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14/11/2013 | FRANCE | N°11/07889

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 14 novembre 2013, 11/07889


R.G : 11/07889









Décision du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare

Au fond du 17 novembre 2011



RG : 2010j85



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 14 Novembre 2013







APPELANTE :



SA MAGYAR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par la SCP LAFFLY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON



assi

stée de la SCP COURTEAUD - PELLISSIER, avocat au barreau de PARIS











INTIMEE :



SA TITAN AVIATION

anciennement dénommée DUKES TITAN AVIATION

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barrea...

R.G : 11/07889

Décision du tribunal de commerce de Villefranche-Tarare

Au fond du 17 novembre 2011

RG : 2010j85

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 14 Novembre 2013

APPELANTE :

SA MAGYAR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par la SCP LAFFLY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

assistée de la SCP COURTEAUD - PELLISSIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SA TITAN AVIATION

anciennement dénommée DUKES TITAN AVIATION

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assistée de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 15 Janvier 2013

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Septembre 2013

Date de mise à disposition : 14 Novembre 2013

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Michel GAGET, président

- François MARTIN, conseiller

- Philippe SEMERIVA, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par François MARTIN, conseiller, faisant fonction de président, en remplacement du président légitimement empêché, et par Joëlle POITOUX , greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Dukes Titan Aviation (Titan), adjudicataire d'un marché public, a sous-traité une partie de ce marché à la société Magyar.

Ce sous-traitant a été agréé par le maître de l'ouvrage, mais sans droit à paiement direct.

S'estimant créancière d'un solde sur le prix de ses prestations, en application d'une clause contractuelle de révision, la société Magyar a réclamé le paiement de la somme correspondante.

Le jugement entrepris ne reçoit que partiellement sa demande ; il condamne à ce titre la société Titan à lui payer une somme de 10 907,14 euros HT avec intérêts légaux à compter de l'assignation du 25 mai 2010, condamne la société Titan aux dépens et ordonne l'exécution provisoire.

La société Magyar a relevé appel.

Elle expose que la société Titan a reconnu, par aveu judiciaire, que la clause de révision trouvait à s'appliquer entre les parties, avant de décider unilatéralement du contraire et que le contrat prévoit effectivement cette révision au titre des prestations sous-traitées, que celle-ci correspondait tout à la fois à l'intention des parties et à la réalité économique de l'opération et que le maître d'ouvrage a confirmé cette solution.

La société Magyar considère que les bases retenues par le tribunal pour le calcul du solde en résultant ne sont pas adéquates et fait valoir que les prix pratiqués n'ont pas été fixés dès le début des relations entre les parties, mais plus tard, sous forme d'aboutissement d'un processus technique complexe et que, là encore la société Titan l'a judiciairement avoué en reconnaissant l'applicabilité de la clause de révision, dès lors que l'évolution du coût des matières premières n'aurait pas été prise en compte. Elle en conclut que la fixation du prix final ne fait pas double emploi avec la révision de ce prix.

La société Magyar demande en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a fait application, en son principe de la clause de révision, de l'infirmer pour dire que cette révision s'applique à l'intégralité de chaque facture, de condamner en conséquence la société Titan à lui payer une somme de 182 783,70 euros HT, soit 218 609,30 euros TTC, avec intérêts légaux à compter de l'assignation, capitalisés, ainsi qu'une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

*

La société Titan soutient que les relations commerciales entre les parties s'inscrivent dans un cadre de droit privé, qu'aucune clause de révision n'est stipulée dans leur contrat, qui n'est pas concerné par les dispositions du marché de droit public et dont la société Magyar n'est pas en droit de réclamer l'application.

Elle ajoute que le moyen adverse, pris d'un aveu judiciaire, procède d'une dénaturation de ses conclusions de première instance et qu'elle avait seulement envisagé d'admettre la société Magyar au bénéfice de la révision, si celle-ci avait maintenu ses prix initiaux, ce qui n'a pas été le cas, puisque le prix a été déterminé de manière ferme et définitive dans un accord final.

La société Titan considère que l'agrément du maître de l'ouvrage, qui constitue un avenant au marché, est sans effet sur les droits de la société Magyar et qu'il ne stipule pas, d'ailleurs, dans le sens revendiqué par cette dernière.

Elle estime qu'il n'est économiquement aucune raison de procéder à une révision, compte tenu des modalités et de la chronologie de la fixation du prix et conteste en outre les bases de calcul de la créance prétendue.

La société Titan demande en conséquence de réformer le jugement et de débouter la société Magyar de ses demandes, à titre subsidiaire de le confirmer sur le montant de la condamnation, et de fixer à 6 000 euros le montant de l'indemnité due sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* *

MOTIFS DE LA DÉCISION

' Le marché portant sur la fourniture de 52 équipements pétroliers d'avitaillement (citerne et fardeau d'avitaillement) et sur le montage de ces équipements sur des véhicules tactiques a été passé en 2002 entre l'Etablissement administratif et technique du service des essences de l'armée (EATSEA) et la société Titan.

