AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 12/07621
[L]
C/
SOCIETE JONES AND SHIPMAN
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 01 Octobre 2012
RG : F 10/03833
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2013
APPELANTE :
[M] [S]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparante en personne, assistée de Me Béatrice BERTRAND, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SARL JONES AND SHIPMAN
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par M. [N] [E] (Gérant)
et
par Me Mathilde HOUET- WEIL de la SCP WEIL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Alexandra FRELAT, avocat au barreau de PARIS,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Juin 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nicole BURKEL, Président de chambre
Marie-Claude REVOL, Conseiller
Michèle JAILLET, Conseiller
Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 06 Septembre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Attendu que le conseil de prud'hommes de Lyon section commerce, par jugement contradictoire du 1er octobre 2012, a :
- dit et jugé que la SARL Jones & Shipman a exécuté de façon loyale le contrat de travail de madame [L]
- débouté madame [L] de sa demande au titre du harcèlement moral
- dit et jugé que le licenciement de madame [L] est dénué de faute grave mais est constitué d'une cause réelle et sérieuse
- débouté madame [L] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif
- dit et jugé qu'il n'y a pas lieu à revalorisation du statut de madame [L] et que celle-ci n'a pas effectué des heures supplémentaires
- débouté madame [L] de ses demandes à titre de rappel de salaire pour revalorisation sur 151,67 heures, pour heures supplémentaires effectuées de151, 67 heures à 169 heures, pour heures supplémentaires effectuées au-delà de 169 heures et de ses demandes à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents
- condamné la société Jones & Shipman à payer à madame [L] les sommes de:
* 6283,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 628,36 euros au titre des congés payés y afférents
* 1873,93 euros à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire outre 187,39 euros au titre des congés payés y afférents
* 3577,37 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
* 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454- 28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454- 14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 3141,78 euros
- débouté madame [L] du surplus de ses demandes
- débouté la société Jones & Shipman de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance ;
Attendu que la cour est régulièrement saisie par un appel formé par madame [L] par déclaration au greffe le 19 octobre 2012 ;
Attendu que madame [L] a été engagée par la société Jones & Shipman suivant contrat à durée indéterminée du 10 janvier 2005, en qualité d'employée de service commercial et administratif ;
Que son revenu mensuel brut s'est élevé à 3141,78 euros ;
Attendu que madame [L] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 6 juillet 2010, par lettre du 17 juin 2000 ;
Qu'elle a été mise à pied à titre conservatoire et licenciée par lettre recommandée du 20 juillet 2010 pour faute grave ;
Attendu que madame [L] a déclaré à l'audience être âgée de 53 ans à la date de rupture des relations contractuelles, avoir perçu des allocations chômage pendant 9 mois et avoir retrouvé un travail en qualité d'agent de maîtrise lui procurant un revenu inférieur ;
Attendu que la société Jones & Shipman, emploie moins de 11 salariés et n'est pas dotée d'institutions représentatives du personnel;
Que la convention collective applicable est celle de l'import export ;
Attendu que madame [L] demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 19 avril 2013, visées par le greffier le 14 juin 2013 et soutenues oralement, au visa des articles L1152- 1, 1152-2 et 1152-3 du code du travail, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel
- voir constater que son licenciement repose sur le fait qu'elle a dénoncé avoir été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique
- voir prononcer la nullité de son licenciement
- voir infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
- voir condamner la société Jones & Shipman à lui payer les sommes de :
* 3414,84 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied du 21 juin 2010 ou 20 juillet 2010
* 10244,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (trois mois de préavis selon coefficient C17)
* 3888,29 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (25 % par année d'ancienneté selon salaire de référence de 3414, 84 euros)
* 50000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nullité du licenciement
En tout état de cause, au visa des articles L1232-1, 1232-2, 1331-1 et 1332-4 du code du travail
- dire et juger qu'elle a fait l'objet d'un licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse
- voir condamner la société Jones & Shipman à lui payer les sommes de
* 3414,84 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied du 21 juin 2010 ou 20 juillet 2010
* 10244,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (trois mois de préavis selon coefficient C17)
* 3888,29 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (25 % par année d'ancienneté selon salaire de référence de 3414, 84 euros)
* 50000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement abusif
A tout le moins, dans l'hypothèse où la cour estimerait que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse au visa des articles L 1152- 1, 1152-4 et 1154-1 du code du travail
- dire et juger qu'elle a été victime de fait de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique direct monsieur [Z] [I]
- voir condamner la société Jones & Shipman à lui payer la somme de 30000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements
- l'accueillir en sa demande de revendication du coefficient C17 au regard des fonctions exercées par elle depuis juillet 2006
- voir condamner la société Jones & Shipman à lui payer les sommes de
* à titre de rappel de salaire pour 151,67 heures
depuis juillet 2006 : 4083,44 euros
sur l'année 2007 : 6849,16 euros
sur l'année 2008 : 4624,76 euros
sur l'année 2009 : 4863,96 euros
sur l'année 2010 3002,20 euros soit un total de 23423, 52 euros outre 2342,36 euros au titre des congés payés y afférents
* à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà de 151, 67 heures jusqu'à 169 heures soient 17,33 heures selon majoration à 25 %
année 2006 : 943,90 euros
année 2007 : 1519,91 euros
année 2008 : 659, 64 euros
année 2009 : 693,60 euros
année 2010 : 427,95 euros soit un total de 4245 euros outre 424,49 euros au titre des congés payés y afférents
