AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 12/00831
[H]
C/
SARL ATS-BE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 16 Janvier 2012
RG : F10/00691
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 18 JUIN 2013
APPELANT :
[P] [I] [H]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 3] (69)
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Laurence JUNOD-FANGET, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SARL ATS-BE
MR [T], dirigeant
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparant en personne, assistée de Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL SELARL avocats au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Février 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président
Mireille SEMERIVA, Conseiller
Catherine PAOLI, Conseiller
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Juin 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
[P] [H] a été engagé par la S.A.R.L. ATS-BE en qualité de dessinateur le 9 février 2001. Son contrat de travail était soumis à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques.
Par avenant contractuel du 2 mai 2003, [P] [H] est devenu responsable B.E., technicien bureau d'études & projeteur dessinateur niveau 1 en électricité tertiaire et industrie (ETAM, position 2.2, coefficient 310), moyennant un salaire mensuel brut de 1 450 € pour 35 heures hebdomadaires de travail, complété par une prime de fin d'année selon les résultats financiers réalisés par la société et l'implication personnelle du salarié.
Suivant avenant du 5 janvier 2007 au contrat de travail, [P] [H] est devenu responsable technique, chargé de travaux en installations d'électricité industrielle (ETAM, position 4, coefficient 630, filière contrôle - essai- maintenance, spécifique à l'équipement électrique). Son salaire mensuel brut a été fixé à 1 875 € pour la même durée de travail.
Des fiches de fonction de technico-commercial et d'objectifs ont été signées par les parties les 3 janvier 2006, 3 décembre 2007 et 24 novembre 2008. La dernière en date a constaté l'engagement de [P] [H] à 'continuer à gérer le parc informatique en accord avec la direction comme il l'a fait depuis son embauche'.
En dernier lieu, [P] [H] percevait un salaire brut fixe de 2 350 €. Ce salaire était complété depuis 2006 par des commissions sur le chiffre d'affaires facturé, correspondant aux techniciens qu'il plaçait.
[P] [H] a été placé en congé de maladie le 20 janvier 2009. Il a perçu les indemnités journalières de la Caisse primaire d'assurance maladie jusqu'au 6 septembre 2009.
Lors de la visite de reprise du 2 juin 2009, le médecin du travail a émis l'avis suivant :
En référence à l'article R 4624-31 du code du travail, en connaissance du poste de travail dans l'entreprise et du fait du risque de danger immédiat pour la santé du salarié en cas de maintien à un poste de travail dans l'entreprise, Monsieur [H] est déclaré inapte définitif à l'emploi dans l'entreprise.
Inaptitude définitive en une seule fiche.
Par lettre du 15 juin 2009, le médecin du travail a confirmé à l'employeur que l'état de santé de [P] [H] ne lui permettait d'exercer une activité professionnelle ni dans l'entreprise ni dans le groupe.
Par lettre recommandée du 17 juin 2009, la S.A.R.L. ATS-BE a convoqué [P] [H] le 25 juin en vue d'un entretien préalable à son licenciement.
Le salarié ne s'est pas rendu à la convocation.
Par lettre recommandée du 30 juin 2009, l'employeur lui a notifié son licenciement pour impossibilité de reclassement et/ou d'aménagement de poste suite à inaptitude médicale définitive.
[P] [H] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 17 février 2010.
