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15/11/2013 | FRANCE | N°12/09229

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 15 novembre 2013, 12/09229


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 12/09229





[N]



C/

SAS K PAR K







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Décembre 2012

RG : F 10/02811











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2013







APPELANTE :



[W] [N] épouse [U]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 5]
>[Adresse 1]

[Localité 1]



comparante en personne, assistée de Me Séverine LEFRANCOIS-DAUBERCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SAS K PAR K

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représentée par Me Cyril LAURENT, avocat au barreau de LYON








...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 12/09229

[N]

C/

SAS K PAR K

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 03 Décembre 2012

RG : F 10/02811

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2013

APPELANTE :

[W] [N] épouse [U]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Séverine LEFRANCOIS-DAUBERCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS K PAR K

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Cyril LAURENT, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 07 mars 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 26 Septembre 2013

Présidée par Marie-Claude REVOL, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Nicole BURKEL, président

- Marie-Claude REVOL, conseiller

- Catherine PAOLI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Novembre 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 20 février 1997, [W] [N]-[U] a été embauchée par la S.A.S. K PAR K ; au dernier état de la collaboration, elle était assistante administrative ; le 16 avril 2010, elle a été mise à pied et, le 23 avril 2010, elle a été licenciée pour faute grave, l'employeur lui reprochant son comportement.

[W] [N]-[U] a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes de LYON ; elle a réclamé l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause, des dommages et intérêts pour non respect des règles relatives à la maternité et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 3 décembre 2012, le conseil des prud'hommes a :

- retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la S.A.S. K PAR K à verser à [W] [N]-[U] la somme de 3.984,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 398,45 euros de congés payés afférents, la somme de 6.198,09 euros à titre d'indemnité de licenciement et la somme de 900 euros au titre des frais irrépétibles,

- rejeté les autres demandes,

- condamné la S.A.S. K PAR K aux dépens.

Le jugement a été notifié le 6 décembre 2012 à [W] [N]-[U] qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 21 décembre 2012.

Le dossier affecté le 26 décembre 2012 à la chambre sociale section B a été attribué à la chambre sociale section C le 7 mars 2013.

Par conclusions visées au greffe le 26 septembre 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [W] [N]-[U] :

- conteste les griefs que lui reproche l'employeur au soutien du licenciement, estime celui-ci dépourvu de cause et réclame la somme de 3.984,54 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 398,45 euros de congés payés afférents, la somme de 6.198,09 euros à titre d'indemnité de licenciement et la somme de 39.845,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause,

- expose qu'elle été en congé maternité et a repris le travail le 5 janvier 2009, que l'employeur l'a affectée à un poste de secrétaire qui induisait un déclassement et que l'employeur a souhaité son départ de l'entreprise et réclame la somme de 23.907,24 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des règles relatives à la maternité,

- sollicite la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et la condamnation de l'employeur aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 26 septembre 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. K PAR K qui interjette appel incident :

- fait valoir que le comportement opposant et agressif de la salariée a généré une ambiance délétère telle que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a été saisi et précise que la salariée éludait volontairement son supérieur hiérarchique, le critiquait et le dénigrait,

- souligne les antécédents disciplinaires de la salariée,

- soutient que le licenciement repose sur une faute grave,

- dénie toute modification du contrat de travail de la salariée au retour de son congé maternité, reconnaissant une simple modification de l'intitulé de l'emploi et une adaptation des fonctions à la nouvelle organisation sans changement des tâches, de la rémunération et de la classification,

- demande le rejet des prétentions de la salariée,

- sollicite la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et la condamnation de la salariée aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

L'employeur qui se prévaut d'une faute grave du salarié doit prouver l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement et doit démontrer que ces faits constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; dans la mesure où l'employeur a procédé à un licenciement pour faute disciplinaire, il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce les griefs suivants :

* vous avez monté une cabale contre votre supérieur hiérarchique et vous le dénigrez en permanence,

* vous avez été l'instigatrice d'une pétition contre lui ainsi que d'une menace de grève pendant la foire de LYON,

* votre mésentente avec lui est notoire et vous avez été entendue à plusieurs reprises faire des commentaires à voix haute qu'il fallait le faire virer,

* vous n'acceptez pas son autorité et donnez des ordres à tout le monde y compris à ses adjoints,

* vous contrôlez le travail de certaines secrétaires sans que cela soit votre mission et vous vous substituez ainsi au responsable de site que vous tentez par tous les moyens de décrédibiliser,

