La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2013 | FRANCE | N°12/05110

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 19 décembre 2013, 12/05110


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : 12/05110





[U]



C/

BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 01 Juin 2012

RG : F 11/00264











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2013







APPELANT :



[P] [U]

né le [Date naissance 1]

1962 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



comparant en personne

assistée de Me Yasmina BELKORCHIA, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Monsieur [N] [D] (Dir...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 12/05110

[U]

C/

BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 01 Juin 2012

RG : F 11/00264

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2013

APPELANT :

[P] [U]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne

assistée de Me Yasmina BELKORCHIA, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Monsieur [N] [D] (Directeur des Ressources Humaines)

assisté de Me François-Xavier LABBE, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Marie-Christine TRIONCIN, avocat au barreau de DIJON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 01 Mars 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Octobre 2013

Présidée par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre et Christian RISS, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, président

- Hervé GUILBERT, conseiller

- Christian RISS, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Décembre 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Madame [U] est entrée le 16 août 1999 au service de la BANQUE POPULAIRE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE en qualité de caissière guichetière à [Localité 2], puis a occupé des postes identiques à [Localité 5], [Localité 6] et [Localité 3].

A compter du 2 avril 2007 elle a été transférée à l'agence de Mâcon-Bigeonnière en qualité de conseillère d'accueil.

Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie d'origine non professionnelle du 23 octobre 2007 au 1er janvier 2009. Ayant été déclarée apte à la reprise de son précédent emploi par le médecin du travail, qui a toutefois préconisé d'éviter le port de charges lourdes, elle a repris son poste de conseillère d'accueil dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique à compter du 2 janvier 2009 à l'agence de [Localité 3] où elle avait été mutée, puis a exercé ses fonctions à temps plein à partir du 1er février 2010.

Elle a alors rencontré de graves difficultés relationnelles avec Monsieur [B] [K], directeur de l'agence depuis 2008, ainsi qu'avec la direction des ressources humaines de la banque, a effectué une démarche auprès de l'inspection du travail, puis a été à nouveau placée en arrêt de travail dès le 16 juin 2010 par ses médecins et orientée vers un psychiatre.

Convoquée le 26 avril 2011à un entretien préalable en vue de son licenciement avec mise à pied conservatoire, Madame [U] a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2011 pour le motif ainsi énoncé :

- sa conduite au sein de l'agence de [Localité 3] met en cause la bonne marche du service et perturbe considérablement le fonctionnement de l'agence ;

- son comportement perturbe également et directement ses collègues et son directeur ;

- elle a un comportement identique, c'est-à-dire déplorable, à l'égard d'autres collaborateurs et d'autres responsables de la banque ;

- son travail également n'est pas exempt de critiques, notamment au niveau de son mauvais état d'esprit, de sa mauvaise volonté et du transfert des tâches à ses collègues sans évoquer les incidents relatifs à la prise de rendez-vous clientèle.

Madame [U] a contesté le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail et saisi le 26 juillet 2010 la juridiction prud'homale aux fins de voir condamner la BANQUE POPULAIRE à lui payer les sommes de :

- 4.196,44 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 419,64 € brut au titre des congés payés afférents,

- 5.595,20 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 62.946,60 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ s'est opposée à l'ensemble de ses demandes.

Par jugement rendu le 1er juin 2012, le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse, section commerce, a dit que le licenciement pour faute grave de Madame [U] n'était pas constitué et qu'il était sans cause réelle et sérieuse. Il a en conséquence condamné la BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ à lui payer les sommes de :

- 4.196,44 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 419,64 € brut au titre des congés payés afférents,

- 5.595,20 € à titre d'indemnités de licenciement,

- 12.599,32 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 750,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [U] a relevé appel le 4 juillet 2012 de ce jugement dont elle demande la réformation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 17 octobre 2013 par l'intermédiaire de son conseil ses conclusions déposées le 17 septembre 2013 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses arguments et moyens, et tendant à:

- Constater que les actes commis par la BANQUE POPULAIRE à l'endroit de Madame [U] sont constitutifs d'un harcèlement moral discriminatoire ;

- En conséquence, dire et juger que la BANQUE POPULAIRE a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail ;

