AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 12/03277
[U]
C/
SA GAMBRO INDUSTRIES
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 27 Mars 2012
RG : 08/04167
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2013
APPELANT :
[G] [U]
né le [Date naissance 1] 1948 à PORTUGAL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne,
assisté de la SCP REVEL-MAHUSSIER & ASSOCIÉS (Me Murielle MAHUSSIER), avocats au barreau de LYON
INTIMÉE :
SA GAMBRO INDUSTRIES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Eric DE BERAIL, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 16 Octobre 2012
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Juin 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Hervé GUILBERT, Conseiller
Christian RISS, Conseiller
Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 Septembre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [G] [U] a été engagé par la société GAMBRO-HOSPAL INDUSTRIE, actuellement GAMBRO INDUSTRIES, en qualité de technicien maintenance - niveau IV - échelon A - coefficient 250 de la convention collective nationale de la plasturgie selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 8 juillet 2003 fixant sa rémunération mensuelle brute à la somme de 1.774,00 € sur 13 mois, outre une prime d'ancienneté de 274,93 € .
Son employeur lui a reconnu une ancienneté dans le groupe au 1er août 1984.
Suite à la mise en place de la nouvelle classification de la plasturgie à compter du 1er octobre 2006 il s'est vu proposer le 27 septembre 2006 avec effet au 1er octobre 2006 la classification « technicien de maintenance - niveau II - coefficient 750 » qu'il a acceptée. La moyenne de ses trois derniers bulletins de salaire mensuels s'élevait à 2.267,06 € .
Après avoir sollicité son départ en retraite et obtenu l'acceptation de son employeur , son contrat de travail a pris fin le 31 mai 2008.
Faisant valoir qu'il avait constamment travaillé sur le site de la société GAMBRO INDUSTRIES à [Localité 1] depuis le 23 janvier 1984, d'abord en intérim, puis à compter du 3 novembre 1984 pour y avoir été affecté par ses différents employeurs qui avaient obtenu successivement le marché de la maintenance de ses outils de production, soit initialement la société PIANINA prenant ensuite la raison sociale « SEMTEC », puis la société BSM à compter de 1993 et enfin depuis le 1er septembre 2001 la société CLEMESSY qui avait acquis le fonds de commerce exploité par la société BSM, Monsieur [U] a saisi la juridiction prud'homale le 17 novembre 2008 afin de voir reconnaître la qualité de co-employeur de la société GAMBRO-HOSPAL INDUSTRIE à son égard ainsi que la discrimination et la rupture d'égalité dont il avait été victime tout au long de sa vie professionnelle, et obtenir le paiement des sommes de :
' 13.602,00 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
' 200.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
' 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 27 mars 2012, le conseil de prud'hommes de Lyon, section industrie, a constaté la qualité de co-employeur de la société GAMBRO INDUSTRIES à l'égard de Monsieur [U] et l'a condamnée à lui verser la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et celle de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant Monsieur [U] du surplus de ses demandes et condamnant la société GAMBRO INDUSTRIES aux entiers dépens.
Monsieur [U] a relevé appel le 25 avril 2012 de ce jugement dont il souhaite la réformation par la cour en reprenant à l'audience du 5 juin 2013 les conclusions déposées en son nom le 21 Février 2013 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses arguments et moyens, aux fins de voir :
' constater la qualité de co-employeur de la société GAMBRO-HOSPAL INDUSTRIE à son égard,
' dire et juger que la société GAMBRO-HOSPAL INDUSTRIE participait à la mise en place d'un prêt de main-d'oeuvre illicite,
' dire et juger que la société GABBRO-HOSPAL INDUSTRIE a participé à un marchandage de personnel illicite ;
En conséquence,
' dire et juger que la société GAMBRO-HOSPAL INDUSTRIE s'est rendue coupable de travail dissimulé à son égard,
' constater qu'il a fait l'objet d'une inégalité de traitement et subsidiairement d'une exécution déloyale de son contrat de travail ;
En conséquence,
' condamner la société GAMBRO-HOSPAL INDUSTRIE à lui payer la somme de 13.602 € nette de CSG et CRDS et de toutes charges sociales à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
' condamner la société GAMBRO-HOSPAL INDUSTRIE à lui payer la somme de 200.000 € nette de CSG et CRDS et de toutes charges sociales en réparation du préjudice subi,
' condamner la société GAMBRO-HOSPAL INDUSTRIE aux entiers dépens d'instance,
' condamner la société GAMBRO-HOSPAL INDUSTRIE à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société GAMBRO INDUSTRIES a pour sa part repris à cette audience ses conclusions déposées le 28 mai 2013 auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses arguments et moyens, aux fins de voir :
' infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon, section industrie, le 27 mars 2012, en ce qu'il l'a condamnée à verser à Monsieur [G] [U] la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts, outre celle de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' débouter Monsieur [G] [U] de toutes ses prétentions,
' le condamner au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' le condamner aux entiers dépens.
