AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 12/02082
[I]
C/
Me [H] [Z] - Mandataire liquidateur de SA [Y] CONSTRUCTIONS ISOTHERMES
AGS CGEA D'[Localité 4]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE
du 31 Janvier 2012
RG : F 09/00536
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2013
APPELANT :
[E] [I]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Philippe BRUN, avocat au barreau de MARSEILLE
substitué par Me Nathalie CAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉES :
Me [H] [Z] (SELARL MJ SYNERGIE)
Mandataire liquidateur de SA [Y] CONSTRUCTIONS ISOTHERMES
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES (Me Jean-Baptiste TRAN-MINH) avocat au barreau de LYON
AGS CGEA D'[Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par la SELARL BERNASCONI ROZET MONNET SUETY FOREST (Me Pascal FOREST) avocats au barreau de BOURG-EN-BRESSE
PARTIES CONVOQUÉES LE : 16 Mai 2013
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Mars 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Hervé GUILBERT, Conseiller
Christian RISS, Conseiller
Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 31 Octobre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 31 janvier 2012 sous le numéro de répertoire général F 09/00536 par le Conseil de Prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE, dont appel ;
Vu les conclusions déposées le 3 janvier 2013 par Monsieur [E] [I], appelant ;
Vu les conclusions déposées le 4 mars 2013 par la S.A. [Y] CONSTRUCTIONS ISOTHERMES, en liquidation judiciaire, et la S.CP. [H]-[Z] agissant en qualité de mandataire-liquidateur de ladite société, intimées et appelants incidents ;
Vu les conclusions déposées le 21 mars 2013 par le C.G.E.A.-A.G.S d'[Localité 4], intimé et appelant incident ;
après avoir entendu les parties en leurs explications orales à l'audience du 21 mars 2013 au cours de laquelle elles ont déclaré reprendre leurs conclusions écrites précitées ;
La Cour,
Attendu que suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 janvier 1999, Monsieur [E] [I] a été embauché en qualité d'animateur unités semi-remorque par la société ISOMET ( [Y] VÉHICULES FRIGORIFIQUES ') aux droits de laquelle s'est trouvée par la suite la S.A. [Y] CONSTRUCTIONS ISOTHERMES (ci-après société LCI), principale entité du groupe familial [Y] dont l'activité consistait essentiellement dans la construction de véhicules frigorifiques ;
que ladite société LCI, après avoir bénéficié d'une mesure de sauvegarde suivant décision du 8 octobre 2008, a connu des difficultés qui n'ont cessé de s'aggraver ;
que 152 licenciements ont été notifiés le 17 février 2009 dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;
que la société LCI a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE du 27 février 2009, la procédure collective ayant été étendue à l'ensemble des sociétés du groupe ;
qu'une seconde restructuration a été alors mise en oeuvre, celle-ci ayant reçu l'approbation du comité d'entreprise le 6 avril 2009 ;
Attendu que par jugement du 7 avril 2009, le tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE a :
- ordonné la cession des actifs de la société LCI et autorisé l'administrateur judiciaire à procéder au licenciement pour motif économique de 272 salariés non repris par le cessionnaire,
- converti le redressement judiciaire de la société LCI en liquidation judiciaire,
- prononcé la liquidation judiciaire de quatre autres sociétés du groupe dont la société [Y] HOLDING ;
Attendu que, dans ces circonstances, l'administrateur judiciaire de la société LCI a notifié le 28 avril 2009 à Monsieur [E] [I] son licenciement pour motif économique, salarié protégé, membre du C.H.S.C.T;
que celui-ci a saisi la juridiction du travail le 27 novembre 2009 en lui demandant de fixer sa créance au passif de la société LCI aux sommes de :
- 120'379,92 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 60'189,96 à titre de dommages et intérêts pour violation de l'ordre des licenciements ;
Attendu que par jugement du 31 janvier 2012, le conseil de prud'hommes de BOURG-EN-BRESSE a :
- dit que le licenciement de Monsieur [E] [I] reposait sur un motif économique,
- dit que l'ordre des départs a été respecté,
- débouté Monsieur [E] [I] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la SCP [H]-[Z] de sa demande reconventionnelle,
- condamné Monsieur [E] [I] aux dépens;
Attendu que Monsieur [E] [I] a régulièrement relevé appel de cette décision le 14 mars 2012 et sollicité la fixation de sa créance à l'encontre de la société [Y] CONSTRUCTIONS ISOTHERMES aux sommes suivantes :
- 118.344 € à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions des articles L.1233-61 et L.1233-62 du code du travail outre la méconnaissance de l'obligation conventionnelle de reclassement;
- 118.344 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs;
- 9.862 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 986,20 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 600,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
avec déclaration du jugement à intervenir commun à la SCP [H] [Z] prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la SA [Y] CONSTRUCTIONS ISOTHERMES ainsi qu'à l'AGS CGEA d'[Localité 4] pris en la personne de son représentant légal ;