- Dire et juger que le licenciement pour faute grave de Madame [U] est nul ;

- Constater, à titre subsidiaire, que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement sont infondés ;

- En conséquence, confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de l'appelante était sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la BANQUE POPULAIRE au versement des sommes suivantes :

20.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail;

6.294,66 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

629,46 € au titre des congés payés afférents;

10.832,79 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement;

60.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, ou subsidiairement 60.000,00 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

3.000,00 € à titre de rappel de commissionnement de 2009 à 2011;

avec, sur l'ensemble de ces sommes, intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil;

5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La BANDE POPULAIRE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ a pour sa part fait reprendre à cette audience par son conseil ses conclusions déposées le 1er octobre 2013 auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses arguments et moyens, aux fins de voir :

- Rejeter l'appel principal interjeté par Madame [U];

- La débouter de l'ensemble de ses demandes;

- Et recevant la BANQUE POPULAIRE en son appel incident, le déclarer bien-fondé;

- Dire en conséquence :

d'une part, que le licenciement de Madame [U] repose sur une faute grave;

d'autre part, que Madame [U] n'a pas fait l'objet d'un harcèlement moral discriminatoire;

- Rejeter les différentes demandes présentées par Madame [U] ;

- La condamner en tous les dépens.

SUR CE,

La Cour,

1°) Sur le harcèlement moral discriminatoire et la nullité du licenciement :

Attendu que l'article L.1154'1 du code du travail fixe ainsi qu'il suit les règles de preuve en matière de harcèlement :

« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152 ' 1 à L. 1152 ' 3 et L. 1153 ' 1 à L. 1153 ' 4 , le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

qu'il appartient dès lors au salarié se disant victime de faits de harcèlement d'établir l'existence de tels faits en étayant ses allégations par des éléments précis et concordants ;

Attendu que Madame [U] prétend avoir subi du fait de sa maladie une importante dégradation de ses conditions et de ses relations de travail constitutive de harcèlement moral et discriminatoire qui ont directement conduit à une détérioration de son état de santé mentale ;

qu'elle a bénéficié de soins pour un cancer diagnostiqué le 23 octobre 2007 à l'origine de son arrêt de travail à compter de cette date jusqu'au 1er janvier 2009, puis de la reprise de son poste à l'agence de [Localité 3] dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ;

qu'elle soutient que sa maladie et ses absences consécutives n'ont pas été tolérées par Monsieur [K], directeur de l'agence de [Localité 3], qui a prétendu dans des courriers électroniques particulièrement virulents qu'elle était à l'origine de la perturbation qui a affecté l'organisation de l'agence, sa production mais également l'état d'esprit de l'équipe, de sorte qu'à partir du mois de septembre 2010 il n'a plus souhaité travailler avec elle et a cherché à s'en séparer en raison de son état de santé ;

qu'il convient cependant d'observer que ,dans son courrier électronique litigieux du 16 novembre 2010, le directeur de l'agence a bien précisé :

« En complément de mon mail sur la désorganisation de l'agence liée aux absences non prévues de Madame [U] eu égard à son état de santé, que nous ne lui reprochons pas, mais qui pèse sur l'activité de [Localité 3], je voulais ajouter que sa concentration est en baisse »,

pour citer ensuite de nombreux exemples précis de tâches qu'elle est n'accomplissait plus ou pour lesquelles elles commettait des erreurs, avant de conclure en ces termes :

« Pour toutes ces raisons et sans parler du poids sur l'ambiance que je tente de maintenir acceptable, voire bonne à [Localité 3], je vous demande de bien vouloir m'indiquer si une solution à l'amiable pour un remplacement d'[P] [U] est possible afin que nous puissions avoir un fonctionnement normal sur 2011»;

Attendu qu'il apparaît ainsi que le directeur de l'agence, soucieux du bon fonctionnement du service dont il avait la charge et la responsabilité, a seulement regretté les absences de la salariée dues à la détérioration de son état de santé, qu'il ne lui reprochait pas mais qui lui paraissait à l'origine de ses manquements et des erreurs qu'elle commettait, ainsi que de la désorganisation de l'agence ; que s'il a souhaité le remplacement de Madame [U] dans l'intérêt même du service, il s'est cependant montré ouvert à la recherche d'une solution amiable, de sorte que la salarié est mal fondée à prétendre à une volonté d'éviction de sa part tenant à sa maladie ;

que Madame [U] ne peut en outre raisonnablement lui reprocher d'avoir d'avoir manifesté un attitude « froide » et des « soupirs » lors d'une conversation téléphonique, ce fait, à le supposer exact, ne pouvant être constitutif de harcèlement moral ;