SUR CE,
La Cour,
Attendu qu'à l'appui de ses demandes indemnitaires, Monsieur [G] [U] soutient avoir été en lien de subordination juridique avec la société GAMBRO INDUSTRIES depuis 1984 de sorte que celle-ci aurait été son co-employeur;
Mais attendu que la seule chronologie du déroulement de sa carrière ressortant de sa mise à disposition constante auprès de la société GAMBRO INDUSTRIES par les société PIANINA, SEMTEC, BSM et CLEMESSY qui l'employaient successivement ne saurait conférer à la société GAMBRO INDUSTRIES la qualité de co-employeur à son égard, dans la mesure où Monsieur [U] intervenait dans le cadre de contrats de prestations de services conclus par la société GAMBRO INDUSTRIES pour la maintenance de ses lignes de production et de ses équipements industriels et techniques avec ses employeurs successifs, après que ces derniers l'aient affecté à cette tâche en sa qualité de technicien salarié, sans que la société donneuse d'ordre n'ait disposé du choix des personnes retenues pour son site de [Localité 1] ;
qu'à cet égard, Monsieur [U] prétend que la société GAMBRO INDUSTRIES lui avait demandé de démissionner de la société SEMTEC afin d'être embauché par la société BSM et conserver ainsi son affectation sur le site après la fin des relations contractuelles avec la société SEMTEC, mais il ne verse aux débats aucun élément de nature à en rapporter la preuve ;
que si le contrat signé le 20 janvier 2002 avec la société CLEMESSY comporte en page 3 la mention manuscrite ajoutée « OK pour [W] et [U] : pas d'objection sur le fait qu'HG (HOSPAL GAMBRO) recrute ces deux personnes dans l'hypothèse où elles postulent », cette annotation ne démontre pas la volonté de la société GAMBRO INDUSTRIES de bénéficier exclusivement des services de ces deux personnes mais seulement de sa préférence à les voir affectés sur son site en raison de leur connaissance et expérience précédemment acquise, ainsi que de l'acceptation par leur employeur, la société CLEMESSY, de la préférence ainsi émise, voire de leur recrutement direct ultérieur par la société GAMBRO INDUSTRIES si les intéressés venaient à le solliciter ;
Attendu ensuite que pour tenter d'établir l'existence d'un lien de subordination direct auquel il aurait été assujetti envers la société GAMBRO INDUSTRIES, révélateur d'une relation de travail, Monsieur [U] verse aux débats les attestations de Messieurs [Z] [D] et [B] [F], tous deux anciens salariés de la société GAMBRO INDUSTRIES selon lesquelles il recevait ses ordres de travail des agents de maîtrise de la société GAMBRO INDUSTRIES et non de ses employeurs successifs; que la généralité des termes employés dans ces attestations et la similitude de leur rédaction sont toutefois de nature à les rendre suspectes et susceptibles de complaisance ;
qu'en revanche la société GAMBRO INDUSTRIES justifie des commandes et ordres de travaux qu'elle a passés directement aux sociétés BSM en 1996 et CLEMESSY en 2000, établissant à l'évidence que les prestations étaient commandées aux entreprises sous-traitantes qui en assuraient ensuite l'exécution en donnant les instructions nécessaires à leurs salariés ;
qu'elle produit également aux débats les attestations en ce sens de Monsieur [I] [S], responsable maintenance en 1999 et 2000, et de Monsieur [J] [X] pour la période de janvier 2002 à octobre 2003 ;
Attendu que Monsieur [U] ne saurait en outre tirer argument de l'alignement de ses horaires de travail et de ses congés payés sur ceux des ateliers de l'entreprise, alors que la nécessité de coordonner l'activité maintenance avec celle du site industriel s'imposait ;
que le suivi médical de certains salariés des entreprises sous-traitantes par le médecin du travail attaché à l'entreprise n'est pas davantage révélateur d'un lien de subordination qui existerait entre ces salariés et la société GAMBRO INDUSTRIES, pour la seule raison que le médecin du travail paraissant le plus en mesure d'assurer cette tâche était naturellement celui de la société GAMBRO INDUSTRIES qui connaissait parfaitement le lieu et les conditions de travail ;
que la reprise par la société GAMBRO INDUSTRIES de l'ancienneté au 1er août 1984 de Monsieur [U], expressément mentionnée sur ses derniers bulletins de salaire mais convenue depuis son embauche en 2003, ne fait que traduire la reconnaissance manifestée par son nouvel employeur de l'expérience qu'il avait précédemment acquise auprès des différentes entreprises sous-traitantes antérieures pour assurer la maintenance de ses installations, et non celle d'un lien de subordination juridique antérieur ;
que la participation de Monsieur [U] à une séance de formation dispensée par la société GAMBRO INDUSTRIES n'établit pas l'existence d'un lien de subordination, mais traduit le souhait de cette dernière d'améliorer les relations existantes entre le donneur d'ordre et les sous traitants habituels ;
qu'enfin la société GAMBRO INDUSTRIES ne disposait d'aucun pouvoir concernant les conditions financières de l'accomplissement de la prestation de travail de Monsieur [U], et pas davantage en matière disciplinaire ;
Attendu dans ces conditions que Monsieur [U] ne rapporte pas la preuve du lien de subordination juridique qu'il invoque pour pouvoir se prévaloir de la qualité de co-employeur de la société GAMBRO INDUSTRIES à son égard depuis le 23 janvier 1984 ;
