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04/12/2013 | FRANCE | N°12/04773

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 04 décembre 2013, 12/04773


AFFAIRE PRUD'HOMALE : DOUBLE RAPPORTEUR







R.G : 12/04773





SARL T2M



C/

[R]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Mai 2012

RG : F 10/03719











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2013













APPELANTE :



SARL T2M

[Adresse 1]

[Localité 2]



r

eprésentée par Me Olivier MARTIN de la SELARL JURILEX, avocat au barreau de LYON



substitué par Me Véronique ROUBINE, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[P] [R]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 3] (69)

[Adresse 2]

[Localité 1]



représenté par Me Sofia SOULA-MICHAL...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 12/04773

SARL T2M

C/

[R]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Mai 2012

RG : F 10/03719

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2013

APPELANTE :

SARL T2M

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier MARTIN de la SELARL JURILEX, avocat au barreau de LYON

substitué par Me Véronique ROUBINE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[P] [R]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 3] (69)

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Sofia SOULA-MICHAL de la SELARL CABINET RITOUET-SOULA, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 22 Janvier 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Octobre 2013

Présidée par Jean-Charles GOUILHERS, Président de Chambre et Christian RISS, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre

Hervé GUILBERT, Conseiller

Christian RISS, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Décembre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Monsieur [P] [R] a été embauché le 6 mars 2001 pour une durée indéterminée en qualité de métallier serrurier par la société T2M qui exerce une activité de fabrication et de maintenance de structures métalliques telles que charpentes, portails, barrières et rideaux électriques. Par avenant à son contrat de travail du 1er janvier 2009, il a été promu conducteur de travaux, qualification ETAM, technicien agent de maîtrise.

Il est également devenu actionnaire de la société T2M pour avoir reçu de son gérant, Monsieur [X] [E], 20 de ses parts sociales.

Le lundi 18 mai 2010, à son retour dans l'entreprise après une fermeture de quatre jours en raison d'un jour férié, Monsieur [X] [E] a constaté dans les ateliers la présence d'un imposant portail et d'un portillon pour lesquels aucun numéro de commande n'était mentionné. Il a interrogé l'un des salariés sur place, Monsieur [Y] [O], et a pu ainsi apprendre que celui-ci avait bénéficié d'une autorisation de Madame [J] [E] pour effectuer des travaux personnels dans l'atelier, et que ceux-ci avaient été réalisés à la demande de Monsieur [P] [R] .

Le jour même, le gérant de la société T2M a adressé à Monsieur [P] [R] une lettre recommandée avec accusé de réception, portant en objet l'indication «Avertissement», ainsi rédigée :

« C'est avec étonnement que je me suis aperçu qu'après un week-end de fermeture de la société, qu'un portail (3110 x 1800) ainsi qu'un portillon (820 x 1800) sont en cours de fabrication dans les ateliers de la société T2M , sans autorisation préalable et sans commande.

Par déduction, je m'interroge sur la provenance de la matière première nécessaire à sa fabrication et sur la destination.

En conséquence, je vous demande impérativement de mettre fin à cet ouvrage.

Dans le cas contraire, des sanctions pourront être prises . . . ».

Monsieur [P] [R] a contesté dès le 19 mai 2010 les termes de cette lettre d'avertissement en niant avoir fabriqué un portail et un portillon au cours du week-end de l'Ascension pour s'être trouvé alors en vacances dans le Tarn et n'avoir pu de ce fait participer aux faits reprochés.

Après avoir constaté qu'en dépit de ses directives Monsieur [P] [R] poursuivait la fabrication de ce portail, la société T2M l'a convoqué par lettre remise en main propre le 26 mai 2010 à un entretien préalable fixé au 4 juin 2010 en vue de son éventuel licenciement, avec mise à pied conservatoire immédiate.

Il a finalement été licencié pour faute grave, privative des indemnités de rupture, par lettre recommandée du 16 juin 2010, pour le motif ainsi énoncé :

« Le 17 mai 2010, j'ai découvert un portail et un portillon en cours de fabrication ne correspondant à aucune commande et Monsieur [O] m'a indiqué que c'était vous qui lui aviez dit de le faire.

Le 18 mai 2010 je vous ai écrit pour vous interroger sur cette situation et pour vous demander de mettre fin immédiatement à l'exécution de cet ouvrage sous peine de sanctions.

Le 19 mai vous avez répondu : je n'ai pu participer aux faits qui me sont reprochés et vous avez tenu des propos diffamatoires à mon égard affirmant que ce serait du harcèlement moral.