Attendu que Madame [U] prétend encore que le harcèlement moral dont elle aurait été victime ressortirait des importantes négligences commises par la direction des ressources humaines de la BANQUE POPULAIRE dans la gestion de son mi-temps thérapeutique qui l'ont contrainte à devoir procéder à d'innombrables démarches administratives et à faire appel au service de l'inspection du travail pour assurer la préservation de ses droits ;

qu'il importe à cet égard de relever que Madame [U] a formulé un si grand nombre de réclamations que la direction des ressources humaines a établi un tableau récapitulatif pour une quarantaine de démarches entreprises par la salariée et qu'elle le verse aux débats ; que celui-ci révèle que la plupart des réclamations étaient sans fondement, et souvent injustifiées et erronées ; que les corrections nécessaires ont été rapidement apportées aux erreurs parfois commises ; qu'en outre si la salariée a pu obtenir le versement de primes et la prise en compte de jours de carence après intervention des services de l'inspection du travail, elle ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de son employeur ou même de l'intention qu'il aurait eu de la priver de ses droits ; qu'à cet égard les lettres de l'inspecteur du travail adressées à la BANQUE POPULAIRE n'ont été que des demandes de renseignements et non des injonctions qui lui auraient été adressées ;

Attendu en outre que la salariée n'établit pas que la banque n'aurait pas respecté scrupuleusement les prescription médicales à son égard, l'inspection du travail et le médecin du travail n'ayant pour leur part formulé aucune remarque à ce sujet ;

que si ses médecins traitants ont relevé l'existence d'une souffrance au travail, ils n'ont pu que relater ses doléances pour ne disposer que de ses seules informations sur le lien de causalité entre l'affection qu'ils ont constatée et les conditions de travail invoquées par la salariée ; qu'en outre, la tension entre elle et son directeur d'agence était bien réelle ; qu'enfin le médecin du travail, consulté à plusieurs reprises par Madame [U], n'a jamais signalé à la direction des ressources humaines de la BANQUE POPULAIRE une quelconque souffrance au travail de la salariée ;

qu'ainsi ces éléments ne suffisent pas à caractériser un harcèlement moral ;

Attendu que pour se dire encore victime de harcèlement moral, Madame [U] se prévaut de la réduction puis de la suppression de ses commissionnements trimestriels ;

qu'en raison de ses fonctions, elle ne pouvait toutefois bénéficier du « commissionnement commercial » accordé aux seuls agents ayant procédé à l'ouverture de comptes pour les nouveaux clients ;

qu'elle ne pouvait en outre prétendre à aucun commissionnement d'agence dans la mesure où un tel commissionnement, obtenu seulement lorsque les objectifs commerciaux de l'agence étaient atteints et alors réparti selon des conditions d'éligibilité connues du personnel et diffusées sur le réseau Intranet de la banque, n'avait pas été reçu en 2010 par l'agence de [Localité 3] ;

Attendu que Madame [U] soutient ensuite qu'un traitement différent de celui de ses collègues lui aurait été réservé dès sa reprise d'activité et qu'elle aurait ainsi été mise à l'écart

qu'il apparaît toutefois que si Monsieur [K] lui a proposé de reprendre son travail à 80 %, il ne l'a fait que pour tenir compte de sa situation médicale et de ses sollicitations, Madame [U] lui ayant confié qu'elle éprouvait des difficultés à se lever le matin et fait part de sa crainte de ne pouvoir assurer sa tâche pendant toute la semaine ;

que la salariée ne saurait également reprocher à son directeur d'agence de n'avoir pu participer aux réunions internes alors qu'elle y avait toujours été conviée mais qu'elle ne s'y rendait pas pour la raison que celles-ci avaient lieu pendant les heures où elle recevait la clientèle; qu'en outre il lui avait été proposé d'être remplacée ;