* * *
LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 1er février 2012 par [P] [H] du jugement rendu le 16 janvier 2012 par le Conseil de prud'hommes de LYON (section commerce) qui a :
- dit et jugé que :
le licenciement de [P] [H] repose sur un motif réel et sérieux, à savoir l'inaptitude définitive du salarié et l'impossibilité de le reclasser,
la S.A.R.L. ATS-BE ne s'est pas rendue coupable d'exécution déloyale du contrat de travail,
[P] [H] est mal fondé en ses réclamations,
- donné acte à la S.A.R.L. ATS-BE de son engagement à refaire un chèque d'un montant de
4 620,61 € au titre des sommes versées par la Caisse de prévoyance, sous réserve du désistement de la part de [P] [H] du précédent chèque n°9463037D qui lui avait été adressé à ce titre,
- en conséquence, débouté [P] [H] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la S.A.R.L. ATS-BE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 19 février 2013 par [P] [H] qui demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a donné acte à la S.A.R.L. ATS-BE de son engagement à refaire un chèque d'un montant de 4 620,61 € au titre des sommes versées par la Caisse de prévoyance, sous réserve du désistement de la part de [P] [H] du précédent chèque n°9463037D qui lui avait été adressé à ce titre,
- réformer pour le surplus le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Lyon en date du 16 janvier 2012,
- prononcer la nullité de son licenciement pour harcèlement moral,
- en conséquence, condamner la S.A.R.L. ATS-BE à verser à [P] [H] la somme de 96 340 € à titre de dommages-intérêts,
- condamner la S.A.R.L. ATS-BE à verser à [P] [H] la somme de 7 163 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 716,30 € de congés payés afférents ;
A titre subsidiaire :
- condamner la S.A.R.L. ATS-BE à verser à [P] [H] la somme de 96 340 € à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail, la somme de 7 163 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 716,30 € de congés payés afférents ;
En tout état de cause :
- condamner la S.A.R.L. ATS-BE à verser à [P] [H] :
au titre des commissions pour les 1er et 2ème trimestre 2009 : 7 388,62 €, outre 738,86 € de congés payés afférents,
à titre de remboursement des factures de téléphone : 379,88 €,
à titre d'indemnité de congés payés sur le fondement de l'article 23 de la convention collective nationale : 4 jours soit 764, 71 €,
à titre de rappel d'heures supplémentaires : 45 075,86 €, outre 4 057,59 € à titre de congés payés y afférents ;
- condamner la S.A.R.L. ATS-BE à verser à [P] [H] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 19 février 2013 par la S.A.R.L. ATS-BE qui demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter en conséquence [P] [H] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner [P] [H] au paiement de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur la demande de commissions pour les 1er et 2ème trimestre 2009 :
Attendu que lorsqu'un salarié n'est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ;
Qu'en l'espèce, les commissions versées à [P] [H] sur le chiffre d'affaires facturé n'étaient pas une rente assise sur le produit de l'activité des techniciens qu'il plaçait, mais la contrepartie de son activité professionnelle ; que la rémunération de l'appelant ne pouvait donc être maintenue que dans les conditions prévues par les articles 41 et 43 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, et non comme contrepartie du chiffre d'affaires facturé en son absence ;
Qu'en conséquence, [P] [H] doit être débouté de ce chef de demande ;
Sur le remboursement des factures de téléphone :
Attendu que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC ;
Qu'en l'espèce, [P] [H] a dû signer une autorisation de prélèvement sur son compte bancaire des sommes correspondant au dépassement du forfait téléphonique de deux heures dont il disposait pour ses communications professionnelles ; que la S.A.R.L. ATS-BE ne soutient ni ne démontre que les prélèvements litigieux correspondaient à des communications personnelles ; qu'elle dénie curieusement à la fois la nécessité pour [P] [H] d'être en contact téléphonique avec les techniciens qu'il plaçait, même lorsque lui-même ne se trouvait pas dans les locaux de l'entreprise, et celle de recevoir les techniciens dans son bureau après l'exécution de leur mission, c'est-à-dire au-delà de l'horaire collectif ; que le régime mis en place par la S.A.R.L. ATS-BE était de nature soit à empêcher le salarié d'exercer normalement ses fonctions soit à le contraindre de conserver la charge d'une partie de ses frais professionnels ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé et la S.A.R.L. ATS-BE condamnée à rembourser à [P] [H] la somme de 379,88 € qu'il sollicite ;