* vous vous êtes empressées par ailleurs de l'accuser -sans preuve sans élément- devant plusieurs personnes d'avoir volé une porte dans le dépôt,

* vous faites ouvertement des commentaires réguliers sur la mauvaise gestion du dépôt,

* vous êtes à l'origine et entretenez un climat malsain avec une bonne partie de l'équipe du dépôt et dupliquez ce comportement avec les partenaires extérieurs,

* vous vous vantez, compte tenu de votre proximité avec le directeur service de pouvoir faire licencier les personnes que vous n'appréciez pas,

* vous vous positionnez clairement comme la supérieure hiérarchique de l'équipe administrative,

* vous vous permettez de faire des commentaires désobligeants sur vos collègues et sur l'entreprise,

* vous liguez les uns contre les autres, vous critiquez tout le monde, vous vous mêlez de ce qui ne vous regarde pas,

* vous donnez des ordres aux responsables de site adjoint et vérifiez voire contrôlez le travail de vos collègues,

* vous vous adressez aux poseurs comme à des animaux,

* vous vous êtes fait détester de la vente.

Ensuite, l'employeur résume ainsi ses griefs : un comportement de dénigrement et de critique systématique qui vise à déstabiliser la hiérarchie auprès du reste de l'équipe au point de porter atteinte à son autorité et à son intégrité morale, un comportement général autoritaire, négatif et malsain vis à vis de l'ensemble de l'entourage professionnel, de l'équipe du dépôt, de l'équipe administrative, des installateurs, des équipes commerciales et qui rejaillit sur l'harmonie de l'équipe et sur l'efficacité individuelle et collective.

Par courrier du 26 avril 2010, [W] [N]-[U] a opposé un démenti aux accusations, a précisé qu'elle n'était pas l'instigatrice de la pétition et de la grève mais faisait partie du mouvement et qu'elle n'a jamais dit qu'il fallait virer le responsable du site mais s'est étonné que les personnes placées au dessus de lui ne voyaient pas la mauvaise gestion de l'agence ou fermait les yeux et elle a dénoncé et critiqué de manière virulente le comportement du responsable de site.

[S] [Z], responsable de site, a saisi le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail par courrier électronique du 15 mars 2010 et s'est plaint de l'ambiance l'empêchant de faire correctement son travail et d'être victime de harcèlement et de diffamation. ; il n'a mis en cause quiconque nominativement et n'a pas cité [W] [N]-[U].

Un responsable des ventes, [A] [M], attestent qu'il a entendu [W] [N]-[U] tenir des propos agressifs envers des clients et qu'il l'a vu lors de l'enregistrement des dossiers 'serrer les poings de joie en constatant des erreurs sur les dossiers'.

Quatre autres responsables des ventes, [I] [P], [Y] [E], [C] [G] et [O] [Q] attestent que [W] [N]-[U] adoptait une attitude agressive lorsqu'un dossier était incomplet ou comportait une erreur et jubilait lorsqu'elle refusait un dossier.

Le directeur des ventes atteste également de l'attitude très agressive de [W] [N]-[U] lors des enregistrements des contrats.

Une secrétaire atteste que [W] [N]-[U] critiquait à haute voix certaines personnes dont le responsable du site, [S] [Z], lui a dit qu'elle tirait au flan alors qu'elle était malade et faisait régner une ambiance négative.

Une secrétaire atteste qu'elle a souffert des propos que [W] [N]-[U] tenait violemment à son encontre, la menaçant de la 'virer', que [W] [N]-[U] critiquait toujours son chef à haute voix et qu'au cours d'une réunion elle s'est permise de recadrer toutes les secrétaires.

Le responsable métrage atteste que [W] [N]-[U] est venue dans le bureau des métreurs et a lancé l'idée de rédiger une pétition et de faire grève.

Le directeur régional atteste que [W] [N]-[U] était le moteur de nombreux problèmes, qu'à son instigation il a été question d'une grève et qu'après son départ il n'y a plus eu de souci au sein de l'équipe.

Les attestations en faveur de [W] [N]-[U] émanent :

* de quatre salariés de la société K par K qui ne travaillaient pas sur le même site que [W] [N]-[U], un étant à [Localité 2], un à [Localité 4], un à [Localité 3] et un dans un magasin séparé,

* d'une salariée qui a travaillé sous les ordres de [W] [N]-[U] en 2005 et 2006,

* de clients,

* de ses nouveaux employeurs.