qu'elle ne peut davantage soutenir avoir été exclue du repas de fin d'année 2010 alors qu'elle n'ignorait pas que celui-ci avait été reporté pour être finalement fixé au 20 mai 2011 au soir, la circonstance de sa mise à pied fixée antérieurement étant naturellement sans incidence sur la date du repas ;

que la formation CRM qui lui a été dispensée en une heure est conforme au poste de conseiller d'accueil qu'elle occupait alors ;

que son entretien annuel d'évaluation du mois de janvier 2010 a été reporté à sa demande et non à celle de son directeur d'agence qui n'a fait que l'accepter ;

qu'elle ne peut encore reprocher à son employeur d'avoir été dans l'impossibilité de déposer son vote en agence le 8 février 2011 alors que, pour avoir été absente le 19 janvier 2011 et les jours suivant jusqu'au 24 janvier inclus, elle ne pouvait voter que par correspondance selon le protocole électoral établi entre la banque et les organisations syndicales le 16 décembre 2010 ; que les documents de vote lui avaient au demeurant été envoyés à domicile et qu'elle a reconnu les avoir détruits ; que la BANQUE POPULAIRE a fait preuve d'une extrême bienveillance à son égard dans la mesure où le directeur du groupe s'est déplacé personnellement jusqu'à Feuillens pour lui apporter un nouveau matériel de vote par correspondance et qu'elle a été libérée de son travail une heure avant la fermeture de l'agence pour pouvoir déposer son bulletin dans une boîte postale ;

qu'elle n'a pas été affectée dans un bureau vide à son retour de maladie ainsi qu'elle le prétend, mais dans un bureau équipé ; que, pour lui permettre de reprendre son service dans de bonnes conditions alors qu'elle avait annoncé qu'elle serait absente un jour et demi la semaine de reprise, la banque a encore fait le choix bienveillant à son égard de conserver pendant une semaine l'intérimaire qui la remplaçait ;

Attendu que Madame [U] ne peut également soutenir que sa mise à pied aurait contribué au harcèlement moral alors que celle-ci était justifiée pour permettre à la direction des ressources humaines de la BANQUE POPULAIRE de recueillir les témoignages des collaborateurs de l'agence sur les faits qui lui étaient reprochés ;

Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que Madame [U] ne rapporte pas la preuve d'agissements répétés de son employeur qui auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

qu'il s'en suit que sa demande présentée pour la première fois devant la cour tendant à faire constater la nullité de son licenciement du fait du harcèlement moral et discriminatoire dont elle aurait été victime doit être rejetée ainsi que sa demande de dommages et intérêts correspondante ;

qu'en l'absence d'exécution fautive de son contrat de travail par l'employeur , Madame [U] ne peut en outre qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre;

2°) Sur le licenciement :

Attendu que la lettre de notification du licenciement pour faute grave adressée le 18 mai 2011 à Madame [U] par la BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ, qui fixe les limites du litige, énonce différents griefs dont il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve; qu'il convient dès lors de les examiner successivement :

a) Sa conduite au sein de l'agence de [Localité 3] mettant en cause la bonne marchedu service et perturbant considérablement le fonctionnement de l'agence :

Attendu que la BANQUE POPULAIRE produit aux débats des attestations de nombreux collègues de travail des agences de [Localité 3] et de Mâcon-Bigeonnière exprimant leurs difficultés relationnelles générées par Madame [U], faisant part des conséquences fâcheuses de son comportement et de l'impossibilité de poursuivre toute collaboration avec elle ;

que ces attestations font état, indépendamment de ses absences fréquentes pour maladie qui perturbent le fonctionnement de l'agence, des reproches incessants et injustifiés adressés par la salariée à son directeur, à ses réflexions désagréables et infondées qui auraient conduit ses collègues de travail ne plus vouloir travailler avec elle ou même à démissionner, à son esprit tatillon et procédurier, à son agressivité envers ses clients, ses collègues et sa hiérarchie, et à sa recherche de confrontation permanente, au point que le directeur d'agence s'est lui-même considéré victime de harcèlement moral de sa part ;

