AFFAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : 13/01659
SOCIETE MCM INTERIM ASSURE DA SILVA
C/
CPAM DU RHÔNE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON
du 12 Février 2013
RG : 20101859
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2013
APPELANTE :
SASU MCM INTERIM ( AT de M. [E] )
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Laurie FERRER, avocat au même barreau
INTIMÉE :
CPAM DU RHÔNE
Service Contentieux
[Localité 1]
représentée par madame [G] [H], munie d'un pouvoir
PARTIES CONVOQUÉES LE : 21 mars 2013
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Septembre 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Catherine PAOLI, Conseiller
Assistées pendant les débats de Chantal RIVOIRE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Octobre 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Le 1er octobre 2009, [Y] [E], salarié de la société S.A.S.U. MCM INTERIM mis à la disposition de la société Carrosserie CHEVALIER, a été victime d'un accident que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
Après rejet implicite de sa contestation par la commission de recours amiable, la société S.A.S.U. MCM INTERIM a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON et a demandé que la décision de la caisse de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels lui soit déclarée inopposable et que lui soit allouée une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 12 février 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale a débouté la société S.A.S.U. MCM.
Le jugement a été notifié le 24 février 2013 à la société S.A.S.U. MCM INTERIM qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 27 février 2013.
Par conclusions visées au greffe le 10 septembre 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la société S.A.S.U. MCM INTERIM :
- fait valoir qu'elle a accompagné la déclaration d'accident du travail de réserves qui remettaient en cause la matérialité de l'accident et que ses réserves obligeaient la caisse à suivre la procédure d'instruction et à la tenir informée ce qu'elle n'a pas fait,
- allègue également l'absence de pouvoir de l'auteur de la décision de prise en charge qui n'était ni le directeur de la caisse ni son délégataire,
- demande que la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE de prendre en charge l'accident survenu le1er octobre 2009 à [Y] [E] au titre de la législation sur les risques professionnels lui soit déclarée inopposable,
- sollicite la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 10 septembre 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE :
- observe que la matérialité de l'accident est établie et que la présomption d'imputabilité de l'accident au travail s'applique,
- expose qu'elle était légitime à prendre en charge d'emblée l'accident sans effectuer d'enquête dans la mesure où les réserves émises par l'employeur n'étaient ni motivées ni circonstanciées et ne produisaient aucun effet,
- souligne que la prise en charge d'emblée la dispensait de toute information de l'employeur,
- soulève l'irrecevabilité de la demande fondée sur le défaut de délégation de pouvoir au profit du salarié qui a signé la lettre informant l'employeur de la décision de prise en charge au double motifs, d'une part, qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel, et, d'autre part, que la lettre étant antérieure à la procédure issue du décret du 29 juillet 2009 et constituant une simple information de l'employeur et non la notification d'une décision, l'employeur ne peut pas invoquer la nullité d'une décision qui ne lui a pas été notifiée et qui n'est pas définitive à son égard,
- ajoute que la décision de la commission de recours amiable saisie par l'employeur se substitue à la lettre d'information querellée,
- sollicite la confirmation du jugement entrepris.
A l'audience, la société S.A.S.U. MCM INTERIM réplique, par la voix de son conseil, que la demande d'irrecevabilité opposée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie doit être rejetée car elle ne présente pas une demande nouvelle mais invoque un moyen nouveau.
Mention en a été portée sur la note d'audience signée par le président et le greffier.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'inopposabilité :
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile applicable devant les juridictions de sécurité sociale les prétentions nouvelles en cause d'appel sont irrecevables ; l'article 565 du code de procédure civile précise que 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent'.
En première instance, la société S.A.S.U. MCM INTERIM a demandé que la décision de la caisse de prendre en charge l'accident survenu à son salarié au titre de la législation sur les risques professionnels lui soit déclarée inopposable ; elle formule la même prétention en cause d'appel et ne présente pas une autre demande ; alors qu'en première instance elle avait assis sa demande sur un seul moyen, celui de la violation par la caisse du principe du contradictoire, elle ajoute en cause d'appel le moyen tiré de l'absence de pouvoir de l'auteur de la décision de prise en charge ; la société S.A.S.U. MCM INTERIM est parfaitement recevable à invoquer en cause d'appel un fondement juridique nouveau au soutien de sa demande d'inopposabilité présentée dès la première instance et pris de l'absence de pouvoir de l'auteur de la décision de prise en charge de l'accident.
S'agissant du moyen tiré de la violation du contradictoire :
L'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la cause oblige la Caisse Primaire d'Assurance Maladie en cas de réserves de l'employeur à adresser un questionnaire à l'employeur et à la victime ou à effectuer une enquête et ensuite à informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision ; les réserves visées par ce texte s'entendent de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur et ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.