Sur les remboursements de l'organisme de prévoyance :
Attendu que la Cour n'est saisie d'aucun moyen contre ce chef de la décision entreprise ;
Sur le jour de congé supplémentaire conventionnel :
Attendu que [P] [H] n'a pas bénéficié du jour ouvré supplémentaire de congés payés prévu par l'article 23 de la convention collective nationale applicable ; qu'en effet, la S.A.R.L. ATS-BE, qui soutient que le salarié utilisait cette journée pour effectuer des démarches personnelles (médecin, commissariat de police...), sans que cela soit formalisé, n'en rapporte pas la preuve ; qu'il sera donc fait droit à ce chef de demande ;
Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires :
Attendu qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, le juge forme sa conviction au vu des éléments que l'employeur doit lui fournir pour justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande ;
Qu'en l'espèce, l'horaire collectif affiché était le suivant : 8 heure 30 - 12 heures et 13 heures 30 - 17 heures 30 (16 heures le vendredi) ;
Que la Cour retient des pièces et des débats qu'il était impossible pour [P] [H] d'effectuer les tâches précisées dans ses fiches de fonctions, et celles qui s'y sont ajoutées (formations professionnelles), dans la limite de trente-cinq heures hebdomadaires de travail ; qu'[S] [PT], ancien responsable d'une filiale de la S.A.R.L. ATS-BE, atteste de ce que le gérant de celle-ci considérait que [P] [H] était corvéable à merci et qu'il était normal que celui-ci fût présent le soir et le week-end ; que l'attestant a même vu plusieurs fois le gérant téléphoner au salarié pendant ses congés pour un dépannage informatique mineur ; que [J] [N], [B] [Y] et [G] [Q], qui travaillaient sous la responsabilité de [P] [H], attestent de ce qu'ils faisaient régulièrement le point avec celui-ci sur leurs missions chez les clients ; que ces réunions avaient lieu après leur journée de travail, soit après 18 heures ; que [O] [E], responsable de bureau d'études, qui restait travailler jusque vers 19 heures, a pu constater que l'appelant était régulièrement présent soit pour effectuer son travail commercial soit pour l'aider au bureau d'études ; que [F] [V], qui a travaillé avec la société CEGELEC dont la S.A.R.L. ATS-BE était sous-traitante pour un chantier à [Localité 2], certifie que [P] [H] a participé à des réunions hebdomadaires de mai 2006 à mars 2007 et restait généralement jusqu'à 19 heures/19 heures 30 pour terminer ses plans et les transférer ; que l'assertion de la S.A.R.L. ATS-BE selon laquelle [P] [H] prenait des libertés le matin avec l'horaire collectif est corroborée seulement par une attestation de [R] [D], qui sera examinée ci-après, et qui est contredite par une attestation de [K] [Z] ; que la société intimée se borne à remettre en cause la valeur probante des attestations communiquées par [P] [H] sans communiquer elle-même aucun élément permettant de connaître précisément, au-delà d'un horaire collectif purement théorique, le volume des heures effectivement réalisées par le salarié ; que le consentement implicite du président directeur général à l'accomplissement par l'appelant d'heures supplémentaires se déduit de la charge de travail considérable qu'il imposait au salarié ; qu'il est indifférent que [P] [H] ait attesté le 21 novembre 2007, dans le cadre d'un autre contentieux, que ni ATS-BE ni CEGELEC n'avait demandé à [NL] [C] ou à lui-même d'effectuer des heures supplémentaires ; qu'en cette circonstance, l'appelant a agi en service commandé ; qu'il en est de même pour [R] [D], comptable, qui a délivré à l'employeur le 3 août 2011 une brève attestation, aux termes de laquelle les horaires de [P] [H] étaient 'plus ou moins libres', ce dernier ayant pour habitude de prendre ses fonctions plus tard le matin et de rester plus tard le soir ; qu'il n'est pas indifférent que l'appelant mette ses difficultés avec la S.A.R.L. ATS-BE en relation avec son refus de délivrer à celle-ci une attestation dans le cadre d'un autre litige l'opposant à [M] [X], directeur adjoint du groupe ; que la S.A.R.L. ATS-BE a néanmoins été condamnée par cette Cour à payer à ce dernier un rappel de salaire pour heures supplémentaires par un arrêt du 22 mars 2012 (section B - RG n°11/01219), mentionné par le conseil de l'appelant dans ses observations orales ;
