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27/06/2013 | FRANCE | N°11/03807

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 27 juin 2013, 11/03807


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : 11/03807





SAS SOCIETE MIXEL



C/

[U]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Mai 2011

RG : 07/04300











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 27 JUIN 2013







APPELANTE :



SAS SOCIETE MIXEL

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représent

ée par Me Olivier GELLER de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[H] [U]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Thierry BRAILLARD de la SELARL JUSTICIAL AVOCATS, avocat au barreau de ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 11/03807

SAS SOCIETE MIXEL

C/

[U]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Mai 2011

RG : 07/04300

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 27 JUIN 2013

APPELANTE :

SAS SOCIETE MIXEL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Olivier GELLER de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[H] [U]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Thierry BRAILLARD de la SELARL JUSTICIAL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/016788 du 08/09/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

PARTIES CONVOQUÉES LE : 19 Septembre 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Avril 2013

Présidée par Hervé GUILBERT magistrat rapporteur et Christian RISS, Conseiller, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président

Hervé GUILBERT, Conseiller

Christian RISS, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Juin 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [H] [U] a été engagé à compter du 20 avril 1998 en qualité de soudeur chaudronnier par la société MIXEL S.A., spécialisée dans l'étude et la réalisation d'appareils de mélange, telles notamment les hélices et les turbines.

Disant souffrir de son exposition à l'acide fluorhydrique sur son lieu de travail depuis le mois de mars 2005, il a consulté différents médecins et suivi des traitements médicaux qui se sont révélés sans effet et a été en arrêt de travail le 12 décembre 2006.

A la suite d'un incident survenu le 18 janvier 2007, pour lequel il a souscrit une déclaration d'accident du travail le jour même, renouvelée le 31 janvier 2007 avec l'indication d'une maladie professionnelle, il a bénéficié d'un arrêt de travail jusqu'au 28 février 2007.

Le médecin du travail l'a ensuite déclaré temporairement apte à la reprise de son poste de travail, de préférence comme chaudronnier, ou avec une mutation en magasin ou en montage, dans l'attente des résultats de la consultation de pathologie professionnelle.

Puis, lors d'une nouvelle visite organisée le 27 mars 2007, le médecin du travail a finalement conclu à son inaptitude au poste de travail dans les termes suivants :

« Inapte à son poste de soudeur chaudronnier car inapte à un poste de travail nécessitant le port constant . . . d'un masque et inapte à l'exposition aux vapeurs d'acide.

Recherche de postes pouvant convenir dans l'entreprise le 26 mars 2007.

Conclusions : état de santé du salarié ne me permet pas de déterminer des tâches ou les postes existant dans l'entreprise et que le salarié pourrait exercer.

Procédure de danger immédiat. »

Par correspondance en date du 1er avril 2007, la société MIXEL a proposé à Monsieur [U] deux postes de reclassement sans exposition à un produit toxique, l'un en qualité d'agent technico-commercial et l'autre de secrétaire technique.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 1] a pour sa part informé le 19 avril 2007 la société MIXEL de sa décision prise le jour même de refuser de prendre en charge dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels l'accident dont avait été victime le 18 janvier 2007 Monsieur [U], au motif qu'il n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 411 ' 1 du code de la sécurité sociale, le salarié n'ayant pas évoqué « de fait accidentel précis mais une exposition à un risque professionnel pour lequel une déclaration de Maladie Professionnelle a été souscrite . . . et est en cours d'instruction ».

Le salarié ayant ensuite expressément refusé les deux offres de reclassement qui lui avaient été proposées, selon lettre du 24 avril 2007 adressée à la société MIXEL, celle-ci l'a convoqué le 28 avril 2007 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, puis, après la tenue de cet entretien, lui a notifié le 15 mai 2007 son licenciement pour inaptitude à effectuer son travail et lui a remis l'ensemble des documents afférents à la rupture, le dispensant d'exécuter la période de préavis et prétendant le remplir de l'intégralité de ses droits.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 1] a finalement reconnu l'affection dont souffrait Monsieur [U] au titre de maladie professionnelle le 16 octobre 2007.