* à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà de 169 heures soit cinq heures supplémentaires selon majoration 50 %
année 2006 sur 23 semaines : 2975, 40 euros
année 2007 sur 47 semaines : 5923,25 euros
année 2008 sur 47 semaines : 6301,98 euros
année 2009 sur 47 semaines : 6634,80 euros
année 2010 sur 26 semaines : 1684,35 euros soit un total de 23519,78 euros outre 2351, 98 euros au titre des congés payés afférents
- voir condamner la société Jones & Shipman à lui payer la somme de 10000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens;
Attendu que la société Jones & Shipman demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 17 mai 2013, visées par le greffier le 14 juin 2013 et soutenues oralement, de:
- confirmer partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 1er octobre 2012 et ainsi:
* constater que les faits fondant la lettre de licenciement sont établis par des éléments objectifs versés aux débats
* constater que Madame [L] ne démontre pas avoir été victime de harcèlement moral
* rejeter ses demandes à ce titre
* rejeter les demandes de madame [L] concernant la requalification au statut cadre et le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires prétendument effectuées
- infirmer partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau:
A titre principal:
- constater que l'ensemble des salariés témoins de l'altercation du 21 mai 2010 relatent les faits de manière concordante, décrivant un comportement hystérique de madame [L] s'emportant contre monsieur [I] à la suite d'un incident mineur
- constater que, suite au comportement inadapté et perturbateur de madame [L], des mises en garde lui avaient déjà été adressées par courrier de recadrage professionnel du 28 novembre 2008 et par courrier valant avertissement du 21 décembre 2009
- constater que le maintien de madame [L] au sein de l'entreprise était devenu impossible, même pendant la durée limitée du préavis
- dire et juger, en conséquence, que le comportement de madame [L] illustré par les nombreuses altercations ayant émaillé sa collaboration au sein de la société est constitutif d'une faute grave
A titre subsidiaire:
- constater la réalité de la mésentente entre madame [L] et l'ensemble des salariés de la société, dont monsieur [I], son supérieur hiérarchique
- constater que cette mésentente résulte du comportement d'opposition systématique
adopté par madame [L] ainsi que de son incapacité à travailler en équipe
- constater que cette mésentente est gravement préjudiciable au bon fonctionnement
de la société
- dire et juger, en conséquence, que le licenciement de madame [L] repose sur une cause réelle et sérieuse
- débouter madame [L] de ses demandes au titre de la prétendue absence de
cause réelle et sérieuse
En tout état de cause:
- constater que les fonctions occupées par madame [L] au sein de la société ne correspondaient pas à des fonctions de cadre, madame [L] ne disposant pas de l'autonomie et des qualifications attachées à ce statut
- débouter en conséquence, madame [L] de sa demande de revalorisation et des demandes de rappel de salaires y afférents
- constater qu'elle payait tous les mois depuis 2005 des heures supplémentaires jusqu'à 169 heures à madame [L]
- constater pour le reste que madame [L] ne rapporte aucun commencement de preuve des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées
- débouter en conséquence madame [L] des demandes qu'elle formule à ce titre
- constater que les propos de madame [L] concernant le prétendu harcèlement moral qu'elle aurait subi son parfaitement incohérent et ne reposent sur aucun élément matériellement vérifiable
- rejeter la demande de madame [L] tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement
- débouter madame [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner madame [L] à lui payer une somme d'un montant de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner madame [L] aux dépens;
Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que les parties ont soumis leur litige à une juridiction de l'ordre judiciaire française dont la langue de travail est le français ;
Que le principe du contradictoire exige la production de pièces en langue française ou de pièces en langue étrangère traduites en langue française pour une appréhension commune par les parties et le juge ;
Sur la demande de revalorisation du statut
Attendu que madame [L] soutient avoir été engagée en qualité d'employée de service commercial et administratif et avoir exercé à compter de 2006 les fonctions de comptable impliquant la mise en 'uvre d'une technicité impliquant une marge d'initiative et des responsabilités certaines, relevant de la qualification cadre coefficient C 17 ;
Qu'elle souligne que c'est le degré d'initiative et de responsabilité qui fait le cadre et que le niveau de la rémunération servie correspond au minimum conventionnel de la catégorie cadre et constitue un élément objectif sur la réalité des fonctions exercées par elle ;
Attendu que l'employeur est au débouté de la demande présentée, ne disposant ni de l'autonomie ni des qualifications attachées à ce statut, rappelle la teneur du courrier de recadrage professionnel le 28 novembre 2008, les multiples incidents ayant émaillé les relations contractuelles, madame [L] posant d'année en année les mêmes questions basiques sur la création d'un nouvel exercice, d'inventaire et attendant que lui soit « dicté » ce qu'elle doit faire ;
Attendu que selon les mentions figurant sur les bulletins de salaire émis par l'employeur, madame [L] a été rémunérée à compter de janvier 2006 en tant qu' « employée serv com et » (sic), qualification employé, sans indication ni du niveau ni de l'échelon ni du coefficient applicables, sur une base pour 151h67 de 2064, 14 euros de janvier à août 2006, de 2126,07 euros de septembre 2006 à août 2007, de 2440, 07euros de septembre 2007 à août 2008, de 2537,67 euros de septembre 2008 à juillet 2010 ;
Attendu que madame [L] demande son positionnement cadre coefficient C17 ; Que la convention collective applicable prévoit que « sont considérés comme cadres les collaborateurs qui exercent une fonction complète d'encadrement et d'animation ou une fonction requérant des connaissances et capacités adaptées. Ils remplissent leurs fonctions dans des conditions impliquant initiative, décision et responsabilité, pouvant engager l'entreprise dans la limite de leur délégation » et donne la définition suivante des niveaux :
NIVEAU
EXEMPLES D'EMPLOI
C 13
Cadre débutant, diplômé de l'enseignement supérieur, sans expérience professionnelle, dont la mise à niveau opérationnelle va nécessiter une phase d'intégration dans l'entreprise.
