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26/03/2013 | FRANCE | N°12/03487

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 26 mars 2013, 12/03487


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEURS





R.G : 12/03487





SAS ELB MULTIMEDIA



C/

[T]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 27 Avril 2012

RG : F 10/03249











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 26 MARS 2013







APPELANTE :



SAS ELB MULTIMEDIA

[Adresse 1]

[Localité 2]



r

eprésentée par Me Jonathan AZERAD, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[B] [T]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 3] (35)

[Adresse 2]

[Localité 1]



comparant en personne, assisté de Me Philippe MICHALON, avocat au barreau de LYON











DÉBATS EN AUDIE...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEURS

R.G : 12/03487

SAS ELB MULTIMEDIA

C/

[T]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 27 Avril 2012

RG : F 10/03249

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 26 MARS 2013

APPELANTE :

SAS ELB MULTIMEDIA

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jonathan AZERAD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[B] [T]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 3] (35)

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Philippe MICHALON, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Décembre 2012

Didier JOLY, Président et Mireille SEMERIVA, Conseiller, tous deux magistrats rapporteurs, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Hervé GUILBERT, Conseiller

Mireille SEMERIVA, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Mars 2013 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE :

Le 12 novembre 2009, la SAS ELB Multimédia a engagé [B] [T] en qualité de commercial, qualification A, coefficient 100, pour une rémunération brute mensuelle de 1 528,79 € pour 169 heures, la relation de travail étant régie par la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, les principales missions étant ainsi définies :

- mission de vente de nos services en appels entrant et sortants,

- développement du portefeuille de clients,

- renseignement de nos prospects en ventes directes et indirectes sur nos offres d'hébergement et services associés,

- conseils aux clients.

La période d'essai de deux mois prévue contractuellement a été renouvelée pour la même durée le 12 janvier 2010.

Par courrier du 10 mai 2010, la SAS ELB Multimédia a convoqué [B] [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui a notifié une mise à pied conservatoire.

Par courrier du 31 mai 2010, elle lui a signifié son licenciement pour faute grave à raison de 'téléchargements illégaux et répétitifs au sein de l'entreprise'.

Contestant cette mesure, [B] [T] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon qui, par jugement du 27 avril 2012, a :

- écarté la faute grave,

- dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS ELB Multimédia à lui payer les sommes de

' 1 045,48 € à titre de salaire pendant la mise à pied du 11 au 31 mai 2010 et 104,54 € au titre des congés payés afférents,

' 2 037,79 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 203,77 € au titre des congés payés afférents,

' 43,17 € à titre de rappel de salaire du 12 novembre 2009 au 31 mai 2010 et 4,31 € au titre des congés payés afférents,

' 950 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS ELB Multimédia a interjeté appel de cette décision par déclaration du 4 mai 2012.

Aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 18 décembre 2012, elle demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris sur le rappel de salaire de 43,17 € outre congés payés afférents, de l'infirmer pour le surplus, de débouter [B] [T] de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.

Dans ses écritures régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 18 décembre 2012, [B] [T] conclut ainsi :

- dire prescrits les faits exposés par la SAS ELB Multimédia au soutien du licenciement dès lors entaché de nullité,

- confirmer le jugement en ce qu'il dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave,

- le réformer pour le surplus,

- condamner la SAS ELB Multimédia à lui payer les sommes de

' 5 572,65 € à titre de rappels de salaire et 557,26 € au titre des congés payés afférents,

' 5 215,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 521,54 € au titre des congés payés afférents,

' 2 043,99 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied et 204,39 € au titre des congés payés afférents,

' 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour mise à pied,

' 16 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

' 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Sur la classification :

Le contrat de travail indique une position A coefficient 100 correspondant, dans la convention collective applicable à cadre débutant titulaire du diplôme de sortie des écoles visées dans la définition des ingénieurs.

Les parties s'accordent à reconnaître l'absence de statut cadre et la nécessaire classification de [B] [T] en fonction de celle prévue pour les employés (ETAM).

La SAS ELB Multimédia reconnaît l'erreur commise dans le contrat et argue d'une classification position 1.3.1 coefficient 220 pour un salaire minimum brut de 1 364,05 € pour 151,57 heures de travail entraînant un rappel de salaire à concurrence de 43,17 € dont elle admet être débitrice.

[B] [T] soutient, lui, que l'article 7 de la convention collective fixant la période d'essai à un mois pour les salariés du coefficient 200 au coefficient 355 inclus et à deux mois pour les salariés du coefficient 400 au coefficient 500 inclus, il doit, conformément à la durée contractuellement prévue pour sa période d'essai, bénéficier a minima du coefficient 400.

Toutefois, la disposition visée date, au regard de sa dernière modification, du 5 juillet 1991, l'arrêté d'extension étant du 2 janvier 1992.

Or, postérieurement, la loi du 25 juin 2008 a donné une définition de la période d'essai et en a déterminé la durée.

Le contrat de travail liant les parties du 12 novembre 2009, soit postérieur à ce texte, a prévu une durée de période d'essai de deux mois conformément à l'article L 1221-19 du code du travail , cette durée étant impérative et se substituant aux accords collectifs antérieurs prévoyant des durées plus courtes.