Mais attendu que ces témoignages, dont aucun n'a été établi antérieurement à la procédure de licenciement, font essentiellement état de faits subjectifs pour décrire la façon dont leurs auteurs les ont ressentis ;

que les critiques ainsi formulées à l'encontre de Madame [U] ne permettent pas de caractériser un comportement fautif de sa part ; que les témoins ne décrivent véritablement aucune faute disciplinaire qui pourrait être reprochée à la salariée ;

que Madame [U] produit pour sa part de nombreuses attestations de clients de l'agence se disant satisfaits de l'accueil chaleureux qu'elle leur a réservé, de son professionnalisme, de son attention et de sa patience à leur égard, de sa bonne humeur et de sa gentillesse;

qu'elle produit également des attestations des deux intérimaires ayant travaillé chacune six mois au sein de l'agence, dégagées de tout lien de subordination ou d'intérêt avec la banque, relatant les bonnes relations qu'elles ont entretenues avec elle, son comportement décent et respectueux à leur égard, sa parfaite connaissance de son travail, son caractère chaleureux et souriant ;

que le grief n'est dès lors pas justifié ;

b) son comportement perturbant également et directement ses collègues et son directeur :

Attendu que la lettre de licenciement fait encore état du caractère insupportable de la salariée ressortant de ses réclamations incessantes, ses réflexions désagréables et ses reproches injustifiés qui fragilisent l'ensemble de ses collègues de travail au sein de l'agence de [Localité 3] ;

qu'il lui est ainsi reproché à Madame [U] d'avoir transmis au directeur de l'agence sur son téléphone personnel un message inacceptable accompagné d'une photographie déplacée d'elle-même à l'occasion de sa maladie qui l'aurait considérablement perturbé ; que si cet envoi est maladroit et contestable, il ne saurait toutefois être qualifié d'inacceptable au point de perturber considérablement son destinataire ;

que Madame [U] s'est également plainte d'inhaler des gaz et des poussières provenant de travaux de voirie extérieurs alors qu'elle était dans son bureau; qu'elle a demandé à son directeur de faire l'acquisition d'un extracteur d'air; que sa demande était toutefois compréhensible car liée à la fragilité de son état de santé et à sa crainte de voir celui-ci se dégrader ;

Attendu en conséquence qu'il n'apparaît pas au vu des éléments qui précèdent que la salariée ait adopté un comportement particulièrement déstabilisant pour l'ensemble du personnel de l'agence; qu'en tout état de cause aucune faute ne saurait lui être reproché à ce titre; que le grief ne peut ainsi être davantage retenu ;

c) son comportement identique, c'est-à-dire déplorable, à l'égard d'autres colloborateurs et d'autres responsables de la banque :

Attendu que la BANQUE POPULAIRE reproche encore également à Madame [U] d'avoir adopté le même comportement avec d'autres collaborateurs ou responsables de la banque extérieurs à l'agence et elle verse aux débats de nombreux écrits, correspondances électroniques, ou justificatifs d'appels téléphoniques qu'elle prétend aussi inutiles qu'injustifiés, assortis de reproches et de propos discourtois ;

que la salariée se serait encore montrée irrespectueuse et agressive envers le directeur des ressources humaines qu'elle a traité de « personne inhumaine » et de ses collaborateurs qualifiés d' « incapables »;

que l'intervention du directeur des ressources humaines, qui s'est exceptionnellement déplacé à trois reprises de [Localité 1] à [Localité 4], révèle à l'évidence son attitude conciliatrice pour apaiser un conflit de personnes ayant atteint son paroxysme à l'agence entre Madame [U] et l'ensemble du personnel bancaire ; que les propos et qualificatifs désobligeants qui lui sont prêtés ne sont toutefois ni injurieux ni diffamatoires, et n'ont pas été prononcés à l'extérieur de l'agence; qu'ils traduisent la souffrance de l'intéressée et s'expliquent par le contexte dans lequel ils ont été prononcés ;

qu'ils ne constituent en tout état de cause pas une faute grave de nature à justifier son éviction immédiate;

d) son travail également non exempt de critiques, notamment au niveau de son mauvais état d'esprit, de sa mauvaise volonté et du transfert des tâches à ses collègues sans évoquer les incidents relatifs à la prise de rendez-vous clientèle:

Attendu que la BANQUE POPULAIRE reconnaît que pendant plusieurs années Madame [U] a donné satisfaction avant de devenir insupportable ; qu'elle produit plusieurs attestations de membres de son personnel évoquant son mauvais état d'esprit ainsi que le transfert de ses tâches à ses collègues; que ceux-ci n'ont cessé de se plaindre des difficultés et des incidents qu'elle générait et de l'ambiance délétère qu'elle entretenait ;

qu'aucun fait précis justificatif d'une faute grave n'est toutefois énoncé;

que Madame [U] a pour sa part produit plusieurs attestations de clients satisfaits de la qualité de sa prestation ;

que le grief n'est dès lors pas établi ;

Attendu en outre, ainsi que l'a opportunément relevé le conseil de prud'hommes, que Madame [U] n'a fait l'objet avant son licenciement pour faute grave d'aucune sanction disciplinaire pour son comportement considéré insupportable; que les faits reprochés concernent la seule période postérieure au diagnostic de son cancer et de son mi-temps thérapeutique avant laquelle la banque ne s'était jamais plainte de son comportement et de la qualité de son travail ;

que les faits qu'elle lui impute, lorsqu'ils sont démontrés, ne sont pas constitutifs de la faute grave disciplinaire reprochée justifiant son licenciement immédiat ;

qu'il importe dès lors de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ;

3°) Sur les demandes indemnitaires :

Attendu que pour avoir été licenciée sans cause réelle et sérieuse, Madame [U] est fondée à obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois, pour tenir compte de la majoration d'un mois supplémentaire du fait de sa qualité de travailleur handicapé connue de la BANQUE POPULAIRE à la date de son licenciement , soit 2.098,22 € x 3 = 6.294,66 €;

que l'indemnité conventionnelle de licenciement doit être arrêtée à la somme de 10.832,79 € en considération de son ancienneté de 11ans et 11 mois au service de la BANQUE POPULAIRE ;

Attendu en outre que la cour dispose d'éléments suffisants, eu égard à l'âge de la salariée, aux circonstances ayant entouré la rupture des relations contractuelles et aux difficultés de réinsertion professionnelle rencontrées, pour fixer l'indemnité lui revenant en application de l'article L.1235-3 du code du travail à la somme de 20.982,20 € correspondant à 10 mois de salaire ;

qu'il importe dès lors de réformer sur ces points le jugement entrepris;

Attendu par ailleurs que pour faire valoir ses droits devant la cour, l'appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de la banque intimée ;

qu'il convient dès lors de condamner la BANQUE POPULAIRE à lui verser une indemnité de 1.500,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu en outre qu'aux termes de l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié concerné; que ce remboursement est ordonné d'office par la juridiction dans le cas où les organismes concernés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ;

qu'il importe de fixer l'obligation incombant de ce chef à la BANQUE POPULAIRE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE à concurrence de trois mois d'indemnités de chômage;

qu'elle supporte enfin la charge des entiers dépens;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT que Madame [P] [U] n'a pas été victime de harcèlement moral de la part de la BANQUE POPULAIRE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE ;

CONFIRME le jugement rendu le 1er juin 2012 par le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse disant que son licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, et condamnant la BANQUE POPULAIRE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE à lui verser la somme de 750,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

L'INFIRME pour le surplus en ses autres dispositions,

et statuant à nouveau,

CONDAMNE la BANQUE POPULAIRE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE à payer à Madame [P] [U] les sommes de :

' 6.294,66 € (SIX MILLE DEUX CENT QUATRE VINGT QUATORZE EUROS ET SOIXANTE SIX CENTIMES) à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

' 629,46 € (SIX CENT VINGT NEUF EUROS ET QUARANTE SIX CENTIMES) au titre des congés payés afférents;

' 10.832,79 € (DIX MILLE HUIT CENT TRENTE DEUX EUROS ET SOIXANTE DIX NEUF CENTIMES) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

' 20.982,20 € (VINGT MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT DEUX EUROS ET VINGT CENTIMES) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 1.500,00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Madame [P] [U] de ses autres demandes ;

CONDAMNE la BANQUE POPULAIRE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Madame [P] [U] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ;

CONDAMNE la BANQUE POPULAIRE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/05110
Date de la décision : 19/12/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/05110 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-19;12.05110 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award