Cadre ne pouvant rester à ce coefficient plus de 1 an.
C 14
Dans le cadre des orientations générales déterminées dans l'entreprise, les fonctions de cadre à cette position comportent la coordination d'activités différentes et complémentaires.
Ce coefficient est celui du :
1° Cadre issu du coefficient 300 ou cadre nouvellement engagé ayant déjà acquis une première expérience professionnelle dans une ou plusieurs autres entreprises.
2° Cadre issu par promotion interne des agents de maîtrise connaissant déjà bien l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise.
Chef de section.
Cadre commercial, technique ou administratif.
Secrétaire de direction générale.
C 15
Cadre totalisant 3 années de pratique au minimum, gérant sous contrôle soit une activité bien identifiée relevant d'une spécialisation professionnelle précise, soit un ensemble d'activités dont il assure la coordination et la liaison avec les autres fonctions.
Analyste.
Responsable de service des fonctions supports.
Chef comptable.
Chef de produits.
Chef de mission.
Cadre commercial.
C 16
L'activité s'exerce dans le cadre d'objectifs définis et requiert des qualités d'analyse et d'interprétation ainsi que la capacité d'animer, éventuellement, une équipe ou un service.
Chef d'exploitation informatique.
Responsable de service.
Chef comptable.
Attaché de direction.
C 17
Outre les capacités décrites au coefficient 400, les fonctions à ce coefficient sont assurées à partir de directives reçues et définissant les règles de gestion, précisant les objectifs et donnant les moyens pour les atteindre.
Chef de groupe.
Chef comptable.
Attendu que le tableau de concordance avec la nouvelle classification étendue par arrêté du 14 octobre 2009, fournit les éléments suivants pour les catégories d'employé
Employé de comptabilité
145
Personnel des fonctions supports débutant
E 3
Employé de service administratif ou commercial ou de secrétariat débutant
145
Personnel des fonctions supports débutant
E 3
Aide-comptable débutant
165
Personnel des fonctions supports qualifié
E 5
Employé de service administratif ou commercial ou de secrétariat qualifié
165
Personnel des fonctions supports qualifié
E 5
Aide-comptable qualifié
180
Personnel des fonctions supports confirmé
E 6
Aide-acheteur ou aide-vendeur débutant
180
Assistant acheteur ou assistant vendeur
E 6
Technicien
180
Technicien
E 6
Comptable débutant
200
Comptable
E 7
Employé de service administratif ou commercial ou de secrétariat qualifié
200
Personnel des fonctions supports confirmé
E 7
Comptable qualifié
215
Agent de maîtrise
Attendu que madame [L], à qui incombe la charge de la preuve des éléments justifiant son repositionnement en tant que cadre C17 depuis 2006, verse aux débats
un courriel adressé à elle-même le 11 décembre 2008 à 13h07où elle liste les tâches accomplies par elle durant une journée de travail, parmi lesquelles l'accueil téléphonique, le traitement du courrier, le suivi des factures achats et ventes avec préparation des règlements assurés par le « service comptable à Leicester », le renseignement de tableaux, la traduction de documents, la gestion du dossier machine et de certains éléments du SAV ;
Qu'elle produit également un courriel rédigé en langue anglaise non traduit daté du 16 avril 2010 adressé par [H] [X], dont elle indique que l'objet est la nouvelle organisation de travail, la demande de repositionnement présentée par son conseil à son employeur par lettre du 20 janvier 2010;
Qu'elle est défaillante dans l'administration de la preuve lui incombant et ne démontre aucunement de manière objective être « devenue la comptable » de la société, impliquant de sa part la prise d'initiatives et l'exercice de responsabilité ;
Que ni le fait que son employeur lui ait consenti une rémunération correspondant au salaire minimum conventionnel de la catégorie cadre ni que dans son nouvel emploi elle soit classée agent de maîtrise ne peut suffire à caractériser l'effectivité de l'exercice de fonctions de cadre ;
Attendu que parallèlement, l'employeur établit que madame [L] a bénéficié d'une formation, assurée par madame [K], sur le support de gestion « Business » sur lequel elle doit travailler, lui permettant de réaliser les opérations courantes de gestion des factures, de suivi de la facturation ;
Que cette attestation, certes irrégulière en application de l'article 202 du code de procédure civile en ce qu'elle est dactylographiée et ne comporte pas de pièce d'identité de son auteur, présente des garanties suffisantes pour être retenue par la cour s'agissant d'une collègue de travail de madame [L], connue d'elle et dont elle ne conteste pas la signature figurant sur l'attestation ;
Que l'employeur justifie également que madame [L] a fait l'objet d'une « lettre de recadrage professionnel » le 28 novembre 2008, lui rappelant les missions d'employé de service commercial et administratif qui sont les siennes et la nécessité de « suivre les instructions destinées à (la) guider dans l'exécution de (ses) fonctions » et d'un avertissement le 21 décembre 2009, dont l'annulation n'est nullement poursuivie, pour s'être « obstinée à ne pas suivre les instructions, à ne pas communiquer les informations communiquées et à ne pas coopérer avec l'équipe », éléments démontrant l'absence d'exercice par madame [L] de fonctions de cadre ;
