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05/11/2013 | FRANCE | N°13/03580

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 05 novembre 2013, 13/03580


AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE



COLLÉGIALE



RG : 13/03580





SAS OMERIN



C/

[P]

CPAM DU PUY DE DÔME

M. LE CHEF DE L'ANTENNE MNC RHONE ALPES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

arrêt sur renvoi de cassation



Cour de Cassation de PARIS

du 20 Septembre 2012

RG : C1115640



COUR D'APPEL DE RIOM du 22/03/201

RG 10/770



jugement TASS DU PUY DE DÔME du 4/3/2010











COUR D'APPEL DE LY

ON



Sécurité sociale



ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2013

















APPELANTE :



SAS OMERIN

[Adresse 5]

[Localité 3]



représentée par Me Haïba OUAISSI de la SELARL CASSIUS PARTNERS, avocats au barreau de PARIS







INTIMÉS :



[M] [P]

...

AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : 13/03580

SAS OMERIN

C/

[P]

CPAM DU PUY DE DÔME

M. LE CHEF DE L'ANTENNE MNC RHONE ALPES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

arrêt sur renvoi de cassation

Cour de Cassation de PARIS

du 20 Septembre 2012

RG : C1115640

COUR D'APPEL DE RIOM du 22/03/201

RG 10/770

jugement TASS DU PUY DE DÔME du 4/3/2010

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2013

APPELANTE :

SAS OMERIN

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Haïba OUAISSI de la SELARL CASSIUS PARTNERS, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉS :

[M] [P]

né le [Date naissance 1]1962 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par M. [H] [R], ( FNATH DU PUY DE DÔME) muni d'un pouvoir

CPAM DU PUY DE DÔME

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Madame [F] [X], munie d'un pouvoir

M. LE CHEF DE L'ANTENNE MNC RHONE ALPES AUVERGNE

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparant

PARTIES CONVOQUÉES LE : 29 avril 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Septembre 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Catherine PAOLI, Conseiller

Assistées pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 05 Novembre 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS ET PROCEDURE

Attendu que monsieur [M] [P], reconnu travailleur handicapé suite à un accident du travail survenu le 4 février 1986 lui ayant laissé des séquelles au niveau du coude droit, salarié de la société Omerin depuis le 4 octobre 1993, en qualité d'opérateur vernissage, a été reconnu atteint de la maladie professionnelle (épicondylite) figurant au tableau 57 B, suite à une déclaration de maladie professionnelle souscrite le 3 juillet 2006, prise en charge par la CPAM par décision du 14 novembre 2006 ;

Que sur le certificat médical initial du 20 juin 2006, il est mentionné un lien entre le travail et la pathologie du coude droit;

Attendu que monsieur [M] [P] s'est vu attribuer une rente sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 8 % le 20 novembre 2007, taux porté à 10 %;

Attendu que par arrêt de la cour d'appel de Riom du 1er décembre 2009, la décision de prise en charge par la CPAM de la maladie professionnelle déclarée par monsieur [P] a été déclarée opposable à la société Omerin ;

Attendu que le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy-de-Dôme, par jugement contradictoire du 4 mars 2010, a:

- dit que la maladie professionnelle dont est atteint monsieur [M] [P] procède de la faute inexcusable de son employeur, la SAS Omerin

- fixé au maximum la majoration de la rente à laquelle peut prétendre monsieur [M] [P]

- avant dire droit, sur les préjudices envisagés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ordonné une expertise médicale confiée à monsieur le professeur [C] [V] ou à défaut à monsieur le docteur [S] [K] avec pour mission de se prononcer sur les souffrances physiques et morales endurées par la victime, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément et le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle

- dit que la Caisse Primaire d'Assurance maladie du Puy-de-Dôme réglera la majoration et la réparation des préjudices extra patrimoniaux de monsieur [M] [P] et en récupérera le montant auprès de l'employeur

- débouté la Sas Omerin de sa demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Attendu que la cour d'appel de Riom statuant sur appel formé par la société Omerin, par arrêt réputé contradictoire du 22 mars 2011, a:

- constaté que la société Omerin ne soutient pas son recours et l'en a débouté

- infirmé le jugement en ce qui concerne la mission confiée à l'expert étendue à tous les chefs de préjudice

- confirmé le jugement pour le surplus

- dit n'y avoir lieu à paiement de droits prévus à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale;

Attendu que la Cour de Cassation statuant sur le pourvoi formé par la société Omerin, par arrêt du 20 septembre 2012 a:

- cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu entre les parties le 22 mars 2011 par la cour d'appel de Riom

- remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon

- condamné monsieur [M] [P] aux dépens

- au visa de l'article 700du code de procédure civile, rejeté les demandes;

Que la motivation de la Cour de Cassation est la suivante :

'Vu les articles 16 et 68 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que monsieur [P], salarié de la société Omerin (la société), a adressé une déclaration de maladie professionnelle à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme (la caisse) que celle-ci a pris en charge au titre de la législation professionnelle ; que monsieur [P] a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ; que le tribunal ayant accueilli la demande de monsieur [P], la société a fait appel de ce jugement ; que devant la cour d'appel, la société n'a pas comparu et monsieur [P] a demandé l'extension de la mission de l'expert désigné par le tribunal ;

Attendu que pour élargir la mission de l'expert, l'arrêt retient que monsieur [P] sollicite l'extension de la mission de ce dernier en se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel n 2010-8 du 8 juin 2010, selon laquelle le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut réclamer réparation de l'ensemble des dommages, mêmes non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, en présence d'une faute inexcusable de l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte pas de la procédure que la société ait été régulièrement informée de la demande incidente de monsieur [P], la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »

Attendu que la société Omerin a saisi la cour de renvoi par déclaration du 23 avril 2013 ;

Attendu que la société Omerin demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 1er juillet 2013, visées par le greffier le 17 septembre 2013 et soutenues oralement, au visa des articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, du tableau 57B des maladies professionnelles, de:

A titre principal

- infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy-de-Dôme le 4 mars 2010 en ce qu'il a déclaré constitué la faute inexcusable, ordonné la majoration de la rente et une expertise sur les préjudices supplémentaires

- statuant à nouveau, dire et juger monsieur [M] [P] recevable mais mal fondé en son recours et qu'aucune faute inexcusable n'est rapportée

- débouter monsieur [M] [P] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

- condamner monsieur [M] [P] à lui verser la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

A titre subsidiaire

- limiter le montant des condamnations au titre de dommages et intérêts en fonction des conclusions de l'expertise et du barème habituel ;

Attendu que monsieur [M] [P] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 26 août 2013, visées par le greffier le 17 septembre 2013 et soutenues oralement, de:

- déclarer recevable son appel incident

- confirmer le jugement de 1ère instance au fond et dans toutes ses autres dispositions mais avec élargissement de la mission confiée à monsieur le professeur [V] aux fins d'apprécier l'ensemble des préjudices subis ;

Attendu que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy-de-Dôme demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 30 août 2013, visées par le greffier le 17 septembre 2013 et soutenues oralement, de:

- prendre acte de ce qu'elle s'en remet à droit au fond et sur les quantum

- condamner la société Omerin à régler le montant des préjudices extrapatrimoniaux

- dire que conformément aux dispositions de l'article L452-3 3ème alinéa, la caisse procèdera à leur avance, sur demande, et en récupèrera leur montant auprès de l'employeur ainsi que la majoration de la rente ;

Que sur interrogation de la cour, la CPAM a précisé que sa demande de condamnation de la société Omerin de régler les préjudices extrapatrimoniaux est abandonnée par elle et qu'elle fera l'avance des sommes allouées à monsieur [P] au titre de l'indemnisation de tous ses préjudices et en récupèrera le montant auprès de l'employeur ;

Que mention en a été portée sur la note d'audience signée par le président et le greffier ;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DECISION:

Attendu que monsieur [M] [P] recherche la faute inexcusable de son employeur ;

Qu'il expose :

- avoir occupé de son embauche jusqu'en septembre 2005 un poste de vernisseur, pour lequel le médecin du travail l'a reconnu apte avec réserve d'éviter le port et le soulèvement de charges lourdes supérieures à 25- 30 kilos;

- avoir été en arrêt de travail pour maladie du 10 octobre au 13 novembre 2005

- avoir été, lors de la visite de reprise devant le médecin du travail, du 15 novembre 2005, déclaré apte à son poste de vernisseur, sans effort de manutention manuelle pendant deux mois

- avoir été affecté à un poste à l'atelier câblerie jusqu'au 24 décembre 2005 puis du quatre au 25 janvier 2006 à un poste d'extrudeur, pour lesquels le médecin du travail n'a pas été consulté

- avoir été en arrêt de travail à compter du 26 janvier 2006 et déclaré inapte à la reprise de son travail le 3 avril 2006 par le médecin du travail;

Qu'il rappelle sa « qualité de travailleur handicapé », reproche à son employeur de l'avoir changé de fonction en le mettant sur un poste avec port de charges et gestes répétitifs et d'avoir manqué à son obligation de sécurité ;

Attendu que la société Omerin conteste toute faute inexcusable commise par elle ;

Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et maladies professionnelles ;

Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Qu'il résulte des articles L452-1 et L461-1 du code de la sécurité sociale que, pour engager la responsabilité de l'employeur, la faute inexcusable commise par celui-ci doit être la cause nécessaire de la maladie professionnelle dont est atteint le salarié, laquelle s'entend de la maladie désignée dans le tableau des maladies professionnelles visé dans la décision de prise en charge de la caisse et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau ;

Attendu que monsieur [P], reconnu travailleur handicapé à compter du 7 janvier 1994, a été embauché par la société Omerin, par contrat à durée déterminée du 4 octobre 1993 en qualité de vernisseur du 4 octobre 1993 au 4 juillet 1994, puis par contrat à durée indéterminée en qualité de vernisseur à compter du 5 juillet 1994 ;

Qu'il est toutefois précisé dans les contrats de travail que :

« Afin de valoriser son travail manuel et compte tenu de la nature même de notre activité et des nécessités du service, monsieur [P] [M] occupera avant tout, dans la société une fonction d'ouvrier polyvalent c'est-à-dire qu'il pourra être affecté à tout moment à tout poste existant dans l'entreprise autre que celui pour lequel il a été engagé temporairement ou définitivement » ;

Attendu que l'employeur reconnait dans ses écritures que monsieur [P] a travaillé sur un poste de vernissage acrylique « à l'exception de la période allant de fin septembre au 10 octobre et de celle allant du 15 novembre 2005 au 26 janvier 2006 », « les commandes pour l'atelier de vernissage ayant largement diminué » ;

Qu'il explicite avoir affecté monsieur [P] à un poste dans l'atelier câblerie du 15 novembre au 24 décembre 2006, date de fermeture de l'entreprise, du 2 janvier au 6 janvier 2006 puis du 9 au 26 janvier 2006, date à laquelle il a été placé en arrêt maladie, à un poste d'extrudeur silicone ;

Qu'il indique que monsieur [P] a été en arrêt maladie du 10 octobre au 13 novembre 2005 ;

Attendu que le médecin du travail a reconnu monsieur [P], par avis du 7 octobre 1993, « apte éviter le port des charges lourdes $gt;25-30 kg », par avis des 17 novembre 1994, 16 novembre 1995 « apte éviter le port répétitif des charges lourdes $gt;25-30 kg », « apte » par avis du 4 septembre 1996, « apte éviter le port répétitif des charges lourdes $gt;25-30 kg » par avis du 13 novembre 1996, « apte » par avis des 8 décembre 1997, 7 décembre 1998, « apte avec réserves sur le port et le soulèvement des charges lourdes $gt;25-30 kg » par avis du 17 novembre 1999, « apte éviter le port et le soulèvement des charges $gt; 25-30 kg » par avis du 15 novembre 2000, « apte » par avis des 30 mai 2002, 8 janvier 2003, 19 janvier 2004, 28 octobre 2004, 10 mars 2005, 29 mars 2005, « apte pas d'efforts importants de manutention manuelle pendant 2 ou 3 mois » par avis du 15 novembre 2005, « inapte temporaire à la reprise du travail » par avis du 3 avril 2006, « apte à la reprise sur un mi-temps thérapeutique à son poste de vernisseur acrylique ou poste similaire ' à revoir dans un mois » par avis du 4 juin 2007;

Que lors d'une visite réalisée à la demande de l'employeur le 18 juin 2007, le médecin du travail a précisé « apte au poste de conditionnement concerne le poste ou lors de la visite de l'entreprise poste dans l'atelier de vernissage équipé d'un palan et contre indications au poste de pliage au magasin et au poste à la préparation manuelle des expéditions » ;

Que sur tous les avis du médecin du travail, à l'exception de celui du 3 avril 2006, il est noté que monsieur [P] occupe un poste de travail de vernisseur ;

Attendu que la CPAM du Puy de Dôme, par notification du 14 novembre 2006, a pris en charge la maladie déclarée par monsieur [P] au titre de la législation professionnelle, en référence au « tableau 57 épicondylite » ;

Que le tableau 57B vise « les travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension et d'extension de la main sur l'avant bras ou des mouvements de supination et prosupination » ;

Attendu que monsieur [P] reproche à son employeur, pour caractériser la faute inexcusable commise par ce dernier, de l'avoir affecté à un poste autre que celui de vernisseur à savoir à un poste dans l'atelier câblerie et à un poste d'extrudeur ;

Qu'il est admis par les parties que monsieur [P] a toujours occupé un poste de vernisseur depuis son embauche jusqu'en 2005 et a été affecté à un poste dans l'atelier câblerie du 16 novembre au 23 décembre 2005 et du 2 au 6 janvier 2006 et à un poste d'extrudeur silicone du 9 janvier au 26 janvier 2006 ;

Attendu que monsieur [P], durant ses périodes litigieuses, a été reconnu apte par le médecin du travail à exercer des fonctions de vernisseur avec comme seule réserve l'absence « d'efforts importants de manutention manuelle » ;

Qu'il n'est nullement ni évoqué ni établi que le médecin du travail ait été avisé du changement de poste de monsieur [P] et ait été consulté avant l'affection de monsieur [P], à son retour d'un arrêt maladie d'un mois, sur un autre poste de travail à l'atelier câblerie ou lors d'une nouvelle affectation à un poste d'extrudeur et ce, alors même que l'employeur ne conteste pas avoir connaissance du statut de travailleur handicapé de ce dernier ;

Attendu que le fait que contractuellement monsieur [P] puisse exercer toute fonction d'ouvrier polyvalent au sein de l'entreprise ne saurait avoir pour effet d'autoriser l'employeur à se dispenser de devoir solliciter l'avis du médecin du travail sur un changement de poste concernant ce travailleur handicapé ;

Attendu que la « formation au poste n° 3 », qualifiée d'incomplète sur la fiche de formation renseignée par le salarié et le formateur, dont monsieur [P] a bénéficié à compter du 16 novembre 2005 pour une durée de 7 semaines n'a pas entraîné pour ce dernier une dispense d'activité ;

Attendu que si l'employeur démontre que les postes occupés à l'atelier câblerie et en tant qu'extrudeur n'impliquaient aucune manutention importante de charges lourdes, par la production d'attestations de madame [L] et de monsieur [U], monsieur [P], lors de l'enquête diligentée par la CPAM du Puy de Dôme, a précisé, sans être démenti, ses conditions de travail successives, les sollicitations répétées imposées notamment à son coude droit lors du changement des bobines, à sa main droite lors de soudure suite à la « casse de fils » et au poste d'extrudeur dans une cadence répétée et soutenue ;

Que la date à laquelle le médecin conseil fait remonter la première constatation médicale de la maladie (6 janvier 2006) ne saurait conduire à en déduire, comme le soutient l'employeur, que le poste d'extrudeur ne peut être en cause dans la maladie professionnelle développée ;

Attendu que l'employeur, en changeant monsieur [P] , après plusieurs années, de poste d'affectation à un retour de congé maladie, sans en informer le médecin du travail et sans recueillir l'avis de ce dernier sur l'aptitude de ce dernier à pouvoir occuper a manqué à une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ce salarié, qui est plus est reconnu travailleur handicapé ;

Attendu qu'ainsi, la société Omerin avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé monsieur [P] et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Attendu en conséquence que la maladie professionnelle développée par monsieur [P] est imputable à la faute inexcusable de l'employeur ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef ;

Attendu que seule la faute inexcusable de la victime qui se définit comme la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience autorise à réduire la majoration de la rente ;

Que compte tenu des éléments précédemment décrits, monsieur [P] n'a pas commis une telle faute ;

Que la rente attribuée doit être majorée au taux maximum prévu par la loi ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef ;

Attendu qu'avant dire droit sur l'indemnisation, une expertise médicale de la victime est nécessaire pour évaluer ses préjudices ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a ordonné une mesure expertale ;

Attendu que par décision n 2010-8 Q.P.C. du 18 juin 2010, le Conseil Constitutionnel, apportant une réserve à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, a reconnu au salarié victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur, la possibilité de pouvoir réclamer devant les juridictions de sécurité sociale la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;

Que l'expert doit donc avoir pour mission de déterminer l'ensemble des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale subis par monsieur [P], sans qu'il ne soit nécessaire à ce dernier, à ce stade de la procédure, de discuter de l'étendue de l'indemnisation à laquelle il peut prétendre et de justifier de l'étendue de ses préjudices ;

Que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qui concerne l'étendue de la mission expertale, laquelle sera réalisée sous le contrôle du président du tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy de Dôme, avec faculté de délégation;

Attendu qu'en application des articles L. 144-5, R. 144-10 et R. 144-11 du code de la sécurité sociale, la procédure devant les juridictions de sécurité sociale est gratuite et sans frais, même en cas de faute inexcusable de l'employeur, et les frais d'expertise dont la Caisse Primaire d'Assurance Maladie doit faire l'avance doivent lui être remboursés par la caisse nationale compétente du régime général, sauf en cas de recours jugé dilatoire ou abusif, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme doit faire l'avance des frais de l'expertise médicale sans faculté de recours contre une des parties ;