Que la Cour retire des pièces et des débats la conviction que [P] [H] a accompli les heures supplémentaires dont il sollicite le paiement ; que la S.A.R.L. ATS-BE sera donc condamnée à lui verser la somme de 45 075,86 € à titre de rappel de salaire et celle de 4 057,59 € au titre des congés payés afférents ;
Sur le harcèlement moral :
Attendu qu'aux termes des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements précédemment définis ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ;
Attendu qu'aux termes de l'article L 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Que si le constat d'un état pathologique permet malaisément de remonter à sa cause, et ici d'autant moins que l'épuisement consécutif à la charge de travail de [P] [H] pourrait expliquer l'évolution dépressive constatée, l'appelant communique les attestations de :
[NL] [OP], qui a travaillé pendant dix-huit mois dans son équipe comme technicien, et qui certifie que [P] [H] était sans arrêt repris par le président directeur général sur ses cols de chemise ouverts, rabaissé lors de réunions de collaborateurs ('tais-toi, tu comprends jamais rien'), considéré comme l'homme à tout faire (entretien du traceur, gestion du parc informatique et des lignes téléphoniques, changement des ampoules usagées, réglage de la climatisation des locaux d'une filiale), que le président directeur général [U] [T] s'adressait toujours à lui en criant, que [P] [H] travaillait dans un bureau contigu de celui de [U] [T] et n'était pas autorisé à fermer la porte entre les deux bureaux ce qui interdisait toute conversation privée,
[L] [MH] [FY] qui, après avoir repris sur quinze lignes la liste des tâches diverses de [P] [H], relate un épisode au cours duquel [U] [T] avait dit à [P] [H] qu'il ne méritait pas son salaire, exemple parmi d'autres des incessantes persécutions dont l'appelant faisait l'objet à propos de son investissement dans le travail et de la qualité de celui-ci,
[W] [A] qui fait état des moqueries subies par [P] [H] de la part du président directeur général au sujet de sa tenue vestimentaire, 'pourtant très convenable', confirme que la porte du bureau de l'appelant était constamment ouverte, que ce dernier assurait la maintenance du bâtiment (nettoyage des bouches de climatisation, entretien de l'aquarium, changement des ampoules),
[S] [PT] qui rapporte que pendant qu'il assurait des formations techniques non prévues dans ses fiches de fonctions, [P] [H] était fréquemment dérangé par le président directeur général qui lui demandait de monter tout de suite dans son bureau, ce qui était perturbant et remettait en cause la crédibilité de [P] [H] vis-à-vis des stagiaires ;
Qu'il ressort de ces pièces que le lien de subordination juridique qui caractérise le contrat de travail s'était transformé en rapport de soumission ; que [U] [T] imposait au salarié des tâches peu valorisantes, sans lien avec sa qualification, s'accordait un droit de regard sur sa tenue vestimentaire, le maintenait dans son orbite ou le rappelait immédiatement si besoin était, sans se soucier d'interrompre une autre mission ; que [P] [H] n'était pas payé de considération pour ses multiples services puisque, selon son employeur, il ne comprenait pas et ne méritait pas son salaire ; que le sentiment de dévalorisation et la perte de confiance relevés par le docteur [AI] sont en relation avec cette situation ;