Monsieur [U] a saisi le conseil de prud'hommes afin de contester la cause de son licenciement, en considérant qu'il était la conséquence de manquements fautifs de son employeur, et a demandé sa condamnation à lui payer les sommes de:

' 64'000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 3 576,38 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 357,64 € au titre des congés payés afférents,

' 3 250,00 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement pour maladie professionnelle,

' 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société MIXEL s'est opposée à ses demandes et a sollicité reconventionnellement l'octroi d'une indemnité de 2 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 10 mai 2011, le conseil de prud'hommes de Lyon a dit que la société MIXEL, contrairement à ce qu'elle soutenait, savait au moment du licenciement qu'une procédure avait été engagée par Monsieur [U] pour faire reconnaître sa maladie professionnelle et que dans ces conditions, il aurait dû bénéficier de la législation réservée aux victimes des accidents du travail et maladies professionnelles.

Il a en outre considéré que l'inaptitude de Monsieur [U] à exercer son activité professionnelle était la conséquence de la faute de l'employeur et des manquements à ses obligations résultant notamment des dispositions de l'article L. 230 '2 du code du travail (devenu L.4121' 1 du code du travail) , pour avoir exposé le salarié indirectement à des vapeurs irritables du fait de la proximité de son poste de travail d'un bac d'acide ouvert et mal ventilé, et a condamné la société MIXEL à lui payer les sommes de :

' 3 576,38 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 357,64 € au titre des congés payés afférents,

' 3 250,00 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

' 18'000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a également ordonné, en application de l'article 515 du code de procédure civile, l'exécution provisoire de sa décision pour toutes les sommes mises à la charge de la société MIXEL, en précisant que la moyenne des salaires sur les trois derniers mois s'élevait à la somme brute de 1788,81 € .

Il a en outre assorti ces condamnations des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2007 pour les créances salariales, et à compter de la date de la décision pour les dommages-intérêts.

Il a enfin condamné la société MIXEL à payer à Monsieur [U] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté la société MIXEL de sa demande reconventionnelle présentée sur le même fondement, l'a condamnant en outre aux entiers dépens.

La société MIXEL a relevé appel de cette décision en concluant à son infirmation, au rejet des prétentions du salarié, et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en faisant valoir :

- que la législation spécifique aux maladies professionnelles, dont il est demandé l'application, ne peut être invoquée en l'espèce au motif que la décision de prise en charge de l'affection déclarée par Monsieur [U] n'est intervenue que le 16 octobre 2007, soit six mois après le licenciement, et qu'en outre elle conteste avoir reçu préalablement pour information de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie le double de la déclaration de la maladie professionnelle souscrite par le salarié ;

- que Monsieur [U] ne démontre pas qu'elle aurait été informée d'un risque particulier ou d'un danger avéré à son poste de travail à un moment où il était en activité ;

- qu'aucune dangerosité particulière n'a été relevée au sein de l'atelier, les contrôles effectués n'ayant pas démontré de risque quelconque au poste de soudure, même indirect

- qu'aucun contrôle particulier ne devait être effectué au poste de soudure dans la mesure où celui-ci n'induisait pas de pollution spécifique;

- qu'aucune non-conformité, en tant que telle, n'a été relevée au poste de décapage voisin, étant précisé que, durant ses opérations spécifiques, les opérateurs étaient munis de masque; qu'en outre la position 2 du variateur de la hotte aspirante n'a été indisponible que pendant quelques semaines au mois de mai 2007, de sorte qu'il n'existe aucun lien de causalité entre cette défaillance et la maladie professionnelle antérieure de Monsieur [U] ;

- qu'aucun manquement à une quelconque règle d'hygiène et de sécurité n'a été relevée, en lien de causalité directe avec l'affection de Monsieur [U] ,

- qu'enfin aucun aménagement de son poste de travail n'a été effectué après son départ de l'entreprise.

