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20/11/2013 | FRANCE | N°12/06278

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 20 novembre 2013, 12/06278


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 12/06278





[E]



C/

[B] NEE [N]

[H] NEE [N]

[N]

[R]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal paritaire des baux ruraux de VILLEFRANCHE SUR SAONE

du 01 Août 2012

RG : 2012/9





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2013







APPELANTE :



[M] [E]

[Adresse 6]

[Localité 1]



re

présentée par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE



Intimé dans 12/06427 (Fond)





INTIMÉS :



[F] [B] née [N]

[Adresse 4]

[Localité 4]



représentée par Me Aymeric CURIS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE



[Z] [H] née [N]

[Adresse 2]

[Loc...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 12/06278

[E]

C/

[B] NEE [N]

[H] NEE [N]

[N]

[R]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal paritaire des baux ruraux de VILLEFRANCHE SUR SAONE

du 01 Août 2012

RG : 2012/9

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2013

APPELANTE :

[M] [E]

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Intimé dans 12/06427 (Fond)

INTIMÉS :

[F] [B] née [N]

[Adresse 4]

[Localité 4]

représentée par Me Aymeric CURIS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

[Z] [H] née [N]

[Adresse 2]

[Localité 2]

ROYAUME UNI

représentée par Me Aymeric CURIS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

[L] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Aymeric CURIS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

Appelant dans 12/06427 (Fond)

AUTRE PARTIE :

Maître [S] [A]

agissant en qualité de liquidateur judiciaire d'[T] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

non comparant

PARTIES CONVOQUÉES LE : 12 Mars 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Septembre 2013

Présidée par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Jean-Charles GOUILHERS, président

- Hervé GUILBERT, conseiller

- Christian RISS, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Novembre 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 1er août 2012 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE, dont appel ;

Vu les conclusions déposées le 6 septembre 2013 par [M] [E], appelante ;

Vu les conclusions déposées le 6 septembre 2013 par [L] [N], intimé ;

Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 6 septembre 2013 ;

La Cour,

Attendu que le 1er janvier 2008, [J] [N] agissant en qualité d'usufruitier, a donné à bail à ferme à [T] [R], éleveur d'ovins alors domicilié à [Localité 7] (Alpes de Haute-Provence), un ensemble de terres, prés et bois d'une superficie de 20 ha 19 a 87 ca, sis sur les communes de [Localité 6] et [Localité 9] (Rhône) ;

que le 1er décembre 2008, [J] [N] a consenti au même [T] [R] et à [M] [E], sa concubine, demeurant ensemble au lieudit '[Adresse 7]), un bail d'habitation portant sur un appartement situé dans le corps de la ferme sise audit lieu avec usage exclusif de la cour de ladite ferme par les locataires, ce pour une durée de trois années commençant à courir le 1er janvier 2009 pour s'achever le 31 décembre 2012 ;

que cependant suivant convention particulière annexée audit bail et datée du même jour, [J] [N] s'est engagé à louer l'immeuble d'habitation susdit et ses dépendances aux consorts [R]-[E] pour une durée incompressible de vingt-cinq ans à compter du 1er janvier 2009 ;

Attendu enfin que par autre bail rural du 1er mars 2009, [J] [N] a loué au seul [T] [R] une bergerie située dans l'un des corps de bâtiment de la [Adresse 5] à [Adresse 7] (Rhône) ;

qu'il est constant et non contesté que les terres, prés et bois faisant l'objet du premier bail rural conclu le 1er janvier 2008 jouxtent immédiatement le corps de ferme dans lequel sont situés les locaux d'habitation et la bergerie ayant fait l'objet des baux des 1er décembre 2008 et 1er mars 2009 ;

Attendu que le 9 septembre 2010 [T] [R] a été déclaré en liquidation judiciaire, l'intéressé et [M] [E], sa concubine, ayant quitté les lieux loués dès le mois de juin de la même année ;

Attendu que sur l'assignation délivrée à la requête de [L] [N], [F] [N] épouse [B] et [Z] [N] épouse [H] venant aux droits de feu [J] [N], le Tribunal d'Instance de GAP a, par jugement du 4 janvier 2011, condamné les consorts [R]-[E] au payement de la somme de 7171,42 € au titre des loyers restant dûs par eux en vertu du bail d'habitation du 1er décembre 2008;

que [M] [E] a relevé appel de cette décision et que l'instance est actuellement pendante devant la Cour d'Appel de GRENOBLE ;

Attendu que le 31 mars 2011 ladite [M] [E] a saisi le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE en lui demandant de :

- requalifier le bail d'habitation du 1er décembre 2008 en bail rural,

- dire qu'[T] [R] était seul titulaire d'un unique bail rural portant sur un ensemble de terres et de bâtiments d'exploitation et d'habitation,