Que les fonctions occupées par madame [L] correspondent à celles d'employée de service administratif ou commercial ou de secrétariat qualifié ;
Attendu que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
Sur la demande de rappel de salaires
Attendu que madame [L], qui reconnaît avoir toujours perçu une rémunération d'un montant supérieur au minimum conventionnel auquel elle pouvait prétendre, doit être déboutée de sa demande de rappel de salaires correspondant à un repositionnement C17, de 2006 à 2010, à hauteur de la somme de 23423,52 euros outre les congés payés y afférents ;
Que le jugement doit être également confirmé de ce chef ;
Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Attendu que madame [L] réclame un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires accomplies jusqu'à 169 heures, sur la base du coefficient C 17 et des heures supplémentaires accomplies au-delà de 169 heures à hauteur de 5 heures supplémentaires par semaine ;
Que l'employeur est au rejet de ces demandes ;
Attendu que d'une part, le positionnement de madame [L] à la classification C17 ayant été rejeté et celle 'ci ayant été rémunérée régulièrement au regard des bulletins de salaire versés aux débats à hauteur de 151h67 et de 17h33 au titre des heures supplémentaires réglées à 125%, la demande de cette dernière de condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 4245 euros outre les congés payés doit être rejetée ;
Attendu que d'autre part, en application de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Qu'il en résulte que le salarié doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments et que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ;
Attendu que madame [L] produit aux débats une attestation de « son compagnon », monsieur [B] [Q], qui souligne « l'état d'épuisement moral » de celle-ci soumise à un horaire « au-delà de 39 heures par semaine », de son père, qui précise avoir élevé sa fille selon des valeurs d'honneur et de devoir et être triste de la voir ainsi maltraitée dans son travail, un courriel adressé par elle à monsieur [I] le 12 janvier 2006 demandant à ce dernier de valider son décompte d'heures supplémentaires , sans qu'aucune pièce ne soit jointe, un document identifié comme télécopie du 24 septembre 2007 qui aurait été adressée par elle à madame [Y], sans justification d'envoi, dans lequel elle indique avoir dû travailler le week-end, un listing comptabilisant depuis le 3 janvier 2005 jusqu'au 14 juin 2010, 5 heures supplémentaires non payées par semaine, un listing d'horaires effectués le vendredi soir de 17h30 à 18h30 depuis le 7 janvier 2005 au 18 décembre 2009 et de week-end travaillés ni payés ni récupérés les 10 et 11 octobre 2009 et les 22 et 23 septembre 2007 ;
Attendu que parallèlement, l'employeur soutient avoir voulu toujours faire respecter ses horaires à la salariée laquelle , comme le 3 février 2010 a choisi de finir le tableau le soir même au lieu de poursuivre son travail le lendemain, a écourté régulièrement ses journées de travail pour des raisons personnelles, a passé une partie importante de son temps de travail à des « discussions oisives » avec des collègues de travail et dénonce la carence de madame [L] qui ne produit aucun élément permettant de déterminer objectivement les horaires de travail ;
Qu'il produit différents courriels corroborant ses affirmations ;
Attendu que madame [L] a été rémunérée chaque mois sur une base de 169 heures et rémunérées au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà de 151h67 ;
Que si elle soutient avoir travaillé au-delà de 169 heures par mois, elle ne fournit toutefois pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de pouvoir répondre utilement ;
Que même à admettre que les éléments versés aux débats et précédemment analysés sont suffisamment précis, la cour a la conviction, en confrontant les pièces versées aux débats par les parties, que madame [L] n'a pas effectué d'heures supplémentaires au-delà de 169 heures qui n'auraient été ni rémunérées ni récupérées ;
Attendu que la demande de madame [L] de condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 23519,78 euros outre les congés payés doit être rejetée ;
Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté madame [L] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires ;
Sur la demande au titre du harcèlement moral
Attendu que madame [L] soutient avoir été victime de 2006 à 2010 de faits de harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique direct, dont elle a régulièrement informé son employeur ;