Monsieur [U] conclut pour sa part à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société MIXEL à lui payer des sommes de :

' 3576,38 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

' 357,63 € au titre des congés payés sur préavis,

' 3 250,00 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

' 1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il forme toutefois un appel incident en demandant sa réformation pour le surplus et la condamnation de la société MIXEL à lui payer la somme de 64'000 € à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, outre un montant de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que sa maladie professionnelle, qui se traduit par des manifestations irritatives des voies aériennes respiratoires, résulte d'une faute de l'employeur consistant à l'avoir exposé de manière prolongée à une substance nocive (acide fluorhydrique) sans protection adaptée, et il prétend en apporter la preuve en faisant valoir :

' que les opérations de décapage étaient réalisées sans dispositif de captage des vapeurs émises, ainsi qu'il en ressort des observations formulées par la Caisse Régionale d'Assurance Maladie Rhône-Alpes le 20 avril 2007 à la suite de sa visite du 11 avril 2007 ;

' que la société MIXEL s'est abstenue de produire les rapports relatifs aux contrôles périodiques des installations d'aération et d'assainissement des locaux de travail des années antérieures à 2007 afin de démontrer qu'elle n'avait pas manqué à son obligation de sécurité résultat ressortant des dispositions de l'article L. 4121' 1 du code du travail ; que le rapport de contrôle établi en 2007 révèle à cet égard un problème de réglage du variateur du bac d'acide en position 2, établissant que Monsieur [U] avait travaillé dans des conditions non conformes à la législation dans les années antérieures, et que son employeur avait ainsi manqué à son obligation de sécurité ;

' que la société MIXEL ne justifie pas qu'elle affectait les équipements de protection individuelle nécessaires pour les deux postes de travail que Monsieur [U] occupait tant pour la soudure que pour le décapage, ni que ces équipements étaient conformes, et encore objets de vérifications périodiques; qu'en outre, il n'est pas justifié qu'il ait bénéficié d'une formation adéquate comportant un entraînement au port de cet équipement de protection individuelle, telle que prévue par l'article R. 233 ' 44 du code du travail ;

' que la société MIXEL a encore refusé de produire des rapports d'intervention du contrôleur du travail malgré l'injonction qui lui en avait été faite par le conseil de prud'hommes le 7 septembre 2010.

Il prétend dès lors son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, dans la mesure où il est la conséquence de son inaptitude physique résultant d'une faute de son employeur consistant à l'avoir exposé à une substance nocive sans protection adaptée, et qu'il lui a occasionné un préjudice moral et financier important pour être resté sans emploi pendant plusieurs mois avant de ne retrouver ensuite qu'un emploi à temps partiel.

A l'audience publique du 8 novembre 2012 les conseils des parties ont développé oralement à la barre les conclusions écrites qu'ils avaient précédemment déposées et l'affaire a été mise en délibéré au 25 janvier 2013.

Par note en délibéré parvenue le 28 novembre 2012 au greffe de la cour, le conseil de Monsieur [U] a transmis la copie de l'arrêt rendu le 13 novembre 2012 par la cour d'appel de Lyon statuant en matière de sécurité sociale, aux termes duquel la maladie de Monsieur [U] a été déclarée imputable à la faute inexcusable de la société MIXEL.

La cour a ainsi ordonné le 25 janvier 2013 la ré-ouverture des débats à l'audience du 11 avril 2013 pour permettre à chacune des parties de présenter d'éventuelles observations ou demandes.

A cette dernière audience, les conseils des parties ont présenté des observations, indiquant qu'un pourvoi en cassation avait été formé par la société MIXEL à l'encontre de l'arrêt rendu le 13 novembre 2012 par la cour d'appel de Lyon statuant en matière de sécurité sociale, de sorte que ce dernier n'était pas définitif.

DISCUSSION :

1°) Sur l'application de la législation réservée aux victimes des accidents du travail et des maladies professionnelles à la date du licenciement :

Attendu que Monsieur [U] a été victime d'un incident survenu le 18 janvier 2007 sur son lieu de travail qui a donné lieu à une déclaration d'accident du travail le jour même, puis d'une prolongation d'arrêt de travail le 31 janvier 2007 jusqu'au 28 février 2007 pour maladie professionnelle au titre du tableau 32 A pour exposition à l'acide fluorhydrique;

Attendu que si le salarié a été déclarée temporairement apte à son poste de soudeur par le médecin du travail lors de la visite de reprise du 2 mars 2007, il a ensuite fait l'objet d'un avis d'inaptitude de la part de ce même médecin le 27 mars 2007 selon la procédure de danger immédiat, amenant son employeur à prononcer son licenciement le 15 mai 2007 ;