Puis, la société Titan a commandé à la société Magyar deux citernes, qui ont été installées sur des prototypes, dont les essais ont amené à conclure, en 2004, qu'il était nécessaire de corriger certaines de leurs spécifications techniques.

Il a été ainsi décidé d'alléger ces citernes, en diminuant l'épaisseur de leurs parois en inox et en supprimant un brise-lame.

Après avoir présenté une offre de prix, la société Magyar a émis, le 16 juillet 2008, une facture en règlement d'une première citerne, précisant la révision de ce prix conformément à la formule définie au paragraphe 12.2 du CCAP et reprenant ainsi les termes d'un courrier électronique qu'elle avait adressé le 2 juillet 2008.

Entre-temps, la société Titan avait sollicité l'agrément de la société Magyar en qualité de sous-traitant bénéficiaire de paiement direct par le maître de l'ouvrage.

Mais elle n'était pas en mesure de produire l'exemplaire unique et original du marché, qu'elle indiquait avoir égaré.

Constatant que la condition posée à ce propos par l'article 114 du code des marchés publics n'était pas remplie, l'EATSEA lui a répondu 'qu'afin de tenir compte de cette situation particulière, ..., j'autorise l'agrément de la société Magyar en qualité de société sous-traitante au marché ; pour autant, la non-restitution de l'exemplaire unique pour nantissement du marché ne me permet pas d'agréer ce sous-traitant avec droit au paiement direct ; il résulte de cet état de fait que la société Magyar devra être payée de ses prestations directement par la société Titan ; en préalable à l'établissement de l'agrément de la société sous-traitante aux conditions précitées, je vous remercie de bien vouloir me faire parvenir une attestation par laquelle vous engagez à régler directement la société Magyar des prestations fournies au titre du marché ; cette attestation sera contresignée par la société Magyar afin que cette dernière atteste qu'elle accepte les conditions de paiement précitées'.

Par courrier du 2 juillet 2008, la société Titan s'obligeait en conséquence à 'régler directement la société sous-traitante agréée, Magyar, des prestations fournies dans le cadre de ce marché conformément à notre commande n°BC071452 du 3 octobre 2007" et précisait : 'ordre sera donné à notre banque de procéder aux paiements des factures Magyar à chaque réception de fonds du SEA'.

Une annexe à l'acte d'engagement, dit 'acte spécial', qui avait été signée par la société Titan dès le 23 mai 2008, l'a alors été par l'EATSEA, le 9 juillet 2008 et adressée par ses soins à la société Magyar.

Elle prévoyait notamment, s'agissant du prix : 'montant maximum des sommes à verser par paiement direct au sous-traitant : 1 221 000 euros HT ... ; forme des prix : prix révisables conformément au CCAP n°13/02 du 01 mars 2002 ; date ou mois d'établissement des prix : novembre 2002'.

Puis, au soutien de sa demande de confirmation du jugement frappé d'appel dans la présente instance, la société Titan a pris ses premières conclusions dont la société Magyar cite les termes incontestés : 'compte tenu des augmentations successives du prix des prestations réalisées par son sous-traitant, la société Titan n'a plus souhaité lui faire bénéficier de la clause de révision de prix prévue par le marché initial, dès lors qu'elle a pu considérer que la société Magyar avait unilatéralement revu son prix afin de l'adapter aux nouveaux coûts de fabrication du marché'.

' Il résulte de ces divers éléments qu'un marché d'entreprise a été passé entre la société Magyar et la société Titan, indépendant du marché public conclu entre cette dernière et l'EATSEA.

Les clauses, générales ou particulières, de ce marché ne régissaient donc en rien les rapports entre les parties liées par un contrat de droit privé, qui ne prévoyait aucune révision de prix.

Mais, lorsque l'agrément a été accordé, la société Titan a bien souscrit l'engagement de régler son sous-traitant conformément aux stipulations du marché et notamment en tenant compte de la révision qu'il stipulait.

Telle était en effet l'une des conditions mise à l'agrément, et prolongées encore par le souhait du maître de l'ouvrage de voir les conditions de paiement acceptées par le sous-traitant.

La société Titan, qui n'a pas renoncé à réclamer cet agrément, a accepté ces conditions et s'est engagée à procéder aux paiements à chaque réception de fonds.

Il s'est ainsi créé un contrat nouveau et tripartite, par lequel la société Magyar a été reconnue bénéficiaire des clauses et conditions du marché public, y compris pour ce qui est de la révision du prix, expressément visée à l'acte spécial.

Il ne résulte d'aucun élément que l'une ou l'autre des stipulations de cette convention tripartite soit le fruit d'une erreur.

La société Titan ne l'a d'ailleurs prétendu que tardivement et, si elle n'a pas agréé formellement les mentions des courrier et facture de la société Magyar évoquant le caractère révisable du prix, elle n'a pas protesté non plus, ce dont il suit qu'elle n'est pas engagée par son seul silence, mais que la question était bien ouverte entre les parties.