que le jugement entrepris doit dès lors d'être infirmé en ce qu'il a constaté cette qualité;
Attendu que Monsieur [U] reproche ensuite à la société GAMBRO INDUSTRIES de ne pas l'avoir embauché tout au long de sa carrière, le traitant différemment des autres salariés intégrés à l'entreprise et placés dans une situation similaire, pour n'avoir pu bénéficier des avantages inhérents à la taille de l'entreprise, qui dispose d'un comité d'entreprise et de représentants du personnel, octroie à ses salariés un 13ème mois, et leur assure une progression de rémunération sur la base d'une grille négociée régulièrement au sein de l'entreprise ;
Attendu que l'appelant n'a cependant formulé aucune demande d'intégration au sein de la société GAMBRO INDUSTRIES avant sa demande d'embauche présentée le 27 janvier 2003 qui a été satisfaite pour avoir donné lieu à un contrat de travail à durée indéterminée signé le 8 juillet 2003 ; qu'il est dès lors mal fondé à prétendre avoir manifesté tout au long de sa relation professionnelle sa volonté d'être définitivement embauché par la société GAMBRO INDUSTRIES ;
que pour soutenir avoir subi une différence de traitement et de salaire par rapport aux salariés de la société GAMBRO INDUSTRIES ayant exécuté des tâches comparables au service de maintenance, il se prévaut de la situation de différents collègues de travail; qu'il apparaît cependant des pièces justificatives produites par l'employeur que ces derniers avaient été engagés avec un niveau d'études supérieur ou à des postes d'un niveau de classification plus élevé, de sorte qu'aucune distorsion significative de carrière ne peut être relevée, et alors même que Monsieur [U] a bénéficié de la reprise de son ancienneté antérieure bien que n'ayant pas fait partie des effectifs de la société GAMBRO INDUSTRIES ;
qu'il ne peut dès lors qu'être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée en réparation d'un préjudice de carrière dont il ne rapporte pas la preuve, ainsi qu'en raison d'une exécution déloyale de son contrat de travail ;
Attendu que Monsieur [U] sollicite en outre l'octroi de dommages-intérêts pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié sur le fondement de l'article L. 8221 ' 5 du code du travail; que pour ne pas avoir démontré l'existence d'un lien de subordination juridique permanent qui l'aurait lié à la société GAMBRO INDUSTRIES, il est mal fondé à reprocher à cette dernière de s'être soustraite intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche et d'avoir ensuite omis de lui délivrer des bulletins de paye en méconnaissance du texte précité; qu'il doit dès lors être débouté de cette demande ;
Attendu enfin qu'il ne saurait reprocher à la société GAMBRO INDUSTRIES de s'être livrée avec les entreprises sous-traitantes à un prêt de main-d'oeuvre illicite à but lucratif ainsi qu'à une opération de marchandage tous deux prohibés respectivement par les articles L. 8241-1 et L. 8231-1 du code du travail, alors que les contrats de prestations de services signés par la société GAMBRO INDUSTRIES trouvent leur justification dans la technicité ou la spécificité des prestations accomplies par les sociétés sous-traitantes, et qu'ils n'ont pas eu pour effet de causer un préjudice aux salariés concernés ou d'éluder l'application de dispositions légales ou conventionnelles en leur faveur ;
qu'il convient à cet égard de rappeler que la société CLEMESSY est une société qui réalise un chiffre d'affaires qui s'est élevé à 602 millions d'euros en 2008, qui emploie plus de 5000 personnes et dispose d'instances représentatives du personnel; qu'à ce titre, ses salariés disposent également d'avantages non négligeables; qu'enfin sa notoriété en matière de maintenance des équipements industriels exclut tout caractère fictif à la sous-traitance qui lui a été confiée ;
que pour avoir acquis le fonds de commerce de la société BSM, cette dernière disposait à l'évidence également d'une compétence et d'un savoir-faire appréciés des donneurs d'ordre;
Attendu en conséquence que Monsieur [U] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts présentée en réparation de son préjudice prétendument subi, et le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon ainsi infirmé en ce qu'il a condamné la société GAMBRO INDUSTRIES à lui payer des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Attendu cependant que l'équité et les facultés contributives respectives des parties ne commandent pas qu'il soit fait application en faveur de quiconque des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
que pour ne pas voir aboutir ses prétentions, Monsieur [U] supporte la charge des entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement rendu le 27 mars 2012 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a condamné la société GAMBRO INDUSTRIES S.A. à verser à Monsieur [G] [U] des dommages-intérêts et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau,
DÉBOUTE Monsieur [G] [U] de l'ensemble de ses demandes ;
DIT n'y avoir lieu application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de quiconque;
CONDAMNE enfin Monsieur [G] [U] aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,