Attendu que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 1] a pour sa part fait connaître à la société MIXEL dès le 19 avril 2007 que l'accident du 18 janvier 2007 ne pouvait être pris en charge dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels en l'absence de fait accidentel précis, mais qu'une déclaration de maladie professionnelle avait été souscrite et était en cours d'instruction ;

qu'indépendamment du point de savoir si la société MIXEL n'avait pas été destinataire, ainsi qu'elle le prétend, de la correspondance que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie lui aurait adressée le 25 avril 2007 contenant la copie de la déclaration de maladie professionnelle de Monsieur [U], il ressort de la lettre précitée du 19 avril 2007, qu'elle reconnaît avoir reçue, qu'elle avait été informée de l'existence d'une déclaration de maladie professionnelle en cours d'instruction ;

Attendu dans ces conditions que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes de Lyon a considéré que « la société MIXEL , contrairement à ce qu'elle soutient, savait, au moment du licenciement qu'une procédure avait été engagée par Monsieur [U] pour faire reconnaître sa maladie professionnelle » ;

que la qualification de maladie professionnelle devait en conséquence être retenue par l'employeur jusqu'à ce qu'il en soit éventuellement décidé autrement par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, les règles spécifiques aux victimes d'une maladie professionnelle devant s'appliquer à Monsieur [U] dès lors que l'employeur avait eu connaissance à la date du licenciement de l'origine professionnelle de sa maladie ressortant non seulement de sa déclaration par le salarié, mais encore de l'avis de l'inspecteur du travail l'ayant déclaré inapte à l'exposition aux vapeurs d'acide et ayant constaté qu'aucun poste dans l'entreprise ne pouvait lui convenir ;

que le caractère de maladie professionnelle n° 32 a finalement été retenu par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 1] dans sa décision notifiée le 16 octobre 2007 à l'encontre de laquelle aucun recours n'a été exercé ;

Attendu qu'il importe en conséquence de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a condamné la société MIXEL sur le fondement de l'article L.122-32-6 (devenu L.1226-14) du code du travail à payer à Monsieur [U] l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.122-8 (devenu L.1234-5) du code du travail d'un montant de 3 576,38 € , outre la somme de 357,64 € au titre des congés payés afférents, et le solde de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L.122-9 (devenu L.1234-9) du code du travail, soit la somme de 3 250,00 € ;

2°) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts présentée par Monsieur [U] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu qu'indépendamment de la procédure suivie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, saisi par Monsieur [U] afin de faire reconnaître la faute inexcusable de la société MIXEL, qui a rejeté sa demande, et de l'arrêt infirmatif rendu le 13 novembre 2012 par la cour d'appel de Lyon statuant en matière de sécurité sociale qui y a fait droit, et qui n'est pas définitif à ce jour en raison du pourvoi en cassation formé à son encontre par la société MIXEL, la juridiction prud'homale était compétente pour statuer sur la demande présentée par le salarié tendant à dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à la suite de son inaptitude physique qu'il imputait à la faute de l'employeur ;

Attendu qu'en l'espèce il n'est pas contesté par la société MIXEL que Monsieur [U] était affecté au poste de soudure - chaudronnerie situé à environ 10 mètres du poste de décapage des pièces à l'acide, les deux espaces étant séparés par un rideau industriel visible sur les photographies qu'il verse aux débats; que pour exercer son activité de soudeur, l'intimé reconnaît avoir disposé d'une cagoule spécifique alors que les personnes travaillant dans la zone de décapage étaient équipées de protections individuelles et de masques à cartouche ;

qu'il prétend avoir ainsi été exposé indirectement mais de manière permanente, sans protection adaptée, aux vapeurs d'acide provenant du poste de décapage voisin et il produit l'attestation en ce sens de Monsieur [Q] indiquant avoir constaté « qu'il y avait une cuve de bain d'acide, où l'on faisait tremper des hélices, à côté du poste de travail de Monsieur [U] . . . (qui) . . . dégageait des vapeurs irritantes » ; que ce dernier ne précise toutefois pas avoir constaté que Monsieur [U] aurait souffert de cette proximité, ni que lui-même aurait éprouvé des gênes respiratoires lors de son départ de l'entreprise le 22 juin 2001; que le bac d'acide est en effet muni d'un couvercle et d'une ventilation spécifique ;