La déclaration d'accident du travail du 2 octobre 2009 est ainsi renseignée par un préposé de l'employeur :
* lieu de l'accident : cour intérieur carrosserie CHEVALIER,
* circonstances de l'accident : en guidant le chauffeur d'un poids-lourd, il ne s'est pas arrêter de reculer et m'a écrasé et coincé contre des bidons,
* siège des lésions : tronc, jambe droite,
* nature des lésions : contusions,
* victime transportée à l'hôpital [1], [Localité 3],
* témoins : personnel de la carrosserie CHEVALIER,
* accident causé par un tiers avec indication de l'identité, de l'assureur et du numéro de la police d'assurance.
A cette déclaration a été joint un courrier de réserves sur le caractère professionnel de l'accident émanant d'un autre préposé de l'employeur et ainsi motivé : 'absence de fait soudain, la description des circonstances de l'accident est confuse, la description des circonstances de l'accident ne résulte que de la déclaration de la victime'.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a rendu sa décision de prise en charge le 8 octobre 2009 sans avoir préalablement diligenté d'enquête ni interrogé les intéressés.
Les observations faites par l'employeur dans le courrier de réserve, au demeurant parfaitement contradictoires avec la déclaration d'accident, ne portaient nullement sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ni sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; ces observations ne peuvent donc pas être qualifiées de réserves.
Dans ces conditions, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie était dispensée de toute enquête.
En conséquence, le moyen d'inopposabilité tiré de la violation par la caisse du principe du contradictoire doit être rejeté.
S'agissant du moyen tiré du défaut de pouvoir de l'auteur de la décision :
Aux termes de l'article R. 122-3 du code de la sécurité sociale, le directeur de l'organisme de sécurité sociale en assure le fonctionnement sous le contrôle du conseil d'administration ; l'article D. 253-6 du même code dispose que le directeur peut déléguer une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme et que la délégation doit préciser, pour chaque délégué, la nature des opérations qu'il peut effectuer et leur montant maximum s'il y a lieu.
Le 8 octobre 2009, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a envoyé à l'employeur une lettre ainsi rédigée :
'Je vous adresse pour information la copie de la décision de prise en charge du sinistre déclaré pour votre salarié(e) cité(e) en référence.
Je vous précise que cette prise en charge intervient : après examen des pièces initiales communiquées par vous et le médecin traitant'.
A ce courrier était joint celui du même jour envoyé au salarié et libellé comme suit :
' Je vous informe que les éléments en ma possession me permettent de reconnaître le caractère professionnel de l'accident cité en objet'.
Les deux lettres émanent de [W] [V] correspondant risques professionnels à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de LYON.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE n'allègue ni ne produit la délégation de pouvoir donnée par le directeur de la caisse au profit de [W] [V] ; il est avéré que cette dernière n'est ni le directeur ni le directeur adjoint de la caisse.
La première lettre avait un contenu purement informatif qui n'exigeait nullement que son auteur soit titulaire d'un quelconque pouvoir. En revanche, la seconde lettre constituait une décision de prise en charge laquelle ne pouvait être rendue que par une personne pouvant agir au même titre de que le directeur de la caisse et par conséquent par une personne titulaire d'une délégation de pouvoir. Or, les termes employés dans le second courrier et notamment l'utilisation du possessif démontrent que la décision a été prise par l'auteur de la lettre, à savoir [W] [V] laquelle n'avait pas reçu délégation de pouvoir.
La décision de prise en charge dont l'employeur était informé le concernait directement dans la mesure où elle avait une incidence sur le montant des cotisations qu'il devait verser, et, ce, sans qu'il eût été nécessaire à la caisse, au regard de la date de la décision, de procéder à une notification ; l'employeur a ainsi intérêt à demander que la décision ne produise pas d'effet à son égard sans attendre qu'elle soit définitive ; l'action en inopposabilité de l'employeur est donc parfaitement recevable.
L'employeur a contesté devant la commission de recours amiable l'opposabilité à son égard de la décision de la caisse de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels ; la commission s'est prononcée sur cette seule question et non sur celle du bien fondée de la décision de prise en charge ; dès lors, sa décision n'a pas pu se substituer à celle de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie.
Le défaut de pouvoir de l'auteur de la décision de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels constitue une irrégularité de fond laquelle, en raison de l'indépendance des rapports entre l'assuré et la caisse et des rapports entre l'employeur et la caisse ne peut pas affecter la validité de la décision mais doit être sanctionnée par l'inopposabilité de la décision à l'égard de l'employeur.
En conséquence, la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'accident survenu le 1er octobre 2009 à [Y] [E] doit être déclarée inopposable à l'employeur, la société S.A.S.U. MCM INTERIM.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur les frais irrépétibles :
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de débouter la société S.A.S.U. MCM de sa demande présentée en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Juge la société S.A.S.U. MCM INTERIM recevable à invoquer en cause d'appel l'absence de pouvoir de l'auteur de la décision de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'accident survenu le 1er octobre 2009 à [Y] [E],
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déclare la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'accident survenu le 1er octobre 2009 à [Y] [E] inopposable à l'employeur, la société S.A.S.U. MCM INTERIM,
Ajoutant,
Déboute la société S.A.S.U. MCM de sa demande présentée en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Malika CHINOUNE Nicole BURKEL