AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 11/08266
[C]
C/
SA SWORD
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 24 Novembre 2011
RG : F 10/02069
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2013
APPELANTE :
[P] [C]
née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (69)
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparante en personne, assistée de Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SA SWORD
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Serge PEREZ, avocat au barreau de PARIS
PARTIES CONVOQUÉES LE : 19 Décembre 2012
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Juin 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Hervé GUILBERT, Conseiller
Christian RISS, Conseiller
Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 06 Novembre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS
Le 15 septembre 2003, la S.A. SWORD embauchait par un contrat écrit à durée indéterminée et à temps plein [P] [C] en tant qu'ingénieur commercial ;
La salariée travaillait 35 heures par semaine pour un salaire brut mensuel initial de 3.750 € sur 12 mois ;
il était inséré à l'article 4 une clause dite de non-concurrence pendant un an après la rupture du contrat de travail ;
Après plusieurs augmentations et en dernier lieu, le salaire brut mensuel s'élevait à 4.000 € ;
La salariée se trouvait en arrêt pour maternité pendant une partie de l'année 2007 ;
Le 17 janvier 2008, les parties signaient un avenant selon lequel la salariée passait à une durée du travail de 28 heures par semaine (congé parental) pour un salaire mensuel de 3.200 € ; ce congé devait s'achever le 31 octobre 2008 ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 8 juillet 2008, la S.A. SWORD convoquait [P] [C] à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 suivant ;
L'entretien avait lieu le jour prévu, et la procédure restait sans suite ;
Par lettre du 29 septembre 2008, [P] [C] demandait la prolongation de son congé parental partiel du 1er novembre 2008 au 30 octobre 2009 ;
La S.A. SWORD prenait acte de sa décision par un courrier du 1er octobre 2008 ;
Par lettre du lendemain, l'employeur invitait la salariée à se ressaisir en lui précisant qu'elle n'avait atteint au 30 septembre 2008 que 50% de ses objectifs annuels ;
Un nouvel avenant de travail à temps partiel (4/5) pour un salaire brut mensuel de 3.200 € était signé le 31 octobre 2008 ;
Par lettre du 7 novembre 2008 la S.A. SWORD relevait l'absence d'amélioration des résultats de [P] [C] ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 novembre 2008, [P] [C] avisait la S.A. SWORD de la fin de son congé parental le 1er janvier 2009 ;
Par lettre du 25 novembre 2008 remise en main propre, la S.A. SWORD refusait d'accéder à la demande de [P] [C] en objectant que son temps partiel était prévu au budget de 2009 ;
La salariée répondait à l'employeur par une lettre recommandée avec avis de réception du même jour dans laquelle elle lui rappelait l'article L. 1225-52 du code du travail ;
Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 novembre 2008, la S.A. SWORD convoquait [P] [C] à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 décembre 2008 ;
Par lettre du 28 novembre 2008 remise en main propre, [P] [C] avisait la S.A. SWORD de son état de grossesse ; elle joignait un certificat médical faisant état d'une date prévisible d'accouchement au 30 mai 2009 ;
La S.A. SWORD ne donnait pas suite à la procédure de licenciement ;
Le congé de maternité durait du 18 avril au 7 août 2009 ;
En juin 2009, les parties se rapprochaient en vue d'une rupture conventionnelle du contrat de travail ;
Les entretiens avaient lieu les 22 juin et 10 août 2009 ;
À cette dernière date elles signaient une convention de rupture, que l'Inspection du Travail homologuait le 7 septembre 2009 ;
Le contrat de travail était rompu le 17 septembre 2009 ;
PROCÉDURE
Le 27 mai 2010, [P] [C] saisissait le conseil de prud'hommes de Lyon en condamnation de la S.A. SWORD à lui payer les sommes suivantes :
- 200.000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination salariale,
- 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions en matière de durée du travail,
- 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 1.189,36 € au titre du solde de congés payés,
- 63.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- 19.019,43 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.901,94 € au titre des congés payés y afférents,
- 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-information du droit individuel à la formation,