Qu'elle évoque des « agissements répétés de la part de monsieur [I] et de ses collègues » ayant dégradé ses conditions de travail, l'absence d'exécution loyale du contrat de travail, devant « redoubler de vigilance dans l'exercice de ses missions sans cesse poussée à la faute par monsieur [I] », n'ayant pas bénéficié d'une formation adaptée aux fonctions occupées par elle, ayant dû faire face à de la rétention d'informations de la part de monsieur [I], ayant été sanctionnée à tort par un avertissement, n'étant jamais informée de l'emploi du temps de monsieur [I] et de l'organisation de son planning, étant exclue du groupe, photographiée le 9 décembre 2005 à son insu, écartée le 10 avril 2007 d'une réunion de travail, en septembre 2007 d'un repas par monsieur [I] mais invitée par madame [Y] et faisant l'objet de dénigrement régulier, n'étant pas saluée comme les autres salariés par monsieur [I] qui ne la regardait pas;
Qu'elle indique qu'à son retour de congé maladie le 18 janvier 2010 son bureau a été déplacé, elle-même tournant le dos à ses collègues, s'être vue déchargée temporairement de ses missions et responsabilités, avoir été victime le 21 mai 2010 d'une agression verbale de monsieur [I] et accusée à tort d'en être l'auteur et d'avoir été menacée ;
Qu'elle insiste sur « l'usure » qui a été la sienne, nécessitant une prise en charge thérapeutique multidisciplinaire depuis 2007 et rappelle avoir été en arrêt de travail du 4 au 17 janvier 2010 et la peur dans laquelle elle a vécu ;
Qu'elle précise avoir déposé plainte pour harcèlement moral le 24 juin 2010 ;
Qu'elle affirme avoir été victime depuis son licenciement de harcèlement téléphonique de monsieur [A] ;
Attendu que l'employeur conteste tout fait de harcèlement moral et dénonce les nombreuses incohérences de la salariée;
Attendu qu'en application de l'article L1152-1 du code du travail, dans ses rédactions successives, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Qu'en application de l'article L1154-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Attendu que si madame [L] justifie avoir déposé le 24 juin 2010 une plainte pour harcèlement moral contre monsieur [I] exclusivement, excluant de façon exprès tous les autres collègues de travail, elle ne fournit aucune indication sur la suite pénale réservée à sa plainte ;
Attendu que madame [L], au soutien de ses affirmations, déduit de la lettre du 5 février 2010 adressée par son employeur à son conseil la reconnaissance de l'absence de formation réelle suivie par elle dans la maîtrise du logiciel Business ;
Que sauf à en dénaturer les termes, un tel sens ne peut être prêté à ce document dans lequel l'employeur conteste la demande de positionnement C17 et rappelle que madame [L] a été formée par madame [K] qui est restée à son écoute et a bénéficié du contrat d'assistance souscrit par la société ;
Attendu que madame [L] verse aux débats les échanges de courriels entre elle et monsieur [I] concernant la machine Ultramat Easy, desquels il résulte que madame [L] a été rendue destinataire des informations nécessaires à sa mission régulièrement par monsieur [I] en des termes courtois et clairs ;
Que monsieur [J] le confirme dans une attestation remise le 17 décembre 2009 à son employeur ;
Que l'avertissement prononcé, dont l'annulation n'est pas demandée, apparaît justifié ;
Attendu que si madame [L] se plaint de n'avoir jamais été informée de l'emploi du temps et de l'organisation du planning de monsieur [I], elle ne produit aucun élément susceptible de corroborer cette affirmation ;
Que le descriptif des fonctions figurant au contrat de travail liant les parties, outre que la liste n'est pas exhaustive, ne fait référence qu'à l'organisation des plannings SAV des techniciens, des plannings de visite de monsieur [I], mission moins étendue que celle revendiquée par madame [L] ;
Attendu qu'aucun élément ne vient corroborer la rétention ou dissimulation d'informations, ayant empêché madame [L] de réaliser sa mission ou l'incitation de monsieur [I] à la faute de cette dernière ou la mise à l'écart de celle-ci à des réunions de travail la concernant, à des repas ou une exécution déloyale du contrat de travail ;
Que si madame [L] affirme que madame [Y] l'aurait invitée à participer en septembre 2007 à un déjeuner, contre la volonté de monsieur [I], aucun élément ne vient corroborer les affirmations de l'appelante ;
Attendu que si madame [L] évoque la mise à l'écart géographique dont elle aurait fait preuve à son retour de congés maladie ou son changement de fonctions le 18 janvier 2010, elle se limite à produire un courriel adressé par elle à monsieur [I] le 28 janvier 2010 en langue anglaise, non traduit non étayé par le moindre élément objectif ;
Que si elle affirme que monsieur [I] la salue à deux doigts au lieu de lui tendre la main ou ne la regarde pas quand il s'adresse à elle ou l'aurait menacée, ses affirmations ne sont corroborées par aucun élément ;
Attendu que madame [L] justifie avoir effectué une déclaration de main courante au commissariat de police de Lyon le 16 décembre 2005 contre [T] [O] pour avoir été photographiée à son insu sur son lieu de travail sans autorisation dans laquelle elle indique que ce dernier a détruit les photographies ;
Que l'employeur produit un courrier de monsieur [J] du 4 février 2010, adressé à son employeur, dans lequel il dénonce l'inquiétude qui est la sienne « sur l'humeur journalière de madame [M] [L] depuis plusieurs années et qui s'aggrave de plus en plus » et se rappelle d'un épisode photographie où madame [L] a demandé à être photographiée afin de l'insérer en arrière plan sur son écran d'ordinateur et a téléphoné le soir même à madame [T] pour l'en informer ;
Attendu que madame [L] établit avoir reçu de monsieur [A], supérieur hiérarchique, depuis son licenciement différents appels téléphoniques ;
Que la transcription faite par huissier de justice démontre leur caractère amical;
Que l'employeur verse aux débats des courriels échangés personnellement entre ces deux personnes antérieurement au licenciement et notamment la communication par madame [L] de son numéro personnel (courriel du 29 juillet 2009);
Que monsieur [A], après avoir été informé par son employeur des déclarations de madame [L], s'est dit, par lettre du 12 mars 2012, « choqué que leurs échanges aient pu être présentés comme un harcèlement puisque madame [L] avait sollicité que nous restions en contact » ;
Attendu que si madame [L] se présente victime d'une agression verbale le 21 mai 2010 de la part de monsieur [I], elle ne verse aucun élément objectif corroborant ses dires, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi même ;
Que par contre, l'employeur verse de nombreux témoignages de collègues de travail, présents ce jour là, décrivant la violence verbale de madame [L] à l'égard de monsieur [I], lequel est resté calme ;
Attendu que madame [L] établit avoir été en arrêt de travail le 27 octobre 2008 pour « névralgie intercostale », du 4 au 17 janvier 2010 pour « dépression réactionnelle, stress professionnel » et verse aux débats un certificat médical de son médecin traitant qui atteste qu'elle « est victime de souffrance au travail qu'elle attribue à un harcèlement par son supérieur direct et à la non reconnaissance de son travail » justifiant une prise en charge multidisciplinaire (soins médicaux, kinésithérapie et sophrologie) et d'une attestation de la sophrologue la suivant (50 séances) qui indique que « madame [L] présente des symptômes de stress important qu'elle attribue à de fortes pressions exercées par son supérieur hiérarchique » ;
Qu'elle produit également un certificat du médecin du travail du 29 mars 2011 confirmant l'avoir reçue les 24 janvier 2008 et 25 mai 2010, reproduisant les seules plaintes de la salariée et des attestations de son compagnon, de son père et de sa s'ur, soulignant la modification de son caractère ;
Attendu que d'une part, madame [L] ne rapporte pas l'existence de certains faits invoqués permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ;
Attendu que d'autre part, concernant la prise de photographie à son insu, le harcèlement téléphonique de monsieur [A], dont la matérialité est établie, l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs de faits de harcèlement moral;
Attendu qu'enfin, le fait que des membres du corps médical ou des proches, aucunement témoins des faits évoqués mais ayant reçu des confidences de la part de madame [L], aient pu attester de la souffrance de cette dernière ne peut suffire à donner corps aux affirmations de harcèlement moral dont madame [L] se présente victime ;
Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté madame [L] de sa demande de harcèlement moral ;
Sur la rupture des relations contractuelles
Attendu que madame [L] a été licenciée pour faute grave par lettre du 20 juillet 2010 rédigée en ces termes :
« Le 21 mai 2010, vous avez créé un incident inacceptable. Alors que monsieur [I], directeur général de la société, venait de vous adresser un courriel récapitulant le nombre de carnets de tickets restaurant pris par chacun, vous êtes entrée dans une colère hystérique au motif que vous n'étiez pas d'accord avec son décompte vous concernant. Au lieu d'échanger calmement sur ce sujet d'importance secondaire, vous avez perdu toute mesure, tapant frénétiquement du poing sur votre bureau. Alors que monsieur [I] tentait de vous ramener à la raison et d'instaurer un dialogue, vous vous êtes mise à crier de plus en plus fort. Vous vous êtes ensuite levée, collant les mains sur vos oreilles et hurlant que vous ne l'écoutiez pas que vous faisiez ce que vous vouliez' Cet incident s'inscrit dans le prolongement d'une longue liste d'incidents de même nature volontairement causés par vos soins, dans un but difficilement compréhensible.
A titre d'illustration, le 15 avril dernier alors que vous aviez égaré un chèque adressé par le client SMCP Sarl, vous vous êtes emportée et avez sous entendu que monsieur [I] aurait pu dérober ledit chèque, sans que l'absurdité d'une telle hypothèse ne vous arrête. Au lieu de rechercher ledit chèque, vous avez cru d'appeler aussitôt en Grande Bretagne monsieur [D] [G], directeur financier de la division Jones & Shipman, afin de lui faire part de cette perte, alors que monsieur [I] était présent et qu'il convenait d'en référer à ce dernier plutôt que d'opportuner monsieur [G]. Ce dernier n'est en effet pas sensé intervenir dès qu'un document est égaré dans l'une des filiales. Vous avez ensuite retrouvé le chèque dans votre bureau et vous vous êtes excusée auprès de monsieur [G], manifestement consciente des perturbations et de la perte de temps que vous causez.
Le 29 janvier 2010, vous vous êtes mise à hurler avec votre voisin de bureau'monsieur [J] pensait que vous aviez adressé une facture pro forma au client Newen pour une électrovanne tandis que vous aviez cru de votre côté qu'il s'en chargeait. Cela a pourtant suffi pour que vous vous leviez de votre bureau, puis arpentiez la pièce comme une furie, les mains sur les oreilles comme vous le faites souvent.
Le 3 février 2010'alors que nous avions passé une bonne partie de la journée à reconfigurer un ordinateur alors que le votre, infecté d'un virus, avait contaminé tout notre système vous avez refusé de compléter un tableau pourtant urgemment demandé par notre gérant'Vous avez prétexté que l'ordinateur nouvellement configuré n'était pas relié à votre imprimante habituelle mais à celle du SAV'Lorsque monsieur [I] a souligné qu'il n'était pas nécessaire que votre ordinateur soit relié à une imprimante précise', vous n'avez pas répondu, restant les bras croisés en regardant par la fenêtre et feignant de ne pas l'entendre. Boudant comme un enfant, vous avez ainsi refusé d'exécuter la tâche demandée et empêché toute communication.
Il s'ajoute que vous avez décidé de chantonner pendant une bonne partie de la journée au bureau et de commenter à voix haute ce que vous êtes en train de faire, ce qui trouble la concentration de vos collègues. Lorsque ceux-ci osent s'en plaindre, vous créez une scène, entrant dans une colère noire. Vous persistez dans cette manie malgré un rappel à l'ordre en mars 2007, instaurant ainsi volontairement un climat de guerre des nerfs sur le lieu de travail.
En définitive, vous êtes parvenue à force d'agressivité et de crises d'hystérie répétées, à vous rendre insupportable auprès de l'ensemble de vos collègues. Ceux-ci ont alerté la maison mère sur la gravité de la situation qui n'a fait que dégénérer jusqu'à votre crise du 21 mai 2010, point d'orgue de vos nombreux débordements. La situation est telle que vos collègues redoutent de se retrouver seul avec vous au bureau, ne sachant ce qui va vous passer par la tête, sans témoin pour rétablir la vérité des faits. Vous êtes unanimement décrite par vos collègues comme odieuse et associable et vos collègues nous ont expressément demandé de prendre les mesures nécessaires à la restauration d'un climat de travail serein dans notre petite structure, à défaut de quoi ils partiraient.
Quant à l'accomplissement de vos fonctions, vous n'en faites qu'à votre tête et ne tenez aucun compte des instructions qui vous sont données. Un premier avertissement vous a été adressé par courrier RAR du 28 novembre 2008' vous n'avez pas contesté cet avertissement.
Un second avertissement vous a été adressé par courrier RAR du 21 décembre 2009 suite à différentes erreurs de votre part'
Les relations ont toujours été difficiles et compliquées avec vous, et nous avons fait preuve d'énormément de patience. Depuis votre arrivée, vous nourrissez ouvertement une rancune personnelle envers monsieur [I], alors que celui-ci est apprécié par l'ensemble de l'équipe. De ce fait, vous croyez opportun d'adresser des courriers à tout va aux dirigeants du groupe, sur des sujets qui relèvent de la responsabilité de monsieur [I], sans même avoir la correction de mettre ce dernier en copie. Ainsi, à titre d'illustration vous avez adressé à la société mère en Grande Bretagne : en novembre 2005, un courrier recommandé suite à un document perdu sur votre ordinateur, en janvier 2006, un autre recommandé suite à un changement de date de livraison ( suite à quoi vous avez écrit « si nécessaire vous pouvez me licencier immédiatement ' je suis désolée et affreusement triste) ; puis un email indiquant « j'ai très peur de monsieur [I] j'ai gardé mon manteau sur moi et si quelque chose ne va pas je quitte immédiatement le bureau » et en mars 2007, un email d'information sur l'état de santé de votre s'ur.
Malgré de nombreux rappels à l'ordre, vous avez multiplié ce type de communication directe avec la maison mère pour des questions devant être réglées au niveau de la filiale française » ;
Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise;
Attendu que le licenciement ayant été prononcé pour faute grave présente un caractère disciplinaire ;
Qu'il incombe à l'employeur d'établir la preuve de la réalité des motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixent les limites du litige et il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement ;
Attendu que préliminairement, contrairement à ce que soutient la salariée, la procédure de licenciement a été initiée antérieurement au dépôt de plainte par elle pour harcèlement moral du 24 juin 2010 contre monsieur [I];
Attendu que d'une part, en application des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuite disciplinaire au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;
Que l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement, ainsi reproduits dans la période ;
Que le fait ayant déclenché la procédure de licenciement est en date du 21 mai 2010 rendant possible l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement commis durant l'année 2010, soit après le prononcé des avertissements les 28 novembre 2008 et 21 décembre 2009 ;
Attendu que madame [L] doit être déboutée de sa demande tendant à voir déclarer les faits prescrits ;
Attendu que d'autre part, l'employeur verse aux débats :
- le courrier de monsieur [J] adressé le 4 février 2010 à son employeur l'alertant sur les problèmes de comportement posés par madame [L], décrivant l'incident survenu le 29 janvier 2010, suite à une incompréhension concernant l'émission d'une facture pro forma : « j'ai eu droit aux hurlements alors qu'il n'y avait rien de grave'Je ne lui reprochais rien, calmement j'ai voulu lui expliquer et là encore elle est partie en furie avec les mains sur les oreilles », les difficultés de communication rencontrées, les provocations aux fins de créer une altercation, les craintes de se retrouver seul avec elle, « capable de tous gestes et faits imprévus », rappelant le refus opposé par madame [L] de réaliser un travail demandé en l'absence de possibilité d'utiliser son imprimante personnelle
- deux attestations de monsieur [J] décrivant l'incident survenu le 21 mai 2010 avec monsieur [I] confronté à une « colère et rage » de madame [L], refusant toute discussion, ricanant et se bouchant les oreilles et soulignant la difficulté à pouvoir travailler avec madame [L], laquelle « fait ce qu'elle a décidé et ainsi les consignes données par les techniciens ne sont jamais respectées (articles, mode de facturation, courrier') »
- une attestation de monsieur [P] confirmant l'incident survenu le 21 mai 2010 au cours duquel madame [L] est rentrée dans une « colère quasi hystérique », refusant toute discussion, de quitter le bureau de monsieur [I], tapant frénétiquement sur le bureau de ce dernier , soulignant la difficulté à travailler aux côtés de madame [L] dont les réponses « les plus fréquentes sont : ce n'est pas moi, je ne sais pas, je suis débordée, je le ferai tout à l'heure, je n'ai pas eu de formation » et la « peur de se retrouver seul au bureau avec elle »
- le courriel adressé par monsieur [I] le 15 avril 2010 à madame [L], rédigé en termes fermes mais corrects, suite à la perte d'un chèque signalé à la maison mère, l'invitant « à réfléchir, chercher, ranger correctement (ses) affaires, les classer », respecter ses directives et cesser « de (s')emporter et d'avoir toujours raison » et le courriel adressé le 15 avril 2010 par madame [L] à [V] pour lui annoncer : « le chèque est de retour dans mon tiroir Je l'ai trouvé sur mon bureau dans son enveloppe blanche. Il était classé avec d'autres dossiers que j'ai l'habitude de placer sous clé dans mon tiroir. Tout est rentré dans l'ordre maintenant. Désolé pour le désagrément causé »
- les courriels adressés par madame [L] concernant les problèmes de santé de sa s'ur le 12 mars 2007 et la réponse très humaine de son employeur
- le courriel adressé par monsieur [I] le 1er juin 2010 à madame [L], concernant une commande de fournitures de bureau : « Vous me mettez vu avec [W] [J], mais ce dernier n'est pas lui votre responsable pour ce genre de demande et je ne pense pas qu'il vous ait donné l'autorisation de le faire. Je vous demande donc pour l'avenir, d'attendre mon accord. De même lorsque vous lui annoncez que vous allez chez le médecin ou autre chose vous concernant. [W] [J] n'a pas une fonction de délégué du personnel chez Jones &Shipman Sarl. Vous avez mon accord pour votre commande chez Bruneau ainsi que les cartouches d'imprimantes ; Par avance merci. Cordialement » ;
Attendu que les pièces versées aux débats établissent la réalité des manquements fautifs visés dans la lettre de licenciement et notamment les problèmes de comportement récurrents posés par madame [L] et la transgression des instructions reçues, rendant impossible tout travail d'équipe et ce malgré les rappels à l'ordre et les invites à améliorer son comportement ;
Attendu que les faits sont d'une particulière gravité et les antécédents disciplinaires de madame [L] rendent la sanction du licenciement proportionnée aux fautes commises ;
Attendu que le licenciement prononcé repose sur une faute grave ;
Que le jugement doit être infirmé de ce chef ;
Sur les conséquences financières de la rupture des relations contractuelles
Attendu que madame [L] doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes en paiement au titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents, de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour rupture abusive en application de l'article L1235-5 du code du travail ;
Attendu que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives au licenciement et à ses conséquences financières, à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Attendu que les dépens d'appel doivent être laissés à la seule charge de madame [L] qui succombe en toutes ses demandes et doit être déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile;
Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'allocation d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société intimée;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire
Reçoit l'appel
Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives au licenciement et à ses conséquences financières, à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens
L'infirme de ces seuls chefs
Statuant à nouveau :
Dit que le licenciement dont madame [L] a fait l'objet repose sur une faute grave
Déboute madame [L] de sa demande de nullité de licenciement
Déboute madame [L] de ses demandes en paiement au titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents, de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour rupture abusive en application de l'article L1235-5 du code du travail
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne madame [L] aux dépens d'instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Christine SENTIS Nicole BURKEL