Attendu que la réserve apportée par le Conseil Constitutionnel le 18 juin 2010 modifie uniquement le premier aliéna de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et ne change pas le dernier alinéa de cet article qui dispose : 'La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur' ;

Que l'obligation de faire l'avance pesant sur la caisse s'étend donc à l'ensemble des préjudices y compris ceux désormais indemnisés par l'effet de la réserve du Conseil Constitutionnel ;

Attendu que les parties doivent être renvoyées devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy de Dôme pour la liquidation des préjudices subis par monsieur [P] après dépôt du rapport d'expertise ;

Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a

 - dit que la maladie professionnelle dont est atteint monsieur [M] [P] procède de la faute inexcusable de son employeur, la SAS Omerin

- fixé au maximum la majoration de la rente à laquelle peut prétendre monsieur [M] [P]

- avant dire droit, sur les préjudices envisagés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ordonné une expertise médicale confiée à monsieur le professeur [C] [V]

- débouté la société Omerin de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu'il doit être infirmé en ses autres dispositions ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Omerin ;

Attendu que l'appelante succombant en son recours doit être dispensée du paiement du droit prévu à l'article R144-10 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que la procédure étant gratuite et sans frais, la demande de la société Omerin relative aux dépens est dénuée d'objet ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et sur renvoi de cassation

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

 - dit que la maladie professionnelle dont est atteint monsieur [M] [P] procède de la faute inexcusable de son employeur, la SAS Omerin

- fixé au maximum la majoration de la rente à laquelle peut prétendre monsieur [M] [P]

- avant dire droit, sur les préjudices envisagés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ordonné une expertise médicale confiée à monsieur le professeur [C] [V]

- débouté la société Omerin de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile 

L'infirme en ses autres dispositions 

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme doit faire l'avance des sommes allouées à monsieur [P] à charge pour elle de recouvrer les sommes auprès de l'employeur, la société Omerin

Ordonne une expertise médicale de monsieur [P]

Donne mission à monsieur le professeur [C] [V] faculté de médecine [Adresse 2]

après avoir convoqué les parties, de :

* se faire communiquer le dossier médical de monsieur [P],

* examiner monsieur [P],

* décrire précisément les séquelles consécutives à la maladie professionnelle prise en charge par la CPAM du Puy de Dôme par décision du 14 novembre 2006 et indiquer les actes et gestes devenus limités ou impossibles,

* indiquer la durée de l'incapacité totale de travail,

* indiquer la durée de l'incapacité partielle de travail et évaluer le taux de cette incapacité,

* indiquer la durée de la période pendant laquelle la victime a été dans l'incapacité totale de poursuivre ses activités personnelles,

* indiquer la durée de la période pendant laquelle la victime a été dans l'incapacité partielle de poursuivre ses activités personnelles et évaluer le taux de cette incapacité,

* dire si l'état de la victime a nécessité l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne avant la consolidation par la sécurité sociale, et, dans l'affirmative, préciser la nature de l'assistance et sa durée quotidienne,

* dire si l'état de la victime nécessite ou a nécessité un aménagement de son logement,

* dire si l'état de la victime nécessite ou a nécessité un aménagement de son véhicule,

* dire si la victime a perdu une chance de promotion professionnelle,

* évaluer les souffrances physique et morale consécutives à l'accident,

* évaluer le préjudice esthétique consécutif à l'accident,

* évaluer le préjudice d'agrément consécutif à l'accident,

* évaluer le préjudice sexuel consécutif à l'accident,

* dire si la victime subit une perte de chance de réaliser un projet de vie familiale,

* dire si la victime subit des préjudices exceptionnels et s'en expliquer,

* dire si l'état de la victime est susceptible de modifications,

Dit que l'expert déposera son rapport au greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy de Dôme dans les trois mois de sa saisine et en transmettra une copie à chacune des parties

Désigne le président du tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy de Dôme avec faculté de délégation pour suivre les opérations d'expertise

Dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy de Dôme doit faire l'avance des frais de l'expertise médicale sans faculté de recours contre une des parties

Renvoie les parties devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy de Dôme pour la liquidation des préjudices subis par monsieur [P]

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Dispense la société Omerin du paiement du droit prévu à l'article R144-10 du code de la sécurité sociale 

Dit la demande de la société Omerin afférente aux dépens dénuée d'objet.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Malika CHINOUNE Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 13/03580
Date de la décision : 05/11/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°13/03580 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-05;13.03580 ?
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