L'aveu judiciaire étant indivisible, la société Magyar n'est pas fondée à déduire des conclusions d'appel précitées qu'il est ainsi reconnu que la clause était acquise dès l'origine et que la société Titan est arbitrairement revenue sur cet accord, mais ces conclusions manifestent que la société Titan a tiré les conséquences de la convention tripartite en reconnaissant le principe d'un droit à révision, mais estimé que celle-ci ne trouverait à jouer que dans la mesure où la révision pouvait se concevoir à son sens, c'est-à-dire si le prix initial devait être actualisé.

Les dernières conclusions synthétisent en ces termes la position de la société Titan : dans la mesure où la société Magyar, au fil du temps, avait constamment revu ses propositions de prix, afin de l'adapter aux nouveaux coûts de fabrication du marché, il n'était ni cohérent, ni justifié de la faire bénéficier de la clause de révision de prix prévue au contrat principal, alors que tel n'est pas le cas de la société Titan, qui a fixé son prix au moment de la passation du marché, ce qui explique qu'elle a pu bénéficier de la clause de révision de prix, à partir de l'offre chiffrée qu'elle avait faite au moment de régulariser le contrat avec l'EATSEA.

Mais cette thèse est inopérante, en l'une ou l'autre de ces variantes, car il ne s'agit pas d'examiner si la société Titan est personnellement tenue de payer un prix révisé.

En effet, selon l'acte spécial et l'engagement de paiement, la société Magyar a été admise à cette révision, sans que la société Titan ait à examiner s'il est ou non cohérent ou justifié de l'en faire bénéficier, moins encore de décider de ce point.

La société Magyar tient de cette convention tripartite le droit d'obtenir le reversement de la quote-part des sommes payées par le maître de l'ouvrage et correspondant à la révision du prix de sa prestation, la société Titan ayant pour obligation de lui reverser ces sommes, du seul fait qu'elle les a perçues.

' Il n'est pas contesté que le maître de l'ouvrage a réglé la différence résultant de l'application de la clause de révision.

La société Magyar exposant que le montant payé à ce titre est de 763 914,39 euros HT, la société Titan lui objecte qu'elle est incapable d'expliquer en quoi est composée cette somme de 913 641,61 euros TTC, mais elle ne dénie pas que telle est bien le montant versé au titre de la révision.

Sa composition pourrait avoir son importance, puisque la prestation fournie par la société Magyar n'est qu'une partie de celle facturée à l'AETSAE.

Mais il suffirait à la société Titan de la préciser, puisqu'ayant reçu les paiements, elle est en mesure d'indiquer l'imputation des revalorisation et, plus particulièrement, le montant effectivement imputable à la révision du prix des citernes.

Non seulement, elle ne le fait pas, mais elle ne soutient même pas qu'en réalité, les paiements auraient été imputés poste par poste, plutôt que globalement, en tenant compte de la revalorisation de l'entier marché, compte tenu du fait que la société Titan a été payée du prix correspondant à l'ensemble des prestations et que la formule de révision était elle-même générale.

Dans ces conditions, c'est à juste raison que la société Magyar réclame le paiement de la somme correspondant au pourcentage de révision correspondant à la valeur de la prestation fournie par ses soins.

Les droits à reversement de la société Magyar s'établissent ainsi à :

1 221 000 euros [valeur de sa prestation]

--------------------------------- x 763 914,39 [montant de la révision].

5 103 600 euros [prix total du marché]

Soit 182 761,08 euros HT.

Cette somme ne constituant pas une indemnité, mais correspondant au règlement d'un prix contractuellement dû à une société commerciale, elle doit être majorée de la TVA.

Les intérêts moratoires courent, comme demandé, à compter de la délivrance de l'assignation, soit le 25 mai 2010, selon les énonciations du jugement.

Leur capitalisation est de droit, dès lors qu'elle est demandée en justice.

Le comportement de la société Titan, qui s'est bornée à défendre une thèse qui a d'ailleurs été partiellement reçue en première instance, ne révèle aucune faute justifiant l'octroi de dommages-intérêts ; au demeurant, aucun préjudice indépendant du retard de paiement n'est au surplus établi.

La société Titan succombe sur la demande ; les dépens sont à sa charge.

Aucune circonstance ne conduit à écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a borné la condamnation principale à la somme de 10 907,14 euros hors taxes,

- Statuant à nouveau, condamne la société Titan Aviation anciennement dénommée Dukes Titan Aviation à payer à la société Magyar une somme de 218 582,25 euros TTC, avec intérêts légaux à compter du 25 mai 2010, cette somme incluant le montant de la condamnation prononcée en première instance,

- Ordonne la capitalisation de ces intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil,

- Déboute la société Magyar de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Titan Aviation anciennement dénommée Dukes Titan Aviation à payer à la société Magyar une somme de 4 000 euros,

- Condamne la société Titan Aviation anciennement dénommée Dukes Titan Aviation aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIERPour LE PRESIDENT empêché

Joëlle POITOUX François MARTIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 11/07889
Date de la décision : 14/11/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°11/07889 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-14;11.07889 ?
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