Mais attendu qu'à supposer même l'exposition indirecte avérée, il importe d'observer que Monsieur [U] a été constamment déclaré apte à son poste de travail de 1998 à 2007 par le médecin du travail, la seule réserve ayant été émise le 29 novembre 2006 , soit 3 mois avant l'engagement de la procédure de licenciement pour inaptitude, et consistant au port impératif du masque personnel à cartouche lors des opérations de décapage des hélices réalisées par ses collègues ;

qu'il a toutefois considéré, selon les conclusions qu'il a fait déposer dans le cadre de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, que le port du masque à cartouche était incompatible avec celui de la cagoule de soudage, et qu'il ne justifie pas avoir fait part à son employeur de cette difficulté, au demeurant non relevée par le médecin du travail, de sorte qu'il n'apparaît pas que la société MIXEL ait été alertée d'un danger particulier avant l'avis d'inaptitude émis le 27 mars 2007 par le médecin du travail ;

Attendu que Monsieur [U] affirme encore avoir été directement exposé aux vapeurs d'acide lorsqu'il effectuait lui-même des tâches de décapage, celles-ci ressortant également de ses attributions ;

qu'à cet égard la fiche de poste qu'il verse aux débats mentionne expressément qu'il « assure (également) le décapage des pièces » ;

qu'il s'agit toutefois d'une activité accessoire à son activité principale de soudure;

qu'il prétend même à l'audience avoir effectué lui-même des pulvérisations d'acide pour le décapage des grands arbres d'agitateurs et autres pièces importantes ne pouvant être plongées dans le bac approprié, mais qu'il n'en justifie pas, et que la seule attestation qu'il verse aux débats de Monsieur [Q] n'en fait pas mention ;

que la société MIXEL justifie pour sa part que «Monsieur [H] [U] ne procédait pas à la pulvérisation des grands arbres» selon l'attestation de Monsieur [P] [V], chef d'atelier, qu'elle verse aux débats; que ce dernier a en outre attesté que «les opérations de pulvérisation des grands arbres étaient effectuées majoritairement après le départ des opérateurs», de sorte que Monsieur [U] n'a pu être exposé à un risque, même indirect, du fait de sa proximité ;

Attendu en outre que, lors de sa visite effectuée le 9 mars 2007 après que Monsieur [U] ait été déclaré temporairement apte à son poste, l'inspecteur du travail a constaté qu'un salarié, qui n'était pas Monsieur [U], était occupé à réaliser des travaux de décapage à l'acide par pulvérisation sur des pièces de grandes dimensions et que les conditions de travail étaient conformes à la réglementation en vigueur, seule ayant été relevée l'absence de cartouche neuve disponible sur place pour remplacer celle utilisée et éventuellement usagée; que ce manquement ne peut manifestement être en relation avec la maladie professionnelle de l'intimé ;

que Monsieur [U] est ainsi mal fondé à demander que l'employeur justifie de la conformité des équipements de protection mis à la disposition des salariés, ou encore de l'existence d'une formation spécifique à l'utilisation de ces équipements, ces demandes étant sans relation avec la maladie professionnelle invoquée ;

qu'en tout état de cause, Monsieur [U] reconnaît avoir disposé pour exercer ses tâches de décapage des équipements spécifiques de protection individuelle et des masques à cartouche ;

Attendu qu'il soutient cependant encore que la société MIXEL ne saurait prétendre à l'absence de manquement à son obligation de sécurité résultat par le seul fait qu'elle munissait les salariés affectés à des tâches de décapage des équipements nécessaires à leur protection, alors qu'elle ne produit la preuve des achats des différents masques à cartouches ou à filtres que pour les années 2005, 2006 et 2007, et qu'il est au service de la société depuis 2007 ;

que le moyen est toutefois dépourvu de pertinence dans la mesure où la société MIXEL justifie de l'acquisition du matériel de protection nécessaire à ses salariés pour les trois dernières années, et que la demande d'autres justificatifs pour les années antérieures présentée par Monsieur [U] est arbitraire et sans intérêt ;

Attendu que Monsieur [U] prétend encore que les opérations de décapage étaient réalisées sans dispositif de captage des vapeurs émises, ainsi que l'a relevé la Caisse Régionale d'Assurance Maladie Rhône-Alpes dans sa correspondance adressée le 20 avril 2007 après sa visite du 11 avril 2007, préconisant même un nouveau système de décapage qui limite les débits d'air au minimum et assure une plus grande sécurité pour les opérateurs, mais que les travaux ainsi proposés n'ont pas été entrepris, la société MIXEL s'étant seulement contentée de sous traiter à partir de l'année 2009 des tâches occasionnelles ;