Les témoignages versés par [W] [N]-[U] ne peuvent donc pas remettre en cause les témoignages de salariés travaillant à ses côtés au moment du licenciement et produits par l'employeur.

Les attestations communiquées par l'employeur démontrent les relations conflictuelles entretenues entre [W] [N]-[U] et les commerciaux, les critiques émises ouvertement par [W] [N]-[U] contre son supérieur, le mal-être causé par [W] [N]-[U] à deux secrétaires, l'une évoquant sa souffrance.

Ainsi, l'employeur prouve l'exactitude de certains de ses griefs, à savoir que la salariée a dénigré son supérieur hiérarchique, a contrôlé le travail des secrétaires, a proféré des menaces de licenciement et s'est fait détester du service de vente.

Le comportement fautif de [W] [N]-[U] est établi.

L'employeur a infligé à [W] [N]-[U] un avertissement le 15 juillet 2004 pour avoir abuser des boissons alcoolisées lors d'un repas organisé par l'entreprise et un avertissement le 26 mai 2005 pour ne pas tenir compte des directives de la hiérarchie, être négligente dans son travail, ne pas participer systématiquement aux réunions, contester les décisions du supérieur hiérarchique et manquer de respect envers le supérieur hiérarchique.

Les fautes commises par la salariée étaient multiples et génératrices de souffrance pour certains salariés ; or, il appartient à l'employeur sur qui pèse une obligation de sécurité de protéger la santé mentale et physique de ses salariés.

Dans ces conditions, nonobstant la grande ancienneté de [W] [N]-[U], la sanction du licenciement est proportionnée aux fautes commises.

La dégradation du climat au sein de l'entreprise rendait impossible le maintien de la salariée dans la société.

En conséquence, le licenciement repose sur une faute grave et [W] [N]-[U] doit être déboutée de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les dispositions régissant la maternité :

L'article L. 1225-25 du code du travail dispose : 'A l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente'.

Si l'emploi initial subsiste, la salariée doit le reprendre et ne peut pas être affectée à un poste similaire.

[W] [N]-[U] a été embauchée en qualité d'employée administrative avec pour fonctions la gestion administrative et commerciale des dossiers clients, la prise de rendez-vous pose et la gestion du planning, les commandes usines, la saisie des bons de livraisons ; un avenant du 1er septembre 2000 lui a conféré le statut d'assistante administrative sans apporter d'autre changement au contrat de travail initial.

La fiche de poste mise à jour le 25 mai 2005 précise qu'une assistante administrative 'assure la gestion administrative du personnel du site et la gestion de l'ensemble des aspects comptables site'.

[W] [N]-[U] a été en congé maternité de septembre 2008 début janvier 2009.

Une secrétaire polyvalente de la société travaillant dans un autre établissement écrit que jusqu'en septembre 2008 elle a travaillé en collaboration avec [W] [N]-[U] et qu'elle a eu peu de contact avec elle à compter de janvier 2009 car [W] [N]-[U] avait changé de poste.

En réponse aux protestations de [W] [N]-[U], l'employeur a expliqué dans un courrier du 2 mars 2009 que l'organisation de la société a été modifiée, que six directions régionales ont été créées et que des directions des ventes et des directions services leur ont été rattachées, que suite à cette nouvelle organisation la salariée a eu de nouvelles attributions, à savoir seconder le responsable du site sur la gestion administrative de l'activité pose/installation.

Les fiches de paie postérieures au congé maternité montrent que la salariée était toujours assistante administrative et que sa rémunération n'a pas été modifiée.

[W] [N]-[U] déplore la perte de certaines de ses attributions mais non que son poste a été attribué à une autre personne à son retour de congé maternité ; l'employeur, qui est détenteur du pouvoir de direction, peut modifier certaines attributions d'un salarié ; en l'espèce, il a bien replacé la salariée à son retour de congé maternité sur son poste antérieur et n'a donc pas violé les prescriptions de l'article L. 1225-25 du code du travail.

En conséquence, [W] [N]-[U] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour non respect des règles relatives à la maternité.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[W] [N]-[U] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [W] [N]-[U] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect des règles relatives à la maternité,

Infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

Juge que le licenciement repose sur une faute grave,

Déboute [W] [N]-[U] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause,

Déboute les parties de leurs demandes présentées en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [W] [N]-[U] aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [W] [N]-[U] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 12/09229
Date de la décision : 15/11/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°12/09229 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-15;12.09229 ?
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