Que selon la S.A.R.L. ATS-BE, les accusations de harcèlement moral ne reposent que sur les témoignages de salariés avec lesquels [P] [H] travaille aujourd'hui et qui sont soit ses partenaires soit des salariés placés sous sa subordination, à l'exclusion de [W] [A], qui est un ami personnel de l'appelant ; qu'au vu du rapport de filature de l'agent privé de recherches que la S.A.R.L. ATS-BE a mandaté pour suivre [L] [MH] [FY], la Cour ne doute pas que l'employeur s'est donné les moyens d'établir les liens d'amitié existant entre [P] [H] et [W] [A], même si aucune preuve n'en est produite en justice ; que la Cour considère que les liens professionnels et, dans un cas, personnels existant entre les témoins et le demandeur n'invalident pas des attestations qui exposent de manière détaillée et dans des termes chaque fois différents les vicissitudes subies par l'appelant ; que [P] [H] a établi des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que la S.A.R.L. ATS-BE n'a pas prouvé que les agissements décrits n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé ;
Sur le licenciement :
Attendu que toute rupture du contrat de travail qui résulte d'agissements répétés de harcèlement moral, toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail est nul de plein droit ; que le licenciement notifié à [P] [H] le 30 juin 2009 est donc nul ;
Attendu que le salarié, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est au moins égal à celui prévu par l'article L 1235-3 du code du travail ;
Qu'en l'espèce, après avoir élaboré un projet personnalisé d'accès à l'emploi et passé un bilan de compétence, [P] [H] a été engagé par la société B.E.L. ; qu'il ne produit aucun avis de paiement des allocations de Pôle Emploi ; que sa période de recherche d'emploi a été très brève ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 32 000 € le montant de l'indemnité due à l'appelant en réparation du préjudice consécutif au licenciement nul ;
Attendu que [P] [H] peut prétendre en outre à une indemnité compensatrice de préavis de 7 163 € et à une indemnité de congés payés sur préavis de 716,30 € ;
Attendu que le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement hormis en application de l'article L 1235-4 du code du travail, en cas de nullité du licenciement en conséquence de la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser [P] [H] supporter les frais qu'il a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 3 000 € lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- donné acte à la S.A.R.L. ATS-BE de son engagement à refaire un chèque d'un montant de
4 620,61 € au titre des sommes versées par la Caisse de prévoyance, sous réserve du désistement de la part de [P] [H] du précédent chèque n°9463037D qui lui avait été adressé à ce titre,
- débouté [P] [H] de sa demande de commissions pour les 1er et 2ème trimestre 2009 ;
Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,
Statuant à nouveau :
Condamne la S.A.R.L. ATS-BE à payer à [P] [H] :
la somme de quarante-cinq mille soixante-quinze euros et quatre-vingt-six centimes
(45 075,86 €) à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,
la somme de quatre mille cinquante-sept euros et cinquante-neuf centimes ( 4 057,59 €) au titre des congés payés afférents,
la somme de trois cent soixante-dix-neuf euros et quatre-vingt-huit centimes (379,88 €) en remboursement des frais professionnels de téléphone,
la somme de sept cent soixante-quatre euros et soixante-et-onze centimes (764, 71 €) à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2010, date de réception par la S.A.R.L. ATS-BE de la convocation devant le bureau de conciliation ;
Dit que [P] [H] a été victime de harcèlement moral et qu'en conséquence, le licenciement notifié le 30 juin 2009 par la S.A.R.L. ATS-BE est nul,
Condamne la S.A.R.L. ATS-BE à payer à [P] [H] la somme de trente-deux mille euros (32 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice en résultant, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,
Dit que les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, relatives au remboursement par l'employeur à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage versées au salarié, ne sont pas applicables,
Condamne la S.A.R.L. ATS-BE à payer à [P] [H] :
la somme de sept mille cent soixante-trois euros (7 163 €) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
la somme de sept cent seize euros et trente centimes (716,30 €) à titre d'indemnité de congés payés afférente,
et ce avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2010 ;
Condamne la S.A.R.L. ATS-BE à payer à [P] [H] la somme de trois mille euros
(3 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.R.L. ATS-BE aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffierLe Président
S. MASCRIERD. JOLY