Mais attendu que la société MIXEL justifie du contrôle complet qu'elle a fait effectuer le 15 mai 2007 du système d'aspiration installé sur le bain d'acide et des deux bras d'aspiration présents sur les postes de soudure ;

qu'elle produit à cet égard le rapport de contrôle de la société NORISKO énonçant que la ventilation générale des locaux est conforme, et par conséquent suffisante pour l'aération lors des pulvérisations sur les arbres des agitateurs, en contradiction avec les préconisations de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie précitées ;

que la ventilation de l'atelier de soudure est satisfaisante, de sorte qu'aucune infraction ne peut être reprochée à la société MIXEL sur le fondement de l'ancien article R.232-5-7 devenu R.4222-12 du code du travail ;

que celle du bac d'acide pose problème, dans la mesure où le variateur de vitesse en position 2 ne fonctionnait pas, de sorte que les valeurs d'aspiration étaient acceptables couvercle baissé, mais considérées trop faibles lorsque des pièces étaient plongées dans le bac; qu'aucune non-conformité ou infraction n'a toutefois été relevée ;

que la force d'aspiration niveau 2 n'était cependant pas défaillante lors du contrôle effectué par l'inspecteur du travail le 9 mars 2007, dans la mesure où elle n'avait pas été constatée comme telle, de sorte que Monsieur [U] n'avait pu être exposé pendant son activité professionnelle à un risque quelconque du fait de son non fonctionnement constaté seulement après son départ de l'entreprise; que la société MIXEL justifie en tout état de cause avoir changé le variateur de ventilation du bac d'acide au mois de juillet 2007 ;

qu'enfin, s'agissant de l'exposition indirecte par émanation de vapeurs provenant du bac d'acide, le rapport NORISKO ne relève aucune anomalie ou danger et, tout au contraire, la conformité de la ventilation au poste de soudeur, contredisant ainsi les dires de Monsieur [U] se plaignant d'une exposition indirecte et permanente à des vapeurs irritantes;

que ce rapport a été transmis au contrôleur du travail qui n'a formulé aucune observation particulière ;

Attendu enfin que la société MIXEL n'étant pas intervenue les années précédentes pour modifier le dispositif de ventilation de ses ateliers, la production des rapports de contrôle des années antérieures est sans intérêt ;

Attendu dans ces conditions qu'aucun manquement à une règle d'hygiène et de sécurité, en lien de causalité direct avec l'affection dont souffre Monsieur [U] n'ayant été établi, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la société MIXEL;

que Monsieur [U] doit en conséquence être débouté de sa demande tendant à faire juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour inaptitude physique du fait d'un manquement imputable à l'employeur ;

qu'il convient dès lors de le débouter de sa demande de dommages et intérêts présentée en application de l'article L.1235-3 du code du travail et de réformer en ce sens le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon ;

Attendu par ailleurs qu'aucune des parties ne voyant aboutir intégralement ses prétentions devant la cour, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en cause d'appel en faveur de quiconque des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

que la société MIXEL supporte toutefois la charge des entiers dépens;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement rendu le 10 mai 2011 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a dit que le licenciement pour inaptitude physique de Monsieur [H] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la faute de l'employeur et du manquement à ses obligations résultant notamment des dispositions de l'article L.230-2 (devenu L.4121-1) du code du travail et a condamné la société MIXEL S.A. à lui payer la somme de 18 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et,

Statuant à nouveau,

DIT que la société MIXEL S.A. n'a commis aucun manquement aux règles d'hygiène et de sécurité applicables dans l'entreprise en relation directe avec l'inaptitude physique de Monsieur [H] [U] constatée par le médecin du travail ;

que le licenciement de Monsieur [H] pour inaptitude physique est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE en conséquence Monsieur [H] [U] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail ;

CONFIRME pour le surplus le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives présentées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE enfin la société MIXEL S.A. aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 11/03807
Date de la décision : 27/06/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°11/03807 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-27;11.03807 ?
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