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03/04/2013 | FRANCE | N°11/08415

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 03 avril 2013, 11/08415


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 11/08415





SAS RHONE CHIMIE SERVICES



C/

[U]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 30 Novembre 2011

RG : F11/00008











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 03 AVRIL 2013













APPELANTE :



SAS RHONE CHIMIE SERVICES

[Adresse 2]
>[Localité 1]



représentée par Me Thierry CHAUVIN, avocat au barreau de VALENCE







INTIMÉE :



[H] [U]

Chez Mme [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par la SELARL LUCCHIARI (Me Pierre Yves LUCCHIARI), avocats au barreau de ROANNE



substituée par Me Laurence ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 11/08415

SAS RHONE CHIMIE SERVICES

C/

[U]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 30 Novembre 2011

RG : F11/00008

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 03 AVRIL 2013

APPELANTE :

SAS RHONE CHIMIE SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Thierry CHAUVIN, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

[H] [U]

Chez Mme [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par la SELARL LUCCHIARI (Me Pierre Yves LUCCHIARI), avocats au barreau de ROANNE

substituée par Me Laurence CHANTELOT de la SCP CHANTELOT, avocat au barreau de ROANNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 24 Avril 2012

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Janvier 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre

Hervé GUILBERT, Conseiller

Christian RISS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Avril 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Hervé GUILBERT, pour le Président empêché, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS

Le 1er mai 1986, la S.A. RHÔNE CHIMIE INDUSTRIE basée à [Localité 3] (Ardèche) embauchait par un contrat écrit à durée indéterminée [H] [U] en tant que représentante de commerce exclusive avec le statut de VRP payée à la commission sur le chiffre d'affaires réalisé ;

[H] [U] avait pour secteur d'activité tout ou partie des départements de la Loire, du Rhône et de la Saône-et-Loire ;

Le contrat de travail faisait au fil des années l'objet de plusieurs avenants portant sur le secteur et le commissionnement ;

Le 1er janvier 1989, [H] [U] devenait représentante à temps partiel à raison de 70 heures mensuelles ;

Au début de 1998, la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES venait aux droits et obligations de la S.A. RHÔNE CHIMIE INDUSTRIE ;

Un nouveau contrat de travail était signé avec [H] [U] le 12 février 1998 ;

Dans les années suivantes il faisait l'objet de plusieurs avenants portant comme précédemment sur le secteur et le commissionnement ;

Les relations entre l'employeur et la salariée se dégradaient à partir de 2006, le premier reprochant à la seconde ses mauvais résultats ;

Le 17 novembre 2008, à la suite d'une réduction du secteur situé dans la Loire, les parties signaient une transaction par laquelle l'employeur versait à la salariée une indemnité de 5.929,53 € et cette dernière renonçait à une contestation judiciaire ;

Le 17 juin 2010, le client OREXAD BOQUIN-DARNE signait un engagement prévisionnel appelé bon de commande sur l'instigation de [H] [U] et via le mandataire ESCAT ;

Par mail du 22 juin 2010, ce client avisait la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES de la non-validité de cet engagement ;

Par lettre recommandée avec avis de réception du 25 juin 2010, la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES interdisait à [H] [U] de prendre contact avec ce client, ESCAT devenant un client grands comptes géré par la direction ;

Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 juillet 2010, la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES sommait [H] [U] de lui restituer le véhicule, dont elle avait la disposition à titres professionnel et privé depuis plusieurs années ;

La salariée n'obtempérait pas ;

Par lettre recommandée avec avis de réception du 31 août 2010, l'employeur lui adressait une nouvelle mise en demeure et fixait un rendez-vous pour le 10 septembre 2010 de nouveau à fin de restitution du véhicule ;

Ce courrier restait sans suite ;

Par lettre recommandée avec avis de réception du 20 septembre 2010, la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES convoquait [H] [U] à un entretien préalable au licenciement fixé au 1er octobre 2010 à 17 heures 30 au siège de l'entreprise ;

[H] [U] ne se présentait pas à cet entretien ;

Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 octobre 2010, la sans cause réelle et sérieuse licenciait [H] [U] pour cause réelle et sérieuse :

- prospection insuffisante,

- résultats inférieurs de moitié aux objectifs contractuels,

- absence de comptes rendus des activités,

- insuffisance de nouveaux clients,

- nombreuses amendes pour infractions au code de la route ;

La S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES dispensait [H] [U] d'exécuter le préavis de trois mois ;

PROCÉDURE

Contestant le licenciement et se prétendant victime d'un harcèlement moral, [H] [U] saisissait le 13 janvier 2011 le conseil de prud'hommes de Roanne en condamnation de la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES à lui payer les sommes suivantes :

- 21.653,14 € à titre de rappel de salaires pour rétention injustifiée de commissions (frais du véhicule);

- 2.165,31 € au titre des congés payés y afférents,

- 12.400 € à titre de rappel de commissions sur la commande ESCAT,

- 1.240 € au titre des congés payés y afférents,

- 22.2000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 44.400 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 44.400 € au titre de l'indemnité de clientèle,

- 10.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Comparaissant, la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES concluait au débouté total de [H] [U] et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par jugement contradictoire du 30 novembre 2011, le conseil de prud'hommes de Roanne, section de l'encadrement, disait le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnait la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES à payer à [H] [U] les sommes suivantes :

- 15.063,14 € à titre de rappel de salaires pour rétention injustifiée de commissions (frais du véhicule);

- 12.400 € à titre de rappel de commissions sur la commande ESCAT,

- 1.240 € au titre des congés payés y afférents,

- 44.400 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Il rejetait les autres demandes et ordonnait l'exécution provisoire du jugement ;

La S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES interjetait appel du jugement le 12 décembre 2011 ;

Le 19 décembre 2011, elle faisait assigner [H] [U] en référé devant le Premier Président de la cour d'appel de Lyon en arrêt de l'exécution provisoire du jugement ;

Par ordonnance du 16 janvier 2012, ce magistrat rejetait la demande en ce qui concernait l'exécution provisoire de droit et ordonnait pour le surplus la consignation des sommes auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations ;

La S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES conclut à l'infirmation partielle du jugement, au débouté total de [H] [U] et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Interjetant appel incident, [H] [U] conclut à la condamnation de la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES à lui payer les sommes suivantes :

- 21.653,14 € à titre de rappel de salaires pour rétention injustifiée de commissions (frais du véhicule);

- 2.165,31 € au titre des congés payés y afférents,

- 12.400 € à titre de rappel de commissions sur la commande ESCAT,

- 1.240 € au titre des congés payés y afférents,

- 22.2000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 44.400 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 44.400 € au titre de l'indemnité de clientèle,

- 10.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de salaires et congés payés y afférents pour rétention injustifiée de commissions (frais du véhicule)

Attendu que [H] [U] bénéficiait d'un véhicule mis à sa disposition par la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES pour ses déplacements tant privés que professionnels ;

Attendu que cette facilité n'était prévue ni au contrat de travail ni dans un avenant ultérieur ;

Attendu que la soixantaine d'autres représentants n'en disposaient pas et avaient en charge tous leurs frais de voyages ;

Attendu que cette mise à disposition d'un véhicule ne relevait pas d'une intention libérale de l'employeur, qui ne s'explique par aucune pièce versée aux débats ;

Attendu que la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES comptait chaque mois la somme de 145 € au titre d'un avantage en nature et prélevait ponctuellement sur les commissions de [H] [U] une certaine somme au titre des frais de carburant, péage et entretien du véhicule ;

Attendu que l'employeur mettait de la sorte les frais à la charge de la salariée et se conformait ainsi à la pratique de l'entreprise ;

Attendu que [H] [U] est dès lors mal fondée à invoquer une retenue indue sur sa rémunération, ce qui la rend mal fondée en sa demande, dont la cour la déboutera ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;

Sur le rappel de commissions sur la commande ESCAT

Attendu que selon l'article 5 du contrat de travail du 12 février 1998 le droit à commissions n'était acquis définitivement que sur les affaires menées à bonne fin, c'est à dire après acceptation des ordres par la Société, livraison et encaissement effectif et complet des factures ;

Attendu que cette commande prise dans des conditions litigieuses n'arrivait pas à bonne fin, ce qui rend [H] [U] mal fondée en sa demande ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral

Attendu que selon l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Attendu que, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ;

Attendu que [H] [U] ne présente aucun élément au soutien de sa prétention ;

Attendu que la décision des premiers juges, qui ont rejeté la demande, doit être confirmée ;

Sur le licenciement

Attendu que selon l'article L. 1235-1 du code du travail en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Attendu que l'insuffisance de résultats ne caractérise une cause de licenciement que si elle est due à la carence du salarié ;

Attendu que la lettre de licenciement, qui circonscrit le litige, contient les motifs suivants :

- prospection insuffisante,

- résultats inférieurs de moitié aux objectifs contractuels,

- absence de comptes rendus des activités,

- insuffisance de nouveaux clients,

- nombreuses amendes pour infractions au code de la route ;

Attendu que [H] [U] était représentante avec le statut de VRP ;

Attendu qu'elle devait en vertu de l'article 4 du contrat de travail prospecter, développer et fidéliser une clientèle, réaliser un chiffre d'affaires minimal de 10.000 € par mois et rendre périodiquement compte de son activité à la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES ;

Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que la salariée méconnaissait ses obligations à partir de 2008 et que de nombreux rappels à l'ordre et mises en demeure de l'employeur restaient sans suite ;

Attendu qu'ainsi elle réalisait en 2009 un chiffre d'affaires de 95.000 € inférieur de 20% aux objectifs minimaux ;

Attendu qu'elle était le représentant le plus ancien dans l'entreprise mais se situait au 57ème rang sur 63 ; que ses suivants étaient tous récemment arrivés ; que le meilleur représentant réalisait un chiffre d'affaires dépassant le quadruple du sien ;

Attendu que dans le même temps elle faisait l'objet de multiples verbalisations pour des infractions routières commises en Île-de-France, en dehors et loin de son secteur de travail ;

Attendu qu'en présence d'une situation insatisfaisante, qui perdurait depuis plusieurs années la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES se trouvait en octobre 2010 fondée à se séparer de [H] [U] ;

Attendu que le licenciement repose ainsi sur une cause réelle et sérieuse, ce qui rend [H] [U] mal fondée en sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;

Sur l'indemnité de clientèle

Attendu que selon l'article L. 7313-13 du code du travail en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ;

Attendu que le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié ;

Attendu que [H] [U] avait pendant 24 ans et 5 mois pour secteur d'activité tout ou partie des départements de la Loire, du Rhône et de la Saône-et-Loire ;

Attendu que la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES reconnaît qu'elle lui apportait des clients mais en perdait d'autres ;

Attendu que [H] [U] percevait le 17 novembre 2008, à la suite d'une réduction du secteur situé dans la Loire, de ce chef une indemnité de 5.929,53 € ;

Attendu que la cour a ainsi les éléments pour accorder à [H] [U] une indemnité complémentaire de 6.000 € ;

Attendu que la décision des premiers juges doit être infirmée ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme partiellement le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déboute [H] [U] de sa demande de rappel de salaires et congés payés pour rétention injustifiée de commissions,

Déboute [H] [U] de sa demande de rappel de commissions et congés payés sur la commande ESCAT,

Dit que le licenciement de [H] [U] se fonde sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute [H] [U] de sa demande de dommages-intérêts de ce chef,

Condamne la S.A.S. RHÔNE CHIMIE SERVICES à payer à [H] [U] la somme de 6.000 € à titre de solde de l'indemnité de clientèle,

Confirme le jugement déféré sur le harcèlement moral, les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Rejette les demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formulées en cause d'appel,

Condamne [H] [U] aux dépens d'appel.

Le Greffier, Pour Le Président empêché

Evelyne FERRIER Hervé GUILBERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 11/08415
Date de la décision : 03/04/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°11/08415 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-03;11.08415 ?
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