Attendu que le salarié a contesté son licenciement en faisant valoir que sa qualité de salarié protégé, dont le licenciement pour motif économique a été autorisé par décision du 9 juillet 2009 de l'inspecteur du travail, ne fait pas obstacle à son droit de contester la validité du plan de sauvegarde de l'emploi, l'obligation de reclassement externe et l'ordre des départs; qu'il soutient cet égard que le plan de sauvegarde de l'emploi approuvé par le comité d'entreprise le 6 avril 2009 était insuffisant, qu'il ne satisfaisait ni à l'obligation légale ni à l'obligation conventionnelle de reclassement, et que les critères d'ordre des départs n'avaient pas été respectés ;
Mais attendu qu'il est de jurisprudence constante en matière de licenciement économique et recherche de reclassement que l'autorisation de licenciement, délivrée par l'inspecteur du travail pour un salarié protégé, inclut la vérification par l'autorité administrative du respect, par l'employeur, de son obligation de reclassement ;
qu'il s'ensuit que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard du respect par l'employeur de son obligation de reclassement ;
que, dans ces conditions, l'autorisation administrative de licencier pour motif économique Monsieur [E] [I], salarié protégé, étant devenue définitive, ce dernier ne peut contester devant la juridiction prud'homale l'existence de la cause réelle et sérieuse à son licenciement et par voie de conséquence la validité du Plan de Sauvegarde de l'Emploi, la régularité de la procédure et le respect de l'obligation de reclassement tant légale que conventionnelle ;
que le salarié protégé reste cependant en droit de contester l'application à son égard des critères d'ordre de licenciement,
Attendu cependant que la convention collective applicable ne définissant pas les critères d'ordre des licenciements, la société LCI était fondée à retenir les critères légaux définis par l'article L 1233-5 du Code du Travail ;
que ces critères doivent toutefois faire l'objet d'une mise en oeuvre distincte par catégorie professionnelle, c'est-à-dire aux ensembles de salariés qui, au sein de l'entreprise, exercent des fonctions de même nature supposant une formation commune ;
Attendu qu'en dépit du fait qu'aucune action judiciaire n'ait été engagée devant la juridiction de droit commun par le comité d'entreprise pour faire constater l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi ou contester la détermination des catégories professionnelles, l'intimé critique l'application faite des critères légaux en soutenant :
- que l'employeur a raisonné en termes de métiers et non pas en termes de catégories professionnelles,
- que l'employeur a fait application des critères d'ordre par site et non pas au niveau de l'entreprise,
- que l'employeur a ignoré des éléments d'appréciation objectifs permettant d'évaluer les qualités professionnelles des salariés concernés ;
Attendu que le salarié qui était représenté au sein du comité d'entreprise lors des opérations d'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi n'a émis aucune critique à l'encontre des modalités de détermination des catégories professionnelles ;
qu'une catégorie professionnelle est constituée par les salariés qui, au sein de l'entreprise, exercent des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune;
que l'intimé n'indique pas en quoi les 'métiers' retenus par le plan de sauvegarde de l'emploi ne correspondent pas à des catégories professionnelles au sens de la loi ;
qu'il ne propose d'ailleurs aucune définition des catégories professionnelles qui auraient dû être retenues ni n'indique quels sont les métiers correspondant à des compétences communes ;
Attendu par ailleurs que le plan de sauvegarde de l'emploi approuvé par le comité d'entreprise précise que les catégories professionnelles sont différentes d'un établissement à l'autre compte tenu des activités spécialisées de chaque site, de sorte que les critères d'ordre trouvent à s'appliquer site par site à quelques exceptions près ;
Attendu que contrairement à ce que soutient l'appelant, les critères présidant à l'ordre des départs ont été déterminés en considération d'éléments objectifs pour l'essentiel ;
qu'au surplus, un questionnaire d'actualisation des données sociales a été remis à chaque salarié dès l'issue de la réunion d'information des délégués du personnel ;
que l'employeur a tenu compte des éléments ainsi communiqués par ceux des salariés qui ont rempli et renvoyé ce questionnaire dûment complété ;
Attendu que le moyen tiré de la méconnaissance des critères d'ordre des départs doit donc être écarté ;
qu'il suit de là que le jugement déféré mérite entière confirmation en ce qu'il a débouté l'appelant de l'ensemble de ses prétentions ;
Attendu par ailleurs que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en faveur de quiconque des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
que l'appelant, qui succombe, supporte la charge des entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DÉCLARE recevables tant l'appel principal que les appels incidents ;
Au fond, dit l'appel principal de Monsieur [E] [I] injustifié et seuls justifiés les appels incidents de la S.CP. [H]-[Z] agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société [Y] CONSTRUCTIONS ISOTHERMES et du C.G.E.A.-A.G.S. d'[Localité 4] ;
CONFIRME le jugement rendu le 31 janvier 2012 sous le numéro de répertoire général F 09 / 00536 par le conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse ;
DÉBOUTE Monsieur [E] [I] de l'ensemble de ses prétentions ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en faveur de quiconque ;
CONDAMNE Monsieur [E] [I] aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS