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05/07/2013 | FRANCE | N°12/08456

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 05 juillet 2013, 12/08456


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 12/08456





MUTUALITE FRANCAISE LOIRE



C/

[J]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 14 Novembre 2012

RG : F 11/00596











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 05 JUILLET 2013













APPELANTE :



MUTUALITE FRANCAISE DE LA LOIRE

[A

dresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par la SELARL DELDON-LARMANDE & ASSOCIES (Me Gérard DELDON), avocats au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉ :



[V] [J]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]



représenté par la SE...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 12/08456

MUTUALITE FRANCAISE LOIRE

C/

[J]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 14 Novembre 2012

RG : F 11/00596

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 05 JUILLET 2013

APPELANTE :

MUTUALITE FRANCAISE DE LA LOIRE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par la SELARL DELDON-LARMANDE & ASSOCIES (Me Gérard DELDON), avocats au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉ :

[V] [J]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par la SELARL DEPOUILLY ET ASSOCIES (Me Michel DEPOUILLY), avocats au barreau de VALENCE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 17 Janvier 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 31 Mai 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Michèle JAILLET, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Juillet 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 septembre 2007, [V] [J] a été embauché par la Mutualité Française de la LOIRE en qualité de directeur de clinique ; le 15 juillet 2011, après avoir été mis à pied, il a été licencié pour faute grave, l'employeur lui reprochant un harcèlement moral sur ses subordonnés.

[V] [J] a contesté son licenciement devant le conseil des prud'hommes de SAINT-ETIENNE ; il a réclamé le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 14 novembre 2012, le conseil des prud'hommes a :

- décidé que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamné la Mutualité Française de la LOIRE à verser à [V] [J] la somme de 48.109,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 4.810,92 euros de congés payés afférents, la somme de 25.658,24 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 48.100 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles.

La Mutualité Française de la LOIRE a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 22 novembre 2012.

Par conclusions visées au greffe le 31 mai 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la Mutualité Française de la LOIRE :

- soutient que le salarié faisait subir à ses subordonnés un harcèlement moral, qu'il s'est installé dans un tel comportement malgré une mise en garde et que cette faute grave légitime le licenciement,

- trouve la preuve de la faute dans les doléances des salariés,

- demande le rejet des prétentions du salarié,

- sollicite la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 31 mai 2013 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [V] [J] qui interjette appel incident :

- conteste le grief avancé par l'employeur et souligne qu'il n'a fait l'objet d'aucune remarque, qu'il a perçu une prime exceptionnelle en janvier 2011 et que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'a jamais été saisi,

- soulève la prescription de certains faits,

- ajoute que l'employeur n'a pas informé les délégués du personnel du licenciement comme l'exige la convention collective,

- prétend que le licenciement est privé de cause et réclame la somme de 48.109,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 4.810,92 euros de congés payés afférents, la somme de 25.658,24 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et la somme de 96.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- sollicite la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

Le licenciement a été prononcé pour motif disciplinaire ; la convention collective des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif dite FEHAP 51 applicable à la cause se limite à subordonner la validité du licenciement disciplinaire, hors faute grave, au prononcé préalable de deux sanctions.

L'employeur qui se prévaut d'une faute grave du salarié doit prouver l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement et doit démontrer que ces faits constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; dans la mesure où l'employeur a procédé à un licenciement pour faute disciplinaire, il appartient au juge d'apprécier, d'une part, si la faute est caractérisée, et, d'autre part, si elle est suffisante pour motiver un licenciement.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige se fonde sur un seul grief, le harcèlement moral exercé à l'encontre de certains salariés placés sous son autorité.

Au soutien du licenciement, l'employeur invoque :

* la situation du docteur [E] qui a rompu son contrat de travail en avril 2010 et s'est plainte de harcèlement moral devant le comité d'entreprise le 1er avril 2010,

* la situation de madame [O], directrice des soins, qui a rompu son contrat de travail le 4 octobre 2010 et a écrit le 10 novembre 2010 à la direction des ressources humaines une lettre dans laquelle elle se déclare victime de maltraitance,

* la situation de monsieur [S], nouveau directeur des soins, qui a alerté l'employeur le 29 juin 2011 sur les agissements du directeur.

L'employeur a initié la procédure de licenciement par l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable datée du 1er juillet 2011.

L'article L. 1332-4 du code du travail édicte une prescription de deux mois des faits fautifs à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance mais ne s'oppose pas à la prise en considération d'une fait antérieur à deux mois si le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

Les doléances de monsieur [S] précédent immédiatement l'engagement de la procédure de licenciement.

Dans ces conditions, la prescription n'est pas acquise.

L'employeur verse :

* un courrier électronique de la directrice des ressources humaines du 29 mai 2009 dans lequel elle écrit que [V] [J] se comporte de manière odieuse avec la directrice des soins, [X] [O], qu'il a répondu à la demande de conseil de [X] [O] 'il y en a une qui me fait chier au siège vous n'allez pas me faire chier aussi', qu'il lui a interdit de transmettre un tableau, qu'il a crié après elle, qu'il maintient une pression difficilement supportable du fait d'un état d'énervement constant,

* sa lettre d'observation adressée le 17 juin 2009 à [V] [J] en raison de son comportement qui générait des tensions internes grandissantes et qui révélait une difficulté réelle et majeure de management, la lettre reprenant les difficultés rencontrées par madame [O],

* une lettre de la directrice des ressources humaines du 21 janvier 2010 qui a rompu son contrat de travail et qui relate ses difficultés relationnelles avec [V] [J],

* l'attestation de la directrice des ressources humaines qui affirme qu'elle a rapidement compris que [V] [J] fonctionnait sur le mode du harcèlement envers ses collaborateurs, qu'elle a dénoncé ce mode de management pervers, qu'elle a subi une franche hostilité de la part de [V] [J] et que son départ de la mutualité n'a pas été étranger aux critiques répétées formulées par [V] [J] à son encontre,

* le procès-verbal de la réunion exceptionnelle du comité d'entreprise du 1er avril 2010 qui retranscrit l'audition du docteur [E] laquelle déplore une dégradation de l'ambiance de travail jusqu'à devenir invivable sans accuser nommément quiconque,

* le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel du 10 juin 2010 lesquels se sont insurgés contre les propos du directeur envers une secrétaire médicale ainsi retranscrits : 'les dossiers sont de la bouse' 'se mettre les dossiers sous son derrière et que lorsqu'elle toucherait le plafond elle saurait peut-être quoi en faire',

* la lettre de [X] [O] du 10 novembre 2010 qui explique son départ décidé le 4 octobre 2010 par la maltraitance que lui a fait subir [V] [J], agressivité, dégradation, propos humiliants, abus d'autorité, même postérieurement à la lettre d'observation du juin 2009,

* une attestation de [U] [C], directeur des ressources humaines adjoint qui prétend que [V] [J] ne l'appréciait pas, le critiquait, ne lui adressait pas la parole, lui envoyait des courriers électroniques rédigés en des termes agressifs, menaçants, vexants : 'attention à ne pas lasser les bonnes volontés', 'j'assumerai une nouvelle fois l'amateurisme avec lequel sont gérés les dossiers',

* la lettre de [N] [S] du 29 juin 2011 qui se plaint de l'attitude de [V] [J] pour qui 'exercer une pression maximale sur ses collaborateurs est la meilleure manière d'obtenir des résultats' et qui explique qu'alors qu'il se trouvait en période d'essai et était en position de congé, [V] [J] lui a téléphoné pour lui annoncer le renouvellement de sa période d'essai, qu'à son retour de congé, [V] [J] lui a confié des dossiers importants à mener à bien dans les plus brefs délais et lui a dit à plusieurs reprises qu'il n'hésitait pas à se séparer de ses collaborateurs comme il l'avait fait avec la précédente directrice des soins.

Le salarié verse :

* une attestation de [G] [Q], élu délégué du personnel au collège cadre en mai 2010, qui témoigne qu'aucun salarié n'est venu le rencontrer pour se plaindre de harcèlement ou de pression dans le cadre du management de [V] [J] et que lui-même travaillait en collaboration avec [V] [J], se montre élogieux et ne comprend pas les griefs qui lui sont reprochés.

* l'invitation faite le 13 janvier 2010 de la directrice des ressources humaines au repas qu'elle a organisé à l'occasion de son départ.

Les pièces produites par l'employeur et qui ne sont pas utilement contredites par la seule attestation communiquée par le salarié démontrent que les méthodes de gouvernance de ses subordonnés par [V] [J] constituaient des agissements répétés de harcèlement moral qui avaient pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droit ou à la dignité des salariés ou d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.

Un tel comportement est fautif.

Au regard de l'importance de la faute, de la lettre d'observation du 17 juin 2009 restée sans effet et de l'ancienneté de [V] [J], légèrement inférieure à 4 ans, le licenciement constitue une sanction proportionnée.

L'employeur a initié la procédure de licenciement dès réception des doléances de [N] [S].

Le comportement réitéré de [V] [J] générait une souffrance au travail qui rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, étant rappelé qu'il pèse sur l'employeur l'obligation de préserver la santé des salariés.

En conséquence, le licenciement repose sur une faute grave et [V] [J] doit être débouté de ses demandes.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le jugement entrepris doit être infirmé.

[V] [J] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Juge que le licenciement repose sur une faute grave,

Déboute [V] [J] de ses demandes,

Déboute les parties de leurs demandes présentées en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [V] [J] aux dépens de première instance,

Ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [V] [J] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Christine SENTIS Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 12/08456
Date de la décision : 05/07/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°12/08456 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-05;12.08456 ?
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