[B] [T] ne peut dès lors se baser sur ce seul élément textuel pour en déduire la classification applicable, il lui appartient de rapporter la preuve que les fonctions réellement exercées se rattachent à un coefficient supérieur à celui indiqué par l'employeur.

N'apportant aucun élément aux débats à ce titre, il ne fait pas cette démonstration.

La décision qui a condamné la SAS ELB Multimédia au paiement de la somme de 43,17 € à titre de rappel de salaire du 12 novembre 2009 au 31 mai 2010 et 4,31 € au titre des congés payés afférents sera donc confirmée sur ce point.

2- Sur le licenciement :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du débat, énonce des griefs précis et matériellement vérifiables constituant le motif exigé par la loi, peu important l'absence de datation.

Le moyen tiré de la prescription sur ce seul motif doit être écarté.

Le licenciement prononcé pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire.

Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

La lettre de licenciement énonce un seul motif : 'téléchargements illégaux et répétitifs au sein de l'entreprise'

Il appartient en conséquence à l'employeur de démontrer que [B] [T] a :

- effectué des téléchargements,

- que ceux-ci étaient illégaux,

- et ce, à plusieurs reprises.

Pour réaliser cette démonstration, il verse aux débats un relevé de connexions réalisé le 3 mai 2010 sur l'adresse IP 10.6.18.29.

Sur ce relevé ne figure qu'une seule visite sur le site 'allotracker.com' entre 14h43minutes19secondes (ci après 14.43.19) et 14.45.57 soit 2minutes30.

En effet, on constate l'ouverture de la page d'accueil du site entre 14.43.19 et14.43.22, puis une connexion de l'utilisateur à son compte de 14.43.30 à 14.43.31, un temps mort sans action pouvant correspondre à un temps de lecture de 20 secondes.

A 14.43.51, le relevé indique un clic sur détails d'un fichier (chaque ligne ne correspondant pas à une action mais au chargement de tous les éléments de la page), apparemment du film 'les faucons de la nuit,2".

La page reste affichée durant environ 50 secondes.

A 14.44.44, est effectué un nouveau clic sur une autre page consultée pendant 40 secondes, puis sur une autre durant 30 secondes.

A 14.45.57 apparaît la déconnexion de ce site.

Les indications suivantes montrent la recherche sur le moteur Google de sites de jeux et la connexion à jeux-vidéo.com qui n'est pas un site de téléchargement.

Figurent de nombreuses autres connexions dans la journée à des sites tels que face-book, meetic-partners ou encore l'équipe ou footmercato.

Toutefois, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne vise pas l'usage d'internet au temps du travail pour un motif non professionnel ou la connexion à des sites permettant le téléchargement illégal mais seulement l'existence de téléchargement illicites et réitérés.

Le relevé du 3 mai 2010, seul élément produit, s'il manifeste une connexion à un site permettant des téléchargements ne caractérise pas l'action même de téléchargement, les données y figurant ne faisant état que de consultation d'images ou de pages cinéma ('détails d'un torrent').

La preuve de téléchargements (au pluriel), illicites et réitérés, n'est pas faite.

Dès lors sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens tenant à la certitude de l'utilisation de cette adresse IP par [B] [T] voire même de sa présence dans l'entreprise à cette date, il convient de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

[B] [T] est en droit de prétendre au paiement du salaire de 1 045,48 € pendant la période de mise à pied du 11 au 31 mai 2010 et 104,54 € au titre des congés payés afférents et de 1 915,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis sur la base de son salaire moyen mensuel au cours de l'année 2010 outre 191,54 € au titre des congés payés afférents, l'article 15 de la convention collective fixant à un mois la durée du préavis pour un salarié de coefficient inférieur à 400 ayant moins de deux ans d'ancienneté.

En application de l'article L1235-5 du code du travail, en cas de licenciement pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

[B] [T], âgé de 25 ans, ne produit aucune justification de sa situation personnelle et professionnelle après la rupture survenue alors qu'il comptait 6 mois d'ancienneté.

La SAS ELB Multimédia sera condamnée à lui verser une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts.

Selon l'article L 1235-4 du code du travail dans les cas prévus aux articles L 1235-3 et

L 1235-11 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Les deux articles précités ne trouvant pas ici à s'appliquer, [B] [T] n'ayant pas deux années d'ancienneté, il n'y a pas lieu à ordonner ce remboursement.

En licenciant [B] [T] pour faute grave après une mise à pied conservatoire et en le forçant ainsi à quitter son emploi brutalement, en raison de motifs non établis, la SAS ELB Multimédia lui a causé un préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 1'000 €.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS ELB Multimédia à payer à [B] [T] les sommes de :

- 43,17 € à titre de rappel de salaire du 12 novembre 2009 au 31 mai 2010 et 4,31 € au titre des congés payés afférents,

- 1 045,48 € à titre de salaire pendant la mise à pied du 11 au 31 mai 2010 et 104,54 € au titre des congés payés afférents,

- 950 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS ELB Multimédia à payer à [B] [T] les sommes de :

- 1 915,40 € € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 191,54 € au titre des congés payés afférents,

- 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS ELB Multimédia aux dépens.

Le greffierLe Président

S. MASCRIERD. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 12/03487
Date de la décision : 26/03/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°12/03487 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-26;12.03487 ?
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