- dire qu'elle ne peut être considérée comme preneur à bail rural ni tenue du paiement des fermages ;

Attendu que c'est à la suite de ces circonstances que par jugement du 1er août 2012 le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE a :

- déclaré [M] [E] recevable en son action,

- requalifié le bail du 1er décembre 2008 en bail à ferme,

- dit que ce bail lui était opposable en sa qualité de co-preneur ;

Attendu que [M] [E] a régulièrement relevé appel de cette décision le 22 août 2012 ;

Attendu, sur la demande de mise en cause du mandataire de Justice [A] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire d'[T] [R] présentée par les consorts [N], que cet auxiliaire de Justice a informé la Cour, par lettre du 28 août 2012, de ce que la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif suivant jugement du 8 septembre 2011 et qu'il n'a donc plus qualité pour représenter ledit [T] [R];

que le Cour ne peut donc que constater que le mandataire de Justice [A] ne peut plus représenter le sieur [T] [R], tiers à la procédure ;

Attendu, sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de [M] [E] et du défaut de qualité pour agir de la même, soulevée par les consorts [N], que ceux-ci soutiennent que l'appelante qui n'était pas exploitante agricole lors de la conclusion du bail n'a pas d'intérêt à solliciter la requalification du bail litigieux en bail rural et que seul le sieur [T] [R], lui-même preneur au titre de deux baux ruraux, aurait qualité pour solliciter une telle requalification ;

Mais attendu que [M] [E], poursuivie en qualité de locataire au titre d'un bail d'habitation du 1er décembre 2008 a un intérêt évident à faire juger que le bail qui lui est opposé n'est pas un bail d'habitation mais un bail rural des clauses duquel elle ne peut être tenue ;

qu'en second lieu sur ce point, dès lors que l'appelante est poursuivie par les consorts [N] comme co-titulaire d'un bail d'habitation qu'elle a signé avec son concubin, elle a qualité pour demander à ce qu'il soit jugé que ledit bail n'est pas un bail d'habitation mais un bail régi par d'autres règles, en l'occurrence un bail à ferme ;

que la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [N] a donc été justement écartée par les juges de première instance ;

Attendu, sur la qualification du bail litigieux du 1er décembre 2008, qu'il ressort des débats et des pièces produites par l'une et l'autre parties que les locaux d'habitation qui ont fait l'objet du bail litigieux du 1er décembre 2008 sont parties intégrantes d'un corps de ferme comprenant une bergerie louée à [T] [R] suivant bail rural du 1er mars 2009 alors qu'il était déjà preneur de plus de vingt hectares de terres, prés et bois attenants suivant bail rural précédent du 1er janvier 2008 ;

qu'il est à noter que le bail litigieux prévoit expressément l'usage exclusif de la cour de la ferme au profit des locataires, et qu'en définitive, si le bailleur s'est réservé la jouissance de quelques dépendances du corps de ferme considéré, ces locaux ne constituent qu'une faible partie d'un ensemble immobilier entièrement conçu pour un usage agricole ainsi que cela ressort du plan des lieux produit aux débats par les intimés eux-mêmes ;

Attendu qu'il est indiqué dans le contrat de bail litigieux que les consorts [R]-[E] sont domiciliés dans les lieux loués au jour de sa signature, ce qui signifie nécessairement qu'ils s'y étaient installés antérieurement à celle-ci ;

qu'il est manifeste que l' exploitation des terres, prés et bois donnés à bail à ferme à [T] [R] le 1er janvier 2008 n'était pour lui possible qu'à condition de résider sur place, son troupeau d'ovins comptant environ un millier de têtes ;

qu'à cet égard, il est indifférent, que pour permettre la réalisation de travaux de remise en état des locaux d'habitation après le départ du précédent preneur, il ait résidé dans sa famille pendant quelques mois, une telle situation ne pouvant bien entendu qu'être provisoire et seulement destinée à faciliter son implantation sur sa nouvelle exploitation ;

Attendu qu'il s'évince des remarques précédentes qu'[T] [R] ayant seul la qualité d'exploitant agricole ainsi que les consorts [N] le font remarquer avec insistance, a commencé, en vertu du bail rural du 1er janvier 2008, à exploiter le domaine et à y habiter avec sa concubine et que de même, comme l'indique l'appelante sans être utilement contredite, il a nécessairement occupé et utilisé la bergerie de la ferme avant la conclusion du bail rural écrit du 1er mars 2009, étant d'ailleurs observé qu'il a dû réduire l'importance de son troupeau d'ovins que ladite bergerie ne pouvait matériellement accueillir dans de bonnes conditions sanitaires compte tenu de ses dimensions (étant rappelé que ledit cheptel comptait environ un millier de têtes au moment de l'installation dans le domaine loué ainsi qu'il a été dit supra, ce qui n'est pas contesté par les consorts [N]);