- 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour restrictions à la liberté du travail,
- 2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Elle demandait la condamnation de la S.A. SWORD à lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte quotidienne de 100 € ;
Comparaissant, la S.A. SWORD concluait au débouté total de [P] [C] et à sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :
- 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- 5.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par jugement contradictoire du 24 novembre 2011, le conseil de prud'hommes de Lyon, section de l'encadrement, rejetait l'ensemble des demandes ;
[P] [C] interjetait appel du jugement le 7 décembre 2013 ;
Elle conclut à son infirmation totale en reprenant ses demandes et moyens de première instance à l'exception de celles du rappel de congés payés et de dommages-intérêts pour défaut d'information sur le droit individuel à la formation, qu'elle abandonne en cause d'appel ;
La S.A. SWORD conclut à la confirmation du jugement sur les demandes de [P] [C] et, interjetant appel incident, reprend ses demandes de première instance ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination salariale
Attendu que [P] [C] invoque la violation de l'article L. 3221-2 du code du travail selon lequel tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ;
Attendu qu'elle invoque une différence salariale de l'ordre de 2.500 € par mois avec [W] [I], autre ingénieur commercial ;
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que tous les deux ne travaillaient pas dans la même région, [P] [C] en Rhône-Alpes et [W] [I] dans le secteur de [Localité 3] et du grand ouest ; que leurs situations n'étaient dès lors pas comparables ;
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats qu'en 2006, dernière année où les deux salariés travaillèrent à temps complet, [P] [C] et [W] [I] perçurent des commissions d'un montant similaire se situant entre 45 et 50.000 € ;
Attendu que l'appelante est ainsi mal fondée en sa demande et s'en verra débouter ;
Attendu que la décision des premiers juges doit être confirmée ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la durée du travail
Attendu qu'il était convenu à l'article 2 du contrat de travail que la durée hebdomadaire du travail était 35 heures, étant précisé que la salariée n'était astreinte à aucun horaire précis, compte tenu de sa qualité de cadre et de la spécificité de sa fonction commerciale, et que la comptabilisation du temps travaillé se ferait chaque année ;
Attendu que [P] [C] n'invoque aucune violation de cette disposition ;
Attendu qu'elle n'était pas soumise à un forfait annuel en jours, ce qui la rend mal fondée à invoquer l'absence d'entretien sur la charge de travail, ce d'autant plus qu'elle avait des entretiens réguliers avec l'employeur sur son activité ;
Attendu que la décision des premiers juges, qui ont rejeté la demande, doit être confirmée ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Attendu que selon l'article L. 1222-1 du code du travail le contrat de travail est exécuté de bonne foi ;
Attendu que [P] [C] succombera en sa demande, puisqu'elle se prétend à tort victime d'une discrimination salariale et d'un non-respect du temps de travail ;
Sur la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail
Attendu que selon l'article L. 1237-11 du code du travail l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ; que la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties ; qu'elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat ;
Attendu que selon l'article L. 1237-12 du même code les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié et l'employeur peuvent se faire assister ;
Attendu que selon l'article L. 1225-4 du même code aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes ;
Attendu que cette disposition relative au seul licenciement n'exclut pas l'application de celles précitées relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail ;
Attendu que celle-ci n'est pas entachée d'une nullité de droit lorsqu'elle survient pendant la période de protection de la salariée due à la maternité ;
Attendu que les relations entre la S.A. SWORD et [P] [C] s'étaient dégradées à partir de la fin de l'année 2007, au retour de son premier congé de maternité ;
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que la motivation et l'entrain de [P] [C] avaient faibli, ce qui avait donné lieu à plusieurs entretiens entre l'employeur et la salariée ;
