extrêmement brutales de son congédiement par des dirigeants sans scrupule qui ne s'embarrassent pas d'un minimum de respect pour leurs salariés ;

qu'il sera donc alloué à [X] [R] la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que si l'irrégularité de la procédure est patente, elle ne peut donner lieu à dommages et intérêts dès lors que le licenciement est reconnu sans cause réelle et sérieuse et qu'une indemnité est allouée à ce titre à l'intéressé ;

Attendu, sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, que l'appelante fait justement remarquer que celle-ci a été calculée sur la base d'une ancienneté erronée de quatorze ans et neuf mois alors qu'il faut retenir treize ans et neuf mois ;

que sur ce point le jugement sera également réformé et que l'indemnité conventionnelle de licenciement sera ramenée à 23 875 € ;

Attendu que pour le surplus la décision querellée sera confirmée, notamment en ce qui concerne la prime de fin d'année puisque c'est par le fait fautif de l'employeur dont celui-ci ne saurait se prévaloir que le salarié ne faisait plus partie des effectifs à la fin de l'année 2007 ;

Attendu que la réformation consécutive à l'appel principal ne porte que sur un point secondaire ;

qu'en revanche l'appel incident est reconnu bien fondé sur un point essentiel ;

Attendu, dans ces conditions, qu'il échet d'allouer à l'intimé une indemnité pour frais irrépétibles de 2 500 € ;

que pour les mêmes raisons, la société appelante supportera les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;

Au fond, les dit l'un et l'autre justifiés ;

Réformant dit le licenciement de [X] [R] par la S.A.S. [N] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la S.A.S. [N] à payer à [X] [R] la somme de 80 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle lui a causé en le licenciant sans raison valable ;

La condamne à lui payer la somme de 23 875 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Condamne la S.A.S. [N] à payer à [X] [R] une indemnité de 2 500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 11/07295
Date de la décision : 20/12/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°11/07295 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-20;11.07295 ?
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