AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 11/02054
SARL JSP
C/
[E]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 01 Mars 2011
RG : F 09/03227
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 03 AVRIL 2013
APPELANTE :
SARL JSP
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Pierre COMBES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[H] [E]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne
assisté de Me Virginie DENIS-GUICHARD, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/011727 du 09/06/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
PARTIES CONVOQUÉES LE : 12 Juillet 2011
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Octobre 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre
Hervé GUILBERT, Conseiller
Christian RISS, Conseiller
Assistés pendant les débats de Marie BRUNEL, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 03 Avril 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Hervé GUILBERT, pour le Président empêché, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 1er mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes de LYON , dont appel ;
Vu les conclusions déposées le 11 octobre 2012 par la S.A.R.L. JSP, appelante, incidemment intimée ;
Vu les conclusions déposées le 9 octobre 2012 par [H] [E], intimé, incidemment appelant ;
Ouï les parties en leurs explications orales à l'audience du 11 octobre 2012 ;
La Cour,
Attendu que [H] [E] est entré au service de la S.A.R.L. JSP le 1er novembre 1999 avec reprise d'ancienneté au 1er septembre 1990, en qualité d'opérateur polyvalent tourneur, le contrat de travail étant soumis à la convention collective de la métallurgie du Rhône ;
Attendu que se plaignant de ce que sa rémunération était inférieure au S.M.I.C. dès lors qu'elle incluait une prime de bonus qui ne présentait pas les caractères de fixité et de prévisibilité, [H] [E] a saisi la juridiction du Travail en lui demandant de condamner l'employeur à lui payer des rappels de salaires et des dommages et intérêts ;
Attendu que par jugement du 1er mars 2011, la Conseil de Prud'hommes de LYON a fait droit aux prétentions du salarié portant sur les rappels de salaire et a en outre condamné la société défenderesse à lui payer la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts, le tout avec exécution provisoire ;
Attendu que la S.A.R.L. JSP a régulièrement relevé appel de cette décision le 22 mars 2011 ;
Attendu q'elle soutient essentiellement à l'appui de sa contestation que la prime de bonus litigieuse constitue un élément prévisible de la rémunération, qu'elle est liée à la prestation de travail du salarié, qu'elle est calculée sur la production d'une équipe de travailleurs et que son mode de calcul résulte d'un barème connu de tous les salariés, de sorte qu'elle doit être intégrée dans la rémunération de base, laquelle est dès lors supérieure au SM.I.C. ;
Attendu que formant appel incident, [H] [E] demande à la Cour d'ajouter aux rappels de salaires qui lui ont été accordés par les premiers juges la majoration des heures de nuit qui ne lui a jamais été réglée par l'employeur ;
qu'il ajoute que le conflit persistant malgré les termes du jugement critiqué, il a donné sa démission pendant le cours de l'instance d'appel ;
qu'il prie en conséquence la Cour de qualifier sa démission de prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et de condamner celui-ci à lui payer la somme de 11 542,05 € à titre d'indemnité de licenciement et celle de 12 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu, sur la prime de bonus, que par lettre du 1er décembre 2010, l'Inspection du Travail du département du Rhône a attiré l'attention de la S.A.R.L. JSP sur le fait que la prime de bonus dont le calcul dépend d'éléments sur lesquels les salariés n'influent pas, ne peut être intégrée dans la rémunération de base devant être comparée au S.M.I.C. ;
Attendu qu'il ressort du dossier et des débats que la prime de bonus litigieuse n'avait aucun caractère prévisible, son montant étant fort variable, que le barème selon lequel elle était calculée n'était pas défini par un accord collectif, et que son montant ne dépendait pas uniquement de la production du salarié dès lors que le tonnage produit était aussi fonction de contraintes imposées par d'autres services ;
Attendu en conséquence que c'est à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a considéré que la prime de bonus litigieuse ne pouvait être intégrée dans le salaire minimum perçu par l'intimé et que la rémunération de base de ce dernier était dès lors inférieure au S.M.I.C.;
que les juges du premier degré ont exactement apprécié le préjudice qui a ainsi été causé au salarié et que leur décision sera donc intégralement confirmée ;
Attendu, sur les heures de nuit, que l'intimé expose qu'il travaillait de 5 heures à 13 heures et de 13 heures à 21 heures en alternance une semaine sur deux , de sorte qu' il travaillait de nuit entre 5 heures et 6 heures une semaine sur deux mais qu'il n'a jamais été réglé de la majoration de 25 % sur ces heures de nuit ;
Attendu cependant qu'outre le fait que l'intimé n'établit pas avoir effectué des heures de nuit, le décompte qu'il produit ne peut qu'être écarté puisqu'il ne présente pas la seule majoration de 25 % dont se prévaut l'intéressé mais couvre l'intégralité du salaire correspondant alors qu'il n'est pas soutenu que le salaire de base ne lui aurait pas été réglé;
qu'il en est de même concernant la demande d'actualisation au titre des années 2011 et 2012
que ces prétentions seront donc écartées ;
Attendu, sur la rupture du contrat de travail, que compte tenu du conflit persistant entre l'employeur et le salarié au sujet de la rémunération de ce dernier, la démission de [H] [E] présente un caractère équivoque ;
qu'elle doit dès lors s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
que cette prise d'acte était justifiée dès lors que l'employeur s'est toujours refusé à verser au salarié une rémunération de base au moins égale au S.M.I.C., ce malgré la décision des juges de première instance ;
Attendu que la S.A.R.L. JPS sera donc condamnée à payer l'intimé la somme de 11542,05 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;
que par application de l'article L 1235-3 du Code du Travail la société appelante sera en outre condamnée à lui payer la somme de 8 500 € à titre de dommages et intérêts , le salaire de base de l'intéressé s'élevant à la somme brute de 1 398,37 € ;
Attendu enfin que la Cour fera application de l'article 37 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle à hauteur de 1 000 € ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;
Au fond, dit le second seul et partiellement justifié ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant, dit que la démission de [H] [E] doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la S.A.R.L. JPS à payer à [H] [E] :
1° la somme de 11 542,05 € à titre de dommages et intérêts,
2° la somme de 8 500 € à titre de dommages et intérêts ;
Déboute [H] [E] de toutes autres prétentions ;
Condamne la S.A.R.L. JPS à payer à M e DENIS-GUICHARD, avocat, une indemnité de 1 000 € par application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Le Greffier, Pour le Président empêché,
Evelyne FERRIER Hervé GUILBERT