Attendu que l'habitation était manifestement indispensable à l'exploitation agricole de l'ensemble des terres, prés et bois loués à [T] [R] suivant bail rural du 1er janvier 2008 ;

qu'il est à cet égard indifférent que pour des raisons purement pratiques, le preneur ait, pendant quelques semaines ou quelques mois, pu être hébergé dans sa famille résidant dans un village voisin et ainsi brièvement différé son installation personnelle et celle de sa famille dans les bâtiments d'habitation de la [Adresse 5] qui constituait l'accessoire nécessaire à l'exploitation du domaine loué par bail rural du 1er janvier 2008 ;

qu'au reste, la convention particulière annexée au bail litigieux stipulant une durée de location de vingt-cinq ans incompressible, tout à fait exorbitante du droit commun sans qu'aucune justification particulière ne soit apportée à sa conclusion, ajoutée aux éléments analysés supra, démontre que l'habitation était incluse dans le bail rural du 1er décembre 2008 dont elle constituait, de facto, une condition indispensable pour l'exploitation du domaine loué ;

Attendu qu'il est ainsi démontré plus qu'à suffire que les trois baux des 1er janvier 2008, 1er décembre 2008 et 1er mars 2009 ont opéré le découpage d'une unité économique agricole dans le but unique de mettre en échec le statut du fermage et en particulier de tirer des revenus indûs et substantiels de la location de bâtiments d'habitation absolument indispensables à l'exploitation d'un domaine rural à vocation agricole et loué en vue d'une telle exploitation ;

que c'est par conséquent à bon droit que la juridiction du premier degré a considéré que les trois baux susdits formaient un seul et même bail rural, y compris en ce qui concerne le bail conclu entre feu [J] [N] et les consorts [R]-[E] le 1er décembre 2008 ;

Attendu sur l'opposabilité à [M] [E] du bail par elle signé le 1er décembre 2008, que ce contrat est indétachable des baux ruraux des 1er janvier 2008 et 1er mars 2009conclus entre feu [J] [N], sans la participation des nus-propriétaires, et [T] [R] qui avait alors seul la qualité d'exploitant agricole ainsi que les intimés le font remarquer, [M] [E] n'étant que la concubine de l'exploitant ;

qu'il est totalement indifférent à cet égard que [M] [E] ait elle-même ultérieurement, en cours de procédure, acquis la qualité d'exploitante agricole en s'installant à [Localité 8] (Hautes-Alpes) ;

Attendu que les trois baux en cause forment un tout indissociable ;

que [M] [E] qui n'avait pas la qualité d'exploitante agricole à la date du 1er décembre 2008 ne peut être tenue du payement des fermages qui incombe au seul preneur à bail rural ;

Attendu que le bail du 1er décembre 2008 était exclusivement destiné à éluder le statut du fermage dans l'unique intérêt du bailleur, la détermination de la valeur locative des bâtiments d'habitation que comporte une exploitation agricole étant soumise à des règles particulières qui ont notamment pour conséquence que cette valeur est considérablement inférieure à celle que les mêmes locaux pourraient avoir dans le cadre d'un bail d'habitation;

que la fraude corrompt tout ;

que les intimés ne sont donc pas fondés à opposer à [M] [E] les clauses d'un bail qui n'a été conclu que pour contourner des dispositions légales d'ordre public, en fraude de ses droits comme de ceux de l'exploitant du domaine loué ;

Attendu en conséquence qu'il échet de réformer la décision querellée et de dire que le bail du 1er décembre 2008 est inopposable à l'appelante ;

Attendu que pour faire valoir ses droits devant la Cour, [M] [E] a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge des intimés ;

que ceux-ci seront donc condamnés à lui payer une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Constate que le mandataire de Justice [A] n'a plus qualité pour représenter le sieur [T] [R], tiers à la procédure ;

Au fond, dit l'appel justifié ;

Réformant, dit que le bail frauduleux du 1er décembre 2008 indissociable de deux baux à ferme consentis au sieur [T] [R], tiers à la procédure, est inopposable à [M] [E] qui n'avait pas la qualité de co-preneur ;

Déboute les consorts [N] de leur demande d'indemnité pour les frais irrépétibles qu'ils ont exposés en première instance ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré, excepté en ce qui concerne les dépens ;

Condamne les consorts [N] in solidum à payer à [M] [E] une indemnité de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Les condamne in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/06278
Date de la décision : 20/11/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/06278 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-20;12.06278 ?
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