AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 12/05240
SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHONE ALPES AUVERGNE
C/
[J]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 19 Juin 2012
RG : F 10/01624
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2013
APPELANTE :
SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHONE ALPES AUVERGNE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Nicolas CHAVRIER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON
substitué par Me Caroline MO, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[E] [J]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Roxane MATHIEU de la SELARL MATHIEU AVOCATS, avocat au barreau de LYON
substitué par Me Anne-Sophie XICLUNA, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 11 D2cembre 2012
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Juin 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Hervé GUILBERT, Conseiller
Christian RISS, Conseiller
Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 06 Novembre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS
Le 30 mars 1987, la S.A. GERLAND ROUTES, aux droits et obligations de laquelle vient la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE, embauchait [E] [J] en tant qu'ouvrier spécialisé à temps plein par un contrat à durée déterminée de 6 mois ;
La relation de travail se prolongeait par un contrat à durée indéterminée après le 30 septembre 1987 ;
En dernier lieu le salarié était agent routier ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 mars 2008, la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE convoquait [E] [J] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé au 19 mars 2008 ;
L'entretien avait lieu le jour prévu ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 mars 2008, la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE décernait à [E] [J] un avertissement pour les motifs suivants :
'Mécontentement général de l'encadrement de chantier concernant votre comportement sur le chantier, à savoir :
- manque de travail et refus de réaliser les tâches demandées,
- qualité du travail non satisfaisante,
- mauvais état d'esprit,
- utilisation fréquente du téléphone portable pendant les heures de travail,
- utilisation du véhicule personnel pour se rendre directement sur un chantier' ;
[E] [J] se trouvait constamment en arrêt de travail d'origine non professionnelle à compter du 15 juillet 2008 ;
Le 9 février 2010, le médecin du travail le déclarait inapte au poste d'agent routier en une seule visite ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 mars 2010, la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE convoquait [E] [J] à un entretien préalable au licenciement fixé au 15 mars 2010 ;
L'entretien avait lieu le jour prévu ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 mars 2010, la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE licenciait [E] [J] pour inaptitude déclarée par le médecin du travail et impossibilité d'un reclassement ;
PROCÉDURE
Le 23 avril 2010, [E] [J] saisissait le conseil de prud'hommes de Lyon en annulation de l'avertissement, déclaration de licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnation de la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE à lui payer les sommes suivantes :
- 500 € à titre de dommages-intérêts pour avertissement abusif,
- 24.122 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.447,18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 344,71 € au titre des congés payés y afférents,
- 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 1.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Il soutenait que son inaptitude à l'origine du licenciement était due à l'employeur, qui lui avait créé des conditions de travail difficiles ;
Comparaissant, la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE concluait au débouté total de [E] [J] et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par jugement contradictoire du 19 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Lyon, section de l'industrie, annulait l'avertissement, disait le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamnait la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE à payer à [E] [J] les sommes suivantes :
- 24.122 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.447,18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 344,71 € au titre des congés payés y afférents,
- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 1.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Il ordonnait l'exécution provisoire du jugement dans sa totalité ;
La S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE interjetait appel du jugement le 6 juillet 2012 ;
Elle conclut à son infirmation, au débouté total de [E] [J] et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Interjetant appel incident, [E] [J] conclut à la condamnation de la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE à lui payer les sommes suivantes :
- 500 € à titre de dommages-intérêts pour avertissement abusif,
- 24.122 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.447,18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 344,71 € au titre des congés payés y afférents,
- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'annulation de l'avertissement du 26 mars 2008
Attendu que l'avertissement est une sanction disciplinaire que l'employeur doit motiver ;
Attendu que la preuve des faits invoqués incombe à ce dernier ;