Compte tenu de l'enquête que j'ai initiée, j'ai découvert en réalité que vous étiez à l'origine de cette fabrication qui ne correspond à aucune commande. Il est donc vraisemblable que cette fabrication est faite pour votre propre compte au mépris des intérêts de l'entreprise.

C'est dans ce contexte que le 26 mai 2010 je vous ai adressé une convocation entretien préalable avec mise à pied conservatoire.

Néanmoins, le 28 mai 2010, vous vous êtes présenté chez KDS pour récupérer des pièces de portail.

Vous avez ainsi délibérément refusé de respecter des consignes du 18 mai et la mise à pied du 26 mai 2010.

Ce comportement constitue une insubordination et une exécution de mauvaise foi de votre contrat de travail.

Cette attitude est particulièrement grave notamment au regard de vos fonctions d'ETAM qui vous autorisent à donner des consignes aux ouvriers et qui supposent une exemplarité de votre part . . . ».

Par lettre en date du 24 juin 2010, Monsieur [P] [R] a accusé réception du certificat de travail et du solde de tout compte que son employeur lui avait fait parvenir, mais a indiqué ne pas souhaiter signer ces deux documents en l'état pour en contester le contenu, dans la mesure où il contestait son licenciement pour faute grave.

Il a ensuite saisi le 27 septembre 2010 la juridiction prud'homale en sollicitant la condamnation de la société T2M à lui payer des sommes suivantes :

- 4491,38 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 449,14 € à titre de congés payés afférents,

- 5.187,22 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 34.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société T2M s'est opposé à ses demandes et a sollicité l'octroi de la somme de 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 22 mai 2012, le conseil de prud'hommes de Lyon, section industrie, a considéré que la lettre envoyée le 18 mai 2010 à Monsieur [P] [R] constituait une sanction disciplinaire, de sorte que les faits sur lesquels elle était fondée ne pouvaient être une seconde fois sanctionnés par un licenciement, l'employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire.

Il a en conséquence a déclaré le licenciement de Monsieur [P] [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société T2M à lui verser les sommes de :

- 12.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4.491,38 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 449,14 € à titre de congés payés afférents,

- 5.187,22 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société T2M a relevé appel le 21 juin 2012 de ce jugement dont elle demande l'infirmation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 2 octobre 2013 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a fait déposer le 20 septembre 2013 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses arguments et moyens, et tendant à :

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [P] [R] repose sur une faute grave,

En conséquence,

- Réformer le jugement dont appel,

- Ordonner le remboursement à la société T2M des sommes versées au titre de l'exécution provisoire de droit,

- Débouter Monsieur [P] [R] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner Monsieur [P] [R] à verser à la société T2M la somme de 2.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Monsieur [P] [R] a pour sa part repris à cette audience par l'intermédiaire de son conseil ses conclusions d'intimé transmises le 25 septembre 2013 auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses arguments et moyens, aux fins de voir :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit et jugé que son licenciement de repose sur aucun fait fautif,

condamné la société T2M à lui verser les sommes suivantes :

- 4491,38 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 449,14 € à titre de congés payés afférents,

- 5'187,22 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Le réformer pour le surplus,

Ce faisant,

condamner la société T2M à lui verser la somme de 26.000,00 € à titre de dommages et intérêts, nette de CSG et de CRDS,

condamner la société T2M à lui verser la somme de 2.500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société T2M aux entiers dépens.

SUR CE,

La Cour,

Attendu que la lettre recommandée adressée le 18 mai 2009 à Monsieur [P] [R] pour lui reprocher d'avoir entrepris la fabrication d'un portail et d'un portillon dans les ateliers de la société T2M, sans autorisation préalable et sans commande, constitue la sanction disciplinaire de l'avertissement en ce qu'elle porte en objet la mention «  Avertissement » ;

qu'elle contient en outre l'injonction impérative adressée au salarié de mettre fin à cet ouvrage, à défaut de quoi des sanctions pourraient être prises ;

Attendu que l'enquête interne ensuite réalisée par la société T2M lui a permis de découvrir que Monsieur [P] [R] avait demandé le 12 mai 2010 à la société KDS un devis pour la fourniture de tôles destinées à la fabrication d'un portail et d'un portillon dont il avait joint les plans en prétendant faussement qu'il s'agissait d'un chantier AYDOGMUS, ce client de la société T2M n'ayant jamais passé une telle commande ;

que le devis ainsi demandé lui a été adressé le 18 mai 2010 par la société KDS sous le n° 8234 établi au nom de la société T2M pour un montant de 130,69 € hors taxes ;

qu'après avoir pu obtenir une diminution du prix à 80,95 € hors taxes, Monsieur [P] [R] a passé commande des 3 tôles concernées le jour même ;

qu'il n'a payé leur montant personnellement en espèces que le 4 juin 2010, soit postérieurement à son licenciement ;

Attendu par ailleurs que le service comptable de la société T2M a été destinataire d'une facture de la société KDS en date du 25 mai 2010 numérotée 3401383709 pour un montant de 282,40 € TTC correspondant à du matériel nécessaire à la fabrication d'un portail dont la référence était encore le client prétendument nommé AYDOGMUS, alors que ce dernier n'avait pas commandé ces marchandises ;

qu'il ressort du bon de livraison que le matériel dont s'agit a été réceptionné le 25 mai 2010 dans les locaux de la société T2M par Monsieur [P] [R], au motif que celui-ci comporte sa signature ;

Attendu qu'il apparaît ainsi qu'en méconnaissance de l'injonction qui lui avait été adressée le 18 mai 2010 par son employeur de mettre immédiatement fin à l'ouvrage, Monsieur [P] [R] s'est fait livrer le 25 mai 2010 dans les locaux de la société T2M les pièces nécessaires à la fabrication du portail litigieux ;

qu'il a ainsi délibérément refusé de respecter les consignes qui lui avaient été données par son employeur en poursuivant la réalisation du portail et du portillon, de sorte que son licenciement, prononcé pour insubordination et exécution de mauvaise foi de son contrat de travail, ne repose pas sur les mêmes faits que ceux ayant motivé l'avertissement du 18 juillet 2010 ;

qu'est indifférente l'indication portée par erreur dans la lettre de licenciement selon laquelle le salarié se serait présenté le 28 mai 2010 dans les locaux de la société KDS pour récupérer des pièces de portail, alors qu'il s'est avéré que la société KDS les lui avait en réalité livrées dès le 25 mai 2012 au siège de la société T2M, les circonstances exacte de la livraison n'ayant pu être établies que postérieurement ;

qu'il importe dès lors d'infirmer le jugement entrepris ;

Attendu en outre que la mauvaise foi de Monsieur [P] [R] est patente, dans la mesure où, indépendamment de ses dénégations initiales, il a cherché à dissimuler le travail effectué en le faisant réaliser pour son compte pendant la fermeture des ateliers par Monsieur [Y] [O] sur lequel il avait autorité et qui n'avait obtenu une autorisation que pour un réaliser travail personnel et non pour un tiers ;

qu'il s'est également avéré que, pour tenter de justifier l'acquisition du matériel et des tôles par la société T2M alors que ces produits lui étaient destinés, Monsieur [P] [R] a établi un faux devis à l'entête de la société T2M au nom de AYDOGMUS pour la fourniture de ce matériel et de ces tôles; que ce devis ne correspond en effet à aucune demande du client AYDOGMUS; qu'en outre il l'avait antidaté au 5 mai 2010, alors que le listing informatique des commandes révèle qu'il a nécessairement été élaboré entre le 19 mai et le 21 mai 2010 ;

Attendu dans ces conditions que la gravité de la faute ainsi commise a placé l'employeur dans l'impossibilité de poursuivre toute collaboration avec le salarié et justifie son éviction immédiate ;

qu'il importe en conséquence de dire que le licenciement de Monsieur [P] [R] repose sur une faute grave et de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu par ailleurs que pour faire valoir ses droits devant la cour, la société appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'intimé ;

qu'il convient dès lors de condamner Monsieur [P] [R] à verser à la société T2M la somme de 1.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu enfin que Monsieur [P] [R], qui ne voit pas aboutir ses prétentions devant la cour, ne peut obtenir l'indemnité qu'il sollicite sur le fondement du même article et supporte la charge des entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mai 2012,

et statuant à nouveau,

DÉBOUTE Monsieur [P] [R] de l'ensemble de ses demandes;

LE CONDAMNE à payer à la SàRL T2M la somme de 1.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE le remboursement par Monsieur [P] [R] à la société T2M des sommes versées au titre de l'exécution provisoire de droit,

LE CONDAMNE enfin aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/04773
Date de la décision : 04/12/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/04773 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-04;12.04773 ?
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