Attendu que par lettre recommandée avec avis de réception du 8 juillet 2008, la S.A. SWORD convoquait [P] [C] à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 suivant ;
Attendu que l'entretien avait lieu le jour prévu, et la procédure restait sans suite, [P] [C] ayant convaincu les dirigeants de la S.A. SWORD de sa volonté de se ressaisir ;
Attendu que néanmoins les résultats de la salariée ne s'amélioraient pas dans les mois suivants, ce qui altérait la confiance de l'employeur ;
Attendu que par lettre du 29 septembre 2008, [P] [C] demandait la prolongation de son congé parental partiel du 1er novembre 2008 au 30 octobre 2009 ;
Attendu que la S.A. SWORD prenait acte de sa décision par un courrier du 1er octobre 2008 ;
Attendu que par une lettre du lendemain, l'employeur invitait la salariée à se ressaisir en lui précisant qu'elle n'avait atteint au 30 septembre 2008 que 50% de ses objectifs annuels ;
Attendu qu'un nouvel avenant de travail à temps partiel (4/5) pour un salaire brut mensuel de 3.200 € était signé le 31 octobre 2008 ;
Attendu que par lettre du 7 novembre 2008 la S.A. SWORD relevait l'absence d'amélioration des résultats de [P] [C] ;
Attendu que par lettre recommandée avec avis de réception du 7 novembre 2008, [P] [C] avisait la S.A. SWORD de la fin de son congé parental le 1er janvier 2009 et de la reprise de son travail à temps plein à cette date ;
Attendu que [P] [C] montrait ainsi une volte-face cinq semaines seulement après avoir demandé la prolongation de son temps partiel et une semaine après la signature de l'avenant de reconduction, ce qui tendait les relations avec l'employeur ;
Attendu que par lettre du 25 novembre 2008 remise en main propre, la S.A. SWORD refusait d'accéder à la demande de [P] [C] en objectant que son temps partiel était prévu au budget de 2009 ;
Attendu que par lettre recommandée avec avis de réception du 26 novembre 2008, la S.A. SWORD convoquait [P] [C] à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 décembre 2008 ;
Attendu que par lettre du 28 novembre 2008 remise en main propre, [P] [C] avisait la S.A. SWORD de son état de grossesse ; qu'elle y joignait un certificat médical faisant état d'une date prévisible d'accouchement au 30 mai 2009 ;
Attendu que dans ces conditions la S.A. SWORD ne donnait pas suite à la procédure de licenciement ;
Attendu que le congé de maternité débutait le18 avril 2009 et devait s'achever le 7 août suivant ;
Attendu que les relations entre les parties étaient des plus tendues au début de ce congé ; qu'il existait ainsi les conditions d'une rupture du contrat de travail ;
Attendu que les parties se rapprochaient en juin 2009, après l'accouchement, en vue d'une rupture conventionnelle du contrat de travail ;
Attendu que des entretiens à cette fin avaient lieu les 22 juin et 10 août 2009, soit à sept semaines d'intervalle, ce qui laissait à chaque partie un long temps de réflexion et la possibilité de changer d'avis ;
Attendu que la S.A. SWORD et [P] [C] signaient le 10 août 2009 une convention de rupture, que l'Inspection du Travail homologuait le 7 septembre 2009 ;
Attendu que la salariée n'exerçait pas son droit de rétractation ;
Attendu qu'il ressort de ces éléments que [P] [C] consentait librement à la rupture du contrat de travail, ce qui la rend exempte de nullité ;
Attendu qu'elle est dès lors mal fondée en ses demandes de dommages-intérêts, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents ;
Attendu que la décision des premiers juges, qui les ont rejetées, doit être confirmée ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour atteinte à la liberté du travail
Attendu que [P] [C] fait grief à la S.A. SWORD d'avoir inséré à l'article 4 du contrat de travail une clause de non-concurrence non assortie d'une contrepartie pécuniaire ;
Attendu qu'il s'agissait en réalité d'un engagement de confidentialité des logiciels et savoir-faire spécifiques de la société, laquelle clause n'attente pas à la liberté du travail ;
Attendu que [P] [C] succombera dès lors en sa demande ;
Attendu que la décision des premiers juges doit être confirmée ;
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive
Attendu que la présente procédure initiée par [P] [C] repose sur un contentieux ancien entre les parties et ne relève pas d'un abus du droit d'ester en Justice ;
Attendu que la décision des premiers juges, qui ont rejeté la demande, doit être confirmée ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette les demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formulées en cause d'appel,
Condamne [P] [C] aux dépens d'appel.
Le GreffierLe Président
Evelyne FERRIERJean-Charles GOUILHERS