Attendu que par lettre recommandée avec avis de réception du 26 mars 2008, la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE décernait à [E] [J] un avertissement pour les motifs suivants :
'Mécontentement général de l'encadrement de chantier concernant votre comportement sur le chantier, à savoir :
- manque de travail et refus de réaliser les tâches demandées,
- qualité du travail non satisfaisante,
- mauvais état d'esprit,
- utilisation fréquente du téléphone portable pendant les heures de travail,
- utilisation du véhicule personnel pour se rendre directement sur un chantier' ;
Attendu que ces motifs sont formulés en termes généraux et non étayés par des attestations précises ou des éléments objectifs antérieurs ;
Attendu que la sanction est ainsi injustifiée, ce qui rend [E] [J] bien fondé à demander son annulation ;
Attendu que la décision des premiers juges doit être confirmée ;
Sur les dommages-intérêts pour avertissement annulé
Attendu que cette sanction injustifiée préjudiciait nécessairement au salarié, ce qui lui ouvre droit à une réparation en dommages-intérêts ;
Attendu que la cour a les éléments pour les fixer à 150 € ;
Attendu que la décision des premiers juges, qui ont omis de statuer sur la demande, doit être complétée ;
Sur le licenciement
Attendu que selon l'article L. 1226-2 du code du travail lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;
Attendu que par une lettre recommandée avec avis de réception du 18 mars 2010, qui fixe les limites du litige, la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE licenciait [E] [J] pour inaptitude déclarée par le médecin du travail et impossibilité d'un reclassement ;
Attendu que [E] [J] se trouvait constamment en arrêt de travail d'origine non professionnelle à compter du 15 juillet 2008 ;
Attendu que le commencement de cet arrêt était postérieur à l'avertissement de près de quatre mois ; qu'aucune pièce des débats ne renseigne la cour sur les relations et l'ambiance du travail pendant ce laps de temps ;
Attendu que [X] [N], ex-épouse de [E] [J], atteste que son mari était très préoccupé par l'ambiance de travail ; que toutefois cette attestation, qui n'est pas rédigée en la forme légale, est vague et date du 28 janvier 2011, soit près de trois ans après la période évoquée ; que la cour ne peut en tirer aucune conclusion en l'absence d'autres attestations allant dans le même sens ;
Attendu que selon des certificats médicaux [E] [J] souffrait d'une dépression ;
Attendu que son médecin traitant atteste que l'affection tenait à ses conditions de travail ; que cependant ce dernier, qui n'accompagnait pas son patient sur les chantiers, reprend seulement les propos et doléances de [E] [J] ;
Attendu que ceux-ci ne sont étayés ni par des attestations précises de témoins ni par des éléments objectifs et contemporains de l'exécution du contrat de travail ;
Attendu qu'il ressort au contraire d'une autre attestation de [X] [N], ex-épouse de [E] [J], datée aussi du 28 janvier 2011 que les époux [J] - [N] se sont séparés au début de juillet 2008, soit à l'époque du début de l'arrêt de travail ;
Attendu que dans ces conditions l'origine professionnelle de l'inaptitude cause du licenciement n'est pas établie ;
Attendu que le médecin du travail déclarait le 9 février 2010 [E] [J] inapte au poste d'agent routier en une seule visite ;
Attendu qu'il ne fournissait aucune précision sur les aptitudes de [E] [J] dans le cadre d'un reclassement ;
Attendu que la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE l'interrogeait à ce sujet le 11 février 2010 ; qu'il ne répondait pas à ce courrier ;
Attendu que par lettre du 10 février 2010, la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE interrogeait [E] [J] sur sa mobilité dans le cadre d'un reclassement, lequel lui répondait le 15 suivant qu'il se positionnerait en fonction des propositions ;
Attendu que l'employeur envoyait aux sociétés de son groupe des courriers précisant la situation du salarié ; que toutes lui répondaient négativement ;
Attendu qu'il appert de ces éléments que la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE a respecté son obligation de reclassement ;
Attendu que le licenciement se fonde ainsi sur une cause réelle et sérieuse, ce qui rend [E] [J] mal fondé en sa demande de dommages-intérêts ;
Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents
Attendu que, s'agissant d'une inaptitude d'origine non professionnelle, [E] [J] ne peut prétendre au paiement du préavis ;
Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;
Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Attendu que selon l'article L. 1222-1 du code du travail le contrat de travail est exécuté de bonne foi ;
Attendu que la preuve de la mauvaise foi incombe à la partie qui l'invoque ;
Attendu que celle-ci n'est pas rapportée au vu des éléments, qui précèdent ;
Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré sur l'annulation de l'avertissement du 26 mars 2008 et sur les dépens,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement se fonde sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la S.N.C EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE à payer à [E] [J] la somme de 150 € à titre de dommages-intérêts pour l'avertissement annulé,
Déboute [E] [J] de ses autres demandes,
Rejette les demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formulées en cause d'appel,
